Études politiques
Les études rassemblées dans ce volume, dont quelques-unes remontent à l’avant-guerre, partent toutes d’un même projet : éclairer les problèmes que posent les péripéties de l’histoire contemporaine en les rapportant aux idées de certains philosophes classiques (Machiavel, Marx, Pareto, Max Weber, Alain) et aux systèmes de la science moderne – politique intérieure des États et relations entre les États. Ainsi s’en définissent les trois parties.
Dans la première (Idées) Raymond Aron esquisse, sur des exemples, la réponse à la question : que signifient pour nous les penseurs qui méditaient sur une réalité sociale profondément différente de la nôtre ? Dans la deuxième (À l’intérieur des États), il recherche les concepts majeurs du système politique, il suit les étapes de la dialectique de la liberté à travers la critique marxiste et libertaire du libéralisme, et il situe la Ve République dans le cours de l’histoire de France et parmi les régimes démocratiques modernes. Enfin, dans la troisième (Entre les États), les études jalonnent les moments successifs de sa réflexion entre la guerre de Corée et la guerre du Vietnam. On perçoit l’écho du tumulte du forum dans ces pages, engagées et détachées, du « spectateur impur » des batailles auxquelles il ne se mêle que par la plume ou la parole.
Cette réflexion permet de prendre conscience de quelques grands problèmes, et c’est ainsi, par exemple, que la troisième partie « débouche » sur toutes les questions posées par les relations entre les potentiels nucléaires et les comportements diplomatiques, avec trois études dont la lecture est particulièrement enrichissante : « À l’âge atomique, peut-on limiter la guerre ? », « La mitraillette, le char d’assaut et l’idée », et « Remarques sur l’évolution de la pensée stratégique, 1945-1968 ». Nous citerons les dernières lignes de la troisième. « Les Occidentaux, depuis vingt ans, lisent ou relisent Clausewitz. Depuis quelques années, ils lisent Mao Tsé-Toung. Au premier, ils doivent la notion d’escalade ou d’ascension aux extrêmes, dont les armes nucléaires changent la signification. Au second, ils doivent la notion de conflit prolongé. Toute doctrine, à notre époque, se définit par rapport à ces deux notions et semble aboutir à une conclusion paradoxale. Assurer la limitation des guerres, n’est-ce pas accepter la guerre permanente ? La limitation des moyens ne va-t-elle pas entraîner l’illimitation dans le temps ? ». C’est sur cette question que se termine le volume. Elle en illustre la profondeur. ♦