Défense dans le monde - Espagne : le budget de défense pour 1971 et la modernisation des forces armées - République fédérale d'Allemagne : situation des personnels dans la Bundeswehr - Grèce : le budget de défense pour 1971 - Sud-Est asiatique : défense de la zone Malaisie-Singapour
Espagne : le budget de défense pour 1971 et la modernisation des forces armées
Le budget espagnol est établi tous les deux ans ; chacun des exercices annuels (1er janvier au 31 décembre) est clos et liquidé séparément après les ajustements rendus nécessaires par l’élévation du coût de la vie. Le montant total du budget général pour chacune des deux années 1970 et 1971 se montait primitivement à 309,7 milliards de pesetas (1 peseta = 0,08 franc). Après rajustement, le budget de 1971 atteint 370,1 Md de pesetas soit 19,5 % d’augmentation.
Le budget des forces armées est passé de 43,9 Md de pesetas à 47,7 en 1971 soit 8,6 % d’augmentation. La part dans le budget général est tombée de 14,5 % en 1970 à 12,8 % en 1971. Toutefois il faut noter que ne figurent aux budgets des armées :
– ni le budget de la Garde civile : 9 Md de pesetas,
– ni le budget de fonctionnement du Haut état-major qui relève de la Présidence du gouvernement : 117 millions de pesetas,
– ni les retraites militaires : 23 Md de pesetas.
Depuis 1968 la ventilation des crédits entre les trois Armées n’a pour ainsi dire pas varié. En 1971, le budget de l’armée de terre représente 55,4 % du budget de défense, celui de l’armée de l’air 24,7 % et celui de la marine 19,7 %. Ces budgets ont augmenté respectivement de 10,8 %, 5,3 % et 7,5 % en 1971. Pour l’ensemble du budget la répartition entre les dépenses de fonctionnement et d’équipement a également très peu varié depuis 1968. Le pourcentage des dépenses de fonctionnement est passé, en effet, de 83,8 % en 1968 à 85,1 % en 1971. Les dépenses d’équipement restent à leur faible niveau, 14,9 % cette année. Il convient toutefois de souligner que cette répartition est très inégale suivant les Armées.
Cependant, il faut noter que les crédits prévus au plan de modernisation à long terme 1964-1972 des forces armées n’ont jamais été enregistrés dans le budget. Ce premier plan de 8 ans prévoyait 11 Md de pesetas d’investissements pour les forces armées à raison d’environ 1,4 Md par an. Or, en 1968 la totalité de ces crédits avait déjà été engagée. Le Haut état-major fut donc dans l’obligation de réviser son plan de modernisation qui fait actuellement l’objet d’une proposition de budget extraordinaire.
L’achat de 30 Dassault Mirage III et de 19 chars AMX-30 ainsi que le programme de construction en Espagne de 180 chars AMX-30, ont été financés par anticipation sur ce plan dont l’année de début aurait dû être 1970. Ces crédits extraordinaires prévus dans le cadre d’un plan de dix ans pourraient amener à un doublement du budget de défense dans un avenir assez proche, si le point de vue des militaires et des partisans de l’entrée dans l’Otan prévalait au sein du gouvernement.
Cet accroissement considérable des crédits militaires d’investissement au cours des prochaines années doit permettre aux forces armées espagnoles d’entrer dans la phase décisive de leur modernisation ; celle-ci se trouvera également notablement aidée par le renforcement, au moins qualitatif, de l’aide américaine à la suite du renouvellement en août 1970 de l’accord de coopération hispano-américain. Le calendrier des livraisons effectuées au titre de cet accord, examiné au cours des réunions du comité conjoint de défense hispano-américain, n’est pas connu dans le détail, mais ses grandes lignes permettent de dégager l’essentiel du plan de modernisation pour les deux ans à venir.
Pour la marine, il y a lieu de distinguer les matériels prêtés et ceux qui sont achetés. Sous réserve de l’autorisation du Congrès américain, qui ne sera pas obtenue avant le 1er juillet 1971, les bâtiments suivants seront livrés à titre de prêt :
– 5 destroyers (2 fin 1971, 3 début 1972),
– 2 sous-marins (en octobre 1971),
– 4 dragueurs océaniques (3 en juin 1971, 1 en janvier 1972),
– 3 LST (1 en octobre 1971, 2 au début de 1972),
– 1 LSD (en 1971),
– 1 pétrolier (au début de 1972).
Pour ce qui est du matériel acheté, 4 hélicoptères Bell Huey-Cobra ont été livrés et 4 Sikorsky SH-3 Sea King sont en cours de livraison ; un sous-marin du type Guppy IIA [Greater Underwater Propulsion Power Program] arrivera en juin 1971 cependant que le choix des avions de patrouille maritime Lockheed P-3 Orion n’est pas encore fait entre type A et type C. Pour pouvoir armer en personnel les bâtiments cédés, la marine espagnole condamne ses unités les plus usées. Ainsi 13 unités ont été rayées de la liste de la flotte en 1970 et une vingtaine d’autres le seront d’ici la fin de 1972.
Pour l’armée de l’air enfin, l’acquisition la plus importante concerne 36 McDonnell Douglas F-4C Phantom II. Les premières livraisons doivent débuter incessamment et permettre la constitution de deux escadrons pour le milieu de 1972. La facture totale s’élèvera à 104 M de dollars (55 M pour les appareils eux-mêmes, le reste pour le matériel de servitude et les rechanges). Le prêt de 120 M$ de l’Export-Import Bank prévu par l’accord d’août 1970 se trouve ainsi presqu’entièrement hypothéqué par cet achat, et il semble donc probable que les autres achats prévus (Lockheed C-130 Hercules, ravitailleurs, hélicoptères divers) s’effectueront sur le budget extraordinaire évoqué ci-dessus.
L’aide américaine reste donc importante dans l’équipement des forces armées espagnoles, mais l’effort proprement national doit y jouer le rôle primordial dans les années à venir. Si l’objectif, espéré par les militaires, du doublement du budget en faveur des crédits d’équipement est obtenu rapidement, l’industrie d’armements européenne et en particulier l’industrie française pourraient en être les bénéficiaires. Il semble en effet possible que le gouvernement espagnol cherche d’une part à diversifier ses sources d’approvisionnement et d’autre part à faire travailler au mieux une industrie nationale qui a encore besoin de la formule de cofabrication avec l’étranger pour les matériels les plus évolués, et qui semble apprécier la collaboration avec les pays européens et la France en particulier.
République fédérale d’Allemagne : situation des personnels dans la Bundeswehr
Au moment où le gouvernement socialiste de M. Brandt (SPD) est aux prises avec des difficultés de toutes sortes : ralentissement de l’Ostpolitik lié au piétinement des négociations sur le problème de Berlin, crise monétaire, inflation, l’opposition, à l’occasion d’un débat au Bundestag, a vivement critiqué sa politique militaire. Selon le porte-parole de la CDU (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne), la politique de détente ne peut se substituer à la politique de défense.
M. Schmidt a fait remarquer qu’il n’était pas question de modifier la politique de sécurité de l’Allemagne et que celle-ci ne pouvait se concevoir que dans le cadre atlantique. Le ministre de la Défense a réaffirmé la nécessité de maintenir les structures actuelles de la Bundeswehr (12 divisions soit 33 brigades) et ses effectifs.
Précédemment, M. Schmidt avait donné quelques indications sur la situation des personnels de la Bundeswehr.
Les considérations suivantes se dégagent de cette mise au point :
L’objectif poursuivi par le ministre de réaliser une armée composée d’appelés pour 40 %, d’engagés et de militaires de carrière pour 60 % n’est pas encore atteint. L’examen des effectifs en officiers, sous-officiers et hommes de rang montre le déséquilibre qui existe entre les prévisions et la réalité, déséquilibre auquel certaines mesures ont permis de remédier partiellement.
Le budget de 1971 prévoit un effectif global de 479 000 hommes. Or, en mars 1971, l’effectif n’atteint que 458 270 h, soit 206 929 appelés et 251 341 engagés et militaires de carrière. Leur importance respective dans la Bundeswehr s’élève donc à 45 % et 55 %. Mais il faut souligner que parmi les militaires sous contrat, 11 000 d’entre eux effectuent un stage de reconversion destiné à les préparer à la vie civile, ce qui aggrave sensiblement le sous-encadrement de la troupe.
En ce qui concerne les sous-officiers sous contrat, leur nombre est passé en 1970 de 81 600 à 87 700, soit un accroissement de 6 100 qui permet de combler le déficit antérieur à concurrence d’un quart.
De plus, il existe un excédent de 8 200 sous-officiers de carrière qui compense en partie le déficit en sous-officiers sous contrat. Enfin, certaines mesures annexes ont contribué à réduire le déficit des sous-officiers ; notamment la diminution de la durée de leur formation et la nomination à ce rang de certains appelés ou d’engagés pour deux ans.
En ce qui concerne les hommes du rang sous contrat, la situation s’est sensiblement améliorée. Au début de 1970, il en manquait encore 3 500. À la fin de l’année, il y en avait 6 500 de plus que l’effectif prévu. Sur les 88 700 engagés, les deux tiers ont signé un contrat de deux ans correspondant à la durée minimale. Sans aucun doute le nombre des candidats à l’engagement a considérablement augmenté depuis que les engagés de deux ans perçoivent dès la signature de leur contrat la solde de l’engagé (1).
La situation des officiers est caractérisée par une configuration défavorable de la pyramide des âges et par le manque de jeunes officiers sous contrat, en particulier au sein des unités de combat de l’armée de terre. La transformation de 1 650 postes de capitaines en postes de commandants et de 2 350 postes de commandants en postes de lieutenants-colonels doit permettre de mettre fin au ralentissement de l’avancement.
C’est dans le domaine du recrutement des officiers que se posent les plus grands problèmes. En 1970, l’effectif des officiers sous contrat n’a guère augmenté. Il n’y a eu que 1 600 candidats officiers. Même si ce nombre est de 260 supérieur à celui de l’année précédente, il ne représente que 55 % des besoins estimés. Certes, des mesures d’ordre interne ont été adoptées telles que celle qui permet de nommer des candidats officiers au grade de sous-lieutenant après vingt et un mois de service au lieu de trente-six. Ainsi, ont été nommés sous-lieutenants 700 engagés pour trois ans et 1 700 engagés pour deux ans. Mais ce ne sont là que des palliatifs qui permettent de gonfler momentanément l’encadrement.
Le problème du recrutement des officiers demeure entier : beaucoup le ramènent au manque d’attrait de la carrière militaire et à la difficulté d’intégration de l’armée dans la nation ; ils espèrent que les réformes actuellement à l’étude susciteront des vocations nouvelles pour la carrière courte d’officier.
En résumé, les tendances qui se dessinent dans la situation des personnels se caractérisent par une augmentation du nombre des officiers et des sous-officiers sous contrat, une diminution dans la durée des contrats souscrits et des difficultés accrues en raison du manque de cadres. Cette pénurie n’est pas sans relation avec le malaise actuel de la Bundeswehr : bon nombre de cadres déplorent leur isolement et leur surcharge de travail qui nuisent au rendement de l’instruction et au moral.
Grèce : le budget de défense pour 1971
Le budget général hellénique est en équilibre avec un total des recettes et des dépenses représentant 733 Md de drachmes (1 drachme = 0,185 F) contre 67,5 en 1970, soit 8,6 % d’augmentation. Le budget de la défense, qui en représente 14,3 %, est surtout consacré à l’entretien et au fonctionnement (90 % des dépenses) alors que le renouvellement en matériel moderne dépend presque entièrement de l’aide américaine.
Passant de 9 538 à 10 138 M de drachmes en 1971, les prévisions budgétaires de défense augmentent de 6,1 % par rapport à celles de 1970. L’effort militaire ainsi considéré maintient sa part relative dans le budget général (143 % en 1970 et 1971) et dans le PNB (environ 4 %).
Quant aux dépenses réelles, il faut noter que celles de 1970 sont évaluées à environ 10 Md de drachmes soit un dépassement de l’ordre de 5 % par rapport aux prévisions. Il y a donc lieu de s’attendre pour 1971 à un dépassement au moins de cet ordre, d’autant plus que tous les fonctionnaires ont été augmentés de 5 % le 1er janvier.
Du fait de ces dépassements de crédits et de la variété des sources de financement, l’étude du budget de défense s’avère délicate.
Quant aux prévisions budgétaires, elles se répartissent entre les armées de la façon suivante :
– Le budget du commandement des forces armées (1 031 M de drachmes) est très supérieur aux dépenses réalisables par cette section commune. Mais cet excès de crédits constitue une réserve au profit de l’une ou l’autre des trois armées.
– L’armée de terre bénéficie à elle seule de 54,5 % du budget soit 5 525 M de drachmes et elle reçoit généralement une plus grande part des crédits de la section commune.
– La marine reçoit 1 707 M de drachmes soit 16,8 % du budget.
– L’armée de l’air représente 18,5 % du budget soit 1 874 M de drachmes.
L’ensemble de ces crédits est consacré pour 90 % aux dépenses de fonctionnement et d’entretien ; pour ce qui est de l’équipement, seules les dépenses nationales d’infrastructure y sont comprises. Pour les achats importants de matériel d’armement des crédits provenant du budget des investissements publics viennent s’ajouter en cours d’année au budget de défense ; ainsi sont payés les achats aux pays européens : vedettes et chars AMX-30 à la France, sous-marins et Nord 2501 à la RFA. Ces crédits ont été estimés pour 1970 à 698 M de drachmes et leur montant pour l’année 1971 ne sera connu qu’ultérieurement. Les crédits remboursables pour les travaux de l’Otan viennent également se greffer sur le budget de défense. Leur montant ne cesse de diminuer depuis 1969, il est passé de 623 M de drachmes en 1969 à 550 en 1970 et à 326 en 1971.
L’aide américaine enfin, bien que n’apparaissant pas dans le budget doit être mentionnée ici car elle contribue pour une part importante à la valeur du potentiel de défense grec. Interrompue en 1967 à la suite de la prise du pouvoir par les militaires, l’aide officielle a repris en septembre 1970, elle concerne essentiellement l’octroi de matériels « lourds » (chars, avions, bateaux). Ainsi la livraison de 150 chars M48 Patton est maintenant imminente. D’autre part deux dragueurs de mines côtiers (MSC), baptisés Pletas et Alkion ont été remis officiellement par la marine américaine à la marine hellénique en décembre dernier. Le programme Otan (Force Goal) prévoirait, en outre, la livraison par les États-Unis de quatre autres MSC d’ici à la fin de 1972. L’aide officieuse maintenue pendant la période dite d’embargo a permis le réapprovisionnement en essence, munitions et rechanges. En effet, la moyenne annuelle de l’aide accordée pendant les trois dernières années s’est élevée, selon le Département d’État, à 106,9 M de dollars soit environ 3 100 M de drachmes. Ce montant est toutefois inférieur à celui d’avant l’embargo.
Dans son ensemble, le budget de défense correspond pour l’essentiel à des dépenses d’entretien malgré l’intervention en cours d’année de dépassements et de crédits extérieurs dont l’affectation est difficile à déterminer.
S’en tenant pratiquement pour le renouvellement et la modernisation de ses matériels à l’aide américaine, la Grèce ne semble pas prévoir un accroissement de son effort propre dans ce domaine, sa politique reposant toujours fermement sur l’appartenance à l’Otan.
Sud-Est asiatique : défense de la zone Malaisie-Singapour
Les Premiers ministres de Malaisie (Abdul Razak) et de Nouvelle-Zélande (Keith Holyoake) et les ministres de la Défense d’Australie (John Gorton), de Singapour (Goh Keng Swee) et de Grande-Bretagne (Lord Carrington), réunis à Londres les 15 et 16 avril 1971, ont donné leur caution officielle aux « arrangements de défense », concernant la zone Malaisie-Singapour, en discussion depuis quelques mois. Ces accords remplaceront le traité de défense anglo-malais, venant à échéance le 1er novembre prochain, qui mettait la Grande-Bretagne dans l’obligation d’intervenir militairement dans cette zone en cas de menace extérieure.
Du communiqué publié à l’issue de la conférence les points suivants peuvent être dégagés :
« En cas d’attaque armée organisée ou soutenue de l’extérieur ou de menace d’une telle attaque contre la Malaisie et Singapour », les cinq États s’engagent à « se consulter afin de décider des mesures qui devront être prises ».
Il sera créé un « conseil consultatif mixte » comprenant des hauts fonctionnaires qui se réunira régulièrement pour s’occuper de « sujets concernant les arrangements de défense ». De plus, les ministres de la Défense des cinq nations tiendront « de temps en temps » des réunions où ils discuteront de leurs intérêts communs. Dans le domaine militaire seront mis sur pied :
– « un système intégré de défense aérienne » pour la Malaisie et Singapour, qui entrera en vigueur en septembre 1971 et auquel participeront les cinq pays,
– une force terrestre et navale composée seulement des contingents britannique, australien et néo-zélandais (ANZUK forces) et travaillant en liaison avec la marine et les forces terrestres de Malaisie et de Singapour.
Chaque pays signataire pourra, à n’importe quel moment, demander une réunion de ses partenaires pour réviser ces « arrangements ». Ceux-ci seront d’ailleurs complétés par de nouvelles conversations sur le statut des troupes de l’ANZUK en Malaisie et à Singapour et sur l’utilisation future de l’École de jungle de Kota Tinggi en Malaisie, qui, à la fin de cette année, doit être remise par les Anglais au gouvernement de Kuala-Lumpur. ♦
(1) Avant la mise en vigueur de cette mesure, ils ne percevaient cette solde qu’après avoir accompli la durée légale du service.