Aéronautique - Le bombardier stratégique américain B1 - Situation de l'industrie aéronautique en Italie - Exercice Datex 70 - Succès français dans les compétitions aériennes militaires
Le bombardier stratégique américain B-1
Les États-Unis viennent de mettre fin à la compétition qui opposait les principales firmes aéronautiques en choisissant North American Rockwell pour la cellule et General Electric pour les moteurs comme constructeurs du futur bombardier stratégique B-1 Lancer. Ce bombardier est destiné à remplacer les B-52 Stratofortress et Convair B-58 Hustler du Strategic Air Command à partir de 1978.
Pour l’instant, la seule décision ferme concerne le lancement de la phase expérimentale qui comporte la construction de 5 prototypes et d’une quarantaine de moteurs. L’armée de l’air américaine (US Air Force) pourrait commander environ 200 appareils (coût unitaire de l’ordre de 165 millions de francs) mais il est encore prématuré de se prononcer : qu’on se rappelle l’abandon du North American B-70 Valkyrie ou les vicissitudes rencontrées par le General Dynamics F-111 Aardvark.
Faisant l’objet d’études et de rajustements depuis 1962, le B-1 semble devoir occuper une place importante parmi les moyens nécessaires pour appuyer la politique définie par le président Richard Nixon dans son discours du 18 février 1970. En effet, on estime aux États-Unis, qu’indépendamment des missiles stratégiques sol-sol ou mer-sol, il est indispensable de disposer de moyens aériens afin de convaincre un adversaire potentiel qu’on est décidé à mener des actions stratégiques au cas où des intérêts vitaux extérieurs seraient menacés et qu’on en a la capacité.
Le B-1 est le vecteur choisi. Bombardier d’environ 175 tonnes, il sera capable de larguer à 10 000 km d’importantes charges nucléaires ou conventionnelles. Il pourra emporter des bombes par gravité mais aussi des missiles air-sol.
Afin de traverser les défenses extrêmement complexes qui seront opérationnelles vers les années 1980 le B-1 sera équipé des derniers systèmes de contre-mesures électroniques et pourra disposer de leurres à têtes nucléaires et missiles de défense aérienne.
Les moyens de survie seront développés au maximum tant au sol (abris bétonnés, dispersion, délais réduits de mise en œuvre) qu’en vol (cellule, poste équipage et compartiments électroniques pourront supporter de violentes surpressions ou radiations).
Enfin, le B-1 pourra utiliser des pistes relativement sommaires. Le problème de ses performances en vitesse a été longuement discuté pour aboutir finalement au choix du supersonique en altitude et du subsonique élevé à basse altitude. Le supersonique en vol rasant a été finalement rejeté car trop coûteux et en fait inutile face à des chasseurs disposant de missiles à fortes vitesses.
Compte tenu de ces renseignements, on peut imaginer ainsi une attaque type : décollage-croisière subsonique à haute altitude au-dessus du déploiement ami et dans la zone de ravitaillement en vol, jusqu’à environ 350 km des lignes adverses, limite de la détection ennemie par avion de surveillance radar ; accélération du B-1 alerté par son système de contre-mesures, qui, en même temps, s’efforce de détruire le radar aéroporté ennemi avec son armement ; utilisation des aides à la pénétration : brouillage électronique, lâcher de feuillets métalliques de brouillage (chaffs), lancement de sources infra-rouges et de leurres subsoniques armés ; descente à très basse altitude pour éviter les missiles sol-air et les intercepteurs ; navigation à très basse altitude grâce à son radar de suivi de terrain tout en utilisant son système de missiles à courte portée pour détecter et détruire les rampes d’armes antiaériennes.
Il est permis de penser que le B-1 sera capable, grâce à ses équipements, de parvenir à son objectif à une altitude voisine de 120 m et d’attaquer soit avec ses missiles, soit avec des bombes.
Il se pourrait que des progrès en matière de contre-mesures électroniques amènent à choisir une attaque supersonique à haute altitude, bien qu’a priori ce mode d’attaque paraisse beaucoup plus aléatoire.
Dans tous les cas, le rayon d’action du B-1 permet d’envisager l’attaque de tout objectif situé en URSS selon n’importe quelle direction sans qu’une défense totalement imperméable puisse lui être raisonnablement opposée.
Indépendamment de son aptitude à l’emploi en conflit nucléaire (possibilités intrinsèques : rappel après décollage sur alerte, traitement de plusieurs objectifs au cours de la même sortie, réemploi pour de nouvelles missions), le B-1 présente, vis-à-vis du missile, l’avantage de pouvoir être redéployé dans le cadre d’une guerre classique. C’est ainsi qu’il pourrait emporter en charges internes deux fois plus de bombes que le B-52 et intervenir dans des délais infiniment plus courts grâce à sa vitesse supersonique (par exemple, l’intervention au Sud-Vietnam à partir de l’île de Guam ne nécessiterait que 1 h 1/2 alors qu’il faut 4 h 1/2 au B-52).
Enfin la précision de tous ses systèmes de navigation et d’armement permettrait d’envisager même l’attaque d’objectifs ponctuels. Les détails techniques le concernant n’ont pas encore été révélés mais il est probable que l’aptitude aux grandes vitesses de l’ordre Mach 2 et aux terrains sommaires à conduit à faire appel à la géométrie variable pour la cellule et à des réacteurs très évolués en matière de moteurs.
Situation de l’industrie aéronautique en Italie
À l’occasion du 4e Salon aéronautique de Turin, la principale firme aérospatiale italienne, Aeritalia, s’efforce d’entraîner le Gouvernement à prendre des mesures susceptibles de promouvoir le développement futur de toute l’industrie aérospatiale italienne.
De création récente, à partir de la section « avions » de Fiat et de deux groupes contrôlés par Finmeccanica, Aeritalia a pour objectif un renforcement des moyens de production de façon à étudier de nouveaux appareils et parvenir à conquérir des marchés extérieurs en particulier dans la gamme du transport de taille moyenne. En matière de moteurs, les mêmes idées ont prévalu à l’association des principaux motoristes.
Après une période de stagnation consécutive aux désordres sociaux en Italie, le nouveau gouvernement semble orienter ses efforts dans deux directions, d’une part en subventionnant deux projets militaires (l’avion de combat multinational MRCA et le transport Fiat G.222), d’autre part en favorisant l’exportation.
Précédemment l’activité essentielle de Aeritalia consistait en travaux au profit de l’armée de l’air (Aeronautica Militare) dont les commandes sont trop modestes pour occuper à plein l’industrie nationale. Grâce à des contrats de sous-traitance, elle parvenait à accroître son plan de charge mais au détriment de tout progrès technologique personnel.
Le principal point d’interrogation concerne le MRCA (Multi Role Combat Aircraft) dont l’avenir n’est toujours pas complètement fixé. Les États-membres du consortium Panavia (Grande-Bretagne, Allemagne et Italie) devaient participer au financement du développement du projet selon un pourcentage égal à celui des travaux dont ils auront la charge. Bien que devant recevoir 15 % des travaux, l’Italie entend limiter ses paiements à 11 % des dépenses de développement sous prétexte qu’il lui sera imposé la version biplace alors qu’elle avait réclamé un monoplace (une version unique n’a en fait été retenue que pour des raisons d’économie). Tout en restant acquise au projet, l’Italie a réduit sa commande de moitié (100 au lieu de 200 appareils). Elle se verra confier la construction de l’aile et sans doute d’un prototype complet. Aeritalia a un besoin pressant de ce programme qui apportera du travail aux ateliers et également aux bureaux d’études. Le point noir demeure la situation financière du gouvernement qui, selon certaines sources, aura des difficultés pour réunir les fonds nécessaires.
Un retrait de l’Italie aurait des répercussions importantes sur le programme et amènerait à redistribuer l’ensemble des charges entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
Actuellement Fiat construit 3 prototypes du G.222, biturbopropulseur de transport, répondant aux spécifications de l’armée de l’air qui, pour l’instant, n’a pas encore passé de commande ferme. Elle attend auparavant des précisions concernant le prix et le temps nécessaires pour doter le G.222 de performances ADAC (Avion à décollage et atterrissage court). En effet, l’armée de l’air italienne n’a pas définitivement arrêté son plan d’équipement. Alors que le développement du G.222 était déjà en cours, elle a décidé de remplacer sa flotte de cargos Fairchild C-119 Flying Boxcar par 20 Lockheed C-130 Hercules et 40 à 50 Breguet 941.
Une telle décision a soulevé quelques remous alors que le G.222 est sur le point d’entreprendre les essais en vol. À l’origine, appareil à décollage court ou vertical, le G.222 s’est transformé sous l’impulsion de l’armée en un avion conventionnel devant, sans modifications excessives, pouvoir être doté de performances ADAC.
Une commande de 14 C-130 aurait été passée à Lockheed avec, en compensation pour l’industrie italienne, la construction d’éléments du futur jumbo-jet L-1011 TriStar. Aeritalia dispose déjà de contrats pour des pièces de Douglas DC-9, DC-10 et Boeing 747.
Enfin, l’industrie italienne doit fournir 165 Lockheed F-104 Starfighter et 85 Fiat G.91Y (biréacteur d’école et d’appui dérivé du G.91). Pour son avenir, Aeritalia mise sur le transport à courte distance avec frais d’exploitation aussi réduits que possible et estime qu’il lui faut doubler son chiffre d’affaires dans un délai de 3 à 4 ans.
Par suite du marché intérieur restreint, il lui faut trouver des débouchés extérieurs qui, jusqu’à maintenant ne bénéficiaient d’aucune aide de l’État.
À l’ouverture du Salon de Turin, le ministre du Travail a annoncé un changement de la politique gouvernementale qui se traduira par une aide financière à l’exportation et la prospection de marchés par des attachés commerciaux compétents.
L’industrie aéronautique italienne en éprouve d’autant plus le besoin que, par suite des récentes grèves et troubles qui ont touché tout le pays, les prix ont augmenté de 11 à 12 % et que la production connaît 1 à 2 mois de retard.
La situation en Italie reflète assez bien les problèmes que rencontrent partout en Europe les industries aérospatiales :
– programmes complexes dépassant les possibilités d’une seule firme, ou même d’une Nation ;
– retards technologiques provoqués par une activité axée principalement sur la construction sous licence ;
– difficultés quant au choix d’un appareil plurinational et quant à la répartition des responsabilités.
Exercice Datex 70
Du 23 au 29 mai 1970 s’est déroulé sur l’ensemble de la France métropolitaine un exercice majeur de défense aérienne dénommé Datex 70. Conçu dans un esprit de réalisme, il avait pour objectif de mettre à l’épreuve le dispositif de couverture aérienne de l’ensemble du territoire et en particulier des bases de la force nucléaire stratégique face au différentes formes de menaces aériennes prévisibles.
C’est ainsi que les attaques menées à toutes altitudes ont été prononcées à partir de toutes les directions de façon à éprouver plus spécialement les aptitudes de réaction sur les façades maritimes qui ne disposent pas du préavis que peuvent éventuellement fournir les alliés au-delà des frontières orientales. Un tel thème présentait l’avantage d’associer aux forces de l’armée de l’air, les moyens des autres armées participant également à la mission de défense aérienne.
Complétant les exercices des années précédentes, Datex 70 a procuré l’occasion de vérifier les améliorations apportées dans la détection et le contrôle par le développement des systèmes automatiques de transmissions Strida (Système de transmissions rapide des informations de défense aérienne) pour l’Armée de l’air, Senit (Système d’exploitation naval des informations tactiques) pour la Marine, Cautra (Calculateur automatique du trafic aérien) pour le Service général de la circulation aérienne.
Très important par le volume des moyens nationaux mis en œuvre, cet exercice a également bénéficié d’une importante participation étrangère à la flotte aérienne assaillante.
Nos voisins immédiats : Allemagne fédérale, Belgique, Grande-Bretagne, Italie, Espagne ainsi que les États-Unis par l’intermédiaire de la 6e Flotte étaient représentés.
Face à environ 350 assaillants de nationalités et de types variés, étaient opposés les moyens aériens du Cafda (Commandement air des forces de défense aérienne) ainsi que les Vought F-8 Crusader de la Marine.
La chaîne de détection et de contrôle de l’Armée de l’air était complétée par les bâtiments piquets « radar » de la Marine en Méditerranée et dans l’Atlantique.
Enfin, l’Armée de terre a participé activement à la défense ponctuelle des points sensibles avec ses batteries d’artillerie et de missiles antiaériens.
Au cours de ces quelques jours, l’activité aérienne a été particulièrement importante : face aux 400 raids, qui ont donné lieu à 2 268 attaques, ont été opposées 3 000 sorties de défense aérienne représentant 2 633 heures de vol.
Sur les 1 800 interceptions tentées, 1 550 ont pu être réussies tandis que de leur côté, les Forces terrestres antiaériennes (FTA) enregistraient également des résultats satisfaisants.
À l’issue de cet exercice et en l’absence d’une analyse détaillée, le faible taux de réussite des attaques menées en altitude et le renforcement de la coordination des différents moyens participant à la défense aérienne laissent une impression favorable qui permet de penser que les efforts menés dans ce domaine depuis plusieurs années portent leurs fruits et que l’on peut augurer favorablement des développements ultérieurs, liés à l’autorisation complète des centres de contrôle et de détection et à la mise en service du Mirage F-1.
Succès français dans les compétitions aériennes militaires
La France vient de remporter successivement deux compétitions organisées au niveau du Commandement allié Centre Europe : le concours pour armes tactiques et le concours de défense aérienne.
Le concours pour armes tactiques comportant 4 épreuves d’attaques au sol avec armes de bord, roquettes ou bombes réunissait des représentants des unités alliées stationnées soit dans le Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), soit en Allemagne fédérale.
Un escadron de la 11e Escadre de chasse équipée de North American F-100 Super Sabre a terminé en tête des concurrents démontrant ainsi le haut niveau d’entraînement de cette unité.
Le concours de défense aérienne plus complexe permet de confronter l’aptitude générale des participants à remplir la mission de défense aérienne. Organisé à l’échelon du secteur de défense aérienne, il opposait cette année six secteurs dont un français, chaque secteur étant représenté par six pilotes, une équipe de contrôleurs d’opérations aériennes et une équipe de mécaniciens chargés de l’entretien et de la remise en œuvre. Des épreuves variées d’interception à basse altitude en régime supersonique permettent de tester l’entraînement de chacun et en particulier l’étroite collaboration pilote-contrôleur tandis qu’au sol, les délais de remise en œuvre et de dépannage complètent les critères de sélection.
L’équipe française était représentée par des pilotes et mécaniciens de la 13e Escadre de chasse implantée à Colmar et dotée de Dassault Mirage IIIE et de contrôleurs appartenant au centre de détection et de contrôle de Drachenbronn (Bas-Rhin).
La France a terminé première du classement général après avoir obtenu une excellente place de second dans les épreuves en vol. Ce succès corroborant l’impression retirée de Datex 70 démontre le bon niveau opérationnel des unités de la défense aérienne française ainsi que la qualité du Mirage IIIE qui, à l’occasion de cet exercice, était équipé du moteur-fusée SEPR 844. ♦