De Roosevelt à Truman
Lorsqu’en 1944 il s’agit de désigner le candidat à la vice-présidence des États-Unis, le Congrès du parti démocrate se trouva fort perplexe. Le choix du président ne présentait aucune difficulté : il n’y avait pas l’ombre d’un doute qu’il ne pouvait être question de personne d’autre que Franklin Delano Roosevelt, qui achevait son troisième mandat. Mais, pour le second problème, que de discussions ! Henri Wallace, le vice-président sortant, avait mécontenté la fraction conservatrice du parti par son attitude nettement « de gauche ». Il semblait dangereux de le désigner, sa présence risquant de détourner de l’équipe démocrate beaucoup de voix « centristes ». On pensa à Jimmy Byrnes, mais le monde ouvrier lui était hostile. On parvint finalement à se mettre d’accord sur le nom d’un sénateur modéré, non marqué politiquement et dont la carrière, jusque-là modeste, ne risquait point de susciter de défaveur particulière. Les électeurs se posèrent peu de questions à son sujet, le rôle du vice-président étant, par essence, des plus effacés. Ils votèrent pour ou contre Roosevelt selon leurs convictions politiques ou leurs sympathies effectives. Les démocrates l’emportèrent et Harry S. Truman devint vice-président des États-Unis.
Dans des circonstances normales, il aurait rempli son mandat dans l’ombre du grand homme qui occupait la première magistrature et serait ensuite rentré dans l’obscurité, comme tant d’autres avant lui. Mais, à la veille de la conférence de San-Francisco, Roosevelt mourait subitement et, conformément à la constitution, le vice-président lui succéda. C’est donc un destin tragique qui a amené Harry Truman à la Maison Blanche et qui a remis entre ses mains le sort, non seulement de son pays, mais du monde entier. L’homme que treize ans de pouvoir avaient préparé à régler les questions primordiales de la paix a disparu à l’heure de notre plus grand besoin. Le peuple américain, en réélisant, fait unique dans son histoire, un même président pour la quatrième fois, savait que l’instant approchait des décisions militaires et internationales, et qu’avant l’expiration de son nouveau mandat, le chef de son choix aurait à décider de l’avenir pour de longues années. Il sentait que, de la politique des mois futurs, allaient dépendre la nature et la durée de la paix. Franklin Roosevelt lui apparut, alors, comme la seule personnalité capable de répondre à la gravité des circonstances.
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