Défense en France - Cent ans de préparation militaire élémentaire - Mesures concernant les conditions d'exécution du service militaire - Réalités et perspectives du troisième Plan militaire - Le premier groupement de missiles stratégiques - Le Livre blanc sur la Défense nationale
Cent ans de Préparation militaire élémentaire (PME)
En rétablissant la Préparation militaire élémentaire au mois de novembre 1970, le ministre d’État chargé de la Défense Nationale [Michel Debré] a, en quelque sorte, reconnu les services qu’elle avait rendus depuis près de cent ans et dont la suppression avait été provoquée, en 1962, par les manifestations d’activisme qui marquèrent la fin de la guerre d’Algérie.
C’est dans les archives de l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (1), association fondée en 1880 et reconnue d’utilité publique, que le général Basteau (CR), qui en est le délégué général, a puisé les éléments de cet article.
Il l’éclaire de réflexions personnelles, tant sur le plan humain que sur le plan technique et ramène à une juste mesure les avantages que l’armée est susceptible de tirer de la Préparation militaire ; ses propos concernent plus particulièrement celle qui est appliquée à l’Armée de terre, à laquelle il appartient.
Il y aura bientôt deux ans que le ministre d’État chargé de la Défense nationale a rétabli, à titre d’essai, la préparation militaire qui avait été supprimée en 1962. Cette renaissance semble bien s’être produite dans une indifférence à peu près générale. Faut-il y voir de la part des jeunes une absence d’intérêt pour la chose militaire ? Il est vrai qu’au temps même de son apogée, entre 1958 et 1962, peu de jeunes Français, même parmi ceux qui étaient appelés à la pratiquer, savaient ce qu’elle était et pourquoi elle avait été créée. Les étudiants notamment, qui, de par leur milieu et leur degré d’instruction, paraissaient susceptibles d’en tirer le bénéfice maximum, n’y voyaient initialement qu’un moyen d’obtenir un sursis d’incorporation. Peut-être un manque d’information en était-il responsable, et non pas seulement auprès d’eux, mais aussi auprès des parents et même bien souvent auprès des cadres d’active et de réserve.
Faisons en sorte qu’il en soit autrement aujourd’hui.
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La préparation militaire que nous retrouvons dans beaucoup de pays étrangers, où elle est pratiquée avec honneur, a pour but de dispenser aux jeunes gens, dans l’année qui précède leur appel sous les drapeaux, une instruction physique, morale et militaire élémentaire qui permette de gagner environ trois mois sur le calendrier du programme d’instruction dans les corps de troupe. Ceci revient à donner aux jeunes gens certaines dispositions de corps et d’esprit pour aborder dans les conditions les meilleures les premiers mois d’une vie toute différente de celle qu’ils ont connue dans leur famille, à l’école, à l’usine ou à l’apprentissage, et à permettre aux cadres qui les recevront dans leur corps d’affectation d’aller beaucoup plus vite pour commencer l’instruction du combattant, but véritable de la présence sous les drapeaux.
La préparation militaire – disons plus exactement, la préparation au service militaire – apparaît d’autant plus nécessaire que la durée de ce service est plus courte. Dans un service à long terme elle peut paraître parfaitement inutile.
Or, depuis le début du XXe siècle, mais surtout depuis 1920, la réduction progressive et continue de la durée du service a conduit les gouvernements successifs à compenser le manque de temps par une préparation morale et civique, physique et technique.
C’est le but même de la préparation militaire.
Mais un tel but ne pouvait être atteint que si le contingent tout entier était soumis à cette préparation. Or, même aux rares et courtes périodes où cette instruction avait été déclarée obligatoire, elle ne fut jamais suivie que par une minorité. Nous verrons néanmoins comment après ces échecs, après être devenue facultative et ne reposant plus que sur le volontariat, elle s’avéra un instrument de sélection capable de détecter et de former, suivant les cas, des jeunes gradés ou des spécialistes.
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La loi du 27 janvier 1880 avait rendu obligatoire dans les établissements d’instruction publique l’enseignement de la « gymnastique » comme on disait alors. La loi du 28 mars 1882 ajouta à ce programme des « exercices militaires » pour l’enseignement primaire et une « instruction militaire » pour les jeunes gens de 17 à 20 ans. Ainsi donc, par l’effet même de la loi de 1880, cette instruction militaire devint obligatoire dans son principe. Ce fut le premier aspect de la préparation militaire avant l’appel sous les drapeaux. Par la suite, de nombreuses retouches furent apportées à cette loi qui n’en resta pas moins valable jusqu’en 1908, date à laquelle apparut pour la première fois une sorte de statut des « sociétés de tir, de gymnastique, et de préparation militaire » qui recevaient ainsi une reconnaissance légale, tout en sortant du cadre des établissements de l’enseignement public.
Dans les années qui précédèrent la guerre de 1914, le climat politique, la conjoncture internationale, le souvenir de la défaite de 1870 et l’esprit de revanche qui animait encore bien des classes et des couches de la nation, avaient provoqué un courant favorable à la préparation d’une armée nationale puissante, nombreuse et animée d’un idéal élevé. Les jeunes gens se pressèrent dans les rangs de ces sociétés prémilitaires qui, presque toutes, avaient adopté un uniforme qui flattait l’esprit de panache des jeunes et les assimilait avant l’âge aux défenseurs d’une Patrie dont le principe n’était alors jamais contesté.
Le programme reposait sur la pratique de la gymnastique, de la marche, du tir au fusil et au canon, sur l’étude de l’armement, de l’orientation, de la topographie et, pour certains, de l’équitation, de la natation, voire de l’aérostation, sans parler de quelques autres spécialités qui ne s’adressaient qu’à un nombre restreint de spécialistes.
Cette instruction était dispensée dans trois sortes d’associations :
– Les sociétés de préparation militaire civiles agréées par le ministre de la Guerre, régies par la loi de 1901, et subordonnées à l’autorité militaire.
– Les sociétés scolaires, dont l’encadrement était constitué essentiellement par des membres du corps enseignant, contrôlées par l’autorité militaire.
– Enfin, les sociétés non agréées. Elles devaient être également régies par la loi de 1901, mais conduisaient l’instruction comme bon leur semblait.
Ce système qui subit plusieurs modifications, notamment par la loi du 31 mars 1928, fonctionna cependant jusqu’en 1932. Il fournit de nombreux petits gradés de réserve qui prirent une part importante à la guerre de 1914-1918 et dont beaucoup conquirent alors leurs galons d’officier.
La loi du 16 février 1932, pour tenir compte de la réduction du service militaire à un an, réorganisa la préparation militaire.
Elle offrait des avantages importants. C’est ainsi que les jeunes gens titulaires du brevet de préparation militaire et qui se destinaient à la carrière administrative de l’État se voyaient reconnaître une priorité sur les autres candidats. Cette loi définissait également les conditions dans lesquelles allait être attribué le « sursis d’incorporation » auquel pouvait désormais prétendre tout jeune capable de justifier de son inscription dans une société de préparation militaire agréée.
Les inscriptions se multiplièrent. Une clientèle d’un niveau intellectuel plus élevé et qui était appelée normalement à fournir les cadres de la nation allait constituer, par surcroît, une partie des cadres de réserve de notre armée.
Avec la guerre de 1939-1945 et l’occupation de la France, la préparation militaire allait être condamnée. Le décret du 16 décembre 1939, qui la plaçait sous l’autorité du ministre des Armées, fut abrogé en 1941 et la préparation militaire fut supprimée.
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En 1945, une ère nouvelle allait s’ouvrir pour la préparation militaire. Elle allait, d’une part, passer en deux ans du régime obligatoire au régime du volontariat et, d’autre part, changer de ministère de tutelle en émigrant vers celui de l’Éducation Nationale, à la Direction de la Jeunesse et des Sports.
La préparation militaire qui avait été facultative depuis 1918 devint alors obligatoire pour tout jeune homme qui était reconnu apte physiquement à en suivre les cours (2).
Le cycle d’instruction durait trois ans. Il se terminait à l’incorporation même. Placée sous le contrôle de l’autorité militaire qui lui sacrifiait d’assez importants effectifs d’active, la préparation militaire était cependant assurée par des cadres de réserve qui percevaient d’ailleurs une rémunération. Les élèves qui ne répondaient pas aux convocations devaient être incorporés par anticipation. En fait, une minorité seulement des futurs appelés s’y soumettaient et aucune sanction ne fut jamais prise à l’encontre de ceux qui s’y soustrayaient. La menace d’une incorporation anticipée n’eut jamais beaucoup d’effet. Dans le climat politique et social de l’époque, cette sanction était à peu près impossible à appliquer.
Devant l’échec du système, la préparation militaire évolua une fois de plus, et par la loi du 8 août 1947 – article 101 – elle devint facultative. Elle ne fit plus désormais appel qu’à des volontaires. Comme par le passé, il s’agissait d’assurer l’instruction militaire élémentaire de base des jeunes volontaires et chose nouvelle, de compléter, pour certains d’entre eux, cette formation de base par un enseignement spécialisé qui ferait appel aux connaissances que ceux-ci auraient pu acquérir dans leur profession ou leur apprentissage et que réclamaient une mécanisation et une technicité plus grandes de certaines armes ou de nouveaux matériels (3).
La préparation à ces spécialités se faisait soit dans les sociétés, quand celles-ci avaient les moyens d’instruction suffisants – ce qui était rare, sauf pour le certificat d’élève-gradé – soit dans le cadre militaire, par séances échelonnées ou bloquées d’une durée maxima de douze jours.
Le total des points obtenus à ces différents examens déterminait le classement des candidats entre les quatre mentions classiques, elles-mêmes assorties d’avantages adaptés à leur valeur : permissions supplémentaires qui variaient de 5 à 11 jours, possibilité d’être promu caporal ou brigadier au bout de cinq mois et, suivant la mention obtenue, choix de l’affectation au moment de l’appel, admission au peloton d’élève-gradé pour les titulaires des mentions Très bien et Bien, possibilité enfin, sous certaines conditions, d’accéder directement à la préparation militaire supérieure, deuxième année.
Les organismes chargés de la préparation militaire élémentaire étaient de deux sortes :
– dans le secteur militaire, les « centres d’instruction prémilitaire », gérés par l’autorité militaire et « supportés » par un corps ou une formation de l’armée active ;
– dans le secteur civil, les « associations autorisées pour la PME ».
En tout état de cause, l’autorité militaire restait la seule responsable du déroulement de l’instruction.
Elle disposait à cet effet d’organismes de commandement et d’exécution placés auprès des états-majors de subdivision militaire : les Centres d’instruction prémilitaire (CIPM).
La seconde évolution que connut la préparation militaire au lendemain de la guerre fut son rattachement, ou tout au moins celui des sociétés qui étaient chargées de la dispenser, au ministère de l’Éducation nationale, secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports.
Cette mesure ne fut pas heureuse. Sans doute le nouveau département ministériel de tutelle paraissait être mieux qualifié que toute autre autorité civile pour assurer la formation et l’entraînement physique des jeunes volontaires, pour contrôler et aider les associations sportives qui constituaient la grosse majorité des sociétés autorisées. Mais là s’arrêtait son action, et il pouvait paraître assez singulier de placer sous la tutelle d’un ministère qui en avait la charge financière des associations qui travaillaient pour un autre ministère, au demeurant responsable de fait de leur activité principale.
Ce dualisme d’autorité, ce partage, inégal d’ailleurs, des responsabilités, devaient par la suite peser lourd sur la vie même des associations qui ne furent jamais considérées par leur nouveau ministère de tutelle que comme des enfants pauvres et, en tout cas, complètement en marge du monde du sport.
Un fonctionnaire de la Direction de la Jeunesse et des Sports était toutefois détaché auprès de la Direction technique des armes et de l’instruction (DTAI). Le colonel chef du bureau Instruction, qui avait bien d’autres problèmes plus importants à régler, surtout à cette époque, se dessaisissait en maintes circonstances de ses responsabilités touchant à la préparation militaire, au bénéfice de ce fonctionnaire, qui bénéficiait par ailleurs d’une stabilité dont étaient privés les officiers, accaparés par la guerre d’Indochine, puis celle d’Algérie. Souvent discutée, l’action de cet agent inamovible ne fut cependant pas sans intérêt. Il était le seul lien entre les deux départements ministériels. Ce n’était certainement pas suffisant. Toutefois ce système permit de préparer les effectifs élevés dont l’armée avait besoin en cette période de crise et qui, en 1957 par exemple, s’élevèrent aux chiffres suivants :
– 48 000 jeunes volontaires reçus au BAPP [NDLR 2021 : probablement « Brevet d’aptitude physique » ?]
– 43 000 ayant obtenu le BPME (Brevet de Préparation militaire élémentaire)
– 13 000 ayant obtenu un CAPM (Certificat de spécialité)
Pourtant dès les premiers jours de l’année 1962, une crise grave allait affecter la préparation militaire : les agissements de certains milieux activistes, au moment où allait s’accomplir l’indépendance de l’Algérie, firent suspecter les sociétés de préparation militaire de collaborer secrètement au recrutement et au dressage des « plastiqueurs » de l’époque.
Victimes d’une campagne de presse qui ne fut pas à l’abri de simplifications ni de généralisations hâtives, ces sociétés furent déclarées indésirables, et le 3 mars 1962, le ministre des Armées décida la suspension temporaire de la préparation militaire. Une commission présidée par le général Gambiez, directeur de l’Enseignement militaire supérieur (EMS), fut constituée pour effectuer une enquête et proposer des réformes.
Le rappel de ces événements et des mesures rigoureuses auxquelles ils ont conduit illustre la nécessité permanente, pour le commandement, d’une élémentaire prudence et notamment de sévères enquêtes sur les sociétés civiles auxquelles doit être confiée la formation non seulement militaire, mais encore civique et morale de notre jeunesse.
En fait, sans attendre une refonte totale qui aurait lésé les jeunes volontaires en cours d’instruction et près de subir les examens, une dépêche ministérielle fixa la reprise de la préparation militaire au 2 avril 1962, sous réserve de certaines mesures de sécurité assurant un strict contrôle de l’autorité militaire sur les activités des sociétés civiles.
Quelques jours plus tard, le décret du 12 avril 1962 abolissait les dispositions de l’article 23 de la loi du 31 mars 1928 relatif aux sursis d’incorporation : plus n’était besoin de présenter un « certificat d’inscription » à une société ou à un centre de préparation militaire pour obtenir un sursis.
Les dispositions de cet article 21 avaient donné lieu, il faut le reconnaître, à une interprétation tendancieuse qui frôlait l’escroquerie. Certains jeunes volontaires, appliquant à la lettre les termes du décret, se bornaient à retirer auprès de leur société le certificat d’inscription qu’elle était tenue de leur remettre, puis disparaissaient sans suivre les cours. Cette mesure d’assainissement, éminemment souhaitable en elle-même, eut néanmoins pour effet de faire tomber de près de 80 % les effectifs des volontaires. La clientèle étudiante en effet disparut immédiatement. Ce fut la victoire de certaines associations d’étudiants qui avaient, depuis plusieurs années, mené campagne contre cette obligation et organisé l’opération « anti-sursis » de 1959.
Une des autres conséquences de cette décision fut que la PM, désormais privée d’étudiants, ne disposait plus que de contingents peut-être plus homogènes, mais d’un niveau moins élevé. Elle assura dès lors plus difficilement qu’auparavant son rôle de pépinière de petits cadres.
Par ailleurs, la nécessité devant laquelle se trouvait l’État-major de trouver dans les apprentis et les jeunes ouvriers les techniciens dont l’armée avait besoin, fut à la base de la création, le 5 juin 1962, d’une préparation militaire technique qui entra en vigueur en octobre 1962.
La suspension provisoire de la délivrance de brevets d’élève-gradé et de conducteur-auto précéda de peu la suppression totale de la PMT, qui fut officiellement confirmée en octobre 1967. Ne subsistait plus que la préparation au BTPM de parachutisme, confiée à l’autorité militaire.
Beaucoup de sociétés, auxquelles les cadres officiers et sous-officiers de réserve avaient consacré bénévolement d’innombrables heures, prises sur leur repos ou leurs loisirs, abandonnèrent la partie, furent dissoutes ou tentèrent une reconversion vers le domaine sportif.
Ainsi s’éteignirent sur l’ensemble du territoire national ces modestes « veilleuses » qui avaient entretenu si longtemps dans nos villes, et surtout dans nos campagnes, l’idée de Patrie et celle des sacrifices, au demeurant bien légers, qu’il convenait de consentir pour assurer la défense dès le temps de paix. Et leur disparition fut d’autant plus néfaste que les corps de troupe, témoins visibles de l’existence de notre armée, se faisaient de plus en plus rares et qu’il y eut en France des zones immenses sans rien qui rappelât son existence et les devoirs qu’elle impliquait.
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Il fallut attendre trois ans pour voir renaître la préparation militaire : en novembre 1970, le ministre d’État chargé de la Défense nationale la rétablit sous une forme « rénovée ». Dans le cadre de la réforme du service militaire, il décidait de confier aux officiers et aux sous-officiers de réserve la responsabilité de la formation prémilitaire des jeunes.
L’organisation, l’animation et le contrôle de cette préparation incombaient au commandement territorial. Elle était soutenue sur le plan matériel par des formations d’active.
Elle devait s’attacher essentiellement à développer chez les jeunes volontaires l’équilibre physique et moral, l’esprit d’équipe et le goût du risque, en mettant notamment l’accent sur l’éducation physique et sportive.
Afin de contrôler la valeur de ces dispositions, il était prévu qu’avant de remettre en vigueur la préparation militaire sur l’ensemble du territoire, il serait procédé pendant l’année 1971-1972 à une expérimentation portant sur une division par région militaire, dont la désignation devait dépendre des caractéristiques locales et, autant que possible, être adaptée à l’organisation militaire du département.
L’instruction serait donnée dans des sections de PM dont l’effectif ne devrait pas dépasser 35 jeunes et qui seraient mises sur pied partie par l’autorité militaire, partie par des sociétés civiles agréées. Ces sociétés, assujetties aux dispositions de la loi de 1901, devaient en outre répondre à certains critères garantissant leur caractère apolitique, leur subordination à l’autorité militaire, leur efficacité, leurs ressources et la couverture des risques.
La désignation des cadres de réserve : un officier supérieur par division, un capitaine par département, un lieutenant et deux ou trois sous-officiers par section de 35 élèves, incombait au général commandant la région militaire, sur proposition des associations régionales ou départementales d’officiers et de sous-officiers de réserve.
Le recrutement des jeunes volontaires âgés de 17 ans restait subordonné à l’octroi des avantages que nous rappelons succinctement : bonification d’ancienneté égale au nombre de jours consacrés à la PM pour la nomination aux différents grades, priorité d’admission dans un peloton d’élèves-gradés, permission de huit jours en fin de service, possibilité pour les seuls titulaires de la mention TB de choisir leur arme d’affectation et pour les meilleurs d’entre eux possibilité d’être admis au cycle de la PMS ou d’être incorporés d’emblée dans un peloton préparatoire d’élèves-officiers de réserve.
C’est dans ces conditions que la première année d’expérimentation a débuté le 1er novembre 1971. Comme il était facile de le prévoir, après ce qui s’était passé en 1962, le choix des cadres s’est avéré assez difficile. Celui des officiers de réserve qu’il convenait de puiser dans les classes jeunes de la population, déjà en proie aux difficultés sévères de l’existence, n’a cependant pas posé de problèmes trop sérieux. Celui des sous-officiers a été beaucoup plus laborieux. Quant au recrutement des jeunes volontaires, il n’a pas entièrement répondu aux espoirs que nourrissait le commandement : il souffrit en effet, au départ, de la restriction des zones sur lesquelles portait l’expérimentation 1971-1972.
Sept divisions seulement avaient été choisies, la 12e à Versailles, la 21e à Lille, la 33e à Nantes, la 44e à Toulouse, la 51e à Lyon, la 63e à Chalons-sur-Marne, et la 71e à Marseille. Les jeunes gens des départements situés en dehors de ces zones ne pouvaient s’inscrire à la préparation militaire.
L’obligation pour les sociétés civiles d’avoir comme « support » une formation de l’armée active, et par conséquent de résider à proximité, a écarté un grand nombre d’entre elles parfaitement valables. L’extension des zones d’expérimentation en 1972-1973, en vue de couvrir la totalité du territoire national, changera la physionomie de l’expérimentation.
On peut toutefois suggérer que soit reconsidérée cette obligation faite aux sociétés de s’appuyer sur un corps support, tout au moins dans son application. S’il est naturel que les « sections PM militaires » soient accolées aux formations qui les auront mises sur pied dans les villes de garnison et qui drainent les jeunes gens domiciliés tout autour, il serait pour le moins de bonne politique de disposer de « sections PM civiles » dans les agglomérations et les zones rurales privées de garnison. Elles pourraient d’ailleurs être supportées par des unités de la gendarmerie, comme elles le furent autrefois. On réaliserait ainsi un quadrillage du terrain plus serré et plus régulier. Les jeunes gens des zones rurales trouveraient sur place les moyens de faire la préparation militaire sans avoir à entreprendre un voyage et le recrutement serait grandement facilité.
Ces sociétés civiles, sportives pour la plupart, sont en contact direct avec des milieux de jeunes qui s’intéressent à l’entraînement sportif, discipline fortement recommandée par les instructions ministérielles. Elles sont des intermédiaires tout désignés pour participer à une propagande nationale et même régionale indispensable et dont la réalisation suppose une entente entre le ministère d’État chargé de la Défense nationale et le secrétariat d’État à la Jeunesse, aux Sports et aux Loisirs.
Cette seconde expérimentation vise à réunir un nombre de candidats double de celui qui a été prévu pour la première. On ne peut en effet envisager une préparation militaire valable que dans la mesure où il se présente un nombre suffisant de volontaires pour la suivre.
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Ainsi la préparation militaire a déjà derrière elle une longue histoire qui a connu heurs et malheurs. Il est vrai qu’étroitement dépendante de l’armée, elle a profondément ressenti les contrecoups des guerres et des crises que la France a connues. Si les structures ont subi de nombreux changements, sa mission n’en est pas moins restée constante et répond à un besoin des armées.
Contrairement à une opinion courante, elle n’a pas pour but de former des combattants – c’est là en effet l’une des missions premières des armées en tout temps – mais seulement de sélectionner de jeunes volontaires qu’elle instruit et prépare à « devenir » dans le temps le plus court, quand ils seront appelés sous les drapeaux, des gradés et des spécialistes sur lesquels reposera en grande partie la formation du contingent.
On aurait tort de vouloir aller au-delà de cette mission et de tenter de se substituer aux armées ; on risquerait alors de développer chez les jeunes gens un état d’esprit plus ou moins politisé qui engendrerait naturellement des formations paramilitaires inadmissibles.
Ne demandons pas à la préparation militaire plus qu’elle ne peut donner. Ses moyens sont limités par le temps que peuvent lui consacrer ses élèves, par la nature de ses programmes d’instruction arrêtés par le commandement, et aussi par les crédits qui permettent son fonctionnement.
Elle n’intéresse, pour le moment du moins, qu’une très faible fraction du contingent annuel. Mais il est bon que ce soit précisément et exclusivement des cadres de réserve qui aient en charge cette instruction. Ainsi a été comblée la coupure qui s’était fait jour entre eux et les cadres de l’armée active à mesure que les charges de ceux-ci s’accroissaient et que leurs effectifs diminuaient.
Au demeurant, c’est bien l’armée qui reste la seule responsable de l’ensemble du recrutement, du choix des cadres, du choix des sociétés civiles, de l’esprit qui les anime, de l’instruction. Ainsi la préparation militaire, en se tenant à l’abri de toute influence d’éléments partisans, s’affirme comme une institution vouée au seul service de la nation.
NOTA : Ceux de nos lecteurs désirant obtenir des renseignements pratiques sur cette question peuvent s’adresser au Centre d’instruction de Préparation militaire le plus proche de leur résidence.
Ils pourront en outre se reporter au Dossier d’information n° 38 consacré à ce sujet par le Service d’information et de relations publiques des armées (Sirpa, 231, bd Saint-Germain - Paris 7e - Tél. 551-08-30 - Poste 24.378)
(1) Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire - 23, rue de la Sourdière, Paris (1er).
(2) Ordonnance 45.94 I du 22 avril 1945.
(3) Les jeunes gens pouvaient choisir deux des dix-sept spécialités suivantes : élève gradé, parachutiste, exploitant de transmissions, conducteur auto, troupes de montagne (grimpeur et skieur), aide-moniteur d’éducation physique, auxiliaire du service de santé, maître de chiens, aide conducteur d’engins de levage et de terrassement, radariste FTA, exploitant télé-imprimeur, aide mécanicien d’aviation légère de l’armée de terre, pilote d’Aviation légère de l’Armée de terre, aide mécanicien auto-engins, aide topographe et aide électricien.
Général R. Basteau (CR)
Mesures concernant les conditions d’exécution du service militaire
Paradoxe de l’ère nucléaire, l’arme atomique condamne les armées de masse mais la dissuasion exige la participation de tous les citoyens à la défense. Plus que jamais s’impose le principe républicain d’un service national obligatoire et universel.
Comment alors – sans remettre en question notre conception de défense – concilier cette exigence avec la nécessaire réduction des effectifs au niveau permis par le titre III du budget ? La réforme de 1970 et la loi du 16 juin 1971 portant code du Service national devaient en partie répondre à cet objectif en réduisant à un an la durée du service, en supprimant – sauf pour des catégories limitées – les sursis et en offrant aux jeunes la possibilité d’effectuer leur service entre 18 et 21 ans, l’âge normal d’appel étant fixé à 20 ans.
Le plein effet de ces mesures ne pouvait être immédiat. Elles devaient même dans un premier temps introduire quelques perturbations du fait de l’afflux, plus grand que prévu (104 000 en 1971) des jeunes demandant à effectuer leur service dès l’âge de 18 ans. Pour s’en tenir aux 270 000 emplois accordés par le budget, on dut éliminer 135 000 jeunes sur les 405 000 de la classe 1971 dont 108 000 pour inaptitude. D’où les critiques que l’on sait.
Sans attendre qu’un retour à la normale s’établît de lui-même, le ministre d’État chargé de la Défense nationale devait donc prendre des mesures qui allaient d’ailleurs converger avec celles qui étaient déjà à l’étude et qui visent à améliorer la situation matérielle et morale des appelés et à accroître la disponibilité et la valeur opérationnelle des unités. Le tout forme un plan qui a été adopté par un Conseil de défense et exposé par M. Debré dans une conférence de presse le 8 juin 1972.
La première mesure consiste dans l’augmentation du nombre des « emplois budgétaires » de 30 000, à raison de 10 000 par an, afin de porter à 300 000 l’effectif du contingent et ramener au taux normal de 25 % le nombre des inaptes qui atteint actuellement 33 %.
Une deuxième série de mesures concerne le sort matériel et moral des appelés. Un plan de modernisation des casernements s’attachera à donner en 6 ans aux plus vétustes d’entre eux le confort indispensable ; l’effort budgétaire correspondant est évalué à 80 millions de francs.
La solde des appelés sera majorée. Dès juillet 1972, le prêt des hommes du rang passe de 0,75 franc à 1,25 F, soit 37,50 F par mois ; cette somme, majorée du prix du tabac dont l’achat n’est plus précompté, atteint 41,20 F (4). Elle sera doublée en l’espace de 2 à 3 ans. De même la solde des sergents sera relevée de 55 à 150 F et celle des aspirants de 150 à 300 F.
Un effort budgétaire sera également fait pour permettre aux jeunes qui en manifestent le goût et les aptitudes d’accéder en plus grand nombre au grade de sous-officier quelques mois avant la fin de leur service.
Une troisième série de mesures concerne les conditions et moyens de l’instruction dont dépend la valeur opérationnelle des unités. Les crédits d’instruction, les frais de déplacement pour séjours aux camps et en manœuvre, les crédits en carburant et en potentiels d’utilisation des engins de combat, seront relevés, de même que les taux des primes d’entretien et d’habillement. Ces mesures s’appliqueront avec la souplesse permise par les budgets de fonctionnement qui donnent aux chefs de corps une certaine latitude de gestion et dont le système sera progressivement généralisé.
Les effectifs des unités de combat seront portés à plein grâce à l’augmentation du nombre des emplois budgétaires, à l’utilisation accrue des personnels féminins, de carrière ou du service national dans les emplois de bureau et les services ainsi que grâce à l’embauche de personnels civils.
L’effort d’intensification de l’instruction qui est exigé sera facilité par une plus grande stabilité des cadres qui en ont la charge, qu’il s’agisse des chefs de corps dont la durée de temps de commandement tendra vers 3 ans – ce qui implique un accroissement du nombre des postes de commandement – ou des jeunes officiers qui effectueront tout leur temps de lieutenant dans un corps de troupe.
Plus que le détail de ces mesures, il importe de souligner la volonté – qui se dégage de leur ensemble – non pas de remédier à une situation mais à prévenir une dégradation qui au niveau très bas où se trouve actuellement le budget de la défense nationale, n’aurait pas manqué de se produire au cours des prochaines années.
« La capacité de dissuasion, a conclu M. Debré, dépend de la valeur opérationnelle et par conséquent de la formation et de l’instruction de nos unités. Il faut qu’elles soient assurées et que leur qualité ne fasse de doute pour personne ».
Réalités et perspectives du 3e Plan militaire
La révision des conditions d’exécution de la troisième loi de programme, annoncée par le ministre d’État chargé de la Défense nationale, permet de faire le point sur les réalisations de l’année 1971 et les prévisions du budget d’équipement pour 1972.
On sait (5) que le titre V du budget de la Défense pour 1972 est conforme au montant prévu par la tranche annuelle de la loi de programme, à l’exception d’un supplément de 12 MF destinés à l’infrastructure du Groupement des contrôles radioélectriques (GCRE), rattaché au ministère de la Défense postérieurement aux évaluations ayant servi à la préparation de la loi. Cependant, le réexamen des besoins a permis une nouvelle répartition des Autorisations de programme (AP) du budget 1972.
C’est ainsi qu’une économie de 309 MF a pu être réalisée sur la rubrique Forces nucléaires stratégiques (FNS) provenant pour 160 MF d’un effort de compression des frais fixes et d’une meilleure appréciation des dépenses du Commissariat à l’Énergie atomique (CEA) au fur et à mesure de l’avancement des programmes, pour 50 MF de la diminution des dépenses de la Direction des Centres d’expérimentation nucléaires, liée à la bonne exécution des dernières campagnes de tir, pour 99 MF de la réduction de la dotation « missiles ». Ces réductions ont permis de majorer les dotations affectées aux programmes hors FNS pour assurer principalement la couverture partielle des hausses de prix qui se sont avérées, en 1971, supérieures aux prévisions ayant servi de base à la détermination des chiffres inscrits dans la loi de programme. Les réajustements d’AP pour 1972 profitent aux services communs à concurrence de 28 MF dont 21 MF pour le GCRE, 1 MF pour les organismes communs de la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) et 6 MF pour le Service de santé (SSA). Un coup d’œil sur chacune des armées nous permet d’établir un bilan :
Armée de Terre :
Études : En 1971, trois études nouvelles ont été lancées concernant le fusil automatique de 5,56 mm, la tourelle de 105 pour la famille AMX-10, le Réseau intégré de transmission automatique (Rita), tandis que se poursuivent en 1972 les études qui intéressent le VTT (Véhicule tout-terrain) AMX-10 sur roues, le Véhicule de l’avant blindé (VAB) et le lance-roquettes multitube.
Fabrications : Ce poste a bénéficié de 81 MF d’augmentation d’AP. Les principales commandes pour 1972 portent sur la deuxième tranche de 44 hélicoptères SA-341 Gazelle (la première commande de 50 appareils a été notifiée en 1971), la réalisation des missiles Roland Milan, l’achèvement de 143 AMX-30, la première tranche de série de 79 AMX-10 et le financement de 52 chars de dépannage AMX-30.
Infrastructure : Cette rubrique a été majorée, pour 1972, de 2,6 MF économisés sur le poste Études et de 30 MF provenant de la révision du budget FNS. Les crédits permettent la poursuite de la construction de casernements neufs (en particulier casernement expérimental de Rouen-le-Rouvray), d’écoles (transfert à Rennes de l’École supérieure technique des transmissions de Pontoise), l’acquisition de terrains et l’installation de camps (Canjuers notamment) et l’organisation du stationnement des unités Pluton. Dans ce domaine de l’Armement nucléaire tactique (ANT) le prototype du véhicule de tir, entièrement équipé, et les véhicules calculateurs ont été présentés aux essais officiels au cours du 3e trimestre 1971. Si l’on rajoute 5 MF destinés à l’habillement, c’est d’un total de 116 MF d’AP que l’Armée de terre aura pu augmenter son budget d’équipement pour 1972.
Marine :
Pour sa part, la Marine bénéficie de 65 MF répartis entre les fabrications (45 MF) et l’infrastructure (20 MF).
Études : Le budget 1971 a permis la reprise du développement du projet Cormoran (sonar à grande portée) et l’adaptation et l’achat d’un calculateur P2MS destiné aux porte-avions et corvettes. Pour 1972, le programme comporte la poursuite des études relatives à la modernisation des Breguet Atlantic et du Système Masurca, et le développement du missile MM38 Exocet et de l’hélicoptère WG.13 Lynx dont le premier prototype a volé au printemps 1971.
Fabrications : L’année 1971 a vu, outre la réalisation de bâtiments prévus par le 2e Plan militaire (Triton, d’Entrecasteaux, Circé, Aconit) la mise en route du programme aviso (12 à 14 bâtiments de 1 000 tonnes) et de la série de 4 sous-marins de 1 200 t. Pour 1972, les principales dépenses engagées concernent la commande de 6 hélicoptères Super Frelon de lutte anti-sous-marine (ASM), la poursuite des refontes et modernisations en cours (Colbert, Duperré, sous-marin type Daphné), les constructions neuves (3 frégates type F-67 dont la première, Le Tourville, a été mise à flot le 13 mai 1972, avisos, sous-marins) tandis que deux nouveaux programmes seront entrepris : Corvette C-70 baptisée Georges Leygues et un pétrolier ravitailleur.
Infrastructure : Le budget 1972 doit permettre de terminer le financement du Centre d’instruction naval de Saint-Mandrier (Var) qui regroupe les différentes écoles de spécialité jusqu’alors dispersées le long du littoral méditerranéen, et d’entreprendre la construction d’un Centre d’instruction à Querqueville et l’aménagement à Toulon d’une base destinée à assurer le soutien de 2 000 hommes.
Armée de l’Air :
Sur les 309 MF d’économies d’AP réalisées sur le budget FNS, 112 MF ont été attribués à l’Armée de l’air qui les a répartis entre les chapitres Études (45 MF), Fabrications (17 MF) et Infrastructure (50 MF).
Études : L’essentiel des autorisations de programme va permettre de financer :
– le programme Jaguar (développé avec la Grande-Bretagne) et son moteur Adour ;
– le programme Alpha Jet (développé avec la RFA) et son moteur Larzac ;
– le programme Dassault Mirage G8 (avion à voilure variable) et son moteur M53 ;
– le développement du Mirage F1 ;
– la poursuite des essais des missiles Magic et Super-530.
Fabrications : En 1971, la 2e commande de 55 avions Mirage F1 a été lancée (la livraison des 30 premiers appareils commandés en 1969 est attendue pour le début de 1973). En 1972, sera commandée la 3e tranche d’avions Jaguar dont le nombre n’a pu être déterminé en raison des difficultés rencontrées qui font, en particulier, que le prix de l’appareil n’a pu encore être fixé.
Infrastructure : Le complément d’AP permettra de poursuivre la modernisation des bases, en particulier celle de Villacoublay, destinée à accueillir le commandement des Transmissions et celui du Génie de l’Air, et celle d’Aix-les-Mille qui regroupe les organismes de commandement de la 4e Région aérienne.
Les trois premières lois de programme ont donné à la réalisation des FNS une priorité absolue se traduisant par un montant d’AP largement calculé pour couvrir un certain nombre d’incertitudes. Au cours de la deuxième année d’application du 3e plan, un grand nombre de difficultés techniques ayant été maîtrisées dans le domaine des FNS, il apparaît possible dès maintenant de modifier les orientations du plan en cours et les options du quatrième comme en témoignent les efforts d’équipement en faveur de la Défense opérationnelle du territoire (DOT), la parution du plan naval et la préparation du plan aérien.
Le premier groupement de missiles stratégiques
Créé le 1er juillet 1968 au sein de l’Armée de l’air pour assurer la mise en œuvre, la maintenance et la protection du système Sol-sol balistique stratégique (SSBS), 2e génération de nos forces nucléaires, le 1er GMS comporte désormais deux unités de tir, déclarées opérationnelles respectivement en août 1971 et en mai 1972. La réalisation d’une 3e unité de tir figurera probablement parmi les objectifs du 4e plan militaire (1976-1980).
Outre les éléments habituels chargés d’administrer et de faire vivre toute unité et regroupés en un ensemble baptisé Moyens de support et de soutien (MSS), le 1er GMS comporte :
– la brigade de missiles stratégiques qui coiffe les deux unités de tir et assure leur soutien opérationnel (Centre d’opérations de brigade, transmissions) et technique (maintenance des missiles et des installations de tir).
Chaque unité de tir comprend un Poste de conduite de tir (PCT) et neuf zones de lancement. Creusé très profondément sous le roc et distant de l’autre d’au moins 10 kilomètres, chaque PCT constitue une unité autonome et protégée. Il est relié au Commandement des forces aériennes stratégiques (Cofas) de Taverny par des réseaux de transmissions redondants et à toute épreuve. Il comporte une capsule de tir, isolée et suspendue pour pallier les secousses sismiques (naturelles ou provoquées par explosion nucléaire), à l’intérieur de laquelle deux officiers de tir effectuent une veille permanente pour être en mesure d’assurer la mise en œuvre de l’une ou l’autre des neuf zones de lancement de l’unité. En cas de défaillance d’un PCT, le second est capable de mettre en œuvre les missiles de la compétence du premier. Distantes les unes des autres d’au moins 3 km, les zones de lancement sont puissamment protégées contre toute destruction et ne comportent aucune superstructure apparente. Chacune se compose d’un silo enfoui dans la roche et obturé en surface par un couvercle de béton éjectable avant le tir. Chaque silo abrite ainsi un puits de lancement vertical de 30 m de profondeur, où se trouve le missile, et une salle d’équipements électroniques complexes qui permet, sans intervention humaine, de tester à distance le missile et de déterminer, le cas échéant, l’élément déficient à remplacer. Le missile lui-même est une fusée à poudre à deux étages, surmontée d’une case à équipement et d’un corps de rentrée contenant la tête nucléaire d’une puissance de 150 kilotonnes environ. Sa portée est de l’ordre de 3 000 km. Les deux étages de propulsion, alimentés en propergol solide, sont équipés de 4 tuyères mobiles servant au pilotage commandé depuis la case à équipements. La case à équipements comporte également plusieurs objectifs programmés parmi lesquels il est très rapide de choisir, avant le tir, l’objectif retenu. La mise en œuvre du missile est également très rapide puisqu’elle demande 5 minutes en temps normal et 1 min seulement si les installations ont été mises en alerte.
– les Moyens de sécurité et de protection (MSP). Cet ensemble regroupe des unités chargées de la sécurité, en particulier nucléaire, et de la surveillance militaire des installations. Pour la sécurité, en plus des moyens classiques de lutte contre l’incendie, on trouve des unités spécialisées dans la détection et la décontamination nucléaire qui assurent un contrôle permanent de l’irradiation et surveillent tout particulièrement les mouvements de missiles ou de têtes nucléaires. Ces mouvements sont également contrôlés par un groupement spécial de sécurité constitué de gendarmes de l’Air.
Équipées des moyens les plus modernes, des équipes peuvent intervenir en tout temps, dans les meilleurs délais, sur tout point qui serait menacé. Il en va de même des unités chargées de la protection militaire, compagnies de fusiliers commandos de l’Air équipées de chiens de garde, qui doivent décourager les curieux et assurer la surveillance d’installations dispersées sur une superficie de 360 km.
L’implantation géographique du 1er GMS sur le plateau d’Albion, dans le Vaucluse, a tiré parti d’une vaste région plus ou moins inculte et déshéritée dont les conditions techniques et économiques étaient cependant favorables puisqu’elles permettaient à la fois l’éloignement de tout grand centre urbain et la dispersion nécessaire à la sécurité des installations. De ce fait il a été nécessaire de construire à Saint-Christol une base aérienne moderne et fonctionnelle, susceptible de faire vivre environ un millier d’hommes et des logements pour les familles.
Par ailleurs les dimensions du plateau d’Albion autorisaient la dispersion des installations militaires qui est un élément capital de leur protection. En plus de leur profondeur souterraine, l’espacement de chacun des composants (PCT et silos) est tel que chacun d’entre eux nécessite un tir particulier. C’est dire que, pour neutraliser le 1er GMS, l’adversaire devrait pouvoir appliquer sur le plateau d’Albion, simultanément et avec une grande précision, 18 projectiles de puissance mégatonnique, ce qui paraît hautement improbable.
Y parviendrait-il d’ailleurs que la capacité de riposte resterait intacte grâce aux Sous-marins nucléaires lance-missiles (SNLE).
Le Livre blanc sur la Défense nationale
Dans une conférence de presse qu’il a donnée le 29 juin 1972, le ministre d’État a présenté le Livre blanc sur la Défense nationale sortant des presses du Centre de documentation de l’armement (Cédocar).
Si M. Michel Debré a tenu à faire lui-même cette présentation c’est afin de bien montrer l’importance qu’il attache à ce document de 68 pages au long desquelles, à commencer par l’avant-propos qu’il a signé, on reconnaît à maints endroits et son style personnel et sa conviction.
Parmi les motivations qui ont donné naissance à ce projet figure essentiellement la volonté de combler la méconnaissance, encore trop souvent constatée, de notre politique de défense.
Or, souligne M. Debré dans son avant-propos : « quelles que soient les modalités d’une défense, aucune politique n’a de valeur sans consentement national. (…) À l’époque où le fait nucléaire remet le geste ultime à un seul homme, à savoir le président de la République, responsable suprême qu’a investi le suffrage universel, le pays doit adhérer à la défense et pour qu’il adhère, il doit comprendre. La dissuasion, si elle est nucléaire, est aussi populaire. »
À cette motivation profonde aussi clairement exprimée, il faut ajouter que la publication et la diffusion récentes d’ouvrages du même genre par la Grande-Bretagne et la RFA, de même que le retentissement donné au rapport du Président des États-Unis sur l’état de l’Union, appelaient une démarche similaire d’une puissance comme la France qui tient à mieux faire connaître et comprendre le caractère indépendant de sa politique et de sa défense. Enfin, le Livre blanc se situe dans une ligne d’efforts marqués : la création de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), le développement de notre propre revue et la naissance tout récemment de notre confrère Forces armées françaises, ainsi que la décision prise le 29 juin en conseil des ministres de créer une Fondation pour les études de défense (FED). Dans cette ligne, la publication du Livre blanc constitue un élément important d’une volonté affirmée d’éducation et d’information.
Ce n’est pas aux lecteurs de cette revue qu’il convient de résumer ce que le ministre lui-même a d’ailleurs exposé ici, en maints articles, depuis deux ans. Tout au plus pouvons-nous donner, en en citant les têtes de chapitre, un aperçu de ce premier tome du Livre blanc :
I. - La politique générale de la France ;
II. - Les capacités demandées aux forces armées ;
III. - Le service militaire universel ;
IV. - La politique d’armement ;
V. - Les finances de la défense.
Un second tome, dont la préparation est en cours et qui doit paraître en 1973, comprendra cinq autres chapitres :
I. - L’organisation permanente des forces armées et du commandement ;
II. - L’administration de la défense ;
III. - La fonction militaire ;
IV. - L’enseignement militaire ;
V. - La recherche scientifique et technique militaire.
L’intérêt de ce bréviaire de la défense, même pour des lecteurs comme ceux de cette revue, qui sont pourtant bien avertis de ces questions, est de mettre à leur disposition, sous un format réduit, une présentation parfaitement claire et cohérente de tout ce qu’un citoyen français se doit de connaître quant à la défense de son pays. Les deux premiers chapitres constituent en quelque sorte la doctrine qui est stable et qui est appelée à durer, tandis que les trois suivants concernent les moyens de la politique militaire ainsi définie tout en permettant des adaptations que peut imposer l’évolution de la conjoncture économique et financière en particulier.
Signalons à l’attention des cadres militaires en particulier l’importance capitale du chapitre II, portant sur les capacités demandées aux forces armées, capacités qui relèvent de la dissuasion nucléaire, de la défense du territoire, de la manœuvre en Europe et de l’action hors d’Europe. On trouvera dans ces pages un exposé comme jamais il n’en avait été fait, et dont tous les mots ont été soigneusement pesés, d’une part du schéma stratégique de la défense aux frontières et à leur approche et de ce que serait d’autre part l’intervention dont les principes directeurs et les limites sont tracés.
Le chapitre consacré au service militaire universel affirme que si la perspective d’une organisation militaire fondée sur une mobilisation massive est exclue, il ne saurait pour autant être question de prendre le parti d’une armée de métier car « le maintien de la conscription reste un gage essentiel de l’efficacité de notre dissuasion en exprimant à la fois la résolution et la capacité du pays au regard de sa défense ».
Le chapitre traitant de la politique d’armement concerne la définition des besoins militaires en matière d’armement et la politique industrielle destinée à les satisfaire. On y trouve l’essentiel de ce qui a trait à la rationalisation des choix budgétaires ainsi qu’une définition des opérations de planification et de programmation dont les horizons s’étendent respectivement aux termes de 15 ans et 5 ans. On notera aussi dans ce chapitre, outre un panorama de l’industrie d’armement, un exposé de la politique industrielle « interne », visant les établissements de la DMA, et « externe », qui s’applique aux entreprises nationales ou privées. Enfin, un paragraphe important justifie la politique d’exportation de matériels militaires.
Les lecteurs retrouveront dans le chapitre consacré aux finances de la défense bon nombre d’idées et de données qui leur ont déjà été livrées ici par les articles de spécialistes de ces problèmes.
Tiré dans un premier temps à 50 000 exemplaires, ce Tome I, du Livre blanc doit être un des ouvrages indispensables à qui veut acquérir sous une forme simple, claire et d’une lecture facile, plus qu’une connaissance élémentaire de la défense nationale. L’ouvrage peut être obtenu gratuitement en s’adressant au Service d’information et de relations publiques des armées (Sirpa) - 231, bd Saint-Germain - Paris (7e).
(4) Notons, à titre de comparaison qu’en Italie un appelé reçoit actuellement l’équivalent de 60 F, en Belgique 200 F, en Allemagne de l’Ouest bientôt 258 F et aux Pays-Bas 447 F.
(5) Voir RDN, janvier 1972, page 22.
Michel Dives