Défense en France - Conclusion de la Commission d'étude des structures - La Délégation ministérielle pour l'armement a dix ans - Mise sur pied d'unités militaires spécialisées dans la lutte contre le feu
Conclusion des travaux de la commission d’étude des structures
Dans le cadre de son plan d’ensemble de réforme des Armées, le ministre d’État chargé de la Défense nationale, Michel Debré, a créé, à la fin de l’année 1969 une « commission d’étude des structures ». La mission qui lui était confiée était la recherche de solutions concrètes aux problèmes de l’allégement de l’administration en vue de l’amélioration de l’efficacité des forces et du meilleur emploi des ressources que le pays consacre à sa défense par la réduction des frais généraux.
Cette commission, composée de hauts fonctionnaires civils et militaires et présidée par M. Bernard Tricot, conseiller d’État, a remis son rapport au ministre le 26 février 1971, après un an de travaux ardus et complexes comme on peut s’en douter. Le contenu de ce rapport a été exposé par M. Saget, directeur de cabinet de M. Michel Debré, au cours d’une conférence de presse tenue le 5 mars.
C’est précisément devant la complexité et la diversité des tâches que la Commission, plutôt que de s’intéresser aux organigrammes, a choisi de faire porter son effort sur un petit nombre de directions, s’efforçant de prendre les problèmes par la base pour aboutir à des résultats partiels, mais concrets, là où les réformes entreprises pourraient avoir d’utiles développements. Dans son rapport, la commission expose des propositions, esquisse les prolongements nécessaires de ses travaux et met en lumière un certain nombre de problèmes que la réforme projetée soulève.
Une première série de propositions, établie après un large examen de ce qu’on appelle de façon volontairement vague des « manières d’agir », a pour objet d’abord et surtout de déconcentrer puis d’alléger les circuits administratifs en supprimant certaines formalités et en étendant le champ des délégations de signature, enfin d’unifier entre les trois Armées des réglementations diverses. Ces recommandations sont déjà, pour une partie d’entre elles, suivies d’effet.
Un autre groupe de propositions, élaboré sous le titre « schéma d’avenir » avec le souci de progresser prudemment, c’est-à-dire après enquête et expériences, porte principalement sur trois points :
– Création de « centres de décision et de responsabilité » dotés d’un « budget de fonctionnement » visant à chiffrer les coûts réels de l’activité et à donner aux chefs plus de liberté de choix dans l’accomplissement de leur mission. Cette organisation est en expérimentation dans certaines unités depuis le 1er janvier (voir RDN de février 1971, p. 319).
– Développement des études de coûts susceptibles d’aider à la prévision, au contrôle de gestion et à l’évaluation de la rentabilité des activités de soutien.
– Mise au point de « modèles d’efficacité » permettant, par rapprochement avec le contrôle de gestion, une meilleure appréciation des résultats, donc une meilleure orientation des choix.
Outre ces propositions, la commission indique deux directions essentielles dans lesquelles devraient se prolonger ses travaux. Pour alléger l’administration centrale, il convient de s’interroger sur les besoins auxquels les structures des Armées doivent répondre pour vérifier s’ils sont satisfaits par les mécanismes actuels. Alors seulement un réexamen des structures centrales sera possible au vu des résultats des premières expériences de déconcentration. Pour éliminer une cause fondamentale d’alourdissement des frais généraux il faut élaborer une politique de regroupement de l’implantation des Armées. Il faut repenser la répartition des forces et des services sur le territoire pour diminuer certains frais de fonctionnement mais surtout parvenir à une meilleure adaptation de nos armées aux exigences de notre temps.
Enfin, le rapport de la commission évoque quelques implications prévisibles des réformes proposées qu’il convient d’étudier sans tarder. Il s’agit principalement de fournir aux échelons de commandement responsables un complément de formation administrative, d’adapter la durée des temps de commandement aux nouvelles méthodes de gestion, de prévoir une déconcentration parallèle des services, de permettre à ces derniers de chiffrer leurs prestations. Pour l’approche et la solution de nombreux problèmes, en particulier les études de coûts et la définition des modèles d’efficacité, il faut envisager de recourir largement aux moyens de l’informatique sous peine d’alourdir le travail administratif, ce qui irait à rencontre du but recherché.
La portée pratique immédiate des travaux résumés dans le rapport peut paraître modeste. En fait la commission s’était imposé de ne rien modifier sans s’assurer au préalable que la nouvelle conception fût vraiment meilleure. Elle a surtout cherché à lancer un mouvement de recherche permanente et à créer un état d’esprit qu’il conviendra de développer en cultivant une véritable dynamique de l’esprit de réforme. La tendance naturelle de toutes ces études vers la stagnation ne pourra être vaincue que par une prise de conscience permanente et à tous les niveaux.
La Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) a dix ans
Le 5 avril 1971, la Délégation ministérielle pour l’armement va fêter son 10e anniversaire. Dans notre numéro de février 1971, M. Jean Blancard, Délégué ministériel pour l’armement, a donné, entre autres, un bilan des réalisations de la DMA que l’on pourrait compléter par quelques aspects peu connus des activités de recherche. En dix ans, la Direction des recherches et moyens d’essais (DRME) est parvenue à des résultats particulièrement intéressants notamment dans un certain nombre de secteurs susceptibles de développements non spécifiquement militaires. On peut citer ainsi le domaine des hydroptères, les études sur le bang sonore ou sur le comportement humain dans certaines conditions. D’importants progrès ont été réalisés en ce qui concerne le dessalement de l’eau de mer, les piles à combustibles, la cristallogénèse des rubis et la réalisation de matériaux composites à base de fibres de bore et de carbure de silicium, toutes techniques utilisables par l’industrie civile.
Mais à côté de ces réalisations, l’historique de la DMA pendant sa première décennie fournit aussi un bilan qui fait ressortir un souci permanent d’adaptation aux missions en fonction de l’évolution des circonstances.
En 1961, la DMA est constituée par le regroupement d’organismes déjà existants : Direction des poudres (DP), Direction des études et fabrications d’armement (DEFA), Direction centrale des constructions et armes navales (DCCAN), Direction technique et industrielle de l’aéronautique (DTIA), et par la création d’organismes nouveaux : DRME et huit départements respectivement chargés de l’Organisation, des Affaires générales, des Plans en développement, du Plan à long terme et du Budget, de l’Expansion et de l’Exportation, des Engins, de l’Atome, de l’Électronique.
Le 1er janvier 1962, la DRME se voit rattacher le Service d’équipement des champs de tir (SECT) qui dépendait précédemment de la DEFA. Ce service, créé pour l’aménagement du champ de tir du Centre interarmées d’essais d’engins spatiaux (CIEES), étend sa compétence, au cours de cette même année, au Centre d’études et de recherches d’engins spéciaux (Céres) de la Marine, installé à l’île du Levant. En juillet, il se voit confier le rôle d’architecte industriel du Centre d’essais des Landes (CEL) de Biscarosse qui vient d’être créé pour l’essai des missiles.
L’année 1963 voit la naissance en février, du Service puis Centre de documentation de l’armement (Cedocar) rattaché à la DRME et chargé de collecter l’information scientifique et technique, ainsi que celle, en août, du Centre des hautes études de l’armement (CHEAr).
En 1964, c’est la création, le 4 avril, du service de Surveillance industrielle de l’armement (SIAR), qui regroupe sous une autorité unique les différents services de surveillance de chacune des directions, pour coordonner leur action, et dont l’implantation territoriale est calquée sur celle des zones de défense.
À la lumière de l’expérience de ses quatre premières années d’existence, la DMA modifie ses structures par les décrets d’août 1965. Le département Organisation disparaît tandis que celui de l’Atome est confié à un chargé de mission. En raison de l’accroissement de leur domaine d’attribution, le département Engins devient une Direction technique (DTEn) et celui de l’Électronique devient Service central des télécommunications et de l’informatique (SCTI). Les deux départements « Plans en développement » et « Plan à long terme et budget » fusionnent en une Direction des programmes et affaires industrielles (DPAI) qui transfère une partie de ses attributions budgétaires au département « Administration Générale ». Celui-ci, à qui sont dévolues de plus la gestion et l’administration du personnel, devient la Direction des personnels et des affaires générales (DPAG). Le département « Expansion et Économie », responsable des questions d’exportation, centralise désormais les problèmes de coopération internationale en matière d’armement, jusqu’alors répartis entre divers organismes, et devient Direction des affaires internationales (DAI). Enfin, les anciennes directions des trois Armées, à la suite de modifications d’attributions, changent d’appellation. La DEFA devient Direction technique des armements terrestres (DTAT) ; la DCCAN, Direction technique des constructions navales (DTCN) ; et la DTIA, Direction technique des constructions aéronautiques (DTCA). Cette nouvelle structure devait encore être renforcée dans les années suivantes.
Par décision du 31 décembre 1966 est créé le Centre de calcul scientifique de l’armement (CCSA) rattaché au SCTI et équipé de puissants moyens (deux unités UNIVAC assurant un service de « temps partagé »). Le 1er janvier 1967, la DTEn renforce ses possibilités par le rattachement du Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA), précédemment à la DTAT, et du Centre d’achèvement et d’essais des propulseurs (CAEPE).
Le 1er janvier 1968 prend effet la fusion des corps d’ingénieurs. Un corps unique des Ingénieurs de l’armement (IA) regroupe ceux issus des Écoles nationales supérieures de l’Armement, du Génie maritime, de l’Aéronautique, des Poudres, des Télécommunications et, à partir de janvier 1969, les ingénieurs hydrographes. Le corps des Ingénieurs des études et techniques d’armement (IETA) rassemble les différents corps d’ingénieurs de direction de travaux.
Le Centre d’essais de la Méditerranée (CEM), centré sur Toulon, est créé le 1er juillet 1968 par fusion du Céres relevant de la Marine, du GTES (Groupe technique d’engins spéciaux), relevant de la DTCN et d’un polygone de tir de la DTAT. Le CEM est rattaché à la DRME et est confirmé dans sa vocation d’essais d’engins navals et de systèmes d’armes anti-sous-marines et d’entraînement au tir de la flotte.
La fin de l’année 1968 voit la création de l’École nationale supérieure des techniques avancées (ENSTA) (voir RDN de mars 1971, p. 503), le début du transfert à Toulouse de l’École nationale supérieure de l’Aéronautique et de l’Espace (ENSAE) qui sera terminé en 1970, et l’ouverture, aux environs de Rennes, du Centre électronique de l’armement (Célar), dépendant du SCTI pour regrouper un certain nombre d’activités précédemment dispersées. Enfin en 1970, un décret du 16 septembre crée le Centre d’études théoriques de la détection et des communications (CETHEDEC) rattaché à la DRME et un décret du 23 décembre porte réforme de la Direction des Poudres. Celle-ci disparaît pour faire place à une Société nationale des poudres et explosifs, et à un Service technique des poudres et explosifs au sein de la DTEn.
Telle est donc, sommairement retracée l’évolution des structures de la DMA durant ses dix premières années ; les nombreuses actions de reconversion d’établissements industriels n’ont pas été explicitées. Regroupements, fusions, spécialisations, créations donnent la mesure de l’effort constant de recherche d’une meilleure adaptation des structures et d’une rationalisation du potentiel industriel. C’est là l’évolution normale d’un organisme jeune toujours tendu vers le but qu’il s’est fixé : servir au mieux grâce à :
– un meilleur emploi des hommes
– un meilleur rendement de l’infrastructure
– une meilleure utilisation des crédits.
Mise sur pied d’unités militaires spécialisées dans la lutte contre le feu
Les contacts établis entre le ministère d’État chargé de la Défense nationale et le ministère de l’Intérieur en vue de renforcer le rôle tenu par les Armées dans les opérations de protection civile ont abouti à la mise sur pied d’Unités militaires spécialisées (UMS) conformément à l’article 13 de la loi du 9 juillet 1970 sur le Service national.
Le principe retenu consiste à donner une formation spécialisée dans la lutte contre le feu à un certain nombre de compagnies, réparties sur tout le territoire, de façon à en faire des auxiliaires compétents des unités locales de sapeurs-pompiers. Après leur service actif, les militaires ayant reçu cette formation recevront une affectation de défense pour servir, en temps de crise ou de guerre soit dans les compagnies d’hébergement ou les colonnes mobiles soit dans les centres de protection civile.
Les unités désignées pour fournir ces compagnies spécialisées sont :
– à Lille, le 43e Régiment d’infanterie
– à Rouen, le 39e RI
– à Rennes, le 41e RI
– à Bordeaux, le 57e RI
– à Brive, le 126e RI
– à Strasbourg, le 152e RI
– à Mont-de-Marsan, le 6e Régiment parachutiste d’infanterie de Marine (RPIMA)
– à La Valbonne, le 4e Régiment du génie (RG)
– à Avignon, le 7e RG
– à Nice, le 22e Bataillon de chasseurs alpins (BCA)
– à Toulon, 1 compagnie renforcée de marins-pompiers
– à Sollenzara, la Base aérienne 126.
La formation de combattant du feu est donnée en deux temps. Les cadres, jusqu’au grade de sergent, sont d’abord formés au cours d’un stage de trois semaines dont trois jours au Centre national d’études de la Protection civile à Nainville-les-Roches (Essonne) et le reste à Brignoles (Var) au camp de la Protection civile. Ensuite les cadres sont chargés d’instruire leur compagnie sous la direction technique des cadres des Corps de sapeurs-pompiers qui leur sont jumelés. Cette instruction comprend une formation élémentaire d’une durée de deux semaines (55 heures = lutte contre l’incendie, 25 h = lutte contre les feux de forêts) complétée par une formation de qualification dispensée tout au long de la durée du service. Les trois premières unités instruites sont celles de Nice, Bordeaux, Avignon, avec pour objectif de rendre ces compagnies opérationnelles pour le début du mois de juin 1971.
L’été fournira peut-être à certaines de ces unités l’occasion de tester leur formation et l’avenir nous dira si cette formation complémentaire donnée aux appelés suscitera des vocations de sapeurs-pompiers civils. Il ne faut pas se dissimuler la charge imposée par cette mission secondaire donnée aux unités spécialisées, mais l’expérience présente de l’intérêt dans la mesure où elle permet de renforcer l’efficacité de l’intervention des Armées qui, spécialisées ou non, sont de toute façon appelées à intervenir en cas de sinistre important. ♦