Défense dans le monde - Grande-Bretagne : la situation en Irlande du Nord - Suisse : nouvelle conception de la défense civile - Portugal : le projet de budget de défense 1972 - États-Unis : vote par le Congrès des crédits d'équipement et de recherches - Amérique latine : la nouvelle politique extérieure de l'Argentine
Grande-Bretagne : la situation en Irlande du Nord
M. Whitelaw, secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord préside depuis le 25 septembre 1972 une conférence qui se propose de trouver une solution politique à la crise de l’Ulster. Mais sur sept partis attendus, trois seulement ont accepté de participer aux entretiens dont on ne peut guère attendre de résultats tangibles. Pendant ce temps, l’Armée britannique se voit dans l’obligation de maintenir en Irlande des forces importantes au détriment de ses autres missions.
1. – Au bout de six mois d’« administration directe », la situation en Ulster demeure politiquement aussi bloquée qu’avant la mise en sommeil pour un an du Stormont [NDLR 2022 : le Parlement d’Irlande du Nord].
Sans renoncer à l’internement administratif, dont la suppression aurait soulevé les protestants, M. Whitelaw a pu un moment espérer, tablant sur la lassitude de la population catholique, que des mesures de libération d’internés (près des deux tiers ont été élargis) et une attitude aussi souple que possible des forces de maintien de l’ordre, feraient perdre aux deux branches de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) le soutien de la population et les amèneraient à un cessez-le-feu qui permettrait l’ouverture de négociations politiques. Le mois de juin parut lui donner raison avec les déclarations de cessez-le-feu formulées d’abord par l’IRA officielle, puis par les « provisoires ». La route paraissait ouverte à de nouvelles libérations d’internés et, les camps vidés, à la recherche d’une solution politique.
La reprise de l’action terroriste par les « provisoires » après deux semaines de calme relatif a renversé la situation. La sauvagerie des attaques à la bombe de l’IRA a certes été condamnée par tous les partis, y compris catholiques. Ces derniers ont même accepté le principe d’une réunion inter-partis destinée à définir une nouvelle constitution de la province et dont M. Whitelaw a cru pouvoir fixer la date du 25 septembre. Mais l’action de l’IRA a eu aussi pour conséquence de déchaîner les extrémistes protestants, qui, en août, s’en sont pris pour la première fois à l’armée britannique, empêchant ainsi le secrétaire d’État pour l’Irlande de poursuivre sa politique de libération progressive des détenus pour mettre fin de facto à l’internement.
La réoccupation des quartiers catholiques de Belfast et de Londonderry par l’armée le 31 juillet n’avait pas entraîné de réactions défavorables des partis catholiques, mai : ceux-ci se sont retranchés derrière le maintien de l’internement administratif pour refuser de participer à la conférence inter-partis.
Il convient de noter d’ailleurs que la réunion de cette conférence n’aurait été qu’un pas dans la direction de l’apaisement. Même si elle doit, dans un avenir plus ou moins proche, rassembler les différents partis, il restera à définir une constitution provincial susceptible de satisfaire les aspirations des catholiques et acceptable par les protestants. Même en éludant le problème de la réunification de l’Irlande (et la proposition de Londres d’un référendum périodique, qui rejetterait la réunification dans un avenir lointain aurait cet effet), la mise au point d’un nouveau système de gouvernement provincial sera malaisée. Les catholiques exigent, en effet, non seulement une meilleure représentation, mais un accès aux pouvoirs de décision. Les protestants pour leur pari même les modérés, s’ils acceptent que les catholiques soient mieux représentés – vote proportionnel ou nouveau découpage des circonscriptions électorales – s’en tiennent pour le reste au rétablissement de l’ancien Stormont et aux principes de gouvernement « majoritaire » avec lesquels le nombre leur assure l’exercice du pouvoir.
L’art du compromis que l’on reconnaît généralement aux Britanniques sera mis rude épreuve pour dégager une solution acceptable aux deux parties.
2. – Les répercussions de la situation sur le potentiel militaire de la Grande-Bretagne sont gênantes. Les effectifs de l’armée britannique en Irlande du Nord s’élevaient, avant le mois de juillet à environ 17 000 sur un total de 176 000. Les renforts envoyés dans le courant de juillet ont porté ce chiffre à environ 21 000 hommes.
Ces chiffres paraissent modestes et rendent mal compte de l’effort exigé de l’armée britannique (1). Celui-ci apparaît mieux si l’on comptabilise les unités de combat. Au 15 juin 1972 se trouvaient en Ulster seize bataillons d’infanterie, régiments d’Arme blindé cavalerie (ABC) ou groupes d’artillerie de l’armée de terre et un commando (bataillon) des Royal Marines. Les renforts acheminés en juillet ont porté ces chiffres à vingt-cinq unités de l’armée de terre sur un total de cent, soit le quart des unités opérationnelles et à deux commandos des Royal Marines sur cinq.
Ces unités sont pour partie des éléments non-endivisionnés, mais il a fallu en prélever aussi sur la Force d’intervention du Royaume-Uni et sur la BAOR (Armée britannique du Rhin). En juin, quatre unités sur vingt-et-une de la force d’intervention et deux sur vingt-quatre de la BAOR se trouvaient en Irlande. Les renforts de juillet ont porté ces chiffres respectivement à six et cinq, soit l’équivalent de deux brigades de la force d’intervention sur quatre, et de plus d’une brigade de la BAOR qui en compte six. L’importance de la ponction opérée sur les forces opérationnelles britanniques est donc un sérieux handicap pour l’exécution de leurs missions normales.
Le Stormont ayant été mis en sommeil pour un an le 24 mars 1972, il reste en principe six mois à M. Whitelaw pour atteindre son but et déboucher au moins sur l’ébauche d’une solution qui, en isolant définitivement l’IRA de son « support » catholique, pourrait l’obliger à mettre fin à l’action violente.
Il semble peu probable que pendant ce temps le fardeau de l’Armée britannique puisse être sensiblement allégé. Même au-delà du 24 mars 1973, il est vraisemblable que Londres devra maintenir dans la province des effectifs substantiels, ainsi détournés de leurs missions prioritaires.
Suisse : nouvelle conception de la défense civile
Le 20 mars 1972, le Parlement helvétique a adopté une nouvelle loi sur la défense civile, dont l’élaboration avait été confiée en 1965 à une commission spéciale. Ce document, qui vient d’être publié, apporte des précisions intéressantes, notamment en ce qui concerne l’organisation future de la défense civile et les mesures pratiques qui seront réalisées dans les prochaines années.
1. – Jusqu’à présent, l’organisation de la défense civile présentait une structure très décentralisée, laissant aux cantons et surtout aux communes la plus grande part des responsabilités en la matière. Le nouveau texte de loi intitulé « Conception 1971 sur la Protection civile » a prescrit une centralisation au niveau fédéral dans le cadre d’une « Planification générale de la Protection civile » (PGPC). Ces nouvelles dispositions permettent à l’Office central de protection civile (OCPC) de prendre à son compte une grande partie des attributions antérieurement réservées aux autorités locales. Ainsi cet organisme assure maintenant l’ensemble des études concernant les emplacements et l’importance des futurs abris, le recensement de la population, les possibilités d’approvisionnement en ressources diverses. En outre, il fixe les modalités relatives à l’instruction des personnels effectuant le service civil (2) et en particulier celles destinées à la formation de nouveaux cadres, futurs responsables locaux. De plus il est chargé de l’information des autorités et de la population.
2. – Sur le plan pratique, les mesures adoptées ont essentiellement pour but de renforcer le système actuellement en vigueur. À cet égard, l’effort sera porté aussi bien sur les réalisations matérielles que sur le recrutement et l’instruction des personnels.
En ce qui concerne les installations, la construction d’abris sera accélérée. D’autre part, leur implantation s’étendra à l’ensemble du territoire de façon à assurer en 1990 une protection à toute la population suisse qui atteindra alors quelque 17,5 millions d’habitants. Parallèlement les autorités comptent augmenter le nombre des installations sanitaires protégées (salles d’opération, postes sanitaires, postes de secours) de façon à pouvoir disposer d’environ 140 000 lits.
Pour ce qui est des effectifs, l’accent sera mis sur le recrutement des personnels affectés au service des abris. L’office dispose actuellement de 60 000 personnes – hommes et femmes – alors qu’il en faudrait le double en 1990. Pour atteindre cet objectif, les autorités helvétiques vont lancer une vaste campagne d’information destinée avant tout à encourager le volontariat (3). Quant à l’instruction, de nouveaux centres modernes – dont un fonctionne déjà à Bernex, près de Genève – créés au niveau des cantons et des communes, permettront d’assurer une meilleure instruction des différentes catégories de personnels.
La réalisation de ce programme nécessite un effort financier important. Les dépenses envisagées sont de l’ordre de 6,75 millions de francs suisses (4) échelonnées sur vingt ans. Pour en assurer le financement, le gouvernement fédéral vient d’établir un plan à long terme en liaison avec les autorités cantonales et communales qui devront supporter une partie des charges. Toutefois, la part réservée au gouvernement d’une part, aux autorités locales d’autre part n’a pas encore été fixée.
Quoi qu’il en soit, améliorant l’organisation de la défense civile dans le sens d’une plus grande centralisation et visant à développer l’infrastructure nécessaire, la nouvelle loi représente un pas important vers la protection totale des populations helvétiques en cas de conflit, objectif que s’est fixé le gouvernement. L’effort financier consenti marque l’importance que la Suisse attache à la défense civile, élément essentiel de sa dissuasion.
Portugal : le projet de budget de défense 1972
La réélection en juillet de l’amiral Tomaz à la présidence de la République [NDLR 2022 : élu en 1958 et réélu en 1965] et la composition du nouveau gouvernement de M. Caetano, dans lequel aucun changement important n’est intervenu, démontrent une fois encore la persévérance avec laquelle le Portugal entend poursuivre le projet de budget pour 1972, dont les détails ont été connus récemment. La part réservée aux dépenses militaires en fait encore, comme depuis le début des opérations dans les provinces africaines, le budget de défense le plus important, en valeur relative, de tous les pays européens de l’Ouest.
Le budget portugais comprend un budget ordinaire et un budget extraordinaire, auxquels viennent s’ajouter en cours d’année, des crédits additionnels. Ces derniers étant susceptibles de variations importantes, il est délicat d’interpréter les différences apparaissant d’une année à l’autre dans les prévisions. Ce n’est qu’à la publication des comptes de la nation, intervenant avec près de deux ans de retard, que le volume exact des recettes et des dépenses peut être déterminé avec précision.
Le budget général prévisionnel pour 1972 s’élève à 36,875 milliards d’escudos (5), soit un accroissement de 15 % sur celui de 1971. Les crédits militaires, qui passent de 10 755 à 11 551 millions, n’augmentent que de 7,4 % et leur part dans le budget général n’atteint que 31 % contre 33 % prévus en 1971.
La partie correspondant au budget de défense ordinaire passe de 3 700 à 3 967 M d’escudos, la répartition entre les Armées montrant une augmentation assez sensible pour la Marine, qui se voit attribuer 1 491 M d’escudos contre 1 350 en 1971. L’Armée de terre reçoit 1 679 M (contre 1 629 en 1971) et le restant, soit 708 M d’escudos, est partagé entre la Section commune et le Secrétariat d’État à l’Aéronautique.
En ce qui concerne le budget de défense extraordinaire, il passe de 7 023 à 7 583 M d’escudos. Cette augmentation d’environ 8 % par rapport à 1971 est pratiquement absorbée par les forces d’outre-mer, dont les dépenses passent de 4 000 à 4 500 M d’escudos alors qu’en métropole le seul changement notable est l’augmentation prévue des dépenses pour la construction de la base luso-allemande de Beja qui, de 53 M en 1971 passent à 77 M. Pour le reste, les crédits accordés correspondent sensiblement à ceux de 1971 : 1 750 M pour le rééquipement des forces terrestres et aériennes d’outremer (notamment pour le recomplètement en Alouette III) ; 480 M pour l’achat de navires en France : 141 M pour la construction de corvettes Joao Coutinho en Espagne ; 120 M pour l’extension des ateliers aéronautiques d’Alverca et 200 M d’engagements Otan.
Cet aperçu sommaire sur les prévisions budgétaires portugaises peut donner à croire que les charges de défense sont en diminution sensible, puisqu’elles ne représentent plus que 31 % du budget général contre plus de 40 % au cours des dernières années. En fait le montant réel des dépenses militaires, compte tenu des crédits additionnels, ne pourra être connu que beaucoup plus tard et il est vraisemblable que, tout comme dans les années passées, il dépassera largement les prévisions. Toutefois, les ressources croissantes pouvant être dégagées dans les possessions d’outre-mer devraient permettre d’alléger quelque peu les charges de la métropole.
États-Unis : vote par le Congrès des crédits d’équipement et de recherche (« Procurement Bill »)
Le Sénat a voté le 15 septembre un ensemble d’autorisations de dépenses de 20,9 Md de dollars pour l’équipement des Forces armées et la recherche militaire. Ce projet de loi de finances avait également été voté deux jours auparavant par la Chambre des Représentants. Le chiffre de 20,9 Md, qui résulte d’un compromis entre les sommes initialement votées au mois de juillet par les deux Chambres, ne comprend pas les autorisations prévues pour la guerre du Vietnam. En effet, le Congrès a décidé d’examiner séparément toutes les demandes de crédits (2,8 Md$ au total) faites pour le Sud-Est asiatique. À ce titre, la Chambre vient d’ailleurs de voter 2,35 Md. Si le Sénat approuve la même somme, les fonds pour l’équipement atteindront en réalité 23 Md$, soit deux milliards de plus que la loi de finances précédente (21 Md$).
Le projet de loi satisfait les demandes de l’Administration dans une proportion globale de 93 %, 12,5 Md$ sont destinés à l’acquisition de matériels et 8,4 Md à la recherche et au développement (R&DTE). Comme le montrera l’analyse détaillée ci-dessous, les options de l’Administration ont été généralement approuvées et les réductions de crédits ne mettent pas en cause l’acquisition de matériels mais impliquent un financement à plus long terme. L’abattement sur les demandes exprimées pour la recherche n’est que de 4 %.
Dans le domaine des armes stratégiques, la réduction de crédits opérée par le Congrès est la conséquence des accords sur la limitation des armes nucléaires stratégiques signés au mois de mai avec l’Union soviétique.
Les fonds attribués à la réalisation du système Safeguard sont réduits et passent de 1,4 Md$ (quatre sites) à 561,5 M$ (un site). En effet, l’Administration voulait 800 M$ pour terminer le site de Grand Forks et commencer le site de Washington mais le Sénat a limité les fonds à l’achat des matériels pour Grand Forks et à ceux nécessaires pour la recherche et le développement de Safeguard [NDLR 2022 : système de défense antimissile] (110 M de dépenses nécessaires ont été accordés à ce titre).
Par contre l’accélération du développement des nouvelles armes offensives a été approuvée par les deux Chambres qui ont accordé 445 M$ pour le bombardier Rockwell B-1 Lancer et 926 M pour le sous-marin Trident (dont 554 M pour la R&D et 361 pour le début de construction du premier sous-marin de ce type).
Par ailleurs, l’Air Force reçoit 400 M$ pour l’achat de nouveaux missiles balistiques Minuteman III et la marine 320 M€ pour les missiles balistiques Poseidon et les futurs missiles du sous-marin Trident.
Les forces d’emploi général reçoivent les fonds nécessaires à leur modernisation.
• Les crédits accordés à l’armée de l’air pour l’acquisition d’aéronefs atteignent 2,2 Md et ceux pour les missiles sont de 1,75 Md$. Ils vont lui permettre d’acquérir 240 avions dont 30 chasseurs F-15, 4 Boeing 747 PC volants (AABNCP - Advanced Airborne National Command Post) et 120 hélicoptères de transport léger et d’autre part de commander des SRAM (Short Range Attack Missile) et des engins air-sol et air-air. En outre 243 M$ sont accordés pour l’AWACS (Airborne Warning and Control System), 48 M pour l’avion d’appui AX et 10 M pour le radar transhorizon OTH-B destiné à accroître le préavis d’alerte en cas d’attaque de bombardiers stratégiques soviétiques.
• La marine reçoit 3,2 Md$ pour la construction de navires dont 299 M pour la mise en fabrication du 4e porte-avions nucléaire le CVAN-70, 1 096 M pour 6 sous-marins nucléaires d’attaque et 247 M pour 7 destroyers DD-963. Les autorisations pour les matériels aériens sont destinées principalement à l’acquisition de 48 intercepteurs embarqués Grumman F-14B Tomcat (732 M$), 33 avions anti-sous-marins (ASM) embarqués Lockheed S-3A Viking, 24 LTV A-7E Corsair II, 24 patrouilleurs Lockheed P-3C Orion et 8 avions de veille embarqués Grumman E-2C Hawkeye.
• L’armée de terre voit ses programmes quelque peu malmenés par les Sénateurs qui ont décidé d’arrêter définitivement le programme d’hélicoptère armé Lockheed AH-56 Cheyenne. Dotée seulement de 1,1 Md pour l’acquisition de matériels, elle reçoit par contre 1,9 Md pour ses programmes de développement. Ses principaux programmes maintenus sont le sol-air SAM-D, le sol-sol nucléaire Lance, les missiles anti-tank TOW et Dragon, et l’hélicoptère UTTAS (Utility Tactical Transport Aircraft System). 166 chars M-60A1 seront commandés en cours d’année tandis que 310 M-60 recevront le missile anti-char Shillelagh. Quant au Corps des « Marines », la « quatrième armée » des États-Unis, il a reçu l’accord du Congrès pour l’achat de 30 avions d’appui à décollage vertical Harrier et de 50 hélicoptères (transport et gunships).
Avec les 8,4 Md$ reçus au titre de la recherche, les Forces armées américaines vont poursuivre une large gamme de programmes majeurs. 500 M$ ont été accordés pour les sciences militaires et 439 M$ pour les programmes spatiaux. 242 M vont aux centres de recherche privés et 45 M aux laboratoires militaires de recherche fondamentale et appliquée. En outre, 1,75 Md de programmes divers sont accordés aux trois armées.
Enfin les sommes qui seront accordées par ailleurs pour le Sud-Est asiatique permettront d’acquérir près de 400 avions et hélicoptères destinés à l’Air Force, à la Navy et surtout aux forces sud-vietnamiennes et d’autre part de compenser assez largement les pertes en matériels terrestres de ces dernières. Le total des fonds accordés par la Chambre pour les munitions nécessaires aux forces de théâtre atteint 933 M$.
En conclusion, le vote du projet de loi de finances par le Congrès est un succès très net pour le président Nixon qui pourra se targuer d’avoir négocié avec Moscou et Pékin sans avoir transigé avec la sécurité des États-Unis. Les crédits accordés vont permettre aux forces américaines d’acquérir des matériels en nombre suffisant mais surtout d’accélérer le développement des systèmes stratégiques et tactiques modernes qui accroîtront leur efficacité malgré la déflation des effectifs qu’elles ont subie.
Amérique latine : nouvelle politique de Buenos Aires en Amérique du Sud
La modération relative dont a fait preuve Buenos Aires dans l’affaire des extrémistes argentins que le Chili a refusé de livrer, est significative de la nouvelle politique de l’Argentine dans le sous-continent. En effet, depuis son arrivée à la présidence en 1971, le général Lanusse mène, vis-à-vis de l’Amérique du Sud, une action novatrice et dynamique qui entraîne certaines conséquences au plan de la Défense.
1. – Les prédécesseurs du Président actuel avaient confiné l’Argentine dans un rôle de gardienne de l’ordre continental contre la subversion politique, concrétisé par la constitution de l’axe idéologique Brasilia-Buenos Aires et par l’appui étroit des États-Unis. Cette conception allait conduire le pays à se placer en retrait à la fois par rapport au Brésil et par rapport aux autres pays sud-américains. En effet, les Brésiliens partagent les préoccupations des Argentins mais savent les adapter avec souplesse pour faire progresser leurs intérêts commerciaux et nationaux. Quant au reste de l’Amérique du Sud, ses préoccupations récentes concernent avant tout les problèmes posés par le développement économique et social, l’influence nord-américaine et les tendances expansionnistes du Brésil.
Tout en conservant les fondements essentiels de la politique extérieure du pays – nationalisme, souci d’indépendance, anti-communisme – le nouveau gouvernement prône désormais l’abolition des frontières idéologiques et la non-ingérence dans les affaires des pays tiers. C’est sur ces bases que le Président argentin a cherché à renforcer ou établir des bonnes relations avec tous les États d’Amérique du Sud, y compris le Chili du président Allende. À cet effet, il a effectué, fin 1971 et début 1972, des visites dans toutes les capitales sud-américaines et a signé un certain nombre d’accords politiques et économiques. Il est certain que la prospérité brésilienne et l’intense activité diplomatique qui l’accompagne ont joué le rôle d’aiguillon dans le brusque revirement de la diplomatie argentine qui traditionnellement s’oppose aux Brésiliens pour tenir un rôle prééminent en Amérique du Sud.
2. – Cette nouvelle politique entraîne déjà certaines conséquences, et notamment au plan de la Défense. Dans ce domaine l’Argentine, comme les autres pays latino-américains, a surtout des préoccupations causées par des litiges frontaliers et le problème de sa sécurité intérieure.
Les litiges frontaliers, si minimes soient-ils, n’ont pas encore trouvé de solutions et conduisent à des tensions périodiques. Mais la nouvelle orientation de la politique extérieure indique bien que c’est par la diplomatie que Buenos Aires entend régler ses problèmes territoriaux avec le Paraguay (Rio Pilcomayo), le Chili (canal de Beagle), la Grande-Bretagne (îles Malouines) : depuis 1971, l’Argentine a signé avec ces pays différents accords transitoires en attendant un règlement ultérieur pacifique et définitif.
La sécurité intérieure est gravement menacée par la recrudescence du terrorisme qui profite des conditions favorables créées par la crise économique et sociale. Tout en continuant à mener une lutte vigoureuse contre ses terroristes nationaux, l’Argentine a abandonné l’idée d’une croisade antisubversive à l’échelle du sous-continent. De plus, toujours dans le cadre du pluralisme idéologique désormais voulu sur le plan extérieur, le gouvernement argentin a mis un terme aux plaintes dirigées contre les pays qui, sous une forme ou une autre, apportent leur soutien aux organisations terroristes.
Après un long isolement, la politique extérieure argentine connaît donc un renouveau avec certaines conséquences au plan de la Défense. Mais Buenos Aires, qui doit faire face à de sérieuses difficultés au plan intérieur, n’a pas encore la liberté de mouvements nécessaire pour mener à bien une politique de grande envergure en Amérique du Sud.
(1) La Royal Navy et la Royal Air Force sont beaucoup moins touchées.
(2) Le service dans la Protection civile est obligatoire pour les hommes de 20 à 60 ans inaptes au service armé ainsi que pour les hommes de plus de 50 ans libérés des obligations militaires.
(3) Peuvent servir comme volontaires : les femmes et les jeunes filles depuis l’âge de 16 ans, les jeunes gens à partir de 16 ans, les hommes libérés du service dans la Protection civile, donc âgés de plus de 60 ans.
(4) 1 franc suisse = 1,33 F.
(5) Soit environ 7 MdF. 1 escudo = 0,14 F.