Maritime - En France : lancement de la première des vingt vedettes destinées à la Bundesmarine - La marine norvégienne - Dans l'Otan : exercices Strong Express et Deep Furrow 72
En France : lancement de la première des 20 vedettes lance-missiles type S-148 destinées à la Bundesmarine
La première des 20 vedettes lance-missiles, commandées par la Bundesmarine aux Constructions mécaniques de Normandie à Cherbourg, a été lancée le 27 septembre en présence d’une nombreuse assistance et notamment de l’amiral Kühnle, inspecteur de la marine fédérale [NDLR 2022 : l’équivalent allemand du CEMM], du Délégué ministériel pour l’armement (DMA), du Chef d’état-major de la Marine et de l’ingénieur général directeur des Constructions navales. Rappelons que c’est à la suite d’un accord signé le 23 octobre 1970 que la construction de ces vedettes a été confiée au chantier précité sous la responsabilité de la maîtrise d’œuvres de la Direction technique des constructions navales (DTCN), l’industrie allemande étant associée par ailleurs à la réalisation du programme. Les vedettes type S-148 présentent les caractéristiques suivantes :
– déplacement : 265 tonnes en pleine charge (tpc) ;
– dimensions : 47 m (hors tout ou ht) x 7,10 m x 2,50 m (pc) ;
– appareil propulsif : 4 diesels MTU développant au total 12 000 CV – 4 hélices ;
– vitesse maximum : 35,5 nœuds ;
– distance franchissable : 600 nautiques à 30 nœuds ;
– armement : 4 missiles MM38 Exocet, 1 pièce de 76 CA « Oto Melara » compacte ; 1 pièce de 40 CA ; 2 Tube lance-torpilles (TLT)/533 pour torpilles filoguidées ou 8 mines.
– équipage : 30 hommes dont 4 officiers.
La marine norvégienne
Dans les plans de l’Otan, à laquelle elle appartient depuis avril 1949, la Norvège occupe une place privilégiée en raison de l’importance stratégique, plus que largement démontrée durant le dernier conflit, que lui valent sa façade atlantique, sa situation à la sortie des détroits de la Baltique et surtout la position clé que représente, au débouché de la Mer Blanche, la région norvégienne du Finnmark jouxtant l’URSS.
Aussi, une des missions prioritaires de l’Otan, que vient d’illustrer l’exercice Strong Express, serait-elle, en cas de menace sur cette région, d’intervenir rapidement pour empêcher que l’adversaire éventuel ne s’en empare, avec toutes les conséquences que cela risquerait d’entraîner pour la suite des opérations en Atlantique. On conçoit que dans un tel contexte, la marine norvégienne ait, dans les plans de l’Otan, pour missions prioritaires :
– la défense des eaux territoriales (la haute mer étant du ressort du SACLANT – Commandement allié Atlantique) ;
– la défense des côtes : accès des fjords, des chenaux et des ports ;
– le soutien des forces terrestres ;
– la protection du trafic maritime.
La marine occupe donc une place importante au sein des forces armées, place qui de plus lui revient de droit, compte tenu de l’importance de la flotte marchande norvégienne qui est une des premières du monde et aussi de la longueur des côtes (2 125 miles depuis l’océan Arctique jusqu’à l’entrée de la Baltique), qui rend le pays vulnérable à une invasion par voie maritime. Rappelons brièvement l’organisation de la défense norvégienne.
Au sommet, le ministre de la Défense fait appliquer la politique militaire du gouvernement et est responsable vis-à-vis du Roi de la préparation à la guerre.
En temps de paix, le chef de la Défense, qui fut durant de longues années un amiral, assume le commandement opérationnel de toutes les forces norvégiennes articulées en deux grands commandements intégrés : Nord-Norvège (PC à Bodo) et Sud-Norvège (PC à Oslo). Ce chef de la Défense a la haute main sur tous les services communs et un pouvoir d’arbitrage important.
En temps de guerre, le Théâtre Nord-Europe de l’Otan étant activé, le chef de la Défense assure la liaison entre le gouvernement et CINCNORTH (Commandement Nord-Europe de l’Otan, PC à Kolsas) qui prend alors le commandement des forces norvégiennes.
Quant aux commandants en chef des trois Armées et de la Heimevern qui est une sorte de garde nationale, ils ne sont chargés, en temps de paix comme en temps de guerre, que de l’administration et de la mise en condition des personnels et des matériels.
Les forces navales norvégiennes et l’artillerie de côte forment ensemble la Défense maritime dont le CEC (commandant en chef) a le titre d’inspecteur général de la Marine, forces qui passent en temps de guerre, répétons-le, sous le commandement opérationnel de l’Otan. Signalons à ce propos qu’un navire norvégien est en permanence affecté à la STANAVFORLANT (voir infra).
Les forces navales se composent essentiellement de bâtiments de faible tonnage, les plus grosses unités étant cinq escorteurs de 1 500 t, d’ailleurs récents. Outre ces navires la flotte de combat comprend :
– 15 sous-marins côtiers de 450 t du type 205 allemand (classe Kobben) ;
– 2 corvettes de 600 t modernes ;
– 5 mouilleurs de mines ;
– 10 dragueurs ;
– 20 vedettes lance-torpilles ;
– 6 vedettes lance-missiles surface-surface ;
– 20 canonnières rapides dont quelques-unes équipées de missiles surface-surface ;
– 3 bâtiments de débarquement.
L’ensemble représente environ 25 000 t auxquelles s’ajoutent 13 000 t de bâtiments auxiliaires et logistiques.
Il n’y a pas d’aéronautique navale mais deux formations de l’armée de l’air spécialisées dans les opérations aéromaritimes, équipées l’une d’hélicoptères, l’autre de patrouilleurs Orion, sont détachées pour emploi aux ordres de la marine.
Celle-ci ayant terminé en 1968 son programme de reconstruction, la priorité est donnée depuis cette date au développement de l’armée de terre et de l’armée de l’air. Un programme étalé sur cinq ans, prévoit néanmoins la construction d’un ou deux bâtiments-bases, de deux mouilleurs de mines, de huit bâtiments de débarquement et la modernisation des unités en service.
Au point de vue technique, la marine norvégienne a mis au point deux systèmes d’armes intéressants : un lance-roquettes ASM, le Terne, simple et robuste, qui équipe les 5 escorteurs et les 2 corvettes et un missile surface-surface, le Penguin. Ce missile subsonique, d’une portée de 15 000 à 20 000 m, est doté d’un autodirecteur à infrarouge ; il est en cours d’installation sur les vedettes et les canonnières rapides.
L’artillerie de côte est intégrée à la marine ; sa mission est essentiellement la protection des fjords et des chenaux importants ainsi que l’appui aux unités de surface opérant à proximité. Les batteries, sous béton, sont en cours de modernisation (canons à longue portée et missiles).
Les effectifs du temps de paix sont de 9 000 hommes environ, y compris le personnel du contingent qui effectue quinze mois de service dans la marine et douze dans l’artillerie de côte. À ces effectifs il faut ajouter un peu plus de 2 500 civils travaillant pour la marine.
Pour ce qui concerne la flotte marchande, la Norvège se place dans le peloton de tête des nations maritimes, puisqu’avec ses quelque vingt millions de tonnes de jauge brute, elle était, début 1971, la quatrième du monde derrière celles du Liberia, du Japon et du Royaume-Uni, les armateurs norvégiens disposant à cette époque d’environ 9 % du tonnage mondial. En même temps, la part norvégienne du tonnage en commande à cette date atteignait près de 13,5 %. Ceci s’explique quand on considère que le trafic maritime est pour ainsi dire une véritable industrie d’exportation et occupe une place prédominante dans la vie économique du pays : 93 % de la flotte marchande sont en effet uniquement consacrés au transport entre des ports étrangers.
Otan : les exercices Strong Express et Deep Furrow 72
Le plus grand exercice interarmées de l’Otan depuis sa création il y a 23 ans s’est déroulé du 14 au 28 septembre 1972 dans diverses régions de l’Atlantique Nord, simultanément c’est-à-dire au large des côtes orientales de l’Amérique, en Norvège septentrionale, en mer du Nord, à l’ouvert de la Manche, le long de la péninsule ibérique et dans les parties centrale et occidentale de l’Atlantique Nord. Dénommé Strong Express, il a mis en œuvre 300 navires, près de 700 aéronefs et plus de 60 000 marins, soldats et aviateurs appartenant au Canada, au Danemark, à l’Allemagne fédérale, à l’Italie, à la Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Il s’est déroulé sous la direction conjointe de :
– l’amiral américain Charles K. Duncan, commandant suprême allié en Atlantique (SACLANT) ;
– l’amiral britannique Sir Edward Ashmore, commandant en chef allié en Manche (CINCHAN) ;
– le général américain Andrew J. Goodpaster, commandant suprême allié en Europe (SACEUR).
Strong Express avait plusieurs objectifs et notamment de :
– tester le bon fonctionnement du commandement, des transmissions, de la recherche et de l’exploitation du renseignement ;
– de mesurer les possibilités de résistance des forces armées norvégiennes dans une zone particulièrement menacée tant sur mer que dans les airs et sur terre ;
– de s’assurer dans quelle mesure les forces de l’Otan pourraient les secourir.
Il s’agissait en un mot de mettre à l’épreuve les défenses de l’Alliance dans une zone vitale et de montrer à la fois la cohésion des forces de l’Otan et la volonté de maintenir dans cette région l’indispensable équilibre militaire.
L’exercice s’est déroulé en deux grandes phases, l’une purement navale, l’autre amphibie et aéroterrestre.
La première a notamment comporté des opérations :
– de lutte anti-sous-marine ;
– de défense aérienne face en particulier à des bombardiers à grand rayon d’action munis de missiles air-mer à longue portée ;
– de guerre des mines ;
– de protection de la navigation commerciale et de contrôle naval.
La seconde a comporté principalement deux grandes opérations amphibies sur les côtes de Norvège, opérations qui ont couronné Strong Express.
Les porte-avions américains CVA-67 John F. Kennedy et CVS-11 Intrepid et le britannique HMS Ark Royal ont pris part à l’exercice ainsi que des croiseurs, des bâtiments lance-missiles, des escorteurs, des dragueurs et mouilleurs de mines, des bâtiments de commandement, des navires porte-hélicoptères d’assaut et amphibies, des vedettes lance-torpilles et lance-missiles, des sous-marins ainsi que plusieurs bâtiments auxiliaires et de soutien logistique. Ont également participé à Strong Express les frégates et escorteurs de la STANAVFORLANT, la seule force navale multinationale opérant en temps de paix. Il faut ajouter à cela une soixantaine de navires marchands spécialement affrétés pour effectuer des opérations de convoi. Plusieurs de ces bâtiments ont figuré une force navale adverse composée de croiseurs et destroyers lance-missiles et de 25 sous-marins dont 4 d’attaque nucléaires. Outre les avions et les hélicoptères embarqués sur les navires, de nombreux avions de patrouille Lockheed P-3 Orion de l’US Navy, Hawker Siddeley Nimrod de la RAF, Breguet Br.1150 Atlantic de la RFA ont pris une part active aux opérations de lutte ASM tandis que des bombardiers alliés simulaient des appareils adverses munis de missiles à longue portée.
Conformément au programme des exercices que les forces françaises sont autorisées à exécuter chaque année avec l’Otan, notre Marine a participé à une phase de la guerre des mines avec le Bâtiment de soutien logistique (BSL) Loire et deux divisions de dragueurs fortes au total de huit bâtiments. Cette phase s’est déroulée au nord de l’Écosse. Notre Marine a également fourni le concours du sous-marin Sirène et de patrouilleurs Atlantic.
Dans la phase initiale des opérations amphibies, des Marines américains, des « Mariniers » néerlandais ainsi que des commandos des Royal Marines ont effectué sur les côtes nord de la Norvège un débarquement héliporté et amphibie sans rencontrer, selon le thème de l’exercice, d’opposition. Cet exercice avait pour objectif d’expérimenter le comportement des hommes, du matériel et des équipements dans les conditions climatiques très dures qui règnent dans cette région. C’est ainsi qu’un centre de commandement tactique aérien des Marines a été héliporté puis installé sur une colline désolée à plus de 700 m d’altitude. Ce centre comportait notamment des ordinateurs et un radar tridimensionnel d’une portée de 250 km. Ce PC était directement relié par ordinateurs au central opérationnel du navire de commandement LCC-20 Mount Whitney où se tenait le général responsable des opérations, ainsi qu’au QG des Marines aux États-Unis. Grâce à cette installation, le commandement était instantanément tenu au courant de la situation aérienne tant sur le plan local que dans les autres zones de l’exercice.
Cette phase initiale s’est poursuivie par le débarquement dans la région de Tromsoe, au Nord du Cercle polaire, d’une force de 3 000 Marines à laquelle se sont opposés 4 000 soldats norvégiens appartenant à la Brigade Nord et à l’artillerie côtière. Dans cette phase, les forces de l’Otan simulaient, semble-t-il, une invasion adverse par voie de mer, c’est-à-dire par la voie la plus facile pour prendre pied dans le Finnmark. Dans un second temps, ces mêmes forces représentant cette fois vraisemblablement un corps d’intervention de l’Otan cherchant à prendre pied sur une zone de la Norvège préalablement occupée par l’adversaire, ont essayé de faire leur jonction avec des éléments de la Force Mobile (Land Component) du Commandement allié en Europe amenés rapidement en Norvège septentrionale. Forte de plus de 5 000 hommes, cette force constituée en 1960 est comme la STANAVFORLANT, multinationale. Composée d’éléments terrestres et aériens, elle peut grâce au transport aérien stratégique se déplacer rapidement. Amenée sur le territoire d’une nation membre de l’Alliance menacée d’invasion, elle a pour objectif d’inciter l’agresseur éventuel à mesurer les conséquences de ses actes étant donné qu’il ne se heurterait pas aux seules forces du pays menacé, mais à l’Otan tout entière représentée par la Force mobile. Celle-ci, commandée en ce moment par un général italien, comprend notamment des contingents britanniques, canadiens, italiens et néerlandais. Elle relève directement du SACEUR et, en cas d’opérations, du Commandement Otan local. Au total, près de 15 000 soldats et aviateurs ont pris part à la phase amphibie et aéroterrestre de Strong Express, avec le soutien des avions basés à terre ou embarqués. Comme il fallait s’y attendre, cet exercice a été l’objet d’une surveillance constante et particulièrement étoffée de la part des Soviétiques puisqu’on a observé le déploiement sur le théâtre des opérations d’une dizaine de sous-marins et d’une quarantaine de navires de surface dont plusieurs spécialisés dans la collecte du renseignement. Par ailleurs, l’aéronavale soviétique a été très active. Disons pour terminer que la presse soviétique a dénoncé avec vigueur le caractère, selon elle agressif, de Strong Express.
Deep Furrow 72
Cet exercice s’est déroulé entre le 18 et le 28 septembre 1972, c’est-à-dire presque en même temps que Strong Express entre les côtes grecques et turques. Ayant pour objectif d’éprouver les plans de défense de l’Otan dans cette région il a mis en œuvre les unités suivantes :
États-Unis : le porte-avions CVA-42 F.D. Roosevelt, 4 à 6 escorteurs, 1 patrouilleur rapide, 1 sous-marin et un navire logistique.
Royaume-Uni : 1 destroyer lance-missiles, 1 frégate, 2 bâtiments amphibies et 2 navires logistiques.
Italie : 1 croiseur, 2 destroyers, 1 navire logistique.
Grèce : 2 destroyers, 4 patrouilleurs, 1 sous-marin, 6 navires amphibies, 1 navire logistique.
Turquie : 2 destroyers, 1 sous-marin, 4 patrouilleurs. ♦