L’Iran et les problèmes de l’équilibre
L’accueil de Kossyguine à Téhéran en mars 1970, suivant de peu le voyage de Mohamed Chah aux États-Unis en octobre 1969, le maintien de l’Iran au sein du CENTO, l’appui donné par le gouvernement iranien aux résolutions arabes en faveur du retrait des troupes israéliennes alors qu’il entretient de bonnes relations avec Tel Aviv, les nouveaux accords conclus en mai 1970 avec le Consortium international des pétroles, concrétisent le souci de l’Iran de ne pas s’écarter d’une politique d’équilibre qui lui permet aujourd’hui encore de rester en marge des conflits qui agitent le Proche-Orient. Justifiée par la situation géopolitique du pays, cette attitude a permis à celui-ci, au cours des dernières décennies, malgré occupations étrangères et coups d’État, de demeurer l’un des rares États du Moyen-Orient à sauvegarder son régime monarchique, vieux de vingt-cinq siècles, et de préserver son indépendance. Mais si cet équilibre était jusque-là paradoxalement la conséquence de la vulnérabilité même d’un pays soumis à l’antagonisme de pressions permanentes, il semble devoir prendre, avec les réformes mises en œuvre et la manifestation de forces nouvelles, un aspect dont le rappel d’événements récents permettra de souligner les caractères.
Trois fois grand comme la France, carrefour d’anciennes voies de communication, mais cependant le plus difficilement accessible, sauf par voie aérienne, des pays du Moyen-Orient, l’Iran parvient encore à concilier un souci d’indépendance et même de grandeur nationale avec les particularismes d’une population extrêmement diversifiée, tant en ce qui concerne les races, les langues, les religions, que le niveau social et culturel. Plusieurs de ses ethnies se trouvent également, et parfois dangereusement présentes dans les États voisins, comme les Kurdes en Turquie, en Irak et en U.R.S.S. ou les Azéris dans l’Azerbaidjan soviétique, et si l’Islam est la religion dominante, il n’a pas constitué un profond élément de rapprochement avec les pays arabes, le rite chiite, le plus répandu, ayant conservé ses fortes singularités.
La masse des habitants, environ 27 millions, avec deux tiers de paysans, ne peut attendre une atténuation de son dur mode d’existence et une élévation de son niveau de vie que par des moyens (planification, équipement, barrages, instruction technique) que l’État ne peut lui procurer que grâce à la principale ressource du pays, le pétrole. Mais l’Iran n’est toujours pas en mesure d’exploiter lui-même la plus grande partie de cette richesse, et compte essentiellement sur les « royalties » que lui versent les compagnies internationales qui exploitent les concessions et sont étroitement liées aux gouvernements occidentaux en raison de l’importance prise par le pétrole dans la vie économique et la défense nationale des États.
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