À partir de l’ouvrage de Robert S. McNamara (Sécurité américaine et paix mondial ; Éditions Fayard, 1968 ; 176 pages), des articles de Pierre Célérier (« Coexistence stratégique et géostratégie ») et Gilbert Étienne (« Les options politiques à l’épreuve des faits économiques ») dans la revue Tiers-Monde de juillet-décembre 1968.
À travers les livres - La sécurité par le développement
C’est un fait communément reconnu que la possession de la force s’accompagne d’une tentation difficilement surmontable d’en user. Les pacifistes de tous les temps ont longuement expliqué que l’existence des armées était, par nature, une menace pour la paix — peut-être la plus grave en même temps que la plus tangible, mais aussi la plus facile à supprimer. Tous ceux qui, de nos jours, prônent le désarmement intégral ou partiel s’inspirent, plus ou moins consciemment, de cette même idée, à tout prendre simpliste, que l’on pourrait traduire, parodiant le vers célèbre, en disant que le combat cesserait faute de combattants.
Or, voici que notre époque trouve la plus sûre garantie de la paix dans l’existence d’armements d’une puissance telle qu’elle est hors de proportion avec quelque enjeu que ce soit. Si le vieil Horace — pour continuer nos allusions littéraires — pouvait souhaiter pour son fils « qu’il mourût ou qu’un beau désespoir alors le secourût », les nations modernes n’ont point de leur destin cette conception cornélienne ; leur héroïsme ne va pas jusqu’au suicide, même si celui-ci implique le suicide de leurs adversaires. L’absurdité d’une telle issue est une évidence.
Ce ne sont là que des constatations banales. Mais leur banalité disparaît lorsqu’elle engendre des conclusions précises et entraîne des décisions politiques aux plus hauts échelons. Elle fait alors place à des programmes et à des modes d’action dont dépend indiscutablement la vie du monde entier. Il est facile de s’en rendre compte en lisant le livre dans lequel Robert S. McNamara, l’ancien secrétaire d’État à la Défense des administrations Kennedy et Johnson, a précisé et développé les sept points auxquels, après sept années d’exercice des responsabilités les plus lourdes, il a abouti (1).
Il reste 94 % de l'article à lire