Aéronautique - Le potentiel aérien militaire japonais - L'industrie aéronautique japonaise - Le T-2, avion japonais
Le potentiel aérien militaire japonais
Conformément aux conditions imposées au Japon par le traité mettant fin à la guerre du Pacifique, les Forces japonaises ont été constituées exclusivement dans un but défensif que l’on retrouve en particulier dans l’organisation des Forces aériennes.
Celles-ci sont d’ailleurs dénommées Force aérienne japonaise d’autodéfense et ont pour mission principale la défense aérienne du territoire à laquelle s’ajoutent le maintien en condition d’une certaine capacité de transport aérien et une participation aux opérations de sauvetage.
Sous les ordres du général, chef d’état-major, les Forces aériennes japonaises avec des effectifs d’environ 45 000 hommes sont articulées en quatre grands commandements dont le principal est celui de la défense aérienne à laquelle sont rattachés les escadrons de combat, les centres de détection et de contrôle et les unités de missiles sol-air.
Les Forces aériennes se sont développées rapidement depuis leur création en 1954, grâce à l’aide américaine qui a fourni la totalité du matériel aérien.
Après une période transitoire de construction sous licence (F-104 en particulier), le Japon s’efforce de promouvoir l’industrie aéronautique nationale qui fut extrêmement florissante au cours de la guerre 1939-1945.
Actuellement, les Forces aériennes japonaises disposent de 19 escadrons opérationnels : sept escadrons de 25 F-104J, intercepteurs tout temps ; huit escadrons de 25 F-86, chasseurs bombardiers de jour ; un escadron de 25 RF-86F, [pour la] * reconnaissance tactique ; un escadron de T-33 ; deux escadrons de 21 C-46 Curtiss (bimoteurs de transport) ; huit batteries de missiles sol-air Nike complètent les moyens de défense aérienne.
Le parc aérien nippon comprend également une cinquantaine d’hélicoptères et environ 400 avions dont 350 utilisés pour la formation des pilotes (T-34 (1), T-I (2) T-33). Quelques appareils plus modernes (3 C-130 Hercules, 10 YS-II (3) de fabrication japonaise) fournissent un complément en moyens de transport.
La modernisation du parc aérien militaire prévoit le remplacement des F-86 par des McDonnel Douglas F-4E construits au Japon, et celui des C-46 par des biréacteurs à décollage court entièrement nationaux (XC-1).
L’inventaire des moyens aériens des Forces armées japonaises serait incomplet si on n’y ajoutait pas ceux de la Marine et de l’Armée de terre.
La lutte anti-sous-marine est confiée à 12 escadrons basés à terre : quatre escadrons de 15 Lockheed P-2H Neptune ; quatre escadrons de 14 Grumman S-2A Tracker ; quatre escadrons de 15 hélicoptères Sikorsky H-34, construits en partie par Mitsubishi.
Les Neptune vont être remplacés par 48 P-2J, inspirés du Neptune, mais considérablement modifiés et construits par Kawasaki.
Les Grumman vont céder leur place à 12 PX-S Shin Meiwa, quadriturbopropulseurs dérivés du Grumman HU-16 Albatros (4).
L’Armée de terre dispose actuellement d’environ 300 appareils dont 150 hélicoptères.
Les avions sont essentiellement des Cessna-Fuji L-19 (5) et des hélicoptères Kawasaki-Bell H-13 (6).
La tendance qui se fait jour consiste à remplacer les avions par des appareils à voilures tournantes ; leur nombre devrait atteindre 400 en 1971.
Les H-13 seront remplacés par des Kawasaki Hughes 500-M (7) et la flotte en appareils moyens et lourds sera constituée de Fuji Bell UH-1B Iroquois (8) et Kawasaki Vertol 107 (9).
350 missiles sol-air Hawk équipent également les forces terrestres japonaises.
Cette rapide revue des moyens aériens japonais permet de constater que les industries aéronautiques du Japon ne sont pas restées inactives et qu’après s’être contentées de productions sous licence, elles s’orientent maintenant vers des réalisations dérivées d’appareils existants ou totalement originales qui devraient leur redonner à bref délai la place qu’elles ont occupée auparavant dans la construction aéronautique mondiale.
L’industrie aéronautique japonaise
Tout en restant très attaché à ses traditions, le Japon est sans conteste le premier État asiatique à avoir suivi les grandes nations dans la voie de l’industrialisation. L’industrie aéronautique japonaise remonte à 1920, et si elle a bénéficié à ses débuts de l’aide technique étrangère, elle s’est très rapidement développée pour parvenir, grâce à une faculté d’adaptation peu commune, à un niveau tel que le Japon a pu tenir en échec pendant plusieurs années les forces alliées dans le Pacifique.
Au cours de la guerre, la production a atteint le chiffre de 70 000 appareils, dont 52 000 avions de combat ; certains, comme le chasseur embarqué type O, plus connu sous le nom de zéro, ont démontré qu’ils pouvaient rivaliser avec les meilleures machines américaines. Réduite à une inactivité totale de 1945 à 1952, l’industrie aéronautique, après la levée des mesures d’interdiction qui la frappaient, avait pris un retard technique considérable qu’elle a pu combler grâce à des travaux d’entretien et de réparation d’avions, entrepris en exécution de contrats passés avec les troupes américaines d’occupation.
Les accords de construction d’appareils américains sous licence qui suivirent ont permis aux ingénieurs et à la main-d’œuvre japonaise d’acquérir le savoir-faire occidental. Si le manque d’expérience dans l’étude et la conception d’aéronefs est plus délicat et plus long à compenser, l’industrie aéronautique japonaise n’en poursuit pas moins son expansion. Pratiquement tout le matériel d’origine américaine destiné aux forces armées est fabriqué sous licence, le remplacement des appareils périmés donne lieu à la réalisation de versions améliorées de conception nationale en même temps que s’élaborent des projets totalement originaux d’importance croissante.
Avant de passer en revue les principales firmes aéronautiques du Japon, il est important de souligner qu’en raison de la mise en sommeil des industries d’armement pendant les années de l’après-guerre, les grandes entreprises ont dû diversifier leurs productions et qu’il n’existe plus actuellement de firme importante se consacrant uniquement à l’aéronautique.
La principale d’entre elles et la plus ancienne demeure Mitsubishi qui, bien que sa division « avion » ne corresponde qu’à environ un dixième de son chiffre d’affaires, assure plus du tiers de la production nationale. Après avoir assumé la construction et l’assemblage des F-104 J de la Force aérienne et des H-34 de l’Armée de terre, elle construit toujours sous licence des hélicoptères américains S-61B (10) destinés à la lutte anti-sous-marine.
À l’heure actuelle, les principales activités sont la mise au point de l’avion d’entraînement supersonique XT-2 et la production du MU-2, avion d’affaires équipé de deux turbopropulseurs de 600 CV avec cabine pressurisée. Cet appareil est particulièrement destiné à l’exportation en Amérique et même en Europe (Allemagne). Il est d’ailleurs construit sous licence aux États-Unis par la firme américaine Mooney.
Kawasaki est réputé en tant que constructeur d’hélicoptères. Après avoir fabriqué 400 Bell 47, la compagnie continue à produire sous licence le Boeing Vertol 107 et le Hughes 500, et a entrepris l’étude d’un hélicoptère à rotor rigide. Enfin, Kawasaki a été chargé du développement du nouveau Neptune à turbopropulseurs dont une cinquantaine figure au plan d’équipement de la Marine.
La Nihon Aéroplane Manufacturing CO (NAMC) a réalisé le YS II, transport biturbine de 60 passagers qui connaît un grand succès au Japon et à l’étranger. La NAMC a reçu une commande ferme de 150 appareils ; 100 ont déjà été livrés dont la moitié pour l’exportation. Il est actuellement question d’une série complémentaire de 50. La compagnie a également été chargée du projet CX qui concerne un biréacteur de transport militaire destiné à remplacer les C46.
Cet appareil qui présente quelques ressemblances avec le C-141 pourrait également convenir pour un programme d’avion de transport civil dont il a été question sous l’appellation Y-X.
La firme Fuji produit sous licence l’hélicoptère Iroquois mais a réalisé également un monoréacteur d’entraînement le TI qui a volé dès 1953 et est actuellement en service dans les écoles de pilotage militaires. Fuji produit également un avion léger de tourisme le FA-200 qui paraît promis à un bel avenir sur le marché asiatique et australien.
Shin Meiwa procède depuis novembre 1967 aux essais en vol de l’hydravion quadrimoteur PX-S à décollage court.
Les seuls motoristes japonais sont Mitsubishi et Kawasaki dont l’activité est surtout orientée vers la production sous licence de matériels américains.
Comme nous venons de le voir, l’industrie aéronautique japonaise n’a pas encore atteint le stade ultime de la pleine autonomie, mais les progrès réalisés et les efforts du gouvernement qui s’est engagé à soutenir son développement permettent de bien augurer de l’avenir.
Si au précédent Salon aérospatial de Tokyo en 1968, l’industrie japonaise n’a fait qu’une modeste apparition il est probable que le troisième et prochain Salon lui donnera l’occasion de mettre en valeur ses réalisations.
Le T-2, avion japonais
Le Japon se lance dans la production d’un avion d’entraînement Mach 1,6. Les Forces aériennes d’autodéfense nippones viennent de recevoir la première maquette d’un avion de construction nationale destiné à remplacer à la fois le T-33 et le F-86F dans le cycle de formation des pilotes.
Cet appareil, de la classe Mach 1,6 dénommé XT-2, devrait ultérieurement recevoir certaines modifications pour être transformé en appareil d’appui et d’attaque au sol et remplacer ainsi les F-86F qui équipent actuellement les escadrons des forces tactiques japonaises ; l’Armée de l’air a prévu de commander une centaine d’exemplaires de ce type (SFX). Une version reconnaissance photo, le RT-2, est également envisagée.
La société Mitsubishi a été choisie comme maître d’œuvre principal, une somme de 90 millions de francs étant prévue pour le développement du projet, moteurs exclus. Le ministère de la Défense s’oriente vers une production du XT-2 qui soit intégralement japonaise alors que le seul avion supersonique actuellement construit au Japon est le F-104 sous licence.
De même dans le domaine des moteurs, bien que le réacteur Adour de conception franco-anglaise (Rolls-Royce – Turbomeca) ait été retenu, une partie des composants sera aussi d’origine japonaise. Une conduite de tir également nationale viendra compléter ce système d’armes.
Trois prototypes seront construits dont l’un pour les essais statiques et le premier vol est prévu pour mai ou juin 1971. Les travaux d’usinage seront terminés vers la fin de l’année et l’assemblage commencera au printemps 1970.
Le programme d’instruction des pilotes militaires est actuellement relativement long (600 heures de vol) et comprend le passage successif sur cinq types d’appareils : T-34 (11), T-I (12), T-33, F-86, [et] F-104J.
Dans un premier temps le XT-2 remplacera le F-86F et préparera au pilotage du F 4 américain. Ultérieurement il sera également utilisé pour la phase T-33 et précédera indistinctement la formation sur F-104 ou F-4. Le Japon espère ainsi gagner une centaine d’heures de vol sur le cycle actuel d’instruction et réduire de 4 à 3 ans le temps total de formation d’un pilote opérationnel. Compte tenu des délais de production, le premier escadron de T-2 ne pourra être formé avant 1974.
Il est à remarquer que l’apparence extérieure du T-2 présente une grande similitude avec celle du Jaguar, mais à une échelle réduite par suite des spécifications inférieures qui ont présidé à sa définition en particulier pour le rayon d’action et l’armement.
Par contre, il faudra d’importantes modifications pour réaliser la version tactique ce qui entraînera une augmentation de poids et de prix de revient telle que les avantages énoncés pourraient bien en être considérablement réduits.
Les caractéristiques principales du XT-2 sont une aile à double delta avec des becs de bord d’attaque aux extrémités, et des volets de courbure couvrant tout le bord de fuite du fait de la suppression des ailerons au profit de spoilers semblables à ceux déjà utilisés sur le biturbopropulseur construit par Mitsubishi.
Les quatre points d’attache sous les ailes sont destinés à l’emport de l’armement, en particulier de missiles air-air avec la possibilité pour les deux pylônes intérieurs de recevoir éventuellement des réservoirs supplémentaires.
Les réacteurs Adour d’une poussée unitaire de 3 t 150 avec postcombustion et une consommation spécifique de 570 kg/h devraient donner au T-2 une vitesse maxima de 1,6 M., un rayon d’action de 2 500 km et un plafond de 15 000 m.
Le seul armement fixe est un canon de 20 mm Vulcan monté sur le côté gauche du fuselage et disposant de 5 à 600 coups.
Le SFX, qui nécessitera de nombreux aménagements quant à l’équipement et même à la structure ne sera entrepris qu’après le démarrage de la production en série du T-2. Les Forces japonaises envisagent une commande d’environ 100 avions tactiques, mais le chiffre exact ne sera fixé qu’après une évaluation des besoins en appui sol pour les années 1978-1980.
Le Japon étudie également une version reconnaissance, le RT-2, pour la recherche du renseignement sur le champ de bataille à courte distance, et ce, en complément du RF-4E réservé à la reconnaissance lointaine. RT-2 et RF-4E remplaceront le RF-86F actuellement en service.
Pour couvrir la période creuse de 5 ans précédant l’arrivée du T-2, le Japon songe au T-38 (13) qui paraît bien adapté à la formation des équipages de F-4, mais la décision d’un tel achat n’est pas encore arrêtée. Il est à remarquer que, comme nombre de pays européens, le Japon à son tour recherche une indépendance en matière de construction aéronautique et que son premier effort s’est porté sur les appareils d’entraînement qui n’exigent pas des performances excessives et se contentent de technologies solidement éprouvées. Ceci n’est sans doute qu’un premier pas et peut-être verrons-nous un jour des produits Mitsubishi concurrencer les avions Lockheed ou McDonnel.
* Les éléments entre crochets ont été ajoutés en décembre 2019.
(1) Beechcraft 45 Mentor, avion léger utilisé en école de début dans de nombreux pays.
(2) Monoréacteur léger d’entraînement construit par Fuji, comparable au Jet Provost anglais et à l’Aermachi MB-326 italien.
(3) Appareil de transport d’une cinquantaine de sièges pour étapes courtes, équipé de deux turbopropulseurs Rolls Royce Dart.
(4) Amphibie bimoteur de sauvetage en mer.
(5) Avion léger d’observation.
(6) Hélicoptère léger 3 places avec moteur de 250 CV.
(7) Appellation militaire américaine OH 6A, construit en très grande série pour l’Armée de Terre ; propulsé par une turbine il est très rapide (240 km/h) et peut emporter 4 à 5 personnes.
(8) Construit à 3 500 exemplaires aux USA, il est en service dans les Forces armées de nombreux pays. Équipé d’une turbine de 1 300 CV il est utilisé en support logistique, évacuation sanitaire et appui feu.
(9) Version transport de troupes du CH-46A. Biturbine, 25 hommes équipés.
(10) Hélicoptère biturbine équipé de sonars.
(11) T-34 Beechcraft 45, avion léger de début équipé d’un moteur à piston de 220 CV.
(12) Fuji T-I : monoréacteur biplace d’un poids de 5 t, équipé d’un moteur japonais.
(13) T 38 - Northrop Talon : appareil d’entraînement avancé biréacteur biplace 1 3S0 km/h à 10 000 m.