Maritime - Dans la Marine soviétique : fin de l'exercice Okean - Dans la Marine britannique : commande du 9e sous-marin nucléaire d'attaque - La flottille française d'hélicoptères 32F
Dans la marine soviétique : fin de l’exercice Okean
Le grand exercice aéronaval Okean qui avait débuté le 14 avril 1970, s’est achevé le 5 mai. Il a été l’objet dans la presse soviétique d’une publicité tout à fait inusitée. Des journalistes ont été embarqués sur les bâtiments et les aéronefs participant aux manœuvres et ils ont effectué de nombreux reportages. C’est l’Amiral Gorchkov, le Commandant en chef de la marine soviétique qui a dirigé l’ensemble des opérations depuis son poste de commandement à Moscou. Elles se sont principalement déroulées dans le Pacifique et en Atlantique Nord.
Peu de choses ont transpiré de ce qui s’est passé dans le premier de ces théâtres. On sait seulement qu’une vingtaine de bâtiments de surface et de sous-marins ont effectué des opérations dans la mer du Japon et dans le Nord de la mer des Philippines. Des exercices de débarquement mettant en œuvre l’Infanterie de Marine et les forces amphibies de la flotte soviétique d’Extrême-Orient ont également été effectués dans la région voisine de Vladivostock. Mais c’est essentiellement dans l’Atlantique Nord et en mer de Norvège que s’est déroulée la partie la plus spectaculaire et la plus importante des manœuvres Okean. Elle semble s’être décomposée en trois phases principales : préparation, engagement, dislocation et retour aux ports.
Des dizaines de bombardiers à moyen et long rayon d’action et au moins soixante-dix bâtiments de combat, amphibies et logistiques répartis en trois groupes Sud, Baltique et Nord y ont participé.
Phase préparatoire (du 14 au 20 avril 1970)
Le groupe Sud, fort du croiseur porte-hélicoptères Leningrad, du croiseur lance-missiles Dzerjinski et de trois destroyers lance-missiles appartenant à l’Escadre de la mer Noire, fait route au Nord en direction du passage Islande-Féroé, tout en effectuant des exercices. Il est survolé et surveillé par des bombardiers lourds à long rayon d’action.
La presse soviétique souligne à cette occasion le rôle éminent de l’aviation navale de reconnaissance qui a désormais acquis, grâce à sa maîtrise dans la technique du ravitaillement en vol de jour et de nuit et quel que soit le temps, la possibilité d’effectuer des raids de surveillance dans l’Atlantique à des distances considérables.
Le groupe Baltique qui comprend une dizaine de navires de combat dont le croiseur Oktiabrskaia Revoloutsia et le destroyer lance-missiles Obraztsovyi gagne le Skagerrack.
Le groupe Nord, composé d’une douzaine de bâtiments de surface dont trois croiseurs lance-missiles surface-surface et surface-air de la classe Kresta (7 000 tonnes) et d’au moins une dizaine de sous-marins dont la moitié environ à propulsion nucléaire, fait route au Sud-Ouest en direction du passage Islande-Féroé ; en cours de route il procède à des exercices anti-sous-marins et de défense aérienne.
Cette phase préparatoire semble s’être achevée le 20 avril.
Engagement
Cette phase, qui constitue la partie principale des manœuvres, dure du 20 au 28 avril 1970.
Le groupe Nord établit des barrages de navires de surface et de sous-marins pour tenter d’empêcher le groupe Sud de franchir le passage Islande-Féroé. Il semble aussi s’être opposé au groupe Baltique qui a gagné la zone comprise entre les Shetlands et la Norvège. Dans le thème de l’exercice, ces groupes semblent avoir figuré deux « Striking Fleets » de porte-avions cherchant à pénétrer en mer de Norvège. Le groupe Nord s’y oppose par des attaques de sous-marins, de navires de surface et surtout de bombardiers lance-missiles basés à terre, opérant par vagues successives de jour et de nuit avec, le cas échéant, ravitaillement en vol. Selon la presse soviétique, les opérations atteignent leur intensité maximum le 23 avril 1970. Elle rapporte que durant cette phase d’Okean, le groupe Sud et celui de la Baltique ont été soumis à des attaques coordonnées de l’aviation et à des tirs de missiles aérodynamiques à longue portée lancés par les croiseurs et les sous-marins du groupe Nord ; ces derniers ont lancé leurs engins en plongée. Cette révélation de la presse soviétique pourrait signifier que la Marine de l’URSS a désormais surmonté le handicap que constituait pour ses nombreux sous-marins diesel et nucléaires équipés de missiles aérodynamiques l’obligation de faire surface pour lancer et qu’elle possède maintenant des sous-marins dotés de missiles anti-surface lançables en immersion. C’est là une nouvelle et très grave menace pour les Marines occidentales car ces bâtiments peuvent lancer leurs missiles à une distance supérieure à celle de la détection sous-marine exploitable des navires qu’ils attaquent.
Dislocation
À l’issue de la phase précédente, on assiste à une dislocation du dispositif. Le groupe Nord diminué d’un croiseur type Kresta et de cinq autres bâtiments qui retournent en Atlantique pour une croisière dans les Caraïbes se dirige en compagnie du groupe Sud amputé du croiseur Dzerjinsky et de deux destroyers (1) vers la mer de Barents tandis que le groupe Baltique retourne en cette mer où il est attaqué par des vedettes lance-torpilles et lance-missiles après avoir franchi les Belts. Les 27 et 28 avril 1970 des exercices de débarquement ont lieu simultanément en Baltique et dans la mer de Barents sur les rivages de la presqu’île des Pêcheurs. Le croiseur porte-hélicoptères Leningrad prend part dans cette région à cette phase ultime des manœuvres Okean.
Après leur participation à Okean et un bref séjour en Baltique pour remise en état, le croiseur Oktiabraskaia Revoloutsia et le destroyer Obraztosyi ont fait une escale officielle à Cherbourg. L’Amiral Mikhailine, Commandant la Flotte de la Baltique, avait arboré sa marque sur le croiseur. La parfaite tenue des équipages et des bâtiments, l’aspect ultramoderne et le puissant armement de missiles du destroyer ont fait une très forte impression sur la population cherbourgeoise qui se pressa nombreuse le long des quais de la gare maritime pour visiter les deux bâtiments. Après leur séjour à Cherbourg, le croiseur et le destroyer qui avaient à leur bord de nombreux cadets de l’École navale de Leningrad, sont partis faire une croisière en Méditerranée.
Dans la Marine britannique : commande du 9e Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA)
Le neuvième Sous-marin nucléaire d’attaque de la Royal Navy a été récemment commandé par le Ministry of Defence aux chantiers Vickers de Barrow-in-Furness. La construction de ce bâtiment avait été annoncée dans le White Paper sur la Défense de février 1970. En dépit des difficultés financières, le Gouvernement britannique poursuit avec une ténacité que nous ne pouvons manquer d’admirer, sa politique qui consiste à mettre chaque année en chantier, un SNA. Grâce à cette politique, la Royal Navy se forge une splendide flotte sous-marine qui lui donne d’ores et déjà dans ce domaine un grand avantage sur les autres marines européennes. L’état de cette flotte se présente comme suit :
Noms |
Lancement |
En service |
Observation |
Dreadnought Valiant Warspite Churchill Conqueror Courageous Swiftsure S.108 S.109 |
21-10-1960 03-12-1963 25-09-1965 20-12-1968 28-08-1969 07-03-1970 |
17-04-1963 18-07-1966 18-04-1967 |
En carénage Va entrer en carénage
En essai
Sur cale : juin 1969 Commandé en 1969 Commandé le 20 mai 1970 |
Le Dreadnought qui déplace 3 000 tonnes a été construit grâce à une aide très substantielle des États-Unis ; il est d’ailleurs doté d’un réacteur américain. Les autres sont équipés d’un réacteur de conception et réalisation totalement britanniques. Ils déplacent environ 4 500 t en plongée et ont une vitesse-maximale de l’ordre de 30 nœuds. Les trois derniers constitueront une version améliorée du « Warspite ». L’armement de ces sous-marins comporte des torpilles Anti-sous-marine (ASM) filoguidées du type MK.24. Mais la mise au point de celles-ci ayant soulevé de nombreuses difficultés techniques les sous-marins en service de même que le « Churchill » sont équipés de torpilles ordinaires.
L’effort que poursuit la Royal Navy dans le domaine des sous-marins nucléaires ne l’empêche pas de moderniser ses flottilles d’escorte et de construire en même temps une flotte de frégates et de destroyers lance-missiles tout à fait moderne. C’est ainsi que trois escorteurs de 2 500 t du type Amazon ont été récemment commandés à l’industrie privée et qu’il est question de mettre en chantier d’ici la fin de l’année, quatre destroyers lance-missiles de 3 600 t du type Sheffield.
La flottille française d’hélicoptères 32F
La Marine a présenté le 5 mai 1970 à la presse la base aéronavale de Lanveoc Poulmic ainsi que la flottille 32F qui est en cours de rééquipement en hélicoptères Sud-Aviation SA.321 Super Frelon. Ces appareils participeront avec les navires de surface et les sous-marins à la surveillance des atterrages de Brest pour faciliter la sortie et le retour à leur base de l’île Longue de nos Sous-marins nucléaires lance-missiles. Par cette manifestation, la Marine a voulu marquer de façon officielle qu’elle considère cette formation et son nouveau matériel comme opérationnels.
La base de Lanveoc Poulmic a été mise en service en 1937 ; elle abritait alors une escadrille d’hydravions. Utilisée durant la guerre par les Allemands, elle fut presque entièrement détruite par les bombardements alliés. Lors de l’implantation en 1945 de l’École navale à Lanveoc Poulmic, on restaura les installations aéronautiques et on y basa la flottille 50S destinée à l’entraînement aérien des « midships ». En 1959, la base fut réarmée avec des hydravions Short S.25 Sunderland qui furent ensuite remplacés par des Beechcraft. La 50S fut dissoute en 1964 ne laissant subsister sur la base que la section de vol sportif de l’École navale. En 1966, la Marine décida d’aménager la base en base d’hélicoptères de lutte Anti-sous-marine. Elle fut dotée d’hélicoptères Sikorski H-55 venant de la Base aéronavale de Saint-Mandrier. On y installa aussi la flottille 22S plus spécialement chargée des liaisons et des opérations de sauvetage. À la fin de 1968, on commença à rénover la base et ses installations afin qu’elles puissent recueillir des Super Frelon. Les ateliers techniques, le PC/OPS, les transmissions, les aires de manœuvre, les aides à l’atterrissage ont été remaniés ou modernisés. Les premiers Super Frelon sont arrivés sur la base en janvier 1970. Actuellement, huit d’entre eux sont en service et l’on en attend quatre autres d’ici la fin de l’année. La Marine a commandé dix-huit engins de ce type ce qui permettra, compte tenu des immobilisations pour révision, d’avoir en permanence neuf appareils en service.
Le Super Frelon est fabriqué par Sud-Aviation. D’un poids maximum de douze tonnes dans sa version anti-sous-marine, il est propulsé par trois turbines Turbomeca de 1500 Ch chacune agissant sur un rotor principal à six pales et sur un rotor anti-couple à cinq pales. Les dimensions de l’appareil sont les suivantes :
– hauteur : 4,94 m (après repliage de la queue et des pales principales) ;
– longueur hors tout : 23 m (17 m après repliage de la queue et des pales principales) ;
– largeur : 5,20 m ;
– diamètre du rotor : 18,9 m.
Le Super Frelon possède une coque hydroétanche dont les qualités marines permettent : le décollage et l’amerrissage à pleine charge, l’hydroplanage, l’arrêt des turbines et le redémarrage à flot.
L’autonomie de l’appareil est de l’ordre de 3h30 en mission ASM. La vitesse de croisière est d’environ 250 km/heure. Il peut voler de jour et de nuit. Son équipage comprend deux pilotes, un mécanicien de bord et deux électroniciens. L’appareil qui est équipé d’un matériel très perfectionné (Doppler, calculateur, table tactique, localisateur, torpilles, etc.) est capable des deux missions, détection et attaque, à partir, soit, d’une base à terre, soit d’un porte-aéronefs. Il peut en version mouilleur de mines, transporter huit mines de 250 kg et assurer avec succès le dragage de mines avec une drague de 3 700 kg.
Rappelons que cet appareil s’est adjugé trois records du monde :
a) sur base de 3 km : 345 km/h contre 320 km, précédent record ;
b) sur base de 15 km : 350 km/h contre 339 ;
c) sur circuit fermé de 100 km : 334 km/h contre 294.
Le Super Frelon a par ailleurs démontré ses excellentes qualités lorsqu’un appareil de ce type acheté par une firme d’exploitation pétrolière est allé de France à Laé au Sud de la Nouvelle-Guinée, ce qui représente un parcours de quelque 20 000 km, via Athènes, Ankara, Téhéran, Karachi, Calcutta. Singapour, Jakarta, Timor et Darwin. ♦
(1) Ces bâtiments ont fait route au Sud, soit pour regagner la mer Noire, soit pour faire une croisière le long des côtes d’Afrique.