Défense dans le monde - Canada : nomination du général Dextraze au poste de chef d'état-major des forces armées - Grande-Bretagne : capacité d'intervention outre-mer des forces armées - Suède : les orientations de la défense - Pologne : l'effacement du général Moczar - Chine : libéralisation et ouverture économique - Sud-Est asiatique : la 5e réunion ministérielle de l'ASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est) - Corée du Nord : politique étrangère
Canada : nomination du général Dextraze au poste de Chef d’état-major des forces armées
Le 13 septembre prochain, le général d’origine française Jacques Dextraze accédera au plus haut poste de la hiérarchie militaire canadienne, celui de Chef d’état-major général (CEMG). Cette nomination remet à l’ordre du jour la question de la francophonie dans les forces armées. En effet le général Dextraze, de par ses fonctions actuelles de chef du personnel militaire, s’est longuement penché sur le problème, et le fait qu’il supplante le général anglophone Pollard, d’un an plus ancien et considéré jusque-là comme le « dauphin » du Chef d’état-major du moment, marque l’importance attachée par le Gouvernement à l’intégration des francophones (1). Pour mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir dans ce domaine, il apparaît intéressant de faire le point de l’évolution de la situation des Canadiens-français dans les forces armées par rapport aux objectifs fixés par le Premier ministre Trudeau : donner aux francophones, à tous les niveaux de la hiérarchie militaire, une place correspondant à celle qui est la leur dans la Nation.
Il faut d’abord rappeler qu’il n’y a jamais eu de service militaire obligatoire au Canada et que, par le fait même, les Canadiens-français n’ont guère été attirés par une armée dont la langue et les traditions étaient britanniques. Les nécessités de la Première Guerre mondiale firent créer quelques unités à prédominance francophone, mais il fallut attendre l’année 1964 pour qu’à la faveur de la fusion des trois armées traditionnelles une véritable politique d’intégration des francophones soit mise sur pied. La réorganisation des forces armées fit constituer de nouvelles unités de langue française et un effort sans précédent fut entrepris pour réaliser le programme défini dans le Livre blanc sur « la défense dans les années 1970 » : atteindre le taux de 28 % des francophones à tous les échelons des forces armées et, ainsi, renforcer l’unité canadienne.
Ce pourcentage n’a pas été choisi au hasard. Il est celui que représente la population d’origine française par rapport aux 21 millions de Canadiens. Les forces armées à l’heure actuelle sont loin de l’atteindre : les 12 800 francophones ne constituent que 15,4 % de l’effectif total des forces armées (83 000 hommes) ; ce pourcentage tombe à 11,8 % chez les officiers et il n’y a que neuf Canadiens-français parmi les généraux. La répartition des francophones dans la pyramide des grades met en évidence une forte représentation aux bas échelons : environ 25 % des soldats de 2e classe, 21 % des sous-lieutenants, mais seulement 6 % des adjudant-chefs et des colonels ont le français pour langue maternelle.
Résolu à préserver à tout prix l’unité du pays, le gouvernement canadien s’est attaqué aux causes profondes des disparités actuelles en prenant une série de mesures pour promouvoir le bilinguisme et intégrer les francophones à tous les niveaux des forces armées : création d’une Direction générale du bilinguisme et du biculturalisme au ministère de la Défense, d’une Division chargée de l’administration des écoles militaires canadiennes de langue française au sein du Commandement de l’instruction, mise sur pied de nouvelles unités francophones, traduction en français des ouvrages militaires, indemnités d’instruction en langue française, etc. : enfin, il vient d’être décidé que 35 % des élèves-officiers seraient recrutés en 1972-1973 chez les Canadiens français. Si la Communauté anglophone dans son ensemble a évolué et admis la nécessité d’une telle politique, certains cependant expriment leurs craintes de voir les nouvelles mesures nuire à l’unité de l’Armée ou mettre en cause l’attachement des militaires d’origine française au gouvernement fédéral. Le comportement de ces derniers au cours des événements d’octobre 1970 permet d’affirmer qu’ils sont profondément attachés à la légitimité d’un gouvernement régulièrement élu, qu’ils ont un sens aigu de l’intégrité du territoire et de l’ordre. Les personnels francophones s’accordent généralement à dire que les problèmes entre les deux communautés linguistiques ne leur semblent pas insolubles si tous les citoyens veulent unir leurs efforts, et les progrès constatés ces dernières années leur paraissent de bon augure.
La nomination du général Dextraze au poste de Chef d’état-major constitue une preuve supplémentaire que le nouveau ministre de la Défense, M. Benson, entend poursuivre l’œuvre entreprise par son prédécesseur. Cependant, le sort des francophones dans les forces armées ne peut être dissocié de l’avenir de la langue française dans l’ensemble de la Nation, avenir qui continue de se présenter sous des auspices contradictoires.
En effet, la baisse de la natalité chez les Canadiens-français et l’apport de l’immigration au bénéfice quasi-exclusif de la Communauté anglophone font décroître l’importance relative de la population francophone. De plus, le poids économique et technologique des États-Unis dans le continent nord-américain renforce au Canada la situation privilégiée que les anglophones ont héritée du passé et donne à la langue anglaise un dynamisme difficile à égaler : les francophones, canadiens ou immigrants, sont amenés à utiliser l’anglais dans tous les secteurs de l’activité professionnelle, non seulement dans les provinces anglophones, mais aussi dans une très large mesure au Québec. De cet ensemble de faits découle pour les Canadiens-français un fort risque d’assimilation avec affaiblissement progressif de leur originalité et de leur culture qui peut les pousser à des réactions dont il est difficile de préjuger la forme et l’ampleur.
Le bilinguisme et le « biculturalisme » sont les éléments essentiels de la politique que le gouvernement d’Ottawa a choisi de pratiquer pour conjurer le danger ; mais il est encore trop tôt pour savoir s’ils suffiront à préserver l’unité du pays.
Grande-Bretagne : capacité d’intervention outre-mer des forces armées
Bien qu’il donne la priorité à la défense de l’Europe, au sein de l’Otan, le Gouvernement britannique n’en a pas pour autant renoncé à la possibilité d’opérations dans d’autres régions du globe où les intérêts de la Grande-Bretagne, ceux du Commonwealth ou ceux de pays amis, pourraient être menacés. Il s’est ménagé cette possibilité, d’une part en conservant à ses forces armées de mer, de l’air et de terre une capacité de déplacement à l’échelle du globe, d’autre part en maintenant, malgré la déflation des effectifs stationnés outre-mer, un réseau encore important de bases, d’escales et de « facilités » dans l’océan Atlantique, la Méditerranée, l’océan Indien et le Sud-Est asiatique.
La mobilité des forces armées britanniques peut être considérée comme très bonne. La marine britannique possède la mobilité intrinsèque à toute flotte, et le Gouvernement de Londres, tout en rappelant que la quasi-totalité de ses bâtiments est affectée ou prévue pour affectation à l’Otan, précise bien qu’il se réserve en permanence le droit de déployer ses moyens navals partout où il le juge utile. Avec ses cinq « commandos » des Royal Marines, ses transports de commandos et bâtiments d’assaut, ses porte-hélicoptères et le soutien aérien que peut fournir jusqu’en 1980 l’Ark Royal et plus tard les Through Deck Cruisers (porte-avions légers), la Royal Navy représente un solide élément d’intervention outre-mer, encore valorisé par la grande autonomie que lui procure sa flotte logistique (Royal Fleet Auxiliaries). Armée par du personnel civil sous contrat, celle-ci comprend 44 bâtiments totalisant 487 000 tonnes (15 pétroliers ravitailleurs d’escadre, 10 autres pétroliers, 12 ravitailleurs d’escadre, et 7 bâtiments de soutien logistique). À titre de comparaison, la flotte logistique française ne compte que 13 bâtiments représentant 46 000 t.
L’apport de la Royal Air Force dans le domaine de la mobilité des forces armées britanniques revêt un double aspect. La RAF assure d’abord sa propre capacité de déploiement outremer grâce à une flotte de 24 avions ravitailleurs (2) et la pratique systématique du ravitaillement en vol par ses avions de combat (422 des 539 appareils de combat de la RAF peuvent utiliser ce procédé) (3). Ensuite la RAF assure la mobilité stratégique et tactique de l’armée de terre et le soutien logistique des trois armées grâce à son Transport Command (49 de Havilland DH-106 Comet, Bristol Britannia, Short Belfast et Vickers VC-10 pour l’aérotransport stratégique et 82 Lockheed C-130 Hercules et Hawker Siddeley Andower pour l’aérotransport tactique). De nombreux exercices et opérations (4) sont garants de l’efficacité de ce commandement.
L’armée de terre, comme la marine et la RAF consacre le gros de ses forces (5) à la BAOR (British Army of the Rhine) et la UKMF (United Kingdom Mobile Force) qui constitue aussi l’élément d’intervention outre-mer de l’armée britannique. Dépendant pour son déploiement éventuel outre-mer de la RAF et à un moindre degré de la Royal Navy, elle comprend une brigade parachutiste à deux bataillons et une division aérotransportable à trois brigades. Son aptitude à l’intervention extérieure est le fruit du système d’instruction britannique qui organise l’entraînement systématique de ses unités sur tous les théâtres où elles pourraient être appelées à agir, de la Norvège au Sud-Est asiatique. Il est utile de noter que cet entraînement n’est pas limité à des unités spécialisées, puisque les rotations de bataillons ou régiments entre les grands constituants de l’Armée britannique font que toutes ses unités peuvent faire partie à un moment ou à un autre de la force d’intervention et sont entraînées en conséquence.
Le réseau des bases britanniques outre-mer reste important malgré la réduction des effectifs stationnés hors du territoire métropolitain (38 000 h en 1972 contre 108 000 en 1967) : permettant un soutien efficace des actions extérieures, il comprend un système de bases, d’escales et de facilités implantées soit sur des territoires dépendant de la Couronne, soit dans certains pays du Commonwealth, soit dans des pays amis. Six bases navales, quinze bases ou escales de la RAF, un centre de télécommunications et une garnison de l’armée de terre se répartissent entre :
– la zone des Caraïbes (5 bases), l’Atlantique central (2) et l’Atlantique du Sud (4) ;
– la Méditerranée (3) ;
– le golfe Persique (1) et l’océan Indien (5) ;
– enfin le Sud-Est asiatique (3).
À ces diverses installations, il convient d’ajouter les facilités de toute nature que la Grande-Bretagne trouverait à coup sûr chez les trois pays du « Vieux Commonwealth » (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande).
La réduction des forces armées britanniques et de leur implantation outre-mer, conséquence de difficultés financières d’une part et du choix d’un recrutement de métier d’autre part, n’a pas fait disparaître la capacité de la Grande-Bretagne d’intervenir en tout point du globe où ses intérêts seraient menacés. Cette capacité bien que plus modeste que dans le passé, est le fruit de la mobilité des forces des trois armées et de leur entraînement permanent : l’existence d’un réseau assez dense de bases réparties au long des lignes maritimes essentielles vient encore la valoriser.
Suède : les orientations de la défense
Le 14 janvier 1972, la Commission parlementaire chargée par le gouvernement d’examiner les données de la politique de défense pour les années 1980 a déposé les conclusions d’un rapport en deux parties : la première analyse les fondements de la sécurité suédoise, la seconde suggère un ensemble de propositions pour améliorer le système actuel de défense.
1. En matière de sécurité, l’étude fait état de changements importants pouvant intervenir sur le plan mondial au cours de la prochaine décennie. L’évolution actuelle n’exclut pas absolument la possibilité de nouvelles tensions entre l’Est et l’Ouest dont les relations sont actuellement basées sur un certain équilibre. En Europe notamment, les risques de conflits demeurent, et cela malgré les efforts entrepris en vue d’une normalisation des rapports avec l’Est. La perspective d’une éventuelle réduction des forces (MBFR) n’exclut pas la possibilité d’actions locales et rapides. À cet égard, la Scandinavie, dont l’importance stratégique et les ressources économiques peuvent susciter des convoitises, reste particulièrement exposée. La Suède, estime la Commission, a donc tout intérêt à maintenir son potentiel militaire à un niveau élevé et à moderniser l’appareil existant en vue de renforcer sa valeur dissuasive.
2. Les propositions en vue d’améliorer la défense sont de deux ordres : les premières étudient les composantes de la dissuasion, les secondes traitent en particulier de l’organisation des forces armées.
La dissuasion se fonde sur trois volets complémentaires : l’efficacité des forces armées, l’esprit civique des populations, la solidité de l’infrastructure économique. Il s’agira d’abord d’accorder la priorité à la constitution de forces d’intervention, notamment aériennes, en mesure d’être engagées dans des délais très courts. Ensuite, de développer la volonté de défense des citoyens. Dès le temps de paix, il conviendra de préparer la résistance populaire sur toute l’étendue du territoire. Il faudra enfin créer une infrastructure, en particulier une industrie nationale d’armement, qui rende le pays capable d’assurer en temps de guerre ses approvisionnements, même en cas de coupure avec l’extérieur.
L’organisation des forces ne subit aucune modification d’importance. Une mobilité accrue devra permettre aux unités d’intervention de l’armée de terre d’engager des actions de force à partir de positions centrales. D’autre part, la constitution d’un plus grand nombre de brigades de réserve générale est envisagée, alors que la mise sur pied d’unités mobiles régionales préconisées par le général Synnergren, chef des armées, est rejetée.
En ce qui concerne l’armée de l’air, le nombre d’unités de chasseurs-bombardiers devrait être réduit au profit de la défense aérienne (6). D’autre part, le renouvellement du parc aérien devrait être poursuivi en recherchant une certaine simplification technique en vue de réduire le coût des commandes.
Quant à la marine, l’effort porterait sur la défense côtière : la priorité serait accordée à la construction de bâtiments légers (patrouilleurs, vedettes lance-torpilles ou lance-missiles) au détriment des armes offensives, notamment des sous-marins dont la construction sera ralentie.
Les conclusions de la Commission parlementaire ont été approuvées par tous les partis politiques, à l’exception des communistes. Elles ont été jointes au projet de loi contenant à la fois le plan programme de 5 ans et le budget de défense 1972-1973 que le gouvernement a soumis début mai à l’approbation du Parlement. Il est encore prématuré d’apprécier la volonté du gouvernement suédois de réaliser ses intentions.
Pologne : l’effacement du général Moczar
Le général Moczar, qui s’était déjà vu retirer peu à peu toutes les fonctions importantes qu’il occupait au sein du Parti ouvrier unifié polonais (POUP), vient de perdre le contrôle de l’importante organisation à laquelle il devait l’essentiel de son influence politique : l’Association des anciens combattants.
Élu président du Comité directeur de l’« Union des combattants pour la liberté et la démocratie » (ZBOWID) en octobre 1964, le général Moczar, déjà député, membre du Conseil d’État et du Comité central du Parti, était nommé trois mois plus tard ministre de l’Intérieur. S’appuyant sur les 350 000 membres que comptait le ZBOWID dont il réussit peu à peu à faire un instrument politique efficace, populaire en raison de son action dans la résistance auprès des milieux militaires, disposant de la police, il apparaissait dès 1966 comme un prétendant sérieux à la succession de M. Gomulka. En février 1968, il réprimait durement les désordres causés par les étudiants et, en juillet, devenait secrétaire du Comité central et membre suppléant du Bureau politique.
En décembre 1970, lorsque les émeutes dans les ports baltes amenèrent la chute de M. Gomulka, le général Moczar aida, semble-t-il, M. Gierek à accéder au pouvoir. Vu les circonstances, il n’était pas alors susceptible de se hisser lui-même au premier rang : son impopularité dans le milieu ouvrier n’aurait pas permis de mettre fin rapidement aux désordres. Il en profitait cependant pour devenir membre titulaire du nouveau Bureau politique dans lequel le groupe des « partisans » paraissait équilibrer celui des « technocrates » amis de M. Gierek. Le général Moczar apparaissait comme le seul rival du nouveau premier secrétaire.
Ce dernier a réussi fort habilement à neutraliser progressivement cet adversaire. Le premier indice apparut en mars 1971 lorsque, contrairement à toute attente, le général Moczar ne fut pas admis à faire partie de la délégation polonaise au XXIVe Congrès du PC soviétique.
L’effacement politique du chef des « Partisans » se poursuivit alors et connut les étapes suivantes :
– En avril, profitant, semble-t-il, d’une maladie du général Moczar, M. Gierek retirait à celui-ci les nombreuses fonctions qu’il occupait au secrétariat (Défense, Intérieur, Santé, Administration).
– Le 22 juin, le général Moczar était élu par la Diète président de la Chambre suprême du Contrôle, poste secondaire de l’appareil d’État et le 25 juin il était exclu du secrétariat du Comité central.
– Au VIe Congrès en décembre 1971, il était réélu au Comité central, mais écarté du Bureau politique.
– Le 19 mars 1972, il était réélu député de Kielce mais, quoique tête de liste, obtenait le plus faible nombre de voix des candidats de la circonscription. Il était cependant confirmé par la Diète comme membre du Conseil d’État.
Enfin, le 6 mai 1972 il a été démis de ses fonctions de président du ZBOWID, dernière fonction ayant une importance politique réelle, parmi celles qu’il détenait encore. Il en devient vice-président, mais la direction a été confiée à un proche de M. Gierek.
Le premier secrétaire du POUP en une année a donc réussi, sans provoquer de remous, à éliminer celui qui apparaissait, dans l’immédiat, comme son seul adversaire dangereux.
Chine : libéralisation et ouverture économique
Politique intérieure
Les vides creusés au Bureau politique par la crise de septembre, l’épuration massive du Haut commandement de l’aviation et les récents décès de plusieurs responsables ont affaibli la direction centrale qui, consciente de la fragilité de son pouvoir et soucieuse d’exercer une emprise plus effective sur les chefs militaires locaux, poursuit ses appels à l’unité en prônant la primauté du Parti. Dans le même temps, afin de colmater les brèches résultant des purges, les dirigeants font appel à d’anciens cadres, naguère critiqués, qui retrouvent ainsi des postes de responsabilité. La réapparition de Nieh Jung-Chen en tant que vice-Premier ministre et celle de Liao Cheng-Chih (après une éclipse de cinq ans) sont significatives à cet égard au même titre que la réintégration dans l’Université de Pékin de 95 % des anciens enseignants. L’éducation elle-même devient plus libérale puisque l’enseignement théorique revient à l’honneur. Le même pragmatisme est perceptible dans le domaine de l’agriculture où une place plus large est accordée à la propriété familiale tandis qu’on encourage la « diversification » des productions et qu’apparaît le principe de la spécialisation par région. Par ailleurs, la mise en place de comités du Parti au sein des districts spéciaux, unités administratives n’ayant joué jusqu’à présent qu’un rôle économique, comble une lacune et renforce le contrôle politique du pouvoir central. Les syndicats, eux aussi, revêtent désormais un caractère politique puisque ces organisations devenues « congrès ouvriers », ont perdu leur mission revendicative. L’armée, enfin, abandonne, non sans quelques réticences locales, la ligne militaire de Lin Piao et déjà réapparaissent les tendances professionnalistes jadis condamnées.
Au total, il est difficile de discerner si cette évolution générale procède d’une volonté sincère de libéralisation de la part des dirigeants ou si elle n’est en définitive qu’une réaction opportuniste (allant parfois à l’encontre de certains principes maoïstes) destinée à consolider l’emprise d’une équipe au monolithisme ébréché et dont l’âge avancé de ses membres pose avec acuité le problème de la relève. Le 1er mai, célébré avec sobriété pour « raison d’économie », illustre en tout cas le manque de cohésion d’une direction centrale qui naguère se faisait un devoir d’apparaître en bloc en pareille occasion.
Économie
Le désir de vendre ses produits plutôt que d’exporter son message révolutionnaire semble animer la Chine au moment où s’ouvre la Foire de Canton (15 avril). C’est du moins ce que révèlent la variété des articles exposés sur une surface de 47 000 m2 et le nombre réduit de slogans politiques. La Chine a par ailleurs souligné à Santiago qu’autarcie et indépendance ne sont point incompatibles avec la recherche d’une expansion commerciale. Celle-ci demeure faible : 4 466 M$ en 1971, dont 2 348 M$ pour les exportations et 2 118 M$ pour les importations. Le Japon représente, comme toujours, le groupe étranger le plus étoffé à Canton : 2 100 visiteurs dont les représentants de sept grandes banques nippones qui discuteront de la conversion possible, pour le paiement des échanges, de la livre sterling en yuans ou en yens. L’arrivée d’une quarantaine d’hommes d’affaires américains, dont des représentants de la Cie Boeing, constitue une autre nouveauté. Mais, parallèlement à cette manifestation commerciale traditionnelle, la Chine développe son industrie : le nouveau complexe pétrochimique de Pékin, comprenant 15 unités de raffinage, est en voie d’achèvement tandis que les industries du Nord-Est procèdent à des innovations : lubrification sans huile, utilisation du gaz liquéfié pour le fraisage, etc. Signalons enfin dans le domaine des transports, l’arrivée prochaine en Chine de deux des 90 locomotives commandées à la France et les accords signés avec la Roumanie, la Yougoslavie et l’Albanie concernant l’ouverture, cet été, d’une ligne aérienne directe entre Pékin et Tirana. Celle-ci passera par le Moyen-Orient comme l’indique la présence actuelle en Chine d’une délégation iranienne de l’aviation civile.
Défense nationale
La livraison par l’URSS de trois appareils MilMi-8 Hip, type non encore en dotation dans l’Armée de libération populaire (ALP), agrandit quelque peu le parc hélicoptère chinois estimé à quelques Mi-I, 300/400 Mi-4 et 15 Alouette III. La Marine, pour sa part, active la construction de ses destroyers et trois nouveaux bâtiments de type Luta se montent dans les chantiers de Canton où a été observé par ailleurs un navire marchand de 15 000 t reconverti, semble-t-il, en bâtiment de poursuite, comme en témoignent les instruments de télémesure de sa superstructure. La visite officielle d’un bateau-école de la marine chilienne à Shanghaï, sans doute première manifestation de ce genre, constitue un geste de courtoisie doublée d’une intention politique.
Sud-Est asiatique : la 5e réunion ministérielle de l’ASEAN (7)
La cinquième session annuelle des ministres des Affaires étrangères de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) s’est tenue à Singapour les 13 et 14 avril 1972. Un communiqué final et une déclaration ont été publiés à l’issue de cette réunion.
La déclaration retient surtout l’attention. Elle précise que les ministres des Affaires étrangères des cinq pays se réuniront une fois par an, en dehors du cadre de l’ASEAN, pour discuter des développements de la politique internationale intéressant la région.
Ainsi sera conservé le caractère apolitique de l’ASEAN, créée pour développer la coopération régionale dans les domaines économique et culturel.
Le communiqué insiste sur la nécessité de rendre cette coopération plus efficace. Pour ce faire, les structures de l’organisation seront réexaminées. En particulier la proposition des Philippines, demandant la création d’un « secrétariat central », sera étudiée au cours de la sixième réunion qui se tiendra l’an prochain à Bangkok.
Les délégués ont évoqué avec satisfaction les travaux du comité de coordination, créé l’an dernier pour faciliter les démarches communes en vue de négocier des tarifs préférentiels avec la Communauté économique européenne (CEE). Ils ont, en outre, souligné leur intérêt pour l’étude en cours, menée par un groupe d’experts des Nations unies, sur les possibilités de coopération économique au sein de l’ASEAN. M. Lee Kuan-Yen, Premier ministre de Singapour, a fait remarquer à ce sujet, en ouvrant la session, que les échanges commerciaux entre les cinq pays avaient diminué de façon sensible : représentant en 1966 18,3 % du commerce extérieur total de l’ASEAN, ils ne comptaient plus que pour 15,7 % en 1970.
Enfin, au cours de cette réunion, a été signé un accord en vue de faciliter d’un pays à l’autre les recherches d’avions en détresse et le sauvetage des survivants d’accidents d’aviation.
Corée du Nord : politique étrangère
Les délégations étrangères ont été nombreuses à Pyong-Yang au cours du mois d’avril. On y célébrait le 40e anniversaire de la création de l’armée révolutionnaire coréenne et le 60e anniversaire du Maréchal Kim Il-Sung. Selon la tradition confucéenne, restée très vivante en Corée, un destin humain est accompli à 60 ans, mais l’objectif ultime du président nord-coréen, la réunification de la péninsule, n’est pas encore atteint.
Pourtant, depuis le mois de janvier, le régime de Pyong-Yang a multiplié les initiatives diplomatiques et les déclarations aux journalistes japonais et américains. Quatre dignitaires nord-coréens ont parcouru au cours des trois derniers mois l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est. Le ministre des Affaires étrangères nord-coréen Ho-Dam était ainsi reçu par M. Brejnev au moment même de la visite du président Nixon à Pékin. Après avoir déclaré à des journalistes japonais que le départ des troupes américaines ne constituait plus une condition préalable à l’ouverture de négociations en vue de la réunification, le gouvernement nord-coréen poursuit ses efforts en direction des journalistes américains et des organisations internationales. Lors de la prochaine session de l’ONU ces efforts pourraient se révéler payants, la présence de la Chine et de l’Union soviétique permettant désormais de poser la question coréenne dans des termes plus favorables aux thèses de Pyong-Yang. Au lendemain du voyage de M. Nixon à Pékin, le président d’une association de Coréens du Japon, proche des dirigeants communistes, a même été jusqu’à envisager une normalisation entre Pyong-Yang et Washington. ♦
(1) Il faut entendre par « francophones » les personnes qui ont indiqué le français pour langue maternelle lors du recensement.
(2) La France en possède douze.
(3) À titre d’exemple, te programme annuel d’entraînement d’un pilote de Ligthning comporte six exercices de ravitaillement en vol auxquels s’ajoutent les ravitaillements proprement opérationnels effectués lors de manœuvres ou de mises en place outre-mer.
(4) La dernière en date est l’évacuation de Malte avant la signature du récent accord anglo-maltais.
(5) Sur les 100 bataillons d’infanterie, régiments d’ABC et groupes d’artillerie de l’armée britannique, 69 sont affectés à l’Otan dont 47 à la BAOR et 22 à la Force mobile du Royaume-Uni.
(6) L’armée de l’air dispose actuellement de 10 escadrons (160 appareils) de chasseurs bombardiers et de 20 escadrons (312 appareils) affectés à la défense aérienne.
(7) Association créée le 8 août 1967 à Bangkok comprenant l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande.