Aéronautique - Le Salon du Bourget - L'Armée de l'air suédoise - Les forces aériennes des pays de l'Est à la fin de 1968
Le Salon du Bourget
Le Salon aéronautique du Bourget se tiendra du 29 mai au 8 juin, c’est-à-dire sensiblement au moment où paraîtra ce numéro de la revue. Il serait donc aventuré de tenter d’en faire une description trop précise qui s’exposerait à souffrir d’une comparaison avec la réalité : en effet, un mois avant l’ouverture, on peut sans doute annoncer les surfaces demandées par les participants, tant pour leurs stands que pour leurs présentations « statiques » d’appareils, mais on est encore incertain sur les types d’avions qui seront montrés au sol et en vol.
Ainsi, à en croire Aviation Week (mais cette revue, très prolixe le 31 mars sur le sujet, ne l’a plus abordé depuis), l’Union soviétique aurait-elle l’intention de faire montre de ses capacités techniques en matière aérospatiale en jouant sur le fait qu’elle possède le plus gros hélicoptère du monde, le Mil Mi-12 (1), et qu’elle a fait voler la première un avion de transport supersonique (2). Mais des bruits circulent toujours, selon lesquels le prototype du Tu-144 aurait subi des dégâts importants à l’atterrissage, lors d’un de ses vols d’essais.
Les Russes auraient aussi l’intention de présenter le Beriev Be-30 (Cuff en code Otan) qui emmène 14 passagers et doit jouer au sein de l’Aeroflot le rôle d’un courrier pour courtes distances. Il est ou sera équipé de deux turbopropulseurs Astazou XII ou XIV aux hélices interconnectées.
Peut-être verra-t-on également un nouvel avion « d’affaires » à réaction, dessiné par Mikoyan et probablement destiné à l’exportation, mais qui a reçu jusqu’ici peu de publicité, sans doute parce que le nom et la conception d’« avion d’affaires » paraissent un peu hérétiques en pays « socialiste », ainsi qu’un petit avion à décollage et atterrissage courts (STOL), l’Antonov An-14 (Clod en code Otan), qui, avec ses deux moteurs de 300 chevaux, peut emmener 7 passagers.
Notons au passage qu’aucun de ces appareils n’est sorti jusqu’ici de l’espace aérien russe, et que seuls le Be-30 et l’An-14 ont fait l’objet, en Union soviétique même, de présentations officielles au public. Dans un autre ordre d’idées, la hauteur sous plafond réclamée par les Russes pour leur pavillon paraît correspondre à celle d’une cabine Soyouz en position de lancement.
Au contraire, les États-Unis semblent compter surtout sur l’effet produit par la présentation d’Apollo 8 et des sous-ensembles qui s’y rattachent. Il est à craindre qu’il n’y ait de leur fait moins d’appareils nouveaux présentés en vol que l’on pouvait l’espérer naguère.
Le ministère de la Défense, sur recommandation de l’Armée de l’air américaine, ne donnerait pas en principe l’autorisation de présenter à Paris le C-5A Galaxy ; de même l’Armée de l’air semble refuser le personnel de soutien qu’elle était jusqu’alors convenue de fournir. Quant au Boeing 747, la rigueur du calendrier des essais et des livraisons interdirait de soustraire un seul exemplaire au programme de certification.
On est un peu moins incertain en ce qui concerne les autres pays.
La Grande-Bretagne mettra l’accent sur les équipements qui, on le sait, sont un des secteurs essentiels de l’industrie aéronautique d’outre-Manche pour ce qui touche aux exportations. En outre, on peut espérer voir au sol ou en vol : le Hawker Siddeley P1.127 Harrier à décollage vertical, le Hawker Siddeley 801 Nimrod, le McDonnell Douglas F-4 Phantom II équipé de moteurs Rolls Royce Spey, la patrouille acrobatique des Red Arrows (qui a perdu dans un accident le 26 mars un de ses membres, le lieutenant Bowler), ainsi qu’un Handley Page Victor ravitaillant en vol deux Lightning.
Le Canada aura, pour la première fois, un pavillon en propre. Parmi les avions, on compte voir le De Havilland Canada DHC5 Buffalo (3), le DHC6 Twin Otter (4), mais on craint que le Canadair CL-215A, commandé par la France pour lutter contre les incendies de forêts, n’obtienne pas son certificat de navigabilité en temps utile pour être présenté en vol.
On pense que l’Allemagne fédérale montrera le Dornier Do-31, dans sa version E1, à décollage classique, et sa version E3 à décollage vertical (on utilise à cette fin, à la fois les tuyères orientables des réacteurs de croisière et la poussée verticale de huit réacteurs Rolls Royce RB162, du même type que ceux qui devaient équiper le Mirage V).
Messerschmitt-Bölkow présentera probablement de son côté deux nouveaux modèles d’avions légers qu’on a décidé récemment de construire en série ; ils avaient été présentés l’an dernier en tant que prototypes au Salon de Hanovre, sous d’autres noms :
– le Bo-209 Monsun (ex-MHK-101) est un biplace d’école, de sport et de tourisme, de construction métallique, à aile basse repliable et train tricycle, dont seule la roue avant est escamotable. Il est équipé d’un moteur Lycoming de 115 CV ;
– le LFU 205, appelé à devenir le Bo-210, est un avion partiellement en matière plastique, étudié et réalisé par le groupe Leichtflugtechnik-Union sous la maîtrise d’œuvre de Bölkow. C’est un quadriplace aux performances assez remarquables : 300 km/h avec un moteur Lycoming de 200 CV.
Je me dispenserai de passer en revue tous les pays un à un, car mon seul dessein est de donner une idée de la variété des appareils qui seront présentés au Salon. De même, je ne dirai rien des avions français, car les revues aéronautiques nationales n’auront pas manqué de donner avant la publication de cet article tous les détails sur ce sujet.
Je signalerai cependant l’existence d’un stand préparé par l’Armée de l’air, comme chaque année, mais considérablement augmenté et amélioré dans sa présentation. Il mettra l’accent sur la participation importante de l’Armée de l’air à la formation des navigants militaires des pays d’expression française ; il montrera comment l’entrée en service d’avions militaires de hautes performances précédant celle des avions civils correspondants permet de résoudre en partie, par avance, les problèmes soulevés par leur mise au point ; il présentera enfin aux jeunes gens désireux de s’engager des tableaux et des schémas avec tous les renseignements souhaitables sur leur carrière future, en fonction de leurs aptitudes et de leurs connaissances.
Rappelons enfin qu’inauguré officiellement le 30 mai, le Salon se terminera le 8 juin par la grande présentation aérienne, et qu’il sera ouvert au public pendant toute cette période sauf le 6 juin, consacré à la réception des autorités françaises et étrangères. Cette année l’accent a été mis sur la sécurité. Une commission des présentations en vol a été créée, réunissant des autorités représentant le Salon, l’Aéroport de Paris, l’Armée de l’air et le Centre d’essais en vol ; elle est chargée d’approuver le règlement et les principes adoptés pour les présentations en vol. Elle aura pouvoir d’exclure temporairement ou définitivement des meetings nationaux les pilotes enfreignant les règles de sécurité. Un directeur des vols désigné par elle se tiendra à la tour de contrôle pendant les vols ; assisté éventuellement de spécialistes (pendant la présentation des patrouilles acrobatiques, en particulier), il pourra dans certains cas donner aux pilotes l’ordre d’atterrir immédiatement. Le public sera éloigné de 300 mètres de l’axe de piste au lieu de 150 naguère et on s’efforcera de doter les pilotes d’une documentation précise et complète et de leur fournir, grâce à un véritable bureau de renseignements, les informations les plus récentes dans tous les domaines intéressant leurs vols.
Il a été demandé aux organismes présentant des avions en vol que ceux-ci soient dans leur configuration opérationnelle : carburant, armement, chargement ; faute de quoi le présentateur en ferait mention. Cette disposition est judicieuse, car il est facile – facile mais parfois dangereux – de donner une apparence impressionnante aux évolutions d’un avion qui se trouve en fait délesté de plusieurs tonnes par rapport à sa masse normale, mais cela ne permet pas de se faire une idée valable de son comportement réel en mission.
L’Armée de l’air suédoise
La Suède a consacré au cours de l’exercice budgétaire 1968-1969 l’équivalent de 5 milliards de francs à ses dépenses militaires, c’est-à-dire environ 4 % de son Produit national brut (PNB). L’Armée de l’air a un effectif de 25 000 hommes. Elle date de 1926 en tant qu’arme indépendante et se signale, parmi les pays neutres, par le nombre relativement important d’avions de combat mis en œuvre : 32 escadrons de chasse, 3 de reconnaissance.
Pourtant elle n’échappe pas aux difficultés qui sont le lot de toutes les armées modernes qui dépendent étroitement de la technique : l’augmentation des coûts n’est plus compensée par un accroissement correspondant du budget militaire et il lui a fallu, il lui faut encore, dissoudre des unités. Ainsi, de 1967 à 1968, la part de ce budget consacrée à l’Armée de l’air s’est accrue seulement de 1,5 %, taux le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale, alors que le taux moyen d’augmentation des prix se situe annuellement à 5 %.
Sans doute près des trois quarts des dépenses sont-elles affectées aux acquisitions de matériel, ce qui est une proportion exceptionnelle ; néanmoins deux escadres, l’une de Hunter, l’autre de J-35 Draken, vont être dissoutes et des études sont en cours au sujet d’autres dissolutions éventuelles.
De ce fait, l’Armée de l’air suédoise qui comptait, en 1946, 21 escadrons de chasse, 21 de bombardiers légers et 9 de reconnaissance et se montait en 1955 au total à 30 escadrons de chasse de nuit, 3 de chasse de jour, 12 escadrons d’assaut et 5 de reconnaissance, va être ramenée à 34 escadrons de chasse et de reconnaissance, non compris les Saab 105 d’entraînement qui peuvent être utilisés comme avions d’assaut légers. Cette évolution s’est amorcée dès 1958, quand le nombre d’avions avait été réduit d’un quart, entraînant la dissolution de 5 escadrons en 1960, et s’est poursuivie en 1963 avec une nouvelle diminution de 6 escadrons.
La mission des Forces aériennes suédoises reste néanmoins identique : la position officielle du gouvernement est que le pays doit défendre sa neutralité contre toute attaque étrangère, y compris une tentative de conquête partielle des côtes commandant les passes de la Baltique. Avec sa puissante aviation de chasse, la Suède est en effet en mesure de faire hésiter un agresseur éventuel devant le coût d’une telle opération, et sa position géographique justifie la primauté donnée à la chasse d’interception. D’autre part, l’étendue du territoire, et notamment la longueur de sa façade orientale (près de deux mille kilomètres), exige une grande souplesse de redéploiement, ce qui exclut l’usage sur une grande échelle d’engins sol-air dont le besoin se fait surtout sentir autour de Stockholm.
Pour conférer aux escadrons de chasse toute la mobilité souhaitable, l’Armée de l’air suédoise dispose de deux fois plus d’aérodromes qu’elle n’a d’escadrons et y maintient en permanence du personnel d’entretien et de gardiennage. En outre, des sections de routes rectilignes sont préparées pour servir de pistes en cas de besoin avec dépôts et abris au voisinage. La Défense aérienne suédoise dispose du Strill 60, système de surveillance et de contrôle comprenant des radars et des moyens de traitement des données.
L’avion le plus moderne actuellement en service est le Saab 35 Draken dont le premier prototype a volé en 1955 et qui, sous ses différentes versions, a été construit en 550 exemplaires. C’est un monoplace d’interception équipé d’un turboréacteur de 5,1 t à 5,7 t de poussée selon les versions (respectivement 6,9 et 7,8 avec postcombustion), de la classe Mach 2, à aile en delta. Son armement comprend des canons de 30 mm, des engins air-air, des roquettes ou des bombes.
Il est utilisé conjointement avec le Saab 32 Lansen, produit de 1953 à 1960 en 450 exemplaires, dans ses diverses versions d’interception tout temps, d’assaut et de reconnaissance tactique. C’est un mono ou biplace, d’un dessin classique, équipé d’un réacteur de 5 t de poussée (6,5 t avec postcombustion) sur les derniers exemplaires produits. Son armement comporte des canons de 20 ou de 30 mm selon les versions, des engins air-mer ou des bombes.
L’avion des prochaines années est le Saab 37 Viggen dont le premier de sept prototypes a volé en février 1967. Le premier avion de série devrait entrer en service en juillet 1971.
Une première commande de 100 exemplaires a été passée, une seconde série de 75 devrait suivre et on envisage d’en construire en tout 300 ou 400 (au lieu des 800 proposés au Parlement en 1964). C’est un avion qui doit atteindre Mach 1 à basse altitude et Mach 2 à 13 000 m. Il a une voilure en « canard » à double delta et il est équipé d’un réacteur RM8 (version du Pratt & Whitney JT8 D22) de 7,2 t de poussée (12 t avec postcombustion). Il peut être armé au choix de divers engins air-air ou air-sol ou de châssis-canons, mais on envisage de le munir d’un canon interne, car la guerre du Vietnam comme celle du Moyen-Orient ont mis de nouveau l’accent sur l’efficacité des canons au détriment de celle des engins.
On le sait, le Draken et le Viggen seront présentés en vol au Salon du Bourget, avec l’avion d’entraînement Saab 105, équipé d’un turboréacteur General Electric J85, dans une version commandée récemment pour les Forces armées autrichiennes.
Les forces aériennes des pays de l’Est à la fin de 1968
La revue américaine Aerospace International, organe de l’Air Force Association a publié, dans son dernier numéro de 1968, une étude comparative des forces militaires des différents pays du monde. Celle-ci est du reste le fruit des travaux de l’Institut d’études stratégiques (ISS), organisme créé à Londres en 1958 pour servir de centre international de recherches sur les questions d’ordre militaire : défense nationale, armements, désarmement, etc. Cet Institut est dirigé par M. Alastair Buchan et c’est la dixième fois depuis sa création qu’il publie un bilan des forces militaires des Nations en présence.
Je ne prétends pas, bien entendu, reproduire ici ce document dans son entier, mais j’en extrairai les renseignements concernant les Armées de l’air des principaux pays de l’Est, en y ajoutant des indications sur la part de leur revenu national que ces États consacrent aux dépenses militaires, données évidemment transcrites sous toutes réserves : il ne faut pas perdre de vue en effet qu’aux éléments habituels propres à fausser les statistiques (présentation différente des budgets selon les pays, imprécisions dans le calcul du PNB), s’ajoutent pour les pays de l’Est le secret jalousement gardé sur tout ce qui touche aux questions militaires et l’entretien, en plus des forces régulières, de milices aux appellations diverses. Quand il s’agit d’un pays comme la Chine, l’incertitude s’apparente même à l’ignorance.
Nous trouvons une première raison de la méfiance avec laquelle il convient d’accueillir les données numériques en examinant le budget militaire de l’Union soviétique, qui varie du simple au double selon qu’on évalue le rouble au taux des échanges commerciaux usuels ou à celui qui, d’après les experts de l’Institut, reflète le mieux les prix réels de l’industrie russe ; en outre le budget officiel ne comprend probablement pas les crédits consacrés aux ogives nucléaires, ni à la recherche ou à la mise au point des nouveaux systèmes d’armes. Compte tenu de ces remarques, l’Institut estime que les dépenses militaires de l’URSS atteignent près de 14 % du PNB, celui-ci étant évalué à quelque 1 800 milliards de francs. On peut noter, en regard, que les États-Unis consacrent aux mêmes dépenses environ 10 % d’un PNB estimé à 4 000 MdF, près du tiers de cette somme étant imputable aux opérations du Vietnam. En valeur absolue les dépenses militaires américaines sont donc supérieures à celles de l’Union soviétique dans le rapport de huit à cinq, elles sont seulement très légèrement supérieures si on en retire le coût de la guerre au Vietnam.
L’Armée de l’air compte en URSS environ 500 000 hommes (900 000 aux États-Unis) que l’Institut classe en cinq catégories car il n’y a pas, comme dans la plupart des pays occidentaux, de commandements opérationnels proprement « air ».
Les Forces aériennes à long rayon d’action comprennent les bombardiers stratégiques stationnés principalement en URSS occidentale, en Ukraine centrale et en Extrême-Orient. Ce sont, pour les quadrimoteurs, 110 M-4 (Bison en code Otan) et 90 Tu-95 (Bear) équipés les premiers de turboréacteurs, les seconds de turbopropulseurs.
Une cinquantaine d’entre eux sont des avions ravitailleurs en vol, ce qui situe à quelque 150 le nombre de bombardiers intercontinentaux comparables aux B-52 américains (5). Quant aux bimoteurs, au nombre de 750, ils comprennent des Tu-16 (Badger) et pour un quart environ des Tu-22 (Blinder), tous deux équipés de turboréacteurs et susceptibles de porter l’engin de bombardement à distance air-mer Kipper (portée 200 km), mais le second seul supersonique.
Les Forces tactiques, dont le volume n’a pas sensiblement varié depuis huit ans, comprendraient environ 4 000 appareils de chasse, de transport, de bombardement léger et de reconnaissance. Beaucoup sont des avions déjà anciens, mais qui « font nombre », comme le biréacteur de chasse tous temps Yak-25, le bombardier léger Il-28 Beagle, les intercepteurs de jour MiG-17 et MiG-19.
Parmi les avions plus récents on y trouve le MiG-21, intercepteur de la classe Mach 2, le Sukhoi Su-7 (Fitter) d’attaque au sol, une nouvelle version du biréacteur Yak-25 (le Yak-20 Brewer) équipée en bombardier léger et appelée à remplacer peu à peu l’Il-28 et une version de « reconnaissance » du même appareil, le Mangrove. Les avions d’attaque au sol les plus modernes sont équipés d’engins tactiques air-sol, de la classe du Bull pup ou du Martel.
Le commandement de la Défense aérienne est un commandement interarmes disposant d’artillerie antiaérienne, d’engins sol-air et quelque 3 700 chasseurs d’interception de toutes catégories, depuis les MiG-17 et 19 et les Yak-28P Firebar jusqu’aux Su-9 Fishpot (1,6 Mach) et aux Tu-28 Fiddler, biplaces d’interception tout temps (1,4 Mach, 18 000 m de plafond opérationnel).
L’Aviation de la Marine, basée à terre (il n’y avait dans la flotte russe en 1968 qu’un porte-hélicoptères) comprend environ 400 bombardiers et 500 avions et hélicoptères de toutes catégories : 300 Tu-16, 50 Tu-95 utilisés pour la reconnaissance maritime lointaine (c’est-à-dire essentiellement celle de la flotte des États-Unis), 100 hélicoptères moyens utilisés pour la lutte contre les sous-marins, etc.
L’Aviation de transport comprend de l’ordre de 1 500 appareils. Elle a été évoquée récemment dans cette chronique à propos de l’invasion de la Tchécoslovaquie. Notons seulement qu’elle peut recevoir le prompt renfort de 150 avions de transport lourd de l’Aeroflot (Tu-104, Tu-114, Tu-124, Tu-134). Ajoutons-y quelque 1 500 hélicoptères utilisés par les Forces terrestres.
* * *
Les pays de l’Europe de l’Est restent liés, sauf pratiquement l’Albanie, avec l’URSS par le Pacte de Varsovie, signé le 14 mai 1955 et complété par une série d’accords bilatéraux. Des accords spéciaux pour le stationnement des troupes russes existent en outre avec l’Allemagne de l’Est (RDA), la Pologne et la Hongrie. Il n’y a plus de troupes russes en Roumanie, en revanche, depuis juin 1958. Notons que le système de défense aérienne est intégré et centralisé à Moscou, mais qu’en principe aucune arme stratégique (bombardier ou engin) n’est basée hors de l’Union soviétique. On compte 900 avions tactiques russes en Allemagne de l’Est qui sont « affectés » au Pacte, au même titre que 26 divisions russes et 6 allemandes. Les forces aériennes des pays membres seraient en cas de guerre subordonnées au Haut-Commandement allié du Pacte (dont le commandant en chef et le chef d’état-major ont toujours été des Russes jusqu’ici).
La République démocratique allemande consacre 6 % de son PNB aux dépenses militaires (contre 4 %, notons-le, en Allemagne de l’Ouest). Le service militaire y dure deux ans dans une armée de l’air de 25 000 h, qui inclut à vrai dire 9 000 h pour les Forces terrestres antiaériennes. 270 avions de chasse (MiG-17, 19, 21) y constituent 18 escadrons d’intercepteurs. On compte en outre 20 avions de transport et 40 hélicoptères.
La Pologne où la charge du budget militaire est de 5,5 % du PNB, met en œuvre 750 avions de combat, répartis en 6 escadrons de bombardiers légers Il-28, 45 escadrons d’interception et 14 escadrons d’appui, avec la gamme habituelle d’appareils (MiG-17, 19 ou 21, Su-7), ainsi que 40 avions de transport et autant d’hélicoptères. La durée du service militaire y est de trois ans et les effectifs de l’Armée de l’air comptent 70 000 personnes. Notons l’existence de 300 avions d’entraînement.
Passons sur les soixante intercepteurs de l’Albanie, à qui sa brouille avec l’URSS n’a pas permis de dépasser le stade des MiG-19.
La Bulgarie ne consacre que 3 % de son PNB au budget militaire. Son Armée de l’air où le contingent sert trois ans comprend 22 000 h et 250 avions de combat (interception : 12 escadrons, appui : 6 escadrons, reconnaissance : 3 escadrons), auxquels s’ajoutent 20 avions de transport et 40 hélicoptères.
Avec la Tchécoslovaquie, nous retrouvons 6 % du PNB consacrés aux dépenses militaires. L’Armée de l’air, où le service militaire est de trois ans, se compose de 50 000 h et met en œuvre 300 intercepteurs (MiG-17 à 21), 300 avions d’appui (MiG-15 et 17, Su-7), 50 avions de transport et 100 hélicoptères, ainsi que 300 avions d’entraînement, sur lesquels on compte 150 L-29 Delfin, monoréacteur biplace en tandem de construction nationale qui équipe d’ailleurs les écoles de pilotage de tous les pays du Pacte de Varsovie, la Russie comprise (900 exemplaires avaient été livrés dès 1966).
La Hongrie n’accorde à son budget militaire qu’un peu plus de 3 % de son PNB. Son Armée de l’air ne compte que 7 000 h et ne met en œuvre que 140 avions de chasse, répartis en 9 escadrons, auxquels s’ajoutent une vingtaine d’avions et d’hélicoptères.
La Roumanie, enfin, avec 33 % de son PNB consacrés aux dépenses militaires, a une Armée de l’air forte de 15 000 h, mettant en œuvre 240 avions de chasse (MiG-15 à 21) répartis en 18 escadrons, 20 avions de transport et hélicoptères et 150 avions d’entraînement.
Selon les données de l’Institut, si on rapporte le PNB à la population, l’ordre de « richesse » s’établit ainsi : Tchécoslovaquie, Allemagne de l’Est, suivies d’assez loin par Hongrie, puis Pologne, la Roumanie et la Bulgarie fermant la marche. L’Union soviétique se situe à peu près au niveau de l’Allemagne de l’Est.
* * *
Je laisserai aux lecteurs le soin de faire eux-mêmes les commentaires qu’appellent tant de similitude et à la fois tant de diversité : similitude entre la nature des Forces aériennes autorisées par l’URSS à ses alliés, diversité dans le poids des budgets militaires et dans le volume de ces mêmes forces ; je noterai seulement l’importance évidente donnée à la défense aérienne par l’URSS qui grâce au glacis de l’Europe de l’Est dispose d’un recul et de moyens retardateurs enviables, qu’elle fait valoir en centralisant à son échelon l’ensemble du système.
Renonçant à reproduire les données conjecturales calculées pour la Chine par l’Institut d’Études Stratégiques, je limiterai à ce qui précède l’énumération un peu fastidieuse de chiffres et je ne saurais mieux conclure qu’en donnant le bilan final des Forces aériennes tactiques en présence en Europe, bilan auquel l’Institut ne fait participer que les pays entièrement intégrés à l’Otan et au Pacte de Varsovie (la France en est donc exclue), en distinguant entre les Forces aériennes qui se font face au Nord et au Sud de l’Europe. Selon ce classement on trouve au Nord, du côté de l’Otan, les Forces dépendant des commandements Nord et Centre-Europe, du côté du Pacte de Varsovie les Forces russes de l’Ouest et de la Baltique, celles de la Pologne, de l’Allemagne et de la Tchécoslovaquie. Au Sud, on compte du côté de l’Otan les Forces italiennes, grecques et turques, ainsi que les unités américaines et britanniques qui seraient affectées au théâtre d’opérations de la Méditerranée, du côté du Pacte de Varsovie celles de Russie méridionale, de Hongrie, de Bulgarie et de Roumanie.
|
Otan |
Pacte de Varsovie |
• Bombardiers légers : |
|
|
– au Nord |
50 |
450 (dont 400 russes) |
– au Sud |
0 |
200 (tous russes) |
• Avions d’appui : |
|
|
– au Nord |
1 500 |
1 650 (dont 1 120 russes) |
– au Sud |
540 |
980 (dont 740 russes) |
• Avions d’interception : |
|
|
– au Nord |
720 |
3 000 (dont 2 000 russes) |
– au Sud |
280 |
1 360 (dont 1 000 russes) |
• Avions de reconnaissance : |
|
|
– au Nord |
530 |
280 (dont 200 russes) |
– au Sud |
130 |
210 (dont 160 russes) |
Ajoutons cependant que d’après le rapport de 1968 du Secrétaire américain à la Défense, les avions de l’Otan disposaient en moyenne, sur ceux du Pacte de Varsovie, d’une nette supériorité en rayon d’action et en charge utile aussi bien qu’en matière d’entraînement des équipages. ♦
(1) Le Mil Mi-12 (Homer en code Otan), pèse 90 tonnes en charge ; il a battu un record à Moscou en février dernier, en élevant à la vitesse verticale de trois mètres par seconde un fardeau suspendu d’une masse de plus de 30 t, depuis le sol jusqu’à 2 800 m d’altitude ; il est équipé de quatre turbines Soloviev D-25V de 6 500 chevaux ; son équipage est de six personnes : 2 pilotes, 1 mécanicien, 1 électricien, 1 radiotélégraphiste de bord, 1 navigateur.
(2) Premier vol du Tupolev Tu-144 : le 31 décembre 1968 ; premier du Concorde : le 2 mars 1969.
(3) DHC5 : biturbopropulseur de transport militaire ; poids en charge : 18,5 t ; deux moteurs de 3 000 chevaux ; charge utile : 3,5 t ; vitesse : 350 km/h.
(4) DHC6 : avion de transport léger à décollage court, équipé de deux turbopropulseurs de 580 CV. Peut emmener de 13 à 18 passagers.
(5) On pense qu’une cinquantaine de Tu-95 sont dotés de l’engin air-sol stratégique Kangaroo (portée : 500 km).