Institutions internationales - Vers l'ouverture des négociations CEE–Grande-Bretagne - Vingt ans d'efforts européens
Le 20e anniversaire de la déclaration par laquelle M. Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères, lança l’idée d’un pool franco-allemand du charbon et de l’acier – idée qui devait aboutir à la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) – a été le prétexte à de nombreux rappels de ce que furent les premiers pas de la construction de l’Europe et des étapes au terme desquelles la Communauté peut aujourd’hui envisager son élargissement. Est-ce projection d’un espoir sur l’avenir ? Toujours est-il que la décision de M. Wilson d’organiser des élections générales le 18 juin 1970 n’a pas affecté les prévisions établies pour l’ouverture des négociations entre les « Six » et la Grande-Bretagne, tout s’étant passé comme si, « sur le continent », on avait estimé que Londres serait un partenaire quel que soit le résultat des élections.
Vers l’ouverture des négociations CEE-Grande-Bretagne
À l’occasion précisément de l’anniversaire de la déclaration de M. Robert Schuman, M. Pierre Harmel, ministre belge des Affaires étrangères, président du Conseil des ministres des « Six », a indiqué que la première séance de travail entre les « Six » et la Grande-Bretagne pourrait avoir lieu à la mi-juillet 1970, les négociations proprement dites commençant à l’automne. Il a confirmé que les ministres avaient à peu près terminé la préparation de ces négociations, les seules questions en suspens étant l’étude d’un rapport sur la balance britannique des paiements et celle des relations entre la Communauté économique européenne (CEE) et les pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) non-candidats à l’entrée dans le Marché commun.
À la veille de l’ouverture des pourparlers d’adhésion de trois de ses membres – la Grande-Bretagne, le Danemark et la Norvège – avec la CEE, l’AELE a sauvegardé sa cohésion. Il est bien évident que les neuf signataires de la convention de Stockholm, qui créa le second bloc économique d’Europe, s’efforcent de faire front commun en dépit de leurs divergences d’intérêts : on estime à Genève que toute faiblesse ou manifestation de désaccord pourrait être exploitée à Bruxelles, tant lors de contacts avec la Grande-Bretagne que des discussions menées ultérieurement avec les autres États soucieux de trouver une formule d’association plus souple, ne portant préjudice ni à la neutralité des uns, ni au statut particulier des autres. Les Britanniques ont d’ailleurs montré une bonne volonté évidente à l’égard de leurs partenaires de l’AELE, en profitant du changement d’atmosphère au sein de celle-ci. Lors de la première tentative d’adhésion, l’AELE n’avait que quelques années d’existence, et la volonté britannique d’adhérer à la CEE avait choqué plus d’un de ses partenaires. Aujourd’hui, les représentants anglais ne sont plus mis en accusation de vouloir s’allier au Marché commun. Ils ne font en quelque sorte qu’ouvrir la voie, l’élargissement de la CEE étant devenue une affaire commune à la quasi-totalité des membres de l’AELE. Un processus de consultation a été mis au point, « afin de permettre, a dit le chef de la délégation suisse auprès de l’AELE, M. Languetin, aux différents pays de l’Association qui négocient séparément avec le Marché commun de se maintenir autant que possible à la même cadence et de terminer ensemble ». Après avoir indiqué qu’il y avait « plein accord » entre les responsables suisses et M. Georges Thomson, qui sera le négociateur britannique à Bruxelles, sur le principe de la consultation et de la coordination entre les partenaires de l’AELE, M. Languetin a exprimé l’espoir que son pays engagerait des discussions avec le Marché commun à l’automne 1970. Il a indiqué d’autre part que Londres espérait que ses négociations avec la CEE ne dureraient pas plus d’une année. Tentation de la Suède, que nous signalions dans notre dernière chronique, « espoir » suisse : le nombre des candidats à l’association, ou à l’adhésion, s’accroît…
Jusqu’à la mi-mai 1970, on ne savait pas qui, au nom des « Six », conduirait les négociations avec la Grande-Bretagne, le Danemark et la Norvège. Certains avaient émis l’idée que cette tâche pourrait être confiée au président de la Commission des Communautés. Mais c’eût été altérer les attributions de la Commission. C’est le président du Conseil des ministres qui négociera au niveau ministériel et son représentant permanent au niveau des experts. Ce seront des Allemands de juillet à décembre 1970, des Français au premier semestre de 1971, puis des Italiens. En 1972, des Luxembourgeois, puis des Hollandais. La Commission aura un rôle de proposition sur tous les sujets. Elle pourra être, sur décision du président du Conseil, le porte-parole des « Six » sur des sujets communautaires, notamment sur les politiques communes. Enfin, sur la demande du Conseil elle pourra recevoir des missions exploratoires et en rendre compte au Conseil.
La Commission sera alors telle que l’a prévue le traité de Rome. En effet, le 29 mai 1970, les ministres des Affaires étrangères des « Six » ont officiellement nommé les neuf personnalités appelées à succéder aux quatorze dont le mandat venait à expiration en même temps que la formule transitoire de la Commission. Le 11 mai 1970, ils avaient estimé qu’il était préférable d’appliquer le traité de fusion des Exécutifs communautaires, signé par leurs prédécesseurs en avril 1965.
La présidence de la Commission sera assurée par M. Malfatti (Italien), qui sera assisté de trois vice-présidents, MM. Barre (France), Haferkampf (Allemagne) et Mansholt (Pays-Bas). Les autres commissaires sont MM. Borschet (Luxembourg), Coppé (Belgique), Dahrendorf (Allemagne) et Deniau (France).
Au cours de leur réunion du 11 mai 1970, les ministres des Affaires étrangères ont par ailleurs décidé de demander aux Anglais, non seulement d’accepter le traité de Rome et les divers accords conclus dans son cadre, mais encore de faire profiter la Communauté de leur acquit en matière nucléaire. Dans leur esprit, un tel geste devrait être compris comme une sorte de contribution a posteriori aux efforts menés pour bâtir Euratom (Communauté européenne de l’énergie atomique).
Le 12 mai 1970, les six ministres des Affaires étrangères ont tranché trois points de grande importance politique pour la négociation avec la Grande-Bretagne :
• Dans quelles conditions certains pays du Commonwealth, notamment les anciennes colonies d’Afrique, pourraient-ils être associés à la Communauté au même titre que les associés actuels ? Ces derniers s’inquiètent de cette perspective, craignant de voit se diluer les avantages dont ils disposent à mesure que le nombre des bénéficiaires augmentera. La France a tenu à les rassurer, en faisant préciser clairement que les avantages dont ils bénéficient seront sauvegardés.
• Quel sera l’équilibre des pouvoirs au sein de la « Grande Europe » ? Combien de commissaires européens y aura-t-il ? Quels pays les désigneront ? Il y aura 14 membres : 2 par grand pays, 1 par petit pays. Par ailleurs, en cas de vote à la majorité qualifiée, comment seront comptées les voix ? Il a été décidé que les quatre « Grands » auraient 10 voix, la Belgique et les Pays-Bas 5, la Norvège, le Danemark et l’Irlande 3, le Luxembourg 2. Au total 61. La majorité sera de 43 voix. Autrement dit, pour bloquer une décision, il faudrait soit l’ensemble des nouveaux membres, soit l’ensemble des petits et moyens pays, soit un grand pays plus les Belges et les Hollandais, soit 2 grands pays. Les quatre « Grands » ne pourront, à eux seuls, emporter la décision. Au Parlement européen, l’Angleterre aura 36 membres, comme les trois autres « Grands », la Belgique et les Pays-Bas 14, les 3 « petits candidats » 10, et le Luxembourg 6.
• Enfin, le 29 mai 1970, sur la base du « rapport Davignon » – dont nous évoquions l’élaboration dans notre précédente chronique – les « Six » ont rapproché leurs vues sur les conditions et les objectifs d’une union politique européenne. L’utilité de consultations sur tous les problèmes importants a été retenue. M. Aldo Moro, qui présidait la réunion des six ministres des Affaires étrangères, a souhaité qu’elles fussent « sérieuses et serrées », sans aller toutefois jusqu’à suggérer de leur donner une forme institutionnelle. Cette possibilité n’est pas exclue pour l’avenir, et l’idée de réunions semestrielles a été lancée. La coopération devrait s’étendre à la jeunesse, à l’enseignement et à la culture. À cet égard, un rapport spécial doit être préparé après le 31 juillet 1970, ce qui équivaut à une prorogation du mandat confié aux six ministres par la conférence de La Haye. Dans quelle mesure la Défense peut-elle être incluse dans cette coopération ? Certains estiment qu’elle a déjà un cadre, l’Union de l’Europe occidentale (UEO). D’autres craignent que si elle était mise en œuvre, un pays comme la Suède, en raison de sa neutralité, ne pourrait pas poser sa candidature.
Depuis l’échec du « Plan Fouchet », en 1962, rien de sérieux n’avait été tenté par les « Six » pour élargir au domaine politique la coopération qui leur a réussi pour l’industrie et l’agriculture. Ce n’est qu’à la conférence de La Haye, en décembre 1969, que les chefs d’État et de gouvernement estimèrent opportun de relancer l’examen du problème. Mais la perspective de l’élargissement de la Communauté à la majorité des pays de l’Europe démocratique, et aussi la reprise du dialogue entre Bonn et les pays de l’Est imposent, en quelque sorte, d’ajouter une dimension nouvelle aux débats. Mais comment sauter le pas ? Comment insérer les affaires politiques dans la vie de la Communauté ? Il n’est pas question de supranationalité, ni d’institutions nouvelles. La réunion du 29 mai 1970 semble ainsi fonder la coopération politique sur l’esprit et les procédures du traité franco-allemand de 1963. C’est pas à pas, en fonction des réalités, que se bâtira l’union politique.
Vingt ans d’efforts européens
Un rappel des principales étapes de l’effort mené en vue de réaliser l’unification de l’Europe est forcément incomplet s’il se limite aux « Six ». Il ne pourrait prétendre correspondre à la réalité historique que s’il tenait compte des réalisations obtenues dans un cadre plus large, car l’on ne peut séparer ce que les « Six » ont fait entre eux de ce qu’ils ont fait au sein d’institutions plus larges, notamment le Conseil de l’Europe, l’Union de l’Europe Occidentale, l’Otan et l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économiques, la première en date des organisations européennes, puisque créée en 1948, sous le nom d’OECE – Organisation européenne de coopération économique, pour la répartition de l’aide accordée par les États-Unis au titre du « plan Marshall »). Ce n’est qu’en fonction de cette réserve que les « repères » qui suivent visent à rappeler comment les « Six » sont arrivés à pouvoir, en vingt ans, considérer leur œuvre comme ayant atteint le point de non-retour.
1950
Le 9 mai, M. Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères propose que la France et l’Allemagne mettent en commun leurs productions de base : charbon et acier, et créent des institutions et des règles communes, notamment une Haute Autorité indépendante des gouvernements, mais dont les décisions lieront les États membres. La proposition est ouverte à ceux des pays européens qui le voudront. Il s’agit d’arriver à une unification politique par des réalisations économiques créant des solidarités de fait.
Le 27 mai, la Grande-Bretagne rejette la proposition de Robert Schuman, laquelle est acceptée par l’Italie, les pays du Benelux et l’Allemagne : c’est la naissance de l’« Europe des Six ».
1951
Le 18 avril, les « Six » signent le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).
1952
Installée à Luxembourg sous la présidence de M. Jean Monnet, la Haute Autorité se met au travail : il s’agit de mettre en place et de faire fonctionner le marché commun du charbon et de l’acier pour 170 millions de consommateurs, sans tenir compte des frontières.
Le traité instituant la CECA entre en vigueur le 27 juillet.
Le 27 mai 1952, est signé un projet de traité instituant une Communauté européenne de Défense (CED), conçue sur le modèle de la CECA mais posant des problèmes différents quant aux responsabilités respectives des autorités nationales et des organisations communautaires.
1953
Le Marché commun est ouvert pour le charbon et le minerai de fer le 10 février, pour l’acier le 1er mai. Dès la fin de l’année, on note un sensible accroissement des échanges de charbon et d’acier à l’intérieur de l’Europe des « Six ».
1954
Le 31 août l’Assemblée nationale française rejette le projet de Communauté européenne de Défense, et, par là même, celui de Communauté politique dont il eût nécessairement constitué un élément essentiel.
Le 23 octobre, les « Six » et la Grande-Bretagne créent l’Union de l’Europe occidentale (UEO).
1955
La seconde phase de la construction européenne commence. Le succès de la CECA et l’échec du projet de CED incitent les gouvernements à reprendre l’effort dans l’esprit qui avait présidé à la création de la CECA, en élargissant le domaine de l’organisation communautaire. Le 1er juin, à Messine, les ministres des Affaires étrangères chargent M. Paul-Henry Spaak d’élaborer un rapport sur les possibilités d’une union économique générale ainsi que sur une union dans le domaine nucléaire.
1956
Le 12 avril, M. Paul-Henry Spaak définit les deux projets de marché commun généralisé et de communauté de l’énergie nucléaire. Le 29 mai, la conférence intergouvernementale de Venise approuve ces deux projets.
1957
Le 25 mars à Rome, les ministres des Affaires étrangères des « Six » signent les traités instituant le Marché Commun et Euratom. Les six pays décident ainsi d’appliquer à l’ensemble de leur économie les principes qui ont fait leurs preuves avec la CECA Ils s’engagent à substituer progressivement à leurs six marchés cloisonnés une seule zone de politique économique commune ayant les caractéristiques d’un marché national unique, à l’intérieur de laquelle hommes, marchandises et capitaux pourront circuler librement. Cette substitution doit s’effectuer au cours d’une période de transition dont le terme est fixé à 1970. Un système institutionnel est établi : « Commission » indépendante des gouvernements et des intérêts privés, Conseil des ministres, où siègent les représentants des gouvernements, Parlement européen chargé du contrôle de la Commission, Cour de Justice assurant le respect des traités et posant les fondements d’un nouveau droit européen.
1958
Les institutions des nouvelles Communautés sont mises en place. À Bruxelles s’installe la Commission du Marché commun, que préside M. Walter Hallstein, et dont les vice-présidents sont un Français (M. Marjolin), un Néerlandais (M. Mansholt) et un Italien (M. Caron), et la Commission d’Euratom que préside M. Louis Armand.
La tâche essentielle de cette « année 0 » est la préparation de l’union douanière.
Le 19 mars, le Parlement européen tient sa première session à Strasbourg, M. Robert Schuman en est élu président.
1959
Le 1er janvier débute le processus qui doit conduire à la disparition complète des obstacles aux échanges entre les « Six » : la première baisse de 10 % des droits de douane à l’intérieur du Marché commun. La Commission prépare des mesures pour harmoniser les règles de la concurrence et élabore ses premières propositions concernant les politiques économiques communes, notamment dans le domaine agricole.
1960
Les premières mesures sur la libre circulation des capitaux sont arrêtées le 11 mai. Le Fonds Social (qui rembourse aux États la moitié des dépenses en vue du réemploi de la main-d’œuvre touchée par le chômage) commence à fonctionner le 20 août. Le 20 juillet, les « Six » adoptent des procédures pour amorcer la coordination de leurs politiques commerciales, c’est-à-dire de leurs accords commerciaux avec les pays tiers.
Les « Six » décident d’accélérer la mise en place du Marché commun. Pour les produits industriels, ils portent à 30 % dès la fin de l’année la réduction des droits de douane internes, au lieu des 20 % prévus. Le premier rapprochement des tarifs douaniers nationaux vers le tarif extérieur commun est effectué avec un an d’avance le 1er janvier 1961.
1961
Tandis que la réalisation de l’union douanière se poursuit, la Communauté pénètre dans une phase plus difficile de sa mission : l’élaboration et la mise en œuvre des politiques communes. Les négociations s’ouvrent pour l’agriculture.
La Commission élabore un mémorandum sur la politique commune des transports. Le 10 août, une première étape est franchie vers la libre circulation de la main-d’œuvre. En octobre, de nouvelles mesures sont arrêtées pour la coordination des politiques commerciales. Le 18 décembre, le Conseil adopte un programme général fixant des échéances échelonnées de 1963 à 1969 pour la mise en œuvre du droit d’établissement et de la libre prestation des services.
Le 9 août, la Grande-Bretagne pose sa candidature à la Communauté. Des négociations s’engagent à l’automne.
1962
Le Marché commun entre dans sa seconde étape.
Le 1er juillet, la baisse des droits de douane est portée à 50 % (au lieu des 30 % prévus).
L’adoption des premiers règlements sur la politique agricole fait apparaître un esprit communautaire, qui se manifeste à propos des « ententes » des entreprises et, le 18 décembre, à propos de l’élimination d’une grande partie des restrictions aux mouvements de capitaux.
1963
Le 14 janvier, le général de Gaulle déclare que la Grande-Bretagne n’est pas prête pour entrer dans le Marché commun aux conditions en vigueur pour les « Six ». Les négociations entre les « Six » et la Grande-Bretagne sont arrêtées.
Une nouvelle baisse de 10 % des droits de douane internes intervient le 1er juillet, ainsi qu’un nouveau progrès vers le tarif douanier extérieur commun. De nouveaux règlements agricoles sont adoptés : désormais, la politique agricole commune s’applique à 85 % de la production.
Une convention d’association avec les pays d’outre-mer est signée à Yaoundé le 20 juillet.
1964
Les Six franchissent une seconde étape vers la libre circulation des travailleurs au sein de la Communauté. Ils adoptent un plan communautaire pour lutter contre l’inflation. Ils décident l’établissement d’un programme quinquennal de politique économique pour l’ensemble de la Communauté afin d’assurer une expansion rapide et régulière. Ils décident de renforcer la coordination de leurs politiques monétaires.
Le Marché commun agricole devient une réalité. Le financement communautaire des dépenses agricoles commence à fonctionner, et le 15 décembre les « Six » adoptent le plan Mansholt d’unification des prix des céréales.
1965
Le désarmement douanier se poursuit. Le 1er janvier, les droits de douane intracommunautaires sur les produits industriels sont de nouveau réduits de 10 %, et ramenés ainsi à 30 % de ce qu’ils étaient en 1958. Les droits qui subsistent sur les produits agricoles s’élèvent à 50 % ou à 45 % selon les produits.
En avril, les « Six » signent le traité sur la « fusion des Exécutifs » du Marché commun, de la CECA et d’Euratom : il n’y a plus qu’un Conseil et qu’une Commission pour les Communautés européennes.
La Commission propose l’abolition complète des droits de douane internes et la mise en place définitive du Marché commun agricole pour le 1er juillet 1967.
1966
Le Marché commun entre dans sa troisième étape. En mai, le Conseil décide de fixer au 1er juillet 1968, soit avec un an et demi d’avance par rapport à la date inscrite dans le traité de Rome, la réalisation de l’union douanière en matière industrielle et la libre circulation totale de la plus grande partie des produits agricoles.
De nouveaux progrès sur la voie de l’union économique sont enregistrés : le premier programme de politique économique à moyen terme est soumis au Conseil par la Commission, qui propose par ailleurs la création d’une société commerciale de statut européen.
1967
La Communauté se prépare à franchir le cap du 1er juillet 1968, date de la réalisation de l’Union douanière et de la politique agricole commune.
Le 11 avril, le Conseil adopte le premier programme de politique économique à moyen terme, et il décide l’harmonisation des systèmes de taxes sur le chiffre d’affaires en vue de l’application par les « Six » d’un régime commun de TVA en 1970.
Le 1er juillet est mis en vigueur le traité de fusion des Exécutifs. La nouvelle Commission, de 14 membres, est présidée par un Belge, M. Jean Rey, assisté de 4 vice-présidents, MM. Mansholt (Néerlandais), Levi-Sandri (Italien), Hellwig (Allemand) et Barre (Français).
En mai, la Grande-Bretagne pose de nouveau sa candidature à la Communauté, suivie dans sa démarche par l’Irlande, le Danemark et la Norvège.
1968
Avec 18 mois d’avance sur les échéances prévues par le traité de Rome, l’union douanière est une réalité : les droits de douane sont complètement éliminés à l’intérieur de la Communauté, le tarif extérieur commun est mis en place. En même temps, la Communauté achève l’organisation commune des produits agricoles pour 90 % des productions : le marché commun entre en vigueur le 1er juillet pour le sucre, le 29 juillet pour les produits laitiers et la viande de bœuf (qui représentent 50 % des revenus agricoles des six pays).
La libre circulation des travailleurs devient totale : toutes les discriminations fondées sur la nationalité, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les conditions de travail, sont abolies. Par ailleurs, plusieurs pays commencent à adapter leur législation interne en vue d’y introduire le système de la TVA.
1969
C’est la dernière année de la période transitoire de douze ans prévue par le traité de Rome pour achever l’union douanière et économique. À la fin de l’année, la Communauté entre dans la période définitive d’un traité conclu sans limitation de durée. Pourtant, si l’union douanière est réalisée, il s’en faut de beaucoup pour que l’union économique soit achevée dans les domaines de la monnaie, des finances, des monopoles, de l’industrie, des transports, de l’énergie, des régions, des accords commerciaux avec les pays tiers. Bien des harmonisations restent à trouver dans le domaine fiscal. La TVA n’entrera en vigueur en Belgique qu’à partir de 1971 et en Italie à partir de 1972. La politique agricole commune rencontre des difficultés dues aux excédents de production et aux manipulations monétaires en France et en Allemagne.
Les 1er et 2 décembre, à La Haye, les chefs d’État et de gouvernements décident une « relance » de l’effort européen. Le problème-clé de l’élargissement de la Communauté à de nouveaux membres cesse de diviser les gouvernements dès lors qu’il est convenu qu’après une préparation « à 6 », des négociations s’engageraient avec les pays candidats vers le milieu de 1970.
Le règlement financier agricole réclamé par la France fait l’objet d’un accord de principe à préciser en 1970. Un accord se fait sur l’attribution progressive de ressources propres à la Communauté pour aboutir à un véritable budget communautaire en 1975, sur lequel le Parlement européen exercera un droit de contrôle.
La disparition totale des frontières douanières provoque une expansion de 26 % du volume des échanges intracommunautaires, proportion jamais encore atteinte ; leur valeur totale est en augmentation de 30 % ; en 1969, le commerce intracommunautaire est cinq fois et demie plus important qu’en 1958, cependant que l’année se termine avec une augmentation des échanges avec les pays tiers de 18 % pour les importations et de 11 % pour les exportations.
1970
Les premiers mois voient se concrétiser les espoirs suscités par la conférence de La Haye.
La dernière difficulté de politique agricole, l’organisation du marché du vin, trouve sa solution le 22 avril, ce qui permet un accord définitif sur le financement de la politique agricole commune.
Cet obstacle franchi, la mise en forme des accords de principe sur les pouvoirs de contrôle budgétaire du Parlement européen et sur l’attribution progressive de ressources propres à la Commission ne soulève plus de difficultés. Le Parlement aura un droit d’amendement sur le budget communautaire, et la Commission se verra attribuer chaque année une part accrue des droits de douane perçus à la périphérie de la Communauté. En 1975, elle bénéficiera d’une indépendance financière quasi-totale.
Parallèlement progressent les conversations « à 6 », préparatoires à l’ouverture de négociations avec la Grande-Bretagne et les autres pays candidats à la Communauté. ♦