Maritime - La Marine grecque - Le programme de constructions neuves de l'US Navy en l'année fiscale 1969-1970
La Marine grecque
La Grèce, si petite sur la carte, a joué un grand rôle dans le monde quand celui-ci se bornait aux pays riverains de la Méditerranée. Elle a encore une importance hors de proportion avec sa population, son étendue et la valeur de son sol. Pays essentiellement montagneux (les montagnes occupent 80 % du territoire), il est avec les Îles britanniques, celui qui possède, eu égard à sa superficie, le plus riche développement de côtes, la plus belle articulation littorale. La Grèce en effet ne comporte pas moins de 437 îles dont les plus connues sont la Crète, les îles d’Eubée, les Cyclades, les îles de l’Égée et du Dodécanèse, les îles Ioniennes. La Grèce continentale constitue une véritable tête de pont offrant, via Salonique, des voies d’accès naturelles vers la Yougoslavie et la Bulgarie, mais cette même situation présente l’inconvénient de faciliter la pénétration d’un perturbateur continental vers les rivages de la Méditerranée et de lui permettre par la suite de faire main basse sur les îles et archipels, vaste zone d’importance stratégique puisqu’elle permet à celui qui en a la maîtrise de contrôler en mer Égée le débouché des détroits turcs et de dominer à partir du Péloponèse et surtout de la Crète, la Méditerranée orientale.
Cette situation géographique éminente explique l’importance que l’Otan attache à la péninsule hellénique et l’intérêt que les Grecs portent à leur Marine. Celle-ci a été reconstituée sitôt la guerre finie grâce à l’aide américaine et aujourd’hui encore, la grande majorité de ses bâtiments date des années 1940 à 1945. Mais depuis quelque temps la Grèce a entrepris dans la limite des crédits qu’elle peut lui consacrer, un louable effort de rénovation de sa flotte. La Marine cependant reste le parent pauvre des forces armées. Les crédits qui lui ont été affectés en 1969 n’ont représenté que 16 % d’un budget militaire qui lui-même ne se monte depuis 1965 qu’à environ 14 % du budget total du pays. Depuis cette époque, la Grèce consacre environ 4 % de son PNB à son budget militaire ce qui la situe, en matière de défense dans une bonne moyenne par rapport aux autres pays européens. Jusqu’en 1968, les États-Unis ont pris à leur charge une bonne partie de l’effort militaire du pays mais depuis le changement de régime, les Américains se sont contentés de remplir les contrats déjà passés. La situation politique s’étant stabilisée, l’aide militaire aurait repris tout au moins officieusement. Quoi qu’il en soit, les forces armées et plus particulièrement la Marine cherchent à diversifier les achats de matériels à l’étranger pour se libérer d’une tutelle américaine peut-être un peu trop exclusive.
La responsabilité de la défense appartient au gouvernement. Les principaux échelons dont il dispose pour l’organisation, l’équipement et l’instruction des forces années sont le ministère de la Défense nationale, le Commandant en chef des forces armées et les commandants de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation. Comme ses homologues des deux autres armées, le Commandant de la Marine est nommé par le Conseil supérieur de la Défense nationale. Ce Conseil est présidé par le Premier ministre ; c’est lui qui prend toutes les décisions en matière de défense et désigne également le Commandant des Forces armées. Pour l’aider dans sa tâche, le ministre de la Défense dispose du Conseil supérieur des Forces armées. Celui-ci peut être également consulté par le Chef des Forces armées sur l’organisation et la mise sur pied des trois Armées.
Le Commandant de la Marine est en matière maritime le conseiller du Commandant des Forces armées et il est responsable envers lui de l’organisation, de l’équipement, de l’entraînement et de la mise en condition opérationnelle de la Marine. Assisté de tous les officiers généraux en activité il forme avec eux le Conseil supérieur de la Marine dont il est le président. C’est lui notamment qui examine les affectations, promotions et mises à la retraite des officiers.
Le Commandant de la Marine dispose d’un État-major situé à Athènes et de trois commandements organiques subordonnés :
– le Commandement de la mer Égée, à Salamine ;
– le Commandement de la mer Ionienne, à La Sude ;
– le Commandement de l’instruction, à Scaramanga (partie ouest d’Athènes).
La Marine participe à tous les grands exercices Otan en Méditerranée (Dawn Patrol, Eden Apple, etc., etc.). La flotte en majorité composée de matériel américain, comprend actuellement :
– 2 sous-marins Diesel de 1 500 tonnes, achevés en 1943 et 1944 ;
– 6 destroyers de 3 060 t du type Fletcher vieux de plus de vingt-cinq ans mais modernisés avant livraison ;
– 2 destroyers de 1 500 t encore plus anciens ;
– 4 destroyers d’escorte de 1 900 t datant de 1944 ;
– 8 escorteurs de 440 à 1 325 t ;
– 2 mouilleurs de mines ;
– 16 dragueurs de mines côtiers ;
– 5 patrouilleurs rapides de 150 t du type Silbermöwe achetés en Allemagne ;
– 6 vedettes rapides lance-torpilles du type norvégien Nasty ;
– 10 transports de chars ou similaires (9 LST, 1 LSD) ;
– 6 LCT moyens et un certain nombre d’engins de débarquement plus petits.
Seules les vedettes rapides sont des bâtiments modernes ; tout le reste est vraiment très ancien. Pour renouveler ce matériel, la Marine a commandé aux chantiers Amiot de Cherbourg, quatre vedettes de 220 t et 40 nœuds analogues aux vedettes israéliennes qui ont tant fait couler d’encre, mais aussi fait connaître, à cette occasion, leurs exceptionnelles qualités d’endurance et de tenue à la mer. Ces vedettes seront équipées du missile surface-surface Exocet (MM38), ce qui leur conférera, en dépit de leur petite taille, une puissance offensive considérable. Ces petits bâtiments étant particulièrement adaptés aux opérations en mer Égée, il ne serait pas étonnant que la Marine grecque commande, dès qu’elle en aura les moyens, d’autres unités du même type. Par ailleurs, elle a en avril 1968, passé un marché avec l’Allemagne fédérale (RFA) pour la construction de quatre sous-marins de 1 000 t.
La Marine grecque ne possède pas d’aviation lui appartenant en propre ; la défense aérienne des eaux territoriales est l’affaire de l’Armée de l’air. Les effectifs de la Marine hellénique se montent d’après The Military Balance 1969-1970 à environ 18 000 hommes, dont environ 2 000 officiers et 5 000 officiers mariniers.
L’École navale est située au Pirée. On y entre par voie de concours et la durée des études y est de quatre ans, à la suite desquels les élèves sont nommés enseignes. Les promotions sont d’environ quarante élèves. Une quinzaine d’entre eux va ensuite aux États-Unis suivre des cours de spécialité.
Les officiers mariniers sont formés à l’École de Patras (au nord de la péninsule du Péloponnèse). Bien qu’une grande partie d’entre eux soit issue du recrutement, leur niveau est élevé car ils sont originaires, comme les matelots, des côtes et des îles et bien souvent déjà marins civils. La durée du service des officiers mariniers issus du recrutement est de 30 mois alors qu’elle n’est que de deux ans pour les appelés. Les autres officiers mariniers font carrière dans la Marine.
Les bases navales sont celles de Salonique et du Pirée pour l’Égée du Sud, Salonique pour le nord de cette mer, Patras en mer Ionienne et surtout La Sude en Crète qui comprend un arsenal et de nombreuses facilités.
En résumé, la Marine hellène en dépit de la vétusté de son matériel est, du fait de l’ancestrale tradition maritime du pays, certainement efficace. Sa valeur opérationnelle doit encore s’accroître avec la mise en service du matériel moderne qu’elle a commandé en France et en Allemagne mais celui-ci est peu nombreux. Malgré son désir d’indépendance, elle restera toujours étroitement liée à l’US Navy.
Le programme de constructions neuves de l’US Navy en l’année fiscale 1969-1970
Le budget de la défense pour l’année fiscale 1969-1970 a été récemment signé par le président Nixon après avoir été assez profondément remanié par le Congrès et l’Administration elle-même. Ce budget soumis à l’approbation de la Chambre et du Sénat en janvier 1969 par le président Johnson, s’élevait à environ 80 milliards de dollars de crédits de paiement New Obligational Authority. Il souleva de très nombreuses et vives critiques des membres du Congrès qui lui reprochaient d’absorber des crédits qui auraient été, selon eux, mieux employés à résoudre des problèmes intérieurs urgents. Aussi pour désarmer cette opposition, le président Nixon et l’Administration républicaine décidèrent-ils d’obliger le Département de la Défense à faire des économies et cela en conformité avec la politique vietnamienne du gouvernement. Sans entrer dans le détail de la participation de la Marine à ce programme d’austérité, il faut se rappeler qu’il s’est traduit par :
– une réduction de ses effectifs de l’ordre de 70 000 hommes ;
– la mise en réserve de plus de 100 navires de guerre dont le bâtiment de ligne New Jersey et deux porte-avions de lutte ASM (anti-sous-marine) ;
– la dissolution de 13 formations de l’aéronautique navale ;
– la désactivation des deux tiers de la 5e division du Marine Corps, division de réserve qui avait été mise sur pied en 1966.
Finalement le budget militaire pour l’exercice 1966-1970 se monte à 70 Md$ de crédits de paiement. Le programme de constructions neuves et de conversions, d’achat de matériel et de fabrication n’a pas, par contre, subi le contrecoup des économies massives décidées par le pouvoir et par certains côtés même, la Marine a gagné par rapport aux demandes qu’elle avait formulées dans le budget initial du président Johnson.
Le tableau ci-après donne le détail du chapitre constructions neuves et de conversions, tel qu’il avait été présenté et tel qu’il a été finalement adopté.
|
Projet initial |
Projet adopté |
||
|
Nbre |
Coût total en $ (millions) |
Nbre |
Coût total en $ (millions) |
Programme de constructions neuves (navires de combat) |
||||
Porte-avions d’attaque à propulsion nucléaire |
||||
CVA(N) |
1 |
377,1 |
1 |
377,1 |
Sous-marins nucléaires d’attaque SS (N) |
2 |
351,8 |
3 |
504,5 |
Escorteur à propulsion nucléaire DXGN |
1 |
196 |
1 |
196 |
Destroyer type 963 |
5 |
317,7 |
8 |
475 |
Bâtiments amphibies de 40 000 t type |
||||
LHA |
2 |
270,7 |
2 |
270,7 |
Canonnières PGM (Patrol Gun Motor) |
2 |
1,1 |
2 |
1,1 |
Patrol Craft |
1,9 |
1,9 |
||
Programme de conversions et modernisations (navires de combat) |
||||
Refonte Poséidon des sous-marins nucléaires lance-missiles (SSBN) |
6 |
301,4 |
6 |
301,4 |
Frégates lance-missiles à moderniser |
1 |
24 |
3 |
65 |
Dragueurs océaniques |
10 |
40,7 |
10 |
40,7 |
L’administration a d’autre part accordé des fonds d’avance pour le démarrage de la construction et la refonte des bâtiments suivants qui seront inscrits à une autre année fiscale.
Constructions nouvelles |
||||
SSN |
5 |
119,2 |
5 |
110 |
DXGN |
2 |
67,9 |
3 |
100 |
Destroyers type 963 |
8 |
17,6 |
8 |
17,6 |
LHA |
2 |
17 |
2 |
17 |
Conversions et refontes |
||||
SSBN (Poséidon) |
6 |
301,4 |
6 |
301,4 |
Frégates |
1 |
24 |
3 |
65 |
Dragueurs |
10 |
40,7 |
10 |
40,7 |
Enfin, en ce qui concerne la flotte logistique et auxiliaire le Congrès a une nouvelle fois refusé les 186,7 M de crédits qu’on lui demandait pour construire les fameux Fast Deployement Ships mais il a accordé des sommes pour la construction d’un bâtiment-base de destroyers AD (81,9) et de deux grands remorqueurs de sauvetage.
Au total, le chapitre constructions et conversions qui a été finalement adopté se monte à 2 983,9 M$ contre 2 641,4 demandés par l’Administration Johnson.
Le porte-avions inscrit à la Fiscal Year 1969-1970 sera identique au CVAN 68 Nimitz du programme 1966-1967 actuellement en construction aux chantiers de Newport News. Il aura donc 382 m de long et déplacera 95 000 t en pleine charge. La vapeur actionnant ses turbines sera fournie par deux réacteurs à eau pressurisée ; sa vitesse sera largement supérieure à 30 nœuds. Il mettra en œuvre 90 avions. La DCA sera assurée par des missiles du type Sea Sparrow et il sera doté du système NTDS (Naval Tactical Data System) pour le traitement des informations tactiques. Il portera probablement le nom de CVAN 69 Eisenhower.
Les trois sous-marins d’attaque du programme : SSN 688, SSN 689 et SSN 690 seront d’un type nouveau et très rapide. Leur vitesse maximale en plongée atteindra, si l’on en croit la plus récente édition du Jane’s Fighting Ships, au moins 40 nœuds et un effort particulier sera fait pour réduire au minimum le niveau des bruits rayonnes pour les rendre les plus discrets possible. Le premier de ces sous-marins entrerait en service en 1974.
L’escorteur à propulsion nucléaire DXGN déplacera environ 10 000 t. Son armement comprendra un système permettant de lancer à la demande, soit des missiles antiaériens Tartar, soit des engins ASM Asroc à moyenne portée (15 000 yards, soit environ 13 kilomètres). Il sera également équipé de deux pièces de 127 CA automatiques et mettra en œuvre des hélicoptères ASM. Quatre autres bâtiments analogues devraient être construits d’ici à 1976.
Les destroyers type 963 font partie d’un vaste programme dénommé DX qui vise à renouveler la flotte des destroyers et d’escorteurs de l’US Navy, flotte qui a, malgré l’apport de plusieurs dizaines d’escorteurs neufs, terriblement vieilli ; selon un rapport de la Sous-commission Sea Power du Congrès, 93 % des destroyers armés de canons ont été lancés avant 1946 et cette catégorie de bâtiments représente 53 % de l’ensemble des navires du type destroyer. Le programme DX prévoit la construction d’ici à 1976 de 62 bâtiments dont 5 du type DXG et 58 du type DX. Ces bâtiments auront le même déplacement d’environ 6 000 t, le même système de propulsion par turbines à gaz et le même armement contre les sous-marins. Celui-ci comprendra un Asroc à portée améliorée (15 000 yards), des torpilles y compris des torpilles filoguidées et des hélicoptères. Pour ce qui concerne ces derniers, l’US Navy n’a pas encore décidé si elle utiliserait à bord de ces bâtiments soit un ou deux hélicoptères lourds type Sikorsky SH-3 Sea King porteurs d’armes et de moyens de détection permettant de remplacer un escorteur dans un écran, soit des engins plus petits associés aux sonars des bâtiments équipés, les uns d’armes anti-sous-marines et anti-surface, les autres de moyens d’investigation et de relocalisation d’un contact, soit enfin un hélicoptère léger permettant de remplir à la fois ces deux missions. Un programme d’hélicoptère léger embarqué dénommé LAMPS (Light Airborne Multi-Purpose System) est à l’étude. Pour en revenir aux DXG et aux DX, la seule différence entre eux sera celle de leur armement de DCA qui comprendra sur les premiers le système Tartar à grande portée et pour les seconds, un système surface air à courte portée. Les destroyers DD 963 à 970 inscrits au programme 1969-1970 appartiennent au type DX. ♦