L’Allemagne du chancelier Willy Brandt
Depuis octobre 1969, la République Fédérale d’Allemagne est gouvernée — pour la première fois depuis environ 40 ans — par un chancelier socialiste, qui dispose dans son parlement d’une faible majorité, grâce à la coalition conclue avec le parti libéral (F.D.P.). Pour la première fois depuis la création de la République Fédérale, le parti chrétien-démocrate (C.D.U./C.S.U.) fondé par le chancelier Adenauer, se trouve dans l’opposition. Beaucoup d’observateurs — en Allemagne et ailleurs — donnent à ce changement une grande signification. Personne n’aurait cependant l’idée d’affirmer que le socialisme ait pris le pouvoir en Allemagne, car la social-démocratie (S.P.D.) n’est pas un parti socialiste dans le sens classique, et le chancelier Willy Brandt ne se considère nullement comme un marxiste. Son arrivée au pouvoir n’est pas non plus due à une volonté de changement clairement exprimée par le peuple allemand, mais à un mariage de raison entre les socialistes, classés internationalement plutôt à droite, et les libéraux, désireux de se placer à gauche. Cette combinaison parlementaire impose à ses artisans et à ses bénéficiaires des compromis d’autant plus nombreux qu’elle se trouve en face d’une opposition massive, qui peut assez raisonnablement espérer reprendre avant la fin de la législature les rênes du pouvoir pour peu qu’elle bénéficie de la défection d’une dizaine de députés F.D.P.
L’impression d’un changement sensible prévaut néanmoins même dans les milieux gouvernementaux allemands. L’explication réside probablement dans la personnalisation du pouvoir, dans l’importance que l’opinion publique accorde au rôle du chef de gouvernement et à son style personnel. On parle ainsi de la fin de l’ère Adenauer et du début d’une nouvelle phase de la vie politique allemande, qui n’est évidemment pas encore aussi étroitement liée au nom de Brandt que la précédente l’était à celui de son grand prédécesseur, car on ignore la durée et aussi les résultats de l’équipe actuellement au pouvoir. Il est néanmoins certain que Brandt voudrait donner son nom à une politique qui engagerait le destin de son pays et qui tracerait une voie dont ses successeurs éventuels ne pourraient que difficilement s’écarter.
Toutefois, il est permis de se demander si la fin de ce qu’on appelle l’ère Adenauer n’est pas davantage la conséquence d’une transformation du climat général de la politique mondiale que d’un changement de majorité au Bundestag allemand. La politique d’Adenauer avait été intimement liée à la guerre froide et elle était déterminée par l’impérieuse nécessité de réintégrer progressivement l’Allemagne dans la société internationale. À présent, la politique mondiale est influencée par un désir sincère de détente entre l’Ouest et l’Est, par le phénomène chinois et par la volonté de l’Union Soviétique et des États-Unis d’arriver par étapes à un grand arrangement mondial.
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