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Rhodésie : la commission Pearce
Selon le principe formulé par le gouvernement de Londres en 1964, et maintenu depuis comme le fondement de la politique britannique, tout accord anglo-rhodésien devait être « acceptable pour l’ensemble du peuple de Rhodésie ». Aussi, soucieux de respecter cette régie lors de la signature de l’accord du 25 novembre 1971, Sir Alec Douglas Home, impuissant à obtenir des autorités de Salisbury la consultation des populations par voie de référendum, avait fait accepter par M. Ian Smith la désignation d’une « Commission de personnalités indépendantes » chargée de recueillir sur place l’opinion de tous les Rhodésiens.
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Cette Commission, présidée par Lord Pearce et composée d’anciens membres du Colonial Office, suscitait, dès sa constitution, les critiques des populations rhodésiennes, unanimes dans leur mécontentement. Partout la « Commission Pearce » était soupçonnée d’être partiale et inadaptée à sa mission ; la communauté d’origine européenne lui reprochait d’être par trop acquise aux idées libérales tandis que les Noirs constataient avec amertume que tous ses membres étaient des personnalités de race blanche.
C’est sans doute afin de marquer son indépendance à l’égard des uns et des autres que Lord Pearce faisait savoir, dès le mois de décembre 1971, qu’il n’avait « aucune opinion préétablie » sur l’accord anglo-rhodésien et qu’il s’attacherait à déterminer, en toute objectivité, les sentiments profonds de la population rhodésienne dans son ensemble. À cet effet la Commission se fixait trois objectifs : d’abord, vérifier qu’une explication claire de l’accord de Salisbury avait été donnée à toute la population, en second lieu, enregistrer les opinions sur les propositions contenues dans l’accord et enfin, s’enquérir des « mesures d’intimidation » prises éventuellement à l’encontre d’une quelconque catégorie de Rhodésiens.
À pied d’œuvre le 11 janvier, préparant elle-même ses itinéraires, refusant d’être accompagnée dans les zones rurales par des officiers de district rhodésiens, la Commission séjournait dans le pays jusqu’au 12 mars, recueillant ainsi directement le point de vue de 114 600 Noirs et de 6 000 Blancs, soit 6 % des Africains et 4,2 % des Européens, en privé ou au cours de réunions publiques. Mais l’entreprise s’avéra difficile car les rassemblements risquaient de provoquer, aussi bien de la part des partisans que des adversaires de l’accord, des pressions susceptibles de fausser les résultats de l’enquête. Alors la Commission décida de ne plus annoncer à l’avance les lieux et les horaires de son passage et de procéder à des auditions et à des rassemblements improvisés. Dans le même temps, elle effectuait également des sondages tout aussi sérieux au plan qualitatif et procédait à des investigations approfondies dans tous les milieux ; ses membres purent, en pleine liberté, s’entretenir avec des personnalités des deux communautés, consulter des dirigeants politiques des divers partis, rencontrer des chefs de tribus et accorder des audiences aux représentants des associations professionnelles, des syndicats et des municipalités. Après deux mois d’une enquête, à la fois complexe et délicate, objective et désintéressée, la Commission Pearce revint à Londres où elle rédigea, dans la plus grande discrétion, des conclusions qui ne furent divulguées que le 24 mai 1972.
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La publication du rapport de la Commission a fait grand bruit en Angleterre comme en Rhodésie. Les conclusions de Lord Pearce et de ses collègues sont ainsi résumées en style lapidaire : « Nous sommes convaincus que les propositions sont considérées comme acceptables par la grande majorité des Européens. Nous sommes également convaincus, tout bien considéré, y compris les pressions éventuelles, que la majorité des Africains a rejeté les propositions. Selon notre opinion, le peuple de Rhodésie dans son ensemble ne considère pas les propositions comme acceptables en tant que base pour l’indépendance ».
Il ressort de ce rapport que les Européens se sont exprimé en faveur de l’accord, et notamment ceux appartenant au milieu des affaires qui redoutent les effets du blocus, le manque de capitaux et la stagnation économique ; les rares opposants ont voulu simplement exprimer leur hostilité à un projet jugé excessivement libéral vis-à-vis des Noirs. Il est clair, que c’est surtout l’intérêt qui a guidé un choix opéré sans enthousiasme.
Il apparaît, en revanche, que la motivation africaine a été souvent une réaction sentimentale où la recherche de la dignité a prévalu sur l’exploitation problématique d’avantages matériels ou autres. Le rejet de l’accord par les Noirs s’est effectué à une majorité tout aussi impressionnante que l’acceptation chez les Blancs, puisque dans les réunions publiques, sur cent Africains interrogés, un seulement a osé manifester son approbation. Curieusement le pourcentage des personnes favorables, enregistré au cours des contacts pris en privé avec de petits groupes, passe à 15 %.
La désapprobation des Africains est faite d’une part de méfiance envers une minorité blanche peu encline à l’abdication de ses privilèges, d’autre part de défiance à l’égard d’un gouvernement dont les Noirs prétendent connaître suffisamment la mauvaise foi et qu’ils estiment capable de rompre cet accord comme il a violé les constitutions antérieures. La Commission écrit à ce sujet : « La majorité des Africains est convaincue que le parti gouvernemental actuel s’est engagé à perpétuer la suprématie blanche en Rhodésie ».
Parmi les prises de position particulières, il convient de noter que les chefs africains se sont prononcés contre ou se sont abstenus. Quant aux Métis et aux Asiatiques, bien que satisfaits des termes de l’accord, ils n’en ont pas moins souligné les humiliations qu’on leur inflige encore au nom de la discrimination raciale.
En ce qui concerne l’intimidation qui a pu s’exercer à l’encontre des partisans ou des adversaires du projet de Salisbury, la Commission a estimé que, de toute façon, elle n’a pas eu une influence déterminante sur l’expression des opinions. Certes, le gouvernement rhodésien, sans faire pression pour obtenir gain de cause, a imposé quelques restrictions au « Conseil national africain » ; certes ce parti politique, constitué au lendemain de l’accord en vue de s’y opposer et qui, après s’être lancé dans une campagne de recrutement, s’engagea dans une campagne de dénigrement, a pu dans certains cas user de la menace pour imposer son point de vue, justifiant ainsi la différence de pourcentage enregistrée entre les sondages faits dans les réunions publiques et les avis recueillis lors des contacts en prive. Cependant, et malgré toutes ces infractions qu’elle a estimé négligeables, la Commission a pu conclure : « Il est improbable, sinon impossible, qu’avec un système de sécurité aussi sévère que celui qui existe en Rhodésie depuis plusieurs années, une minorité puisse dominer la majorité par intimidation en quelques semaines. Nous avons des raisons de croire que le Conseil national africain lui-même a été surpris par l’importance de son succès. Nous ne pensons pas qu’il aurait obtenu une réponse aussi massive et aussi rapide si elle ne traduisait pas le désir latent d’une majorité du peuple de s’opposer à ces accords et de protester contre la politique suivie ces dernières années… »
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Comme on le voit, le rapport de la Commission Pearce exprime des conclusions nettes et tranchantes. En Angleterre, dans les milieux conservateurs, comme au sein de la communauté européenne de Rhodésie, ce document qui apparemment sonne le glas des espérances fondées sur l’accord de Salisbury, a provoqué de la déception et quelque colère. M. Smith s’est fait l’interprète des Blancs en qualifiant les conclusions de la Commission de « naïves et ineptes… totalement irréalistes et contraires à l’évidence ». La réaction a été aussi vive en Afrique du Sud où les résultats de cette consultation populaire sont ressentis comme un échec et un danger, M. Vorster estimant même qu’ils pourraient entraîner de graves conséquences pour l’Afrique australe mais que rien ne serait changé dans les relations entre les deux pays et qu’il convenait d’agir avec calme et sans passion ; de son côté, l’unique député progressiste, une Européenne, a conseillé à ses compatriotes de tirer la leçon de ce refus.
Pour l’Afrique noire, évidemment, ce rapport est en quelque sorte un bulletin de victoire. Aussi le porte-parole de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a-t-il tenu à rendre hommage à la personnalité de Lord Pearce « dont l’intégrité morale, la valeur personnelle, la conscience de ses devoirs ont ému l’Afrique ». Selon les instances de l’OUA, il appartient toujours à la Grande-Bretagne, « puissance administrative de la Rhodésie du Sud » et seule responsable de la situation dans ce pays, de le conduire à l’indépendance selon les principes définis par les résolutions des Nations unies, en tenant compte, notamment, des intérêts et des desiderata de la majorité.
En Rhodésie, les Noirs, après avoir manifesté leur satisfaction dès la publication du rapport, s’interrogent sur l’action à entreprendre afin d’accélérer le processus d’émancipation et balancent entre l’action légale et l’action subversive.
Le chef du Conseil national africain, l’évêque luthérien Abel Muzorewa, élu depuis peu président de la Conférence panafricaine des Églises, et qui a joué un rôle important dans la mobilisation de l’opinion africaine contre le projet d’accord, entend se limiter à la « lutte non violente, pacifique, ordonnée mais aussi permanente, respectant la loi, pour l’établissement d’un gouvernement constitutionnel ».
Mais dans le même temps, deux formations nationalistes composées de Noirs rhodésiens dissidents, le ZAPU (Zimbabwe African People’s Union) et le ZANU (Zimbabwe African National Union), naguère rivales, se regroupent et constituent en Tanzanie un commandement militaire unifié.
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Pendant que les Africains s’engagent dans l’action pacifique ou préparent « la guerre révolutionnaire », que M. Smith paraît résolu à adopter une attitude intransigeante afin de ne pas se laisser déborder par la traction ultra-conservatrice de la minorité blanche, il semble peu probable que l’Occident envisage l’extension, voire le maintien rigoureux des sanctions appliquées à la Rhodésie. Le Sénat américain, pour sa part, refuse d’abroger l’amendement autorisant la reprise des importations du minerai de chrome. Enfin à Londres on ne perd pas l’espoir de résoudre ce redoutable problème et Sir Alec Douglas Home, le Premier ministre, estime qu’à cette fin, « aucune porte ne doit être fermée ».
Il ne fait aucun doute que la question rhodésienne est dans l’impasse et que, pour l’en sortir, il faudra encourager et soutenir les hommes de bonne volonté qui, dans les deux camps, s’efforcent de lui trouver une solution honorable et acceptable par les deux communautés en présence. Mais les Rhodésiens, Blancs et Noirs, savent que de leur sagesse dépend un avenir qu’ils sont, de toute façon, « condamnés » à bâtir ensemble.
OUA : la conférence de Rabat
La neuvième conférence « au sommet » de l’OUA, qui vient de réunir, du 12 au 15 juin 1972, à Rabat, un nombre considérable de chefs d’État, demeurera sans conteste l’un des événements marquants dans les annales de cette illustre assemblée.
En effet, dans le passé, l’ensemble des observateurs s’accordait à reconnaître que l’OUA traversait une crise grave depuis sa naissance et s’attardait dans une puberté paresseuse, prolongée à seule fin de voiler une stérilité décevante. Or, au lendemain des récentes assises de l’Organisation, les mêmes chroniqueurs se sont plu à souligner le « nombre record » des hauts participants, le sérieux et la qualité des débats, l’importance des décisions prises, dont l’une au moins a été qualifiée d’« historique » : dans le journal Le Monde, un bulletin de l’étranger a traité du « second souffle » de l’OUA et M. Hamani Diori, président du Niger, reprenant la formule du président du Nigéria Yakubu Gowon, a déclaré que l’« on reparlera longtemps encore en Afrique de “l’esprit de Rabat” ». L’ampleur de ce rayonnement exceptionnel n’a pas empêché des hypocondres en mal de propagande ou d’exhibitionnisme de monter en épingle la prétendue indifférence avec laquelle l’Occident a regardé cette manifestation ; et de se plaindre du peu de cas que l’on faisait des grands problèmes du continent noir dans les pays industrialisés où un « Européocentrisme » de rigueur occuperait tous les esprits !
En réalité, la Conférence de Rabat a été suivie avec l’intérêt qu’elle méritait dans toutes les capitales européennes et la presse française, notamment, lui a consacré de nombreuses colonnes en bonne place dans ses journaux. Une seule erreur a pu être relevée dans un quotidien qui a, semble-t-il confondu « l’Organisation de l’unité africaine » avec « l’Organisation africaine et malgache ». Il s’agit, à n’en pas douter, d’un fâcheux lapsus calami qu’il convient de ramener à ses modestes proportions si l’on ne veut pas ajouter à la double confusion d’un journaliste malheureux.
Le détachement apparent qui a pu prêter à critique n’est pas à mettre au compte d’un égoïsme coupable ; ce défaut d’information de l’opinion publique européenne tient davantage à des carences passagères dues autant à la jeunesse et à la nouveauté de certaines organisations internationales qu’à la multiplicité et à la complexité des sujets traités par leurs instances.
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L’OUA est née de la conférence panafricaine des peuples à Accra (décembre 1958), suivie des conférences de Casablanca (janvier 1961), du Caire (mars 1961) et de Monrovia (mai 1961).
Les principes de la Charte sont fondés sur l’égalité souveraine, la non-ingérence, le respect de l’intégrité et de la souveraineté, la condamnation de la subversion, le règlement pacifique des différends, le non-alignement à l’égard de tous les blocs.
Créée le 26 mai 1963 à Addis-Abeba (Éthiopie), l’OUA représente 41 États et s’est donné pour mission de :
– renforcer l’unité et la solidarité des États africains et malgache ;
– coordonner et intensifier leur coopération et leurs efforts pour améliorer le niveau de vie en Afrique ;
– défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur indépendance ;
– éliminer sous toutes ses formes le colonialisme en Afrique ;
– favoriser la coopération internationale en accord avec la Charte des Nations unies et la Déclaration des droits de l’homme.
La conférence des chefs d’État et de gouvernement, organe suprême de l’Organisation, étudie les questions d’intérêt commun pour l’Afrique et coordonne la politique des États africains. Cette conférence se réunit au moins une fois par an et prend ses décisions à la majorité des deux tiers sauf pour les questions de procédure (majorité simple).
Le Conseil des ministres, composé des ministres des Affaires étrangères ou d’autres ministres, se réunit au moins deux fois par an : il prépare les conférences des chefs d’État et de gouvernement et en fait exécuter les décisions. Les résolutions sont prises à la majorité simple.
Le Secrétariat général administratif, organisme permanent, centralise et coordonne l’administration de l’OUA.
Le Secrétaire général est désigné par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, sur proposition du Conseil des ministres.
Les diverses commissions spécialisées de l’Organisation sont regroupées en « grandes commissions » : la Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage, comprend 21 membres élus par l’Assemblée des chefs d’État pour une durée de 5 ans et chargés de régler par des moyens pacifiques les différends entre les États-membres. C’est ainsi qu’une Commission de conciliation a été constituée, le 18 novembre 1963, pour trancher le litige algéro-marocain ; la Commission des affaires économiques et sociales a également à sa charge les transports et les communications : puis vient la Commission de l’éducation, des affaires culturelles et de la santé, et, enfin, la Commission de la défense.
Parmi les organismes annexes citons le Comité de libération ou « Comité des onze », mis sur pied en 1963 à Dar-Es-Salam en Tanzanie, en vue de fournir une aide financière et militaire aux mouvements nationalistes dans les pays non encore indépendants ; le Comité des experts militaires ou « Comité des dix-sept » lui est subordonné.
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La cérémonie d’ouverture de la 9e conférence « au sommet » s’est déroulée le 12 juin, à l’Hôtel Hilton de Rabat, en présence de 22 chefs d’État, de 6 vice-présidents ou premiers ministres et de M. Waldheim, secrétaire général de l’ONU.
Le roi du Maroc a accueilli les 40 délégations – le Malawi n’était pas représenté – « au nom de 15 millions de Marocains et de 350 millions d’Africains ». Dans un discours magistral, il a mis l’accent sur la « naissance de l’idée de régionalité » qui doit dépasser le nationalisme chatouilleux des pays nouvellement indépendants pour atteindre à l’unité africaine : il a marqué sa préférence pour « le dialogue et la négociation » et recommandé l’amitié au-delà « des idéologies et des frontières » ; joignant le geste à la parole il a donné, en compagnie du président Boumediene, la meilleure illustration de cette volonté de réconciliation en mettant fin solennellement au conflit frontalier algéro-marocain.
Il semble que l’assemblée tout entière ait voulu marquer son approbation aux thèses développées par le souverain marocain en l’appelant, à l’unanimité et sans débat, à la présidence de la Conférence.
Sans vouloir préjuger la pérennité des décisions du « sommet » de Rabat, on peut affirmer qu’il apparaît comme un succès d’enthousiasme pour le roi Hassan II.
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Les multiples appels à l’unité, à la concertation et à la tolérance ainsi que le bel exemple de conciliation et de coopération fourni par l’Algérie et le Maroc, ont quelque peu atténué le clivage entre progressistes et modérés. Mais, si la modération semble l’avoir emporté, il n’en est pas moins vrai que ses tenants ont dû monter en première ligne et se tenir à la hauteur de leurs protagonistes face aux graves problèmes posés par la discrimination raciale en Afrique du Sud, en Rhodésie et en Namibie et par la domination portugaise en Angola, en Mozambique et en Guinée-Bissau.
Selon leur appartenance, les chefs d’État sont intervenus dans les débats, soit pour prononcer des réquisitoires contre l’inertie des Africains et l’hypocrisie des Occidentaux et « combattre sans délai » le colonialisme, soit, comme le président A’nidjo, pour tirer de la « dimension multipolaire du monde… une leçon de réalisme… et se méfier de tous les impérialismes », y compris ceux qui sont idéologiques.
Le président Bourguiba, fort de son expérience, se prononça contre « l’excès de libéralisme (qui) finit par tuer les libertés » ; puis, élevant le débat, il se déclara favorable à « certaines évolutions… nécessaires, qui répondent aux aspirations profondes de l’homme africain, de l’homme tout court ».
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La conférence de Rabat a donc marqué une étape décisive dans l’histoire de l’OUA. Comme l’a fait remarquer le roi Hassan II, son nouveau président, « l’Afrique est arrivée à maturité » et il en veut pour preuve le fait « qu’aucune résolution soumise à la Conférence des chefs d’État n’a entraîné la moindre réticence, y compris celle concernant le Moyen-Orient ».
Les principales résolutions adoptées concernent la Rhodésie, les Territoires portugais, la Namibie, l’apartheid, le Comité de libération et le Proche-Orient.
La résolution sur la Rhodésie condamne la Grande-Bretagne « pour n’avoir pas pris des mesures effectives en vue de mettre fin au régime illégal » et lui recommande de convoquer une conférence nationale constitutionnelle à laquelle participeraient « les représentants politiques authentiques du peuple rhodésien ».
La même résolution condamne les achats de chrome rhodésien par les États-Unis.
Le texte relatif aux territoires portugais condamne le Portugal et invite les pays membres de l’OUA à rompre leurs relations avec Lisbonne.
La résolution se rapportant à la Namibie « condamne tous les gouvernements, en particulier ceux du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis, membres permanents du Conseil de sécurité, qui continuent à fournir au régime raciste et minoritaire de Pretoria une assistance militaire contraire aux résolutions des Nations unies… »
Pour ce qui est de l’apartheid, la conférence a adopté une résolution aussi « énergique » que la précédente et touchant les mêmes pays en leur adjoignant, dans la réprimande, la République fédérale d’Allemagne.
À propos du Comité de libération, il est demandé aux pays membres de l’OUA de mettre des unités militaires ou du matériel de guerre à la disposition des États qui les réclament.
Manifestement, la résolution la plus dure est celle traitant du Proche-Orient ; elle « déplore la position négative et d’obstruction adoptée par Israël qui empêche la reprise de la Mission Jarring » et « invite Israël à proclamer publiquement son adhésion au principe de non-annexion de territoires par la force et à se retirer immédiatement de tous les territoires occupés… conformément à la résolution 242 du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967 » ; elle demande également à tous les États-membres de l’ONU de « s’abstenir de fournir à Israël toutes armes, équipement militaire ou soutien moral susceptible de lui permettre de renforcer son dispositif militaire et de perpétuer son occupation des territoires arabes et africains. »
Parmi les décisions importantes prises à Rabat, la plus notable est, évidemment, la désignation du nouveau secrétaire général, M. Nzo Ekhah Ngaky, ancien ministre camerounais, anglophone distingué mais parfaitement à l’aise dans le maniement du français. Ce choix se justifie tant pour des raisons linguistiques, géographiques ou politiques qu’en vertu des qualités intrinsèques de l’heureux élu : jeunesse, dynamisme, modération, vaste culture, expérience des grands problèmes, en un mot, stature d’homme d’État.
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L’unité africaine sort apparemment renforcée de la Conférence de Rabat ; mais il semble que ce résultat, obtenu au prix de concessions verbales faites par les modérés aux progressistes, soit un peu artificiel. En effet, aucune décision fondamentale n’a été prise et divers projets de réorganisation, évoqués mais non traités, ont été renvoyés à l’étude des experts.
Néanmoins, les modérés ont su faire œuvre utile en portant un des leurs à la tête de l’Organisation et surtout en y créant, selon sa propre expression, « un esprit nouveau, un esprit de détente et de compréhension entre les responsables africains » (…) « l’esprit de Rabat » ! ♦