Aéronautique - Le Salon de Hanovre - Projet d'un système de sauvetage pour les pilotes - Missiles antibalistiques propulsés par laser - Les Harrier en exercice chez les Marines - Une nouvelle génération d'avions d'entraînement
Le Salon de Hanovre
Bien que ne présentant aucun matériel réellement nouveau, le 9e Salon de Hanovre qui vient de fermer ses portes demeure un succès par son organisation et par le volume des participants : 446 exposants dont 314 étrangers, les États-Unis, la France et la Grande Bretagne fournissant avec l’URSS les délégations les plus importantes.
Les 150 appareils en exposition statique illustraient une exposition en grande majorité dédiée au transport aérien et à l’aviation générale dont la production ne cesse de se diversifier et de se développer.
Quelque 20 appareils seulement représentaient une participation militaire de matériels bien connus à l’exception d’une mission de SAAB 105 suédois et d’un Arava (bimoteur de transport israélien), armé de 2 mitrailleuses de 12,7 montées en conteneurs de part et d’autre du fuselage.
La présence des 2 supersoniques Tu-144 et Concorde devait rehausser le prestige de cette manifestation, mais les deux supersoniques ne furent pas autorisés à effectuer des présentations en vol, à la grande déception du public. L’arrivée à Hanovre du Tu-144 ne se déroula d’ailleurs pas sans incident ; le pilote se présentant en configuration trop cabrée, heurta 2 lampes du seuil de piste avec le train d’atterrissage, tandis que le carter arrière des réacteurs frottait légèrement sur la piste, sans entraîner de dommages. Ce Tu-144 est celui présenté au Bourget l’an dernier, équipé en 120 sièges ; 3 avions prototypes volent actuellement.
L’industrie allemande poursuit actuellement plusieurs programmes :
– le biréacteur de transport VFWN Fokker 614 dont le prototype s’est écrasé au sol au cours de l’expérimentation ;
– l’Airbus A300B en coopération avec la Grande-Bretagne et l’Italie ;
– l’avion d’entraînement et d’appui Alpha-Jet en liaison avec la France.
British Aircraft Corporation, SAAB Scania et Messerschmitt Bölkow Blohm étudient un projet de transport STOL (décollage et atterrissage courts) à niveau de bruit très faible qui pourrait entrer en service vers la fin de la décade et emporterait de 60 à 200 passagers.
Les Soviétiques s’efforcent de conquérir les marchés occidentaux et ont donc envoyé une importante délégation. Ils ont été fortement déçus par l’interdiction des vols du Tu-144, alors que l’accord passé prévoyait des présentations en l’air. Les autres appareils exposés étaient : un Iliouchine Il-62, un Tupolev Tu-152 Careless, un Antonov An-26, un Yak-40 et deux hélicoptères, le Kamov KA-26 et le Mil Mi-8 Hip.
Le Yak-40, triréacteur de troisième niveau a reçu sa certification en Italie, il devrait en être de même à bref délai en Allemagne fédérale. 5 pilotes italiens et 12 pilotes allemands ont été transformés sur l’appareil en Union soviétique et devraient participer aux démonstrations dans les pays occidentaux.
Le Tu-154 aurait également reçu un agrément pour l’exportation de la part du gouvernement soviétique.
L’Arava serait également sur le point de recevoir sa certification aux États-Unis. L’appareil présenté à Hanovre avait, lors de son transit par la France, reçu l’ordre d’atterrir car il avait survolé sans autorisation la zone interdite du plateau d’Albion. La version armée, vendue 10 à 20 % plus chère que la version cargo comporte 2 mitrailleuses ou nacelles et 2 paniers de 6 roquettes de 82 mm. Chaque mitrailleuse dispose de 250 coups et 8 000 munitions supplémentaires peuvent être emportées dans le cargo pour alimenter les armes à partir de l’intérieur.
Bien que plus de 200 000 spectateurs aient visité ce salon, attestant de l’intérêt qu’il présente pour le public, on peut regretter que les industriels soient néanmoins décidés à réduire le nombre de telles manifestations en raison des dépenses qu’elles entraînent pour les exposants et de la raréfaction des réalisations nouvelles, au fur et à mesure que s’accroît la complexité des matériels.
Projet d’un système de sauvetage pour les pilotes
La firme américaine Kaman met actuellement au point un système perfectionné de sauvetage pour les pilotes qui répond à un programme lancé conjointement par l’Air Force et la Navy.
Le sauvetage des équipages au Vietnam a donné lieu à de nombreuses réalisations axées sur l’utilisation conjointe du parachute et d’hélicoptères mis en œuvre par des unités spécialisées. Nombreux sont les pilotes qui ont pu être ainsi récupérés, l’un d’entre eux dans le port même de Haïphong.
Les militaires américains ont voulu encore améliorer les chances de survie en offrant aux pilotes un moyen autonome de regagner une zone aussi sûre que possible au cas où leur appareil deviendrait incontrôlable au-dessus de régions hostiles.
Le projet Kaman a reçu le nom de SAVER (Stowable Aircrew Vehicle Escape Roto-seat) ; il est destiné à être utilisé sur le LTV A-7 Corsair II, le F-4 et le futur Grumman F-14 Tomcat de la Navy. C’est en fait un siège éjectable surmontant une turbine, un rotor repliable et un système de commandes qui se transforme automatiquement en un autogire. En cas de besoin, le pilote s’éjecte avec son siège, de la même manière qu’avec les sièges éjectables actuellement en service. Une séquence automatique procède à la transformation en autogire : déploiement du rotor, rotation du siège en position horizontale, libération des ressorts permettant la mise en place du système de commandes.
Le couple aérodynamique entraîne les pales télescopiques qui se mettent en place sous l’effet de la force centrifuge. La descente verticale une fois établie, l’empennage vertical et le réacteur sont positionnés. Un système automatique de pilotage est même prévu pour maintenir l’appareil sur un faisceau radioélectrique menant à une zone amie.
L’ensemble complet replié, d’un poids de 130 kg, représente un volume restreint : 1,35 m x 1,15 m x 0,45 m.
Les pales télescopiques, en alliage d’aluminium et fibres de verre ont, une fois déployées, une longueur de 4,25 m.
La poussée du réacteur, 190 kg au sol, atteint 120 kg à 1 000 m et permet à cette altitude une vitesse de 180 km/h. L’autonomie est de 30 minutes.
Le pilote dispose d’un minimum d’instruments de contrôle de vol, d’une roulette de nez et de freins hydrauliques pour la conduite au sol.
Missiles anti-balistiques propulsés par laser
Le Bureau des études balistiques de l’armée de terre américaine est sur le point de signer un contrat d’études avec le laboratoire de recherches de l’AVCO Corporation. Le projet de missile antimissile propulsé par laser, envisagé par le laboratoire Everett, serait une application des travaux menés depuis plusieurs années sur les lasers à grande puissance.
Les quelques informations, qui ont été divulguées, concernent la possibilité de lancer des satellites en transmettant l’énergie aux véhicules spatiaux à partir de la terre. La puissance d’émission requise serait, même pour une navette spatiale de petite taille, de l’ordre de 1 000 mégawatts. Le professeur Kantrowitz, défenseur de cette théorie, reconnaît qu’une telle puissance est difficilement réalisable, mais que, en matière de laser, les progrès ont été si rapides, qu’un tel développement n’est pas utopique et que la chose serait réalisable dans quelque dix ans.
Quant à une application pour un missile antimissile, le gros intérêt réside dans la puissance moindre exigée, comparée à celle nécessaire pour propulser un satellite, en particulier si ont fait appel à une source laser pour remplacer seulement les deuxième ou troisième étage d’une fusée conventionnelle.
Au niveau des étages supérieurs, le faisceau laser dirigé vers la base du véhicule viendrait vaporiser le carburant sans occasionner une installation particulière de mise à feu et de combustion à bord.
Les deux principaux avantages seraient : la suppression du comburant donc un gain en poids et volume, la possibilité d’utiliser des matériaux à très forte impulsion spécifique. Bien évidemment, il existe certains obstacles à surmonter tant sur le plan technique que technologique.
C’est ainsi, par exemple, que le carburant vaporisé pourrait constituer à l’arrière de la fusée un écran affaiblissant ou neutralisant le rayonnement laser et donc interdisant la propulsion. Pour y remédier il est indispensable que la masse gazeuse soit perméable au rayonnement laser de commande, et que, sous sa forme solide, le carburant puisse au contraire absorber l’énergie qui lui est communiquée.
Si le premier étage de la fusée est classique, la difficulté disparaît en grande partie car, une fois dans les très hautes couches où règne un vide quasi-total, les gaz d’échappement diffusent extrêmement vite et ne constituent plus un masque infranchissable à l’arrière de l’engin.
L’utilisation directe de rayons laser à forte puissance pour détruire des missiles assaillants est également à l’étude et peut paraître d’une technique plus simple que celle consistant à passer par l’intermédiaire d’une fusée sol-air. Cependant, à ce « rayon de la mort » du type science-fiction, on peut opposer certaines objections : un corps de rentrée ennemi, étudié pour supporter un très grand échauffement lors de la descente, risque de ne pas être vulnérable à l’agression thermique du laser, de plus, il est indispensable d’avoir une très grande précision de visée pour obtenir un coup au but et de maintenir cette visée quelques secondes pour permettre au rayonnement destructeur d’agir.
Dans le cas d’une fusée à propulsion laser, la destruction de l’adversaire serait obtenue par l’explosion d’une charge nucléaire à proximité de l’assaillant : il suffirait donc d’une visée moins précise, facilitée elle-même par la présence d’un transpondeur sur la fusée. Les neutrons et rayonnements à haute énergie libérés par la charge nucléaire sont mieux à même de détruire l’assaillant. Si donc, par certains côtés, la formule du missile antimissile à propulsion laser pour les étages supérieurs est attrayante, les inconnues quant à la réalisation sont encore nombreuses et supposent de nombreux progrès dans plusieurs domaines :
– mise au point de sources lasers à très forte énergie.
– transit dans les couches atmosphériques sans affaiblissement sensible,
– ionisation de l’air créant un plasma s’opposant au passage du faisceau laser,
– conservation d’une trajectoire rectiligne en éliminant les phénomènes de distorsion résultant de la création de lentilles fictives par suite de réchauffement des molécules d’air.
De nombreuses études sont en cours pour trouver des solutions à ces problèmes qui préoccupent les chercheurs. Les rayonnements de haute énergie, obtenus par des lasers à gaz carbonique, ont mis en évidence certains phénomènes, encore inexpliqués, propres à faciliter l’emploi de faisceaux de longueur d’onde 10,6 microns.
Toutefois, il n’est pas encore possible d’affirmer que les applications envisagées sont techniquement réalisables, du moins dans un avenir proche.
Les Harrier en exercice chez les Marines
Au cours du premier exercice en campagne organisé par les Marines américains avec leurs Harrier (AV-8A selon la dénomination américaine). 6 appareils d’un escadron d’assaut ont accompli 376 sorties en 10 jours, soit une activité supérieure de 50 % à celle qui avait été envisagée. La moyenne par avion a été de 6,4 sorties-jour, ce qui correspond à un taux d’utilisation difficilement envisageable pour un appareil de combat moderne.
L’exercice qui s’est déroulé fin mars avait pour thème : l’appui aérien au cours du débarquement d’un bataillon de Marines avec son artillerie et ses missiles antiaériens de soutien.
Le programme prévoyait 250 sorties dont la moitié en appui urgent à la disposition du commandement terrestre ou de l’officier d’appui aérien. En fait, 56 % des missions ont été déclenchées sur alerte, les sorties de nuit représentant 10 % du total. 242 décollages ont eu lieu à partir soit de plateformes avancées de maintenance, soit d’aires sommaires proches des positions de l’infanterie. C’est ainsi qu’ont été utilisées :
– des pistes mobiles métalliques de 500 m de longueur entretenues à l’échelon de l’Escadron ;
– une route à 2 voies de 11 m de large et 450 m de long, bordée par une ligne électrique et des arbres ;
– des aires d’atterrissages de 60 m x 60 m et même des aires pour hélicoptères de 33 m x 22 m.
En décollage court sur la route ou les pistes sommaires, le Harrier emportait 2,7 tonnes d’armement et du carburant pour une intervention dans un rayon de 150 km. En décollage vertical, les performances optimales suivantes ont été réalisées : charge 1,4 t, 5 minutes d’alerte en vol, objectif distant de 80 km traité en 2 passes et retour sur la base-mère (durée de la mission : 22 à 24 minutes).
En dépit des conditions précaires régnant sur les plateformes rudimentaires, aucun incident de réacteur par suite de l’ingestion de corps étranger n’a été signalé. Sur les 140 missions avec armement complet, une seule panne du système de largage a été rencontrée. Le souffle des réacteurs à poussée vectorielle n’a été la cause d’aucun accident corporel pour le personnel de mise en œuvre en dépit de l’exiguïté de certaines plateformes.
Cet exercice a permis de mettre en évidence l’extrême disponibilité opérationnelle du Harrier (un appareil a effectué 71 missions en 10 jours) et de faire ressortir certaines restrictions d’emploi par forts vents sur des aires de décollage exiguës.
Le principal reproche fait au Harrier demeure la faible autonomie autorisée sur l’objectif : les Marines s’emploient à trouver une solution technique tout en recherchant un aménagement des procédures afin d’économiser quelques précieuses minutes au profit des manœuvres d’assaut sur l’objectif.
Une nouvelle génération d’avions d’entraînement
Les principaux États d’Europe occidentale viennent de décider, presque en même temps, de lancer la construction de nouveaux appareils d’entraînement ou d’appui léger destinés à remplacer ceux actuellement en service, de conception trop ancienne ou à bout de potentiel.
Bien que la coopération internationale devienne quasi systématique en Europe occidentale pour tout programme aéronautique de quelque importance, la Grande-Bretagne, l’Allemagne fédérale et la France n’ont pu se mettre d’accord sur un projet commun. Si la France et la RFA ont finalement retenu un même appareil, l’Alpha-Jet, celui-ci sera réalisé en deux versions nettement différenciées pour répondre aux besoins propres à chaque armée. Quant à la Grande-Bretagne, elle a résolument choisi un avion purement national propulsé par un réacteur dérivé de celui équipant le Jaguar, projet franco-britannique.
L’Alpha-Jet, propulsé par deux réacteurs Snecma Turboméca Larzac 04 de 1 300 kg de poussée, sera plus particulièrement adapté à la mission école et à l’utilisation de terrains sommaires dans sa version française, alors que dans la version allemande, l’accent sera mis sur l’aptitude à la mission d’appui à partir de pistes bétonnées standard.
Les quelques variantes françaises correspondent à un emploi diversifié pour l’entraînement à basse altitude (1 h 40 d’autonomie) et la mise en condition opérationnelle des pilotes de combat (utilisation de l’armement). Les masses au décollage varieront suivant les configurations entre 4,5 t et 6 t. L’Alpha-Jet devrait couvrir la phase de formation actuellement accomplie sur Lockheed T-33 Shooting Star et Dassault Mystère IV. L’Alpha-Jet apparaît comme l’avion de transition idéal avant le passage sur Jaguar.
Dans sa version allemande appelée principalement à remplacer les avions d’appui Fiat G91, l’Alpha-Jet aura une masse au décollage de 7 t et disposera de quatre points d’attache pour l’armement. Quatre prototypes seront construits, 2 à Istres et 2 à Munich ; l’ensemble des essais en vol se déroulera en France : 2 cellules supplémentaires serviront aux essais statiques et dynamiques. La mise en service est prévue pour 1976 et la production globale devrait se situer entre 8 et 16 appareils par mois.
La Grande-Bretagne s’est orientée vers un monoréacteur, le Hawker Siddeley HS-1182 propulsé par un Adour sans postcombustion de 2,2 t de poussée. Ce réacteur, quoique plus coûteux, a été préféré au Viper 600 car, de conception récente, il présente de plus grandes possibilités de développement pour le cas où le besoin s’en ferait sentir ultérieurement.
De plus, renforcé pour permettre l’adjonction de la réchauffe sur les modèles évolués, cet Adour devrait être particulièrement robuste et résister plus facilement aux efforts particuliers imposés par des pilotes inexpérimentés. La périodicité des révisions sera vraisemblablement assez faible, donc favorable à la forte cadence d’utilisation en écoles. Certains aménagements de nature à favoriser la sécurité seront également apportés pour tenir compte du fait que l’avion est un monomoteur.
De la taille de l’Alpha-Jet, le HS-1182, par sa forme, rappelle le McDonnell Douglas F-4 Phantom II, le Jaguar ou le futur Panavia 200 pour lesquels il constituera l’avion de mise en condition. Un compromis a été recherché entre les performances (Mach 0,9) et la facilité du pilotage en particulier dans les phases délicates de vol que sont le décollage et l’atterrissage. Comme pour l’Alpha-Jet, une bonne visibilité de la place arrière, indispensable sur un avion-école, a été aménagée. Remplaçant le Folland Gnat et le Hawker Hunter, le HS-1182 sera l’avion de transition entre le BAC Jet Provost et le Jaguar. Il pourra emporter certains armements, dont un canon pour l’entraînement au combat.
Le premier vol devrait avoir lieu à la mi-1974 pour une production en série débutant courant 1976. Les besoins britanniques seraient de 175 appareils. Considérant l’Alpha-Jet et le HS-1182 comme équivalents, les Anglais estiment pouvoir proposer leur avion sur le marché à un prix plus intéressant. Leurs regards se portent en particulier vers l’Australie qui doit remplacer ses Aermacchi MB-326 italiens utilisés jusqu’ici pour l’entraînement.
En matière d’avion-école, la formule bimoteur présente un énorme avantage au plan de la sécurité. À la lumière du succès remporté par le Fouga Magister, il n’est pas improbable que l’Alpha-Jet suscite un grand intérêt auprès des acheteurs éventuels qui seront vraisemblablement nombreux, la première génération d’avions-écoles à réaction arrivant à bout de potentiel. ♦