Défense en France - Les Armées et le plan Orsec dans la vallée du Rhône - L'École nationale supérieure des techniques avancées - Voyage en Belgique du chef d'état-major des armées - Création d'une École militaire préparatoire à La Réunion
Les Armées et le plan Orsec dans la vallée du Rhône
Le plan Orsec, déclenché dans la nuit du 27 au 28 décembre 1970 en raison de la situation créée dans la vallée du Rhône par une tempête de neige exceptionnelle, a largement fait appel à la participation des armées. Sans attendre la mise sur pied à Valence le 30 décembre par le Gret 805 (Groupe régional d’exploitation des transmissions) d’un état-major mixte destiné à coordonner l’emploi des moyens de renfort demandés, les unités sur place ont pu s’attaquer aux problèmes les plus urgents dès qu’elles furent sollicitées par les autorités civiles.
La multiplicité des tâches imposait un effort d’organisation soutenu plus encore qu’un effort d’imagination.
De Vienne, sa garnison, le 505e Groupe de Transport va dégager la voie ferrée de Saint-Vallier avant d’engager la totalité de ses moyens dans le transport de ravitaillement, de voyageurs bloqués et de matériels de secours.
À Valence, le 75e Régiment d’infanterie ne ménage pas sa peine. Il entreprend simultanément le dégagement de la voie ferrée à Tain-l’Hermitage, le secours aux automobilistes bloqués sur la route entre Valence et Montélimar en distribuant essence, vivres, boissons chaudes et couvertures et évacuant ceux qui le demandent, l’installation d’un centre d’hébergement de 250 places confié au Centre mobilisateur 82, le ravitaillement de l’hôpital en médicaments, le transport d’équipes de dépanneurs de l’EDF et des P et T, des Ponts et Chaussées, la mise à la disposition de la Gendarmerie de dépanneurs auto, tout en assurant le déneigement d’un silo à grains, des rues et des routes d’accès à la ville.
Un renfort de deux compagnies du 99e RI venu de Lyon intervient à Romans, à La Voulte et à Saint-Étienne, où le Centre mobilisateur 38 est déjà au travail.
À Montélimar c’est le 45e Régiment d’instruction des Transmissions qui est à pied d’œuvre pour toutes les opérations de déblaiement, de secours aux automobilistes bloqués et pour ouvrir un centre d’accueil de 750 places, avant de lancer cent hommes par petits groupes de ravitaillement à dos d’homme dans les villages isolés, bientôt renforcés par les chasseurs alpins des 6e et 13e Bataillons de chasseurs alpins (BCA)
À Orange, la base aérienne fournit 500 lits pour le centre d’accueil et 100 autres pour celui de Bollène dont le 1er Régiment étranger de cavalerie (REC) va débloquer les accès.
Plus au sud, à Avignon le 7e Génie déploie ses engins pour dégager Bagnols-sur-Cèze et Maltaverne et les accès sud à Montélimar avant de s’occuper des voies ferrées de la ville. À Nîmes et à Narbonne, les aviateurs dégagent la neige, les rails, les voitures.
Priorité ayant été donnée aux secours aux personnes, le 29 décembre au soir, tous les automobilistes bloqués entre Valence et Montélimar étaient soit ravitaillés, dépannés ou évacués permettant ainsi d’engager le maximum de moyens sur le déblaiement des itinéraires grâce aux renforts appelés.
Les engins de cinq régiments du Génie venus de Rouen, Mézières, Besançon, Neuf-Brisach, La Valbonne travaillent à partir de Valence en direction de Montélimar pour y rencontrer les éléments venus du sud, 7e Génie, 1er REC, Centre d’instruction de Carpianne et artilleurs du 405e Régiment d’Hyères
Au total une soixantaine d’engins divers, autant de camions de transports et d’ambulances, quinze hélicoptères et 3 500 soldats et gendarmes n’ont pas mesuré leurs efforts comme l’exigeait la situation : la chaleur des lettres de remerciements reçues permet d’attester que ces efforts et leurs résultats ont été appréciés.
Nul doute que les armées sachent faire face à nouveau à leur mission de solidarité nationale au sein du plan Polmar créé par Instruction du 23 décembre 1970 pour faire face aux risques de pollution maritime. Nous reviendrons plus en détail sur cette nouvelle organisation.
L’École nationale supérieure des techniques avancées (ENSTA)
Le ministre d’État chargé de la Défense nationale a visité le 22 janvier 1971 l’ENSTA. Créée par décision ministérielle du 23 octobre 1968, l’ENSTA regroupait à l’origine les trois Écoles nationales supérieures du Génie maritime, des Poudres et de l’Armement avant d’absorber l’École d’application du service hydrographique de la Marine et le Cours supérieur d’armes nucléaires. Cette fusion correspondait d’ailleurs à la création d’un corps unique d’ingénieurs de l’Armement. Elle a été mise à profit pour diversifier à la fois les sources de recrutement et les débouchés des élèves grâce à une forme originale de l’enseignement dispensé. L’ENSTA est jumelée au sein de la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) avec l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’Espace (ENSAE ou Sup’Aéro), installée à Toulouse et ces deux institutions prennent place parmi les grandes écoles d’application de l’École Polytechnique telles que celles des Mines, des Ponts et Chaussées, et des Télécommunications. Mais, consciente comme l’École Polytechnique, de sa double vocation civile et militaire, l’ENSTA a élargi son recrutement. C’est ainsi qu’elle accueille :
– d’office, les ingénieurs du Corps de l’armement issus de l’X (Polytechnique) ;
– sur titres, comme élèves ou comme auditeurs, des ingénieurs titulaires de certains diplômes français et étrangers et des maîtres ès-sciences venant de l’Éducation nationale ;
– après concours direct et une année préparatoire, commune avec Sup’Aéro, des élèves des classes de mathématiques spéciales.
L’enseignement nécessairement pluridisciplinaire puisqu’il se propose de couvrir la plupart des techniques avancées, comprend cinq options principales (Océanographie, Génie maritime, Génie industriel, Électronique, Chimie) et une spécialisation (Techniques nucléaires) conférant le diplôme d’ingénieur ENSTA qui peut être complété grâce à une filière particulière de recherche orientée pour donner accès au diplôme d’ingénieur docteur. Le programme d’instruction, étalé sur deux ans, se situe au niveau du 3e cycle de l’Enseignement supérieur. Il est dispensé par un corps enseignant composé d’universitaires et d’ingénieurs de l’industrie ou des services de l’État, et assorti de stages et visites commentées en milieu industriel. Les élèves bénéficient de laboratoires très modernes et d’un centre de calcul. L’École, qui instruit actuellement 148 élèves pour les deux promotions, s’est fixé pour objectif de recevoir dans un avenir proche, une centaine d’élèves chaque année.
Accompagné par M. Blancard, Délégué ministériel pour l’armement, le ministre a été accueilli par l’ingénieur général de 1re classe Gonzague de Jenlis, directeur chargé de mission pour les deux écoles ENSTA-ENSAE. À l’issue d’un exposé de l’ingénieur général Servières, directeur adjoint, M. Michel Debré a particulièrement insisté sur la nécessité de ne pas sacrifier à l’enseignement purement technique la formation des élèves dans le domaine économique, commercial et social, 40 % d’entre eux se trouveront confrontés en effet à ces problèmes dans l’industrie civile dès le début de leur carrière.
Après avoir visité plusieurs laboratoires, le ministre d’État a tenu à affirmer aux élèves toute la confiance qu’ils devaient avoir dans leur avenir en raison de l’importante expansion industrielle que nous connaissons. S’adressant enfin aux stagiaires étrangers, venant de pays aussi variés que le Cambodge, le Cameroun, l’Égypte, le Gabon, la Grèce, Israël et la Yougoslavie, M. Michel Debré leur a exprimé sa satisfaction de les voir réunis pour ces études, les relations amicales nouées au niveau de l’école étant toujours de nature à faciliter ultérieurement la compréhension internationale.
Voyage en Belgique du Chef d’état-major des armées (Céma)
Invité par le lieutenant-général Vivario, Chef d’état-major général des Forces armées belges, le général d’armée aérienne Michel Fourquet s’est rendu en Belgique les 25, 26 et 27 janvier 1971. Le Céma a été reçu en audience par M. Segers ministre de la Défense nationale, a visité la base aérienne de Florenne, dont les escadrons s’équipent progressivement en avions Mirage et le Centre d’entraînement de Marche-les-Dames, héritier des valeureuses traditions des commandos formés en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Le dernier jour, le général Fourquet a effectué une visite de courtoisie au général Goodpaster, Commandant suprême interallié en Europe (SACEUR).
Ce séjour a démontré non seulement qu’il n’existe aucun contentieux franco-belge mais qu’au contraire la camaraderie militaire entre les deux pays est réelle comme l’ont manifesté les aviateurs, familiers des bases aériennes françaises et les parachutistes, qui connaissaient bien notre base de Pau. Un exemple insigne en a été fourni par le général Ceuppens, Chef d’état-major de la Force aérienne belge, qui a tenu à accompagner le général Fourquet pour assister aux obsèques des victimes de l’accident aérien de Mezilhac (NDLR 2021 : crash d’un Nord 262 causant la mort de ses 21 occupants le 21 janvier 1971) et associer les Armées belges au deuil des Armées françaises.
Création d’une École militaire préparatoire à La Réunion
Un décret du 29 janvier 1971 crée une École militaire préparatoire (EMP) dans le département de La Réunion. Cette création est originale à deux titres : d’abord c’est la première école du genre implantée hors de la métropole depuis le transfert de nos écoles d’outre-mer aux gouvernements devenus indépendants ; mais surtout, contrairement aux autres EMP (Autun, Aix-en-Provence, Le Mans) qui disposent de leur autonomie pédagogique et financière, l’EMP de La Réunion, tout en relevant du ministre d’État chargé de la Défense nationale, aura un statut mixte. En effet la construction, l’équipement, et l’entretien, y compris les rémunérations du personnel civil, incombent au préfet de La Réunion. L’école constitue en fait un internat militaire au sein duquel la formation physique, morale, civique et militaire est confiée à des militaires des troupes de Marine (environ 70 officiers, sous-officiers et hommes de troupe), tandis que les autres disciplines sont enseignées dans les classes du lycée du Tampon. L’école, placée sous le commandement d’un officier supérieur, accueillera, à la rentrée scolaire 1971, 150 élèves répartis en classes de 30 de la 6e à la 2nde incluse. Il est prévu ultérieurement 210 élèves avec la création des classes de première et de terminale. Les élèves, recrutés par concours, doivent signer un engagement dans l’Armée de terre d’une durée de cinq ans à compter de leur sortie de l’école.
À leur sortie de l’école, les jeunes gens seront orientés, suivant leur niveau, vers l’enseignement donnant accès aux carrières militaires (classes préparatoires aux grandes écoles, école nationale des sous-officiers d’active, écoles d’enseignement technique de l’Armée de terre d’Issoire et de Tulle)
Ainsi la création de l’EMP de La Réunion, par l’action conjuguée des autorités locales et de l’Armée, devrait aider le département dans la solution de son problème de formation et de débouchés professionnels fortement aggravé par une démographie en pleine expansion. ♦