Institutions internationales - L'ONU et la communauté internationale - Les « Six » face à la Grande-Bretagne - La monnaie et l'union de l'Europe - Le concret européen
Le Prix Nobel de la paix n’a pas été attribué cette année à une personnalité ou à une organisation consacrant ses activités au rapprochement entre les peuples ou entre les races, mais à un scientifique dont les travaux offrent la possibilité technique de lutter contre l’une des causes de la tension internationale : la faim dans le monde. Seuls quelques spécialistes de la génétique connaissent le nom du professeur américain Norman-Ernest Borlang. Ses travaux sont pourtant à l’origine de la « révolution verte » qui est en passe de bousculer les données traditionnelles de l’agriculture dans plusieurs pays en voie de développement. L’événement est d’une signification considérable.
On compte actuellement 3,5 milliards d’hommes sur la planète, le taux d’accroissement étant de l’ordre de 2 %. Mais ce dernier chiffre n’est qu’une moyenne. Dans les pays industrialisés, le rythme de croissance est de 1 %, il se situe entre 4 et 5 % dans beaucoup de pays du Tiers-Monde. On a peine à rester toujours conscient de la croissance exponentielle, encore qu’elle ne soit pas autre chose que celle de l’intérêt composé. Un taux de 1 % ne correspond pas au doublement en 100 ans comme dans une progression arithmétique, mais en 70 ans. Un taux de 2 % à un doublement en 35 ans. De 3 % en 23 ans, de 4 % en 18 ans, de 5 % en 14 ans… D’ores et déjà, on peut estimer qu’au début du siècle prochain, on comptera 7 milliards d’hommes sur la Terre. Et, plus grave encore que cette augmentation globale, sera celle des disparités entre pays riches et pays pauvres. La surpopulation est un cancer qui ronge une grande partie de la planète alors que la stagnation des naissances menace à nouveau la vitalité de la France. Sans doute parle-t-on de « maîtriser » la démographie, mais on se heurte à d’innombrables difficultés, cependant que l’on sait que le taux de la natalité est inversement proportionnel à la richesse. L’Inde, par exemple, ne représente que 2,4 % des terres émergées du globe, mais 15 % de sa population : un tel déséquilibre ne peut qu’être générateur de violences. Il est facile de critiquer l’ampleur des budgets militaires, de souhaiter certains transferts de dépenses. Il l’est moins de prendre conscience des données et des perspectives du problème : les disparités alimentaires sont plus graves que les antagonismes politiques. Sans doute plusieurs organismes internationaux s’en préoccupent-ils. Mais ils restent très en dessous des besoins, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne dépendent pas d’eux. Dans son rapport annuel, M. Edwin McCammon Martin, président du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a indiqué que depuis quatre ans la croissance du Produit national brut (PNB) des pays en voie de développement avait été en moyenne de 5 % – supérieure à 6 % en 1969. Mais, ajoutait-il, « peut-être plus significative encore (statistiquement au moins) est l’élévation régulière des taux de croissance moyens depuis 1950. Le taux de croissance annuel moyen de 5,8 % que l’on obtient pour la période 1965-1969 se compare en effet avec un taux de 5,1 % pour la période 1960-1965 et un taux inférieur à 5 % pour les années 1950. Naturellement, l’influence sur le bien-être des individus a été moindre que ces chiffres pourraient le faire penser, non seulement à cause de la répartition très inégale de l’accroissement de la production entre les différents pays et entre les différentes régions et familles d’un même pays, mais aussi parce que durant les deux dernières décennies la population a augmenté à un rythme toujours plus rapide : 2 % par an dans les années 1950, 2,5 % dans la première moitié des années 1960 et au moins 2,6 % ces dernières années ».
L’ONU et la Communauté internationale
On aurait pu penser que l’ONU aurait profité de la célébration de son 25e anniversaire pour reconnaître que ses efforts n’avaient pas été, en ce domaine, à la mesure de la situation, et pour inviter les pays riches à augmenter l’effort qu’ils font en faveur des pays pauvres. Il n’en a rien été, et seules quelques allusions ont concerné ce problème pourtant humainement dramatique et politiquement dangereux.
Ce sont les problèmes politiques qui ont dominé la première partie de cette session. Et il en restera surtout le discours prononcé par le président américain Richard Nixon. Sans doute a-t-il eu raison de rappeler que « le monde d’aujourd’hui n’est pas celui que les fondateurs de l’ONU espéraient il y a vingt-cinq ans. La coopération entre Nations laisse beaucoup à désirer. L’objectif du règlement pacifique des différends est souvent trahi. Le grand problème de notre temps – la question de savoir si le monde entier vivra dans la paix – n’a pas été résolu ». Peut-être même avait-il raison de dire que « cette question centrale dépend en grande partie des relations entre les grandes puissances nucléaires. Leur force leur impose des responsabilités particulières »… Mais il a été plus loin, plaçant en quelque sorte l’ONU non seulement sous le patronage, mais sous l’autorité des deux super-Grands, dont il a mis en lumière la convergence des intérêts. On discutera longtemps de ce discours. En décidant d’entretenir l’ONU – où les représentants des petites et moyennes puissances constituent l’écrasante majorité – du rôle primordial joué par les deux super-Grands, M. Nixon avait mal choisi son auditoire. Il a bien défini les ambiguïtés des relations des deux superpuissances en parlant à la fois d’« intérêts communs », de « divergences fondamentales » et de « rivalité ». Ce rappel s’imposait au moment où Washington et Moscou, tout en poursuivant un dialogue suivi sur plusieurs questions fondamentales, s’affrontent dangereusement sur d’autres, dans un climat psychologique qui paraît se détériorer.
Washington et Moscou sont en négociations sur ce qui fait le fond même de leur puissance : leur armement nucléaire. Même si le succès n’est pas encore en vue, on peut prévoir qu’ils resteront en contact sur ce point capital, comme leur intérêt le leur commande. L’« ère de la négociation » qu’appelait de ses vœux le président Nixon n’est pas celle de la détente. L’important programme de renforcement stratégique mis en œuvre par l’URSS, l’expansion des forces navales soviétiques et leur pénétration en Méditerranée, l’accroissement de l’influence russe en Égypte, tout cela avait déjà sérieusement inquiété Washington. Plus récemment, l’installation de fusées soviétiques sur la rive occidentale du canal de Suez a créé une crise de confiance. La nervosité américaine aurait pu prendre des proportions d’autant plus inquiétantes qu’au même moment des bruits relatifs à l’éventuelle installation d’une base navale soviétique à Cuba rappelèrent fâcheusement la grande confrontation des Caraïbes en 1962. L’heureuse conclusion donnée à cette dernière affaire ainsi que la modération dont les deux super-Grands ont fait preuve dans la crise jordanienne ont indiqué que Washington et Moscou savent « jusqu’où ils peuvent aller trop loin ». Il reste que la propension à utiliser toute négociation pour « marquer des points », à interpréter toutes les relations internationales en termes de rapport de force et d’influence, comme le président Nixon l’a rappelé, peut être à l’origine de très graves malentendus. Au surplus, les autres Nations ne sont plus que des spectatrices, alors que leur intervention pourrait parfois éviter l’aggravation de la situation.
Sans revenir sur les raisons diverses qui ont fait des accords de Yalta le point de départ de la division du monde en deux blocs antagonistes, force est de reconnaître que depuis quelques années il semblait que l’on s’orientait vers une nouvelle structure politique. Certaines puissances qui, sans égaler les États-Unis ou l’Union soviétique, avaient les moyens de faire entendre leur voix (c’est notamment le cas des pays européens) avaient montré leur volonté de ne pas être les simples instruments d’une politique à l’élaboration et à la conduite de laquelle elles ne participaient pas. Sans doute restait-on loin de la communauté internationale telle que les fondateurs de l’ONU l’avaient imaginée voici un quart de siècle. Sans doute devait-on se garder de tout idéalisme. Mais on pouvait espérer que, dans le cadre général de la coexistence pacifique, les deux super-Grands n’entendraient pas régenter la vie internationale. Qu’un pays petit par les moyens, sans expérience politique, doté d’une civilisation archaïque (nous n’en citerons aucun) ait les mêmes droits théoriques que de vieilles démocraties riches d’une longue expérience politique, c’était un non-sens qui s’expliquait par l’un des principes mêmes de la Charte de San-Francisco, de même qu’il n’y a suffrage universel que si tous les citoyens sont égaux devant l’urne, quels que soient leurs moyens financiers, leur situation sociale ou leur intelligence. Mais entre ce non-sens et la domination des deux super-Grands, il faut un point d’équilibre.
Il semble que les créateurs de l’ONU avaient prévu le danger, en faisant du Conseil de sécurité l’organe essentiel de l’Organisation. Les cinq Grands en faisaient partie à titre permanent, et à eux se joignaient, à titre non-permanent, d’autres pays. Cette autorité collégiale était soumise au droit de veto de chacun des cinq Grands. Ce fut sa faiblesse. Peut-être pourrait-on œuvrer pour revenir, en ce domaine, à l’esprit de 1945 ? Cela supposerait que l’URSS ne fasse pas, comme elle l’a fait, un usage abusif de son droit de veto, et que le problème de l’admission de la Chine populaire soit enfin réglé.
En tout état de cause, il serait grave que les Nations unies non seulement cautionnent, mais en quelque sorte entérinent la suprématie des deux super-Grands.
Les « Six » face à la Grande-Bretagne
Ainsi que nous l’indiquions dans notre dernière chronique, de sérieuses divergences de vues se sont manifestées à propos des conditions dans lesquelles la Grande-Bretagne pourrait devenir membre du Marché commun. Les Anglais souhaitaient une période de transition plus longue pour les produits agricoles que pour les produits industriels. La France tenait à faire préciser par le Conseil des ministres de la Communauté le principe de la période transitoire pour les futurs membres de la Communauté économique européenne (CEE). La position française ne pouvait être discutée : comment s’engager dans des discussions qui porteront sur les mécanismes appelés à régir la période de transition, sur les méthodes et le calendrier à retenir pour progressivement supprimer les entraves aux échanges et rapprocher les prix agricoles anglais de ceux en vigueur dans la Communauté, si l’on ignore dans quel cadre se déroulera l’opération, autrement dit quelle sera la durée de la période de transition ? M. Maurice Schumann a été très net : « Avant le 30 juin, lorsqu’on a discuté à six, rien n’a été laissé dans l’ombre. On ne peut discuter sur la base de deux périodes de transition puisque le mandat mentionne la période de transition ».
La réunion des « Six » et du représentant britannique, M. Geoffrey Rippon, le 27 octobre 1970 à Luxembourg, s’est déroulée dans un climat de parfaite cordialité. Mais les nuages paraissent s’amasser. Sur quatre points, l’accord est pratiquement acquis :
– l’extension au marché britannique de la réglementation communautaire pour les œufs, le lait frais et le bacon ;
– la procédure de fixation des prix agricoles européens en liaison avec les organisations professionnelles ;
– le sort réservé aux territoires d’outre-mer dépendant de la Couronne anglaise ;
– l’acceptation donnée par Londres d’inscrire une clause CEE dans les accords commerciaux qui pourraient être signés avec des pays tiers d’ici l’adhésion. Cette clause permettra, le moment venu, d’éventuellement aménager ces accords de telle façon qu’ils ne contiennent aucune disposition contraire au droit communautaire.
Par ailleurs, la Grande-Bretagne va progressivement abandonner le système du « deficiency paiement » (subventions payées aux producteurs pour combler la différence entre le prix garanti et le prix du marché), qui faisait pourtant figure de symbole pour l’agriculture britannique. Parallèlement, les Anglais ont décidé de percevoir aux frontières du pays des prélèvements sur les produits agricoles importés. De la sorte, ils s’alignent sur le dispositif de protection extérieure fonctionnant dans la Communauté. L’opération, qui débutera dès 1971, donc bien avant la conclusion des pourparlers avec les « Six », sera d’abord appliquée à la viande bovine et aux céréales puis, d’ici 1974, étendue aux autres productions. Des difficultés sont à prévoir, de la part des pays fournisseurs (Australie, États-Unis, Canada par exemple) qui ne vont pas manquer de protester contre ce geste en faveur de l’Europe.
Si les nuages s’amassent, c’est entre les « Six » eux-mêmes, et à propos de la durée de la période de transition, comme nous l’indiquons plus haut. Nous avons fait état de la position française, inattaquable dans sa logique. Certains partenaires de la France souhaiteraient « un geste » dans le sens souhaité par les Britanniques. M. Maurice Schumann a obtenu, à Luxembourg, que le terme de la période de transition soit le même pour la démobilisation douanière industrielle, la suppression des entraves aux échanges de produits agricoles et l’alignement des prix agricoles anglais sur les prix européens. Mais, et c’est là que le différend subsiste, plusieurs d’entre eux souhaitent toujours que le gouvernement britannique dispose de délais supplémentaires avant d’appliquer intégralement la réglementation financière de la Communauté. Ne réussissant pas à s’entendre, les « Six » ont chargé la Commission d’imaginer un compromis et de leur soumettre des propositions sur l’ensemble de l’organisation de la période de transition. Les discussions sur ce problème sont donc suspendues, dans l’attente des propositions de la Commission.
La monnaie et l’union de l’Europe
Le 17 octobre, le « Comité Werner » – du nom de son président, le ministre des Finances luxembourgeois – a transmis aux gouvernements des « Six » son rapport concernant « la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté ». À en croire les déclarations que leurs ministres des Finances respectifs ont faites en septembre à Copenhague devant l’assemblée générale du Fonds monétaire international (FMI), les « Six » sont prêts à appliquer dans un avenir proche, sans doute dès le 1er janvier 1971, certaines des mesures prévues dans le rapport pour la première étape, et en particulier un rétrécissement, modéré mais symbolique, des marges de fluctuation entre leurs monnaies respectives. Il leur restera à examiner l’ensemble des conclusions du « rapport Werner », qui s’inspirent de l’idéal d’une Europe fédérée.
Ceci va « très loin ». C’est qu’en effet les membres de ce comité (créé en application des décisions de la conférence de La Haye) ont pensé atteindre l’union économique et monétaire par la voie d’une concertation généralisée : ils ont été conduits à suggérer la création de tout un appareil institutionnel propre à changer la nature de l’actuelle Communauté en lui donnant un caractère supranational. Un rapport intérimaire s’était borné à prévoir, sans autre précision, la nécessité d’un futur transfert des compétences nationales en matière de monnaie, de crédit, etc. au bénéfice d’une autorité communautaire. Le texte définitif, lui, suggère la création au « point d’arrivée » du processus d’intégration, dans dix ans en principe, de deux organes appelés, l’un « centre de décision pour la politique économique », et l’autre, « système communautaire des banques centrales ». La composition (hauts fonctionnaires « supranationaux » et représentants des États), les attributions, le mode d’exercice du pouvoir (décision à l’unanimité ou à la majorité), etc. ne sont pas précisés. Il est seulement stipulé que les deux organes devront agir dans le même sens (ce qui n’est pas toujours le cas d’une banque centrale vis-à-vis de son gouvernement), et que leurs relations avec les autorités nationales devraient être définies.
Il n’en reste pas moins que les noms qui sont proposés laissent entendre où devraient se trouver, dans l’esprit des auteurs du rapport, les réalités du pouvoir. Quelques lignes du rapport éclairent cette perspective politique. « Ces transferts de responsabilités représentent un processus de signification politique fondamental qui implique le développement progressif de la coopération politique. L’union économique et monétaire apparaît ainsi comme un ferment pour le développement de l’union politique dont elle ne pourra à la longue se passer ». Ces lignes traduisent bien l’état d’esprit des rédacteurs du document.
Tout est dominé par une option politique : les États européens veulent-ils, ou peuvent-ils, accepter de se dessaisir d’une partie de leurs prérogatives au profit d’un pouvoir communautaire ? On retrouve la vieille question de la nature même de l’Europe : maintien ou aliénation des souverainetés nationales ? confédération ou fédération ? Il serait grave qu’on se laissât, une nouvelle fois, entraîner dans la confusion verbale. Les mots ont un sens très précis : la confédération est une association d’États indépendants, la fédération est une intégration d’États ayant remis leurs pouvoirs essentiels à un pouvoir commun (ce n’est qu’improprement que la Suisse est qualifiée de confédération, en fait c’est une fédération à peu près parfaite – comme les États-Unis et la République fédérale allemande). Ce qui compte le plus aujourd’hui, c’est l’objectif politique. La décision, d’une portée considérable, est du ressort des seuls gouvernements. C’est pourquoi il serait prématuré de formuler un pronostic quant au sort de ce « rapport Werner ». D’autant que la négociation avec les candidats à l’adhésion introduit un nouveau facteur dans le problème. M. Rippon, le négociateur britannique, ne l’a pas caché : « Il y a entre nous accord sur l’essentiel, mais ce qui est bon pour Six ne l’est pas nécessairement pour dix ».
Le concert européen
Devant l’ampleur de tels problèmes, et la gravité des décisions par lesquelles des réponses leur seront données, les réalisations spécifiquement européennes paraissent bien légères. L’impression est trompeuse.
Le Crédit lyonnais et la Commerzbank (3e banque allemande) vont coopérer étroitement. Leur accord paraît une riposte à une pénétration américaine chaque jour plus vive en Europe et qui se manifeste par des prises de contrôle totales ou partielles d’établissements européens : il se trouve, en effet, que les banques des États-Unis se sont jusqu’ici beaucoup mieux adaptées à l’intégration européenne que les banques européennes, trop compartimentées et trop exclusivement centrées sur le marché intérieur. La pression américaine appelait une réaction européenne : elle commence à se produire, et l’accord qui vient d’être conclu fera « boule de neige ». Au surplus, la concentration bancaire réalisée en Grande-Bretagne rend encore plus redoutable la présence et le poids de la City au moment où se développent les négociations entre les « Six » et la Grande-Bretagne. Jusqu’à présent, les accords signés entre établissements de nationalités différentes se bornaient à des prises de participation de faible ampleur ou à la constitution de filiales à objet limité. Il s’agit maintenant de tout autre chose ; une véritable coopération – et cet accord marque le début de « l’ère multinationale » pour les banques européennes.
Devant la multiplication des sociétés multinationales, les syndicats de salariés ont été quelque peu désarçonnés. Ils s’emploient à trouver un nouvel équilibre. Ils ont tous été sensibles à cette publicité parue dans le Financial Times : « Massey-Ferguson emploie 45 000 personnes dans 42 usines situées dans 14 pays et vendant dans 182 des 214 nations du monde ». Lorsque l’entreprise prend de telles dimensions, les relations employeurs-employés doivent, elles aussi, prendre de nouvelles dimensions. Bien souvent, les syndicalistes trouvent en face d’eux des directions nationales qui se déclarent liées par les impératifs fixés par un état-major international, lequel, en revanche, affirme que chaque direction nationale est autonome, notamment en matière sociale. C’est pourquoi le Parlement européen a abordé le problème de la représentation syndicale dans les firmes multinationales, et plus spécialement des firmes européennes. Il propose des « comités d’établissement » au niveau des directions centrales. Par ailleurs, il est symptomatique que la CGT (Confédération générale du travail) ait rejoint le CNPF (Conseil national du patronat français) au sein du Comité économique et social de la communauté. En d’autres termes, les organisations syndicales de salariés sont en train de se mettre au niveau d’un type d’entreprise qui avait jusqu’ici échappé à leurs interventions. Les problèmes de salaires sont rarement abordés, l’attention se portant sur les conditions de travail – ce qui, par une évolution non prévue, mais significative, rejoint très exactement les préoccupations du traité de Rome. Les employeurs se sont hissés au niveau européen. Les salariés veulent les y rejoindre. ♦