À propos des articles de l’universitaire pakistanais Ashok Kapur (« La situation militaire en Asie du Sud », Military Review de décembre 1968), du journaliste indien Dilip Mukerjee (« Perspectives de la Défense de l’Inde », International Affairs d’octobre 1968), et de l’ouvrage du chercheur américain Carl Kaysen (Stratégie militaire, Forces armées et Contrôle des Armements, The Brooking Institution, 1968). Henry A. Kissinger (article traitant des négociations de Paris à propos du Viet Nam, Foreign Affairs de janvier 1969).
À travers les revues - De l’importance mondiale des affaires asiatiques
On admet volontiers que le centre de la politique mondiale s’est déplacé d’Europe en Asie. C’est une constatation qui est, pour les Européens, un renoncement tacite de leur rôle séculaire dans les affaires internationales. Certains d’entre eux envisagent, en compensation, de jouer un jour le rôle de l’arbitre et du sage, le rôle du vieillard, en quelque sorte, qui, revenu des impulsions de la jeunesse, sait que toute entreprise belliqueuse est en définitive vaine et néfaste ; c’est une ambition médiocre, que les prévisions démographiques, fût-ce les moins pessimistes, rendent au surplus aléatoire : la sagesse et l’objectivité sont de peu de poids devant les passions qui animent des milliers d’hommes vivants ou proches d’entrer dans la vie. L’Amérique, l’URSS, la Chine et l’Inde ont déjà ou auront bientôt une puissance près de laquelle celle de l’Europe, divisée comme elle l’est actuellement, ou même groupée comme beaucoup l’espèrent, semble devoir demeurer modeste. L’avenir est aux gros bataillons, aussi bien dans le domaine militaire que dans les domaines culturel et scientifique.
C’est une réflexion qui vient indiscutablement à l’esprit de celui qui lit les articles de presse et particulièrement ceux que publient les revues, dans lesquels l’argumentation est mieux étayée parce qu’elle s’adresse à un public plus exigeant et plus apte à la suivre. Il est à peine besoin de confirmer cette affirmation par une citation : « Il est clair qu’au cours des dernières années, le foyer des relations internationales politico-militaires a glissé vers les théâtres de l’Asie et du Pacifique », écrit un universitaire pakistanais, Ashok Kapur, au terme d’un article publié dans la « Military Review » de décembre 1968, sous le titre « La situation militaire en Asie du Sud ». Un journaliste indien, Dilip Mukerjee, développe les « Perspectives de la Défense de l’Inde » sur un plan mondial dont le centre est de toute évidence l’Asie (« International Affairs » d’octobre 1968). Plus nuancé, un chercheur américain, qui appartint à l’entourage du Président Kennedy, Carl Kaysen, soutient, dans un essai intitulé « Stratégie militaire, Forces armées et Contrôle des Armements », publié en 1968 par « the Brooking Institution », l’idée que c’est en Asie que se poursuit essentiellement la lutte contre l’expansion du communisme. Sur un aspect particulier de cette lutte, Henry A. Kissinger, qui fait partie de l’administration du Président Nixon, publie un article (« Foreign Affairs » de janvier 1969) traitant des négociations de Paris à propos du Viet Nam.
Il est inutile de chercher d’autres références dans les publications récentes. Et pourtant, du côté de l’Europe et du Levant, l’actualité de ces derniers mois n’a pas laissé d’être bien remplie : affaire de Tchécoslovaquie et ses récents rebondissements, pénétration de la marine de guerre soviétique en Méditerranée orientale, persistance de la violence au Moyen-Orient. Mais ces événements qui nous touchaient de près peuvent sembler plus compréhensibles lorsqu’on les rattache à la politique mondiale centrée sur les questions asiatiques, dont ils sont sous de nombreux aspects les conséquences directes, et non des manifestations indépendantes et majeures d’une action politique inspirée de considérations avant tout européennes.
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