Défense en France - L'Enseignement militaire supérieur (EMS) - Les camps militaires - Exercices franco-togolais
L’Enseignement militaire supérieur
Après le ministre d’État chargé de la Défense nationale (Michel Debré) qui s’est adressé le 17 février 1972 aux trois Écoles supérieures de Guerre, c’est le président de la République Georges Pompidou qui a fait, le 11 mars 1972, sa visite traditionnelle à l’École militaire, visite au cours de laquelle le Chef des armées a l’occasion de s’adresser directement à tous les cadres et stagiaires de l’Enseignement militaire supérieur (EMS).
En premier lieu, le président de la République devait se faire présenter l’Institut des hautes études de défense Nationale (IHEDN) qui, sans faire partie de l’EMS, représente le plus haut niveau de l’enseignement militaire de défense. Créé en 1949, cet institut regroupe chaque année environ 70 auditeurs : hauts fonctionnaires, officiers généraux ou supérieurs, cadres supérieurs des secteurs public et privé et dont certains sont appelés à tenir les emplois les plus élevés dans les organismes chargés de la préparation et de la conduite de la défense. L’IHEDN étudie, dans le cadre des institutions nationales et du contexte international, la politique générale de défense de la France.
Le résultat de ces études fait l’objet de synthèses communiquées aux ministres intéressés (Défense nationale, Affaires étrangères, Économie et Finances, Intérieur, Équipement, Développement industriel).
Afin de faire bénéficier au moins partiellement de son enseignement des stagiaires habitant la province et qui ne sont pas en mesure de suivre régulièrement les travaux de la session annuelle de Paris, l’IHEDN organise chaque année trois cycles régionaux de courte durée (10 à 15 jours) dont le dernier s’est terminé à Lyon le 9 février 1972.
L’EMS proprement dit, placé sous l’autorité du général de corps d’armée Buis, à qui succédera le 1er juillet le général de division Callet, regroupe les différents organismes chargés de donner à différents degrés une formation tactique, scientifique, technique ou stratégique aux officiers qui y sont admis.
Au niveau le plus élevé se situe le Centre des hautes études militaires (CHEM), organisme chargé de préparer des officiers généraux et supérieurs à l’accès aux postes élevés de la hiérarchie militaire. Ses études sont orientées sur la politique de défense et la politique militaire, ainsi que la définition des objectifs de la stratégie militaire face aux menaces qui peuvent se faire jour. Les auditeurs du CHEM sont également auditeurs de l’IHEDN
Pour des raisons évidentes de coordination, le général directeur de l’EMS est également directeur de l’IHEDN et du CHEM.
Également situé au plus haut niveau, mais plus spécialement orienté vers les problèmes concernant la direction des affaires et le contrôle des programmes d’armement, le Centre des hautes études de l’armement (CHEAr) accueille lui aussi, en plus d’ingénieurs militaires et d’officiers, des représentants des administrations, des grands corps de l’État, du secteur privé, nationalisé et semi-public. Dans le cadre d’un thème directeur général, l’enseignement qui s’adresse à environ quarante auditeurs chaque année, s’ordonne autour de sujets concernant l’armement, l’économie, l’entreprise. Le CHEAr est subordonné au Délégué ministériel pour l’armement (DMA) et dirigé par un ingénieur général de l’armement.
L’ensemble de cette partie de l’enseignement militaire supérieur se situe au-dessus du 2e degré.
Placé sous l’autorité directe du Chef d’état-major des armées, le Cours supérieur interarmées (CSI) réunit pendant quatre mois les stagiaires des trois écoles supérieures de guerre. Ses études sont centrées sur la stratégie opérationnelle mais visent également à rendre les stagiaires aptes à envisager les problèmes de leur armée dans un contexte interarmées.
Le CSI est placé sous l’autorité d’un officier général, choisi à tour de rôle dans chacune des Armées, assisté d’un directeur des études appartenant à une autre Armée.
Les Écoles supérieures de Guerre de chacune des Armées relèvent de leur Chef d’état-major respectif. Elles ont pour mission de donner la formation nécessaire aux officiers destinés à exercer des commandements importants, ainsi que des fonctions de direction, ou à tenir des postes de responsabilités dans les états-majors. La formation est sanctionnée par le brevet d’études militaires supérieures. L’enseignement, qui dure de 12 à 18 mois suivant les écoles, est orienté vers la tactique et les conditions particulières d’emploi de chacune des Armées. Chaque école est placée sous l’autorité d’un officier général.
Autre organisme de l’EMS, l’École supérieure de l’Intendance dispense une formation sanctionnée par le brevet technique option « Études administratives militaires supérieures ». Le cycle de formation comprend des études en faculté ou dans l’enseignement supérieur, pour l’obtention d’un diplôme du deuxième cycle, suivies d’un stage de deux ans.
C’est également au brevet technique que prépare l’Enseignement militaire supérieur scientifique et technique (EMSST) en ce qui concerne les options « Études militaires supérieures » (Armée de terre) et « Études scientifiques et techniques » (Marine et Armée de l’air).
Le cycle de formation comprend des études spécialisées, soit en faculté soit dans une grande école d’ingénieurs, une formation tactique dans les Écoles supérieures de Guerre et un stage dans un établissement public ou privé en rapport avec la spécialité présentée par le candidat. L’EMSST n’est pas une école, mais seulement une direction d’études qui met à profit toutes les possibilités offertes par l’Université et les grandes écoles civiles et militaires. L’EMSST est aussi chargé, pour les Armées de terre et de l’air, du cycle de formation conduisant à l’attribution du diplôme technique qui se situe au niveau de l’EMS du 1er degré.
À ce niveau également se situent, pour l’Armée de terre : l’École d’état-major qui donne un complément de formation et une préparation technique au service d’état-major, et l’École supérieure des officiers de réserve du service d’État-major (Esorsem) qui donne une formation spécialisée à certains officiers de réserve volontaires. Ces deux organismes sont placés sous les ordres du commandant de l’École supérieure de Guerre.
Enfin, toujours au niveau du premier degré, l’École d’état-major de l’Armée de l’air a la même vocation que celle de l’Armée de terre.
Les cadres et stagiaires de l’EMS ne peuvent que trouver dans la visite annuelle du président de la République l’affirmation de l’intérêt primordial qu’il porte à la défense et une marque d’encouragement dans leurs études.
Les camps militaires
La question des camps militaires fait couler beaucoup d’encre, mais bien souvent sans une réelle connaissance ou une véritable compréhension des données du problème.
À quoi servent les camps militaires ? Ils font partie de l’environnement nécessaire aux unités de l’Armée de terre au même titre qu’un navire a besoin d’un port et un avion d’un terrain d’atterrissage. Ils sont aussi indispensables que le fusil, le char, le canon ou le poste radio à la mise en condition opérationnelle des unités. Cet entraînement collectif, consécration de l’instruction individuelle, est seul capable de donner aux unités la cohésion nécessaire au combat moderne. Il est à noter de plus que les appelés sont unanimes à considérer les manœuvres au camp comme la partie la plus intéressante et la plus enrichissante de leur service militaire.
Pourquoi y a-t-il dans ce domaine des besoins nouveaux ? D’abord parce que l’Armée, depuis 1962, s’est regroupée sur le territoire métropolitain, augmentant ainsi la densité de son implantation sans qu’augmentent à proportion les possibilités de manœuvre. Certes les effectifs globaux ont diminué mais parallèlement l’Armée se modernisait. Là aussi apparaît une source d’exigences nouvelles. La suppression de quelques régiments d’infanterie, qui pouvaient d’ailleurs fort bien manœuvrer à pied sur des terrains non militaires, ne suffit pas à diminuer le volume des besoins de l’entraînement de l’armée d’aujourd’hui. L’extension de la mécanisation interdit la manœuvre intensive d’engins chenilles sur des terrains civils. La mobilité accrue des unités et la manœuvre en ambiance nucléaire imposent des espaces plus vastes, de même que la puissance, donc la portée des armements.
Si autrefois un régiment manœuvrait sur un front de un à deux kilomètres et dans un espace de quelques centaines d’hectares, de nos jours on estime qu’il lui faut trois mille hectares. Il faut donc à une brigade des terrains de quinze à vingt-cinq mille hectares pour engager simultanément ses régiments.
La disparition non compensée des terrains de garnison imposée par l’expansion des villes n’a fait qu’accroître ces besoins nouveaux. Enfin la réduction de la durée du service militaire concentre sur douze mois les activités jadis étalées sur dix-huit mois ; le rythme des séjours des unités dans les camps s’accroît donc, il n’y a rien là que de très logique. Malheureusement il n’est pas possible d’augmenter indéfiniment le coefficient d’utilisation d’un camp : il faut en effet prévoir le temps nécessaire à la restauration des sols, au désobusage, à la remise en état des pistes et des routes. Donc il faut trouver d’autres terrains.
Quelles sont les ressources actuelles des Armées ? Certains camps ont une vocation bien spécifique et ne peuvent donc servir aux manœuvres. C’est le cas de ceux de Bourges, entièrement à la disposition de la Direction technique des armements terrestres (DTAT) et de Rivesaltes occupé par un centre de formation professionnelle. D’autres, utilisés comme garnison permanente, sont pratiquement saturés par l’entraînement des unités qu’ils abritent. C’est le cas notamment de la Valbonne (4e Chasseurs et 1er Génie), Carpiane (Centre d’instruction de l’Arme blindée et cavalerie - ABC) ; Souge (57e RI), Frileuse (5e RI) et Montlhéry (Régiment de marche du Tchad – RMT – et 1er Train). Les terrains de garnison, qui ont d’ailleurs tendance à disparaître pour faciliter le développement urbain, ne permettent que l’instruction individuelle ou élémentaire.
Les camps régionaux, comme celui de Montmorillon, ne dépassent pas 1 600 hectares, ce qui ne permet pas la manœuvre du régiment. Restent les camps nationaux de superficie supérieure à 3 000 ha. Parmi ces derniers également, certains sont totalement utilisés comme Coëtquidan (École spéciale militaire – ESM – et École militaire interarmes – EMIA) et les Garrigues (École d’application de l’infanterie). L’utilisation d’autres est en partie hypothéquée : c’est le cas de celui de Suippes, utilisé comme champ de tir par l’Armée de l’air, par les artilleries divisionnaires et, jusqu’en 1976, par l’École d’application de l’artillerie. Les seuls camps susceptibles de permettre la manœuvre d’une brigade sont Valdahon, La Courtine (encore ne peuvent-ils accueillir qu’une brigade motorisée), Sissonne, Mailly et Mourmelon, seuls les deux derniers dépassant les 10 000 ha. Certes une réorganisation est possible. C’est ainsi qu’il est prévu de regrouper à Canjuers en 1972, le Centre de perfectionnement du combat et de l’instruction du tir (CPCIT), ce qui soulagera le camp de Mailly et, en 1976, l’École d’application de l’artillerie, ce qui augmentera les possibilités d’utilisation du camp de Suippes. Lorsque les travaux d’infrastructure seront terminés, le camp de Canjuers pourra accueillir deux brigades.
Il n’empêche que la comparaison chiffrée révèle l’excédent des besoins par rapport aux ressources. L’unité de calcul pour évaluer soit le potentiel des camps, soit les besoins des armées est l’unité/semaine (U/S) qui correspond à un séjour d’une semaine pour un régiment. Les ressources de nos camps nationaux utilisables par l’Armée de terre s’élèvent à 1 332 U/S alors que les besoins de l’instruction en métropole se montent à 1 970 U/S. Encore cette différence ne pourrait-elle que s’accentuer au cas où nos unités stationnées en Allemagne, qui y bénéficient de 130 U/S grâce aux camps de Munsingen et Stetten, seraient ramenées en France.
Exercice franco-togolais
Du 20 au 25 février s’est déroulé dans la région nord du Togo l’exercice Amitié 72 mettant en œuvre des forces franco-togolaises. Cet exercice entre dans le cadre régulier des manœuvres organisées périodiquement, sur leur territoire, avec les pays d’Afrique auxquels nous lient des accords de coopération. C’est à ce titre que des exercices similaires ont eu lieu en Côte d’Ivoire en 1967, en Mauritanie, au Niger et à Madagascar en 1968 et au Gabon en 1971. En plus de l’entraînement des troupes, qui est le but de toute manœuvre, ce genre d’exercice vise à étudier les conditions particulières de mise en œuvre des accords bilatéraux : structures du commandement unifié, participation d’éléments de notre force d’intervention, coopération militaire sur le terrain, liaisons etc.
Les moyens mis en œuvre cette année au Togo comprenaient :
• du côté togolais : trois compagnies d’infanterie et un élément de blindés légers mis en œuvre par deux PC de sous-groupement, des éléments de transport terrestre et aérien, et la Gendarmerie qui assurait le rôle de plastron.
• du côté français :
– les éléments de transport aérien, (trois C-160 Transall) nécessaires à l’unité d’intervention,
– une compagnie parachutiste du 8e Régiment parachutiste d’infanterie de Marine (RPIMa),
– des éléments de transmission et de gendarmerie,
– un escorteur rapide Le Champenois,
– une patrouille d’avions d’appui au sol North American F-100 Super Sabre.
Le commandement unifié était assuré par un état-major mixte sous les ordres conjoints du général Eyadema, chef de l’État et Chef d’état-major de la Défense nationale togolaise et du général de corps d’armée Quilichini, Inspecteur des forces armées en Afrique centrale. Le thème de l’exercice était une agression dans le nord du pays, thème parfaitement fictif puisque le Togo entretient les meilleurs rapports avec ses voisins, le Ghana, la Haute-Volta [NDLR 2021 : futur Burkina Faso] et le Dahomey [Bénin].
Le parfait déroulement de la manœuvre a illustré l’excellence des relations franco-togolaises et concrétisé une coopération tout à fait exemplaire entre les deux pays. ♦