L'annonce du prochain voyage du président Nixon à Pékin marque en fait l'aboutissement d'une évolution dont l'auteur nous retrace les étapes depuis 1945. Quelles sont les préoccupations chinoises, américaines, soviétiques et japonaises, et quelles perspectives s'ouvrent à cette nouvelle configuration quadripolaire, dont l'importance stratégique dépasse largement le cadre asiatique ?
Le rapprochement sino-américain : vers de nouveaux rapports entre les puissances
Le 15 juillet dernier, les États-Unis et la Chine annonçaient que le Président Nixon se rendrait, avant mai 1972 à Pékin en vue d’y rechercher, avec les dirigeants de la République Populaire, la normalisation des rapports entre les deux pays. Cette date est déjà considérée par certains comme marquant un tournant majeur dans l’histoire de ce siècle. Avant de s’interroger sur la situation des puissances principalement intéressées — c’est-à-dire la Chine, l’Amérique, l’U.R.S.S. et le Japon — face à l’éventualité d’un rapprochement sino-américain, ainsi que sur les conséquences qu’un tel événement pourrait avoir sur leurs rapports futurs, il convient de retracer à grands traits la genèse de la situation présente.
* * *
La victoire des armées soviétiques et américaines en 1945 avait laissé le monde comme submergé par un double raz de marée. Le Japon et l’Europe écrasés, la Chine en proie à la guerre civile, seuls les deux grands restaient debout et se faisaient face. Les Russes, qui étaient sur l’Oder et à Vienne, s’efforçaient d’avancer jusqu’à la Méditerranée et l’Adriatique. Leurs rivaux occupaient l’Europe de l’Ouest et, plus solidement encore, le pourtour du Pacifique occidental. L’armistice à peine signé, l’affrontement vint, d’abord par personne interposée, ainsi qu’en Grèce, puis plus tard presque direct comme en Corée. Il s’agissait pour l’Union Soviétique et l’Amérique de maintenir ou de parfaire des glacis de protection ou des empires politiques, mais il ne s’agissait que de cela ; ni l’une ni l’autre ne se menaçaient dans leur existence nationale. Si la nature de la confrontation, ainsi que la supériorité stratégique dont les États-Unis jouirent dans les premiers temps, empêchèrent finalement la « guerre froide » de dégénérer en un duel direct entre Moscou et Washington, celle-ci n’en suscita pas moins, au cours des quinze années qui suivirent la fin de la guerre, une série de crises dont on pouvait craindre qu’elles ne débouchent sur une catastrophe.
Il reste 94 % de l'article à lire