Aéronautique - Le budget Air 1973 - Premier vol de l'Airbus A300 B1 - Nouvelle formule de « leurre » : le SCAD (Subsonic cruise armed decoy) - Le SR-71 et son équipage
Le budget air 1973
Le budget de la section Air pour l’exercice 1973 s’élève à 7 274,70 MF dont 3 336,80 MF pour le titre III et 3 937,90 MF pour le titre V, soit une augmentation de 8,4 % par rapport à celui de 1972. À titre de comparaison le tableau ci-dessous rappelle la répartition globale du budget de la défense nationale entre les trois armées (crédits de paiement).
|
1972 |
1973 |
Balance |
|||
MF |
% |
MF |
% |
MF |
% |
|
Air |
6 710,8 |
21,5 |
7 274,7 |
20,8 |
+ 563,9 |
+ 8,4 |
Terre |
8 009,9 |
25,7 |
9 202,9 |
26,4 |
+ 1 193 |
+ 14,9 |
Marine |
5 543,6 |
17,8 |
6 096,2 |
17,5 |
+ 552,6 |
+ 9,9 |
Section commune |
10 863,5 |
34,9 |
12 226 |
35,2 |
+ 1 362,5 |
+ 12,5 |
Total |
31 127 |
100 |
34 800 |
100 |
+ 3 672.1 |
+ 11,8 |
Malgré la diminution sensible, en valeur relative, de la part Air en crédits de paiement du titre V (v. infra), on note que la répartition des crédits reste encore cette année en faveur des dépenses d’équipement. D’autre part, si l’importance relative des crédits de paiement de l’Armée de l’air au sein du budget des Armées continue à décroître, il se produit en revanche une stabilisation des autorisations de programme.
Titre III
La répartition des dépenses du titre III est la suivante :
Désignation |
1972 (CP) |
1973 (CP) |
Balance |
Personnel |
1 941,2 |
2 140,9 |
+ 10,2 % |
Carburants |
384,2 |
404 |
+ 5,1 % |
Entretien des matériels |
453,5 |
596,8 |
+ 31,6 % |
Entretien du domaine |
66,2 |
72,1 |
+ 9 % |
Fonctionnement |
128,7 |
123 |
– 4,4% |
TOTAUX |
2 973,8 |
3 336,8 |
+ 12,2 % |
En ce qui concerne les personnels, la déflation hiérarchisée des effectifs se soldera en 1973 par une diminution de 1,1 % des droits en officiers d’active et de 1,35 % pour les sous-officiers d’active dits ADL (servant au-delà de la durée légale).
Par ailleurs, parmi les mesures catégorielles qui ont été retenues figurent entre autres :
– l’amélioration de la pyramide des grades des officiers,
– l’amélioration de la pyramide des grades des sous-officiers
– l’accroissement du pourcentage d’échelle IV des sous-officiers.
Le personnel féminin bénéficie également de l’amélioration des pyramides officiers et sous-officiers et de l’accroissement des pourcentages d’échelle III et d’échelle IV qui sont portés respectivement à 48 % et 30,3 %.
Pour les carburants le budget attribue à l’Armée de l’air une ressource de 404 MF, en augmentation de 5 % par rapport à 1972, ce qui devrait permettre de réaliser le plan d’utilisation prévu par l’État-major en 1973.
Quant à l’entretien des matériels aériens les autorisations de programme s’élèvent à 560 MF et les crédits de paiement à 567 MF. Cette augmentation apparente par rapport à 1972 (+ 143,3 MF) est due pour une grande part à la création de comptes de commerce dans les Ateliers industriels de l’Air (AIA) de Bordeaux et de Clermont-Ferrand. En réalité l’augmentation des crédits, compte non tenu des AIA, est de 40 MF soit 9 % par rapport à 1972.
Titre V
La physionomie générale du titre V est donnée ici par chapitre :
Autorisations de programme | Crédits de paiement | |||||||
Désignation | 1972 | 1973 | Répartition | Balance | 1972 | 1973 | Répartition | Balance |
Études et prototypes | 874 | 1 012 | 19,4 % | + 15,8 % | 800 | 873 | 22,25% | + 9,1 % |
Investissements techniques et industriels | 121 | 97,5 | 1,8 % | - 19,5 % | 145 | 119 | 3 % | - 18 % |
Fabrication Télécomm. | 474 | 523 | 10 % | + 10,3 % | 445 | 500 | 12,7 % | + 12,3 % |
Matériels aériens (série) | 2 537 | 2 855,7 | 54,7 % | + 12,6 % | 1 792 | 1 817,9 | 46 % | + 1,4% |
Matériel de commissariat | 92 | 107 | 2 % | + 16,3 % | 90 | 96 | 2,4 % | + 6,7% |
Armement et munitions | 154 | 183 | 3,5 % | + 18,8 % | 136 | 141 | 3,6 % | + 3,7 % |
Matériels sol | 102 | 119 | 2,30 % | + 16,7 % | 88 | 99 | 2,5 % | + 12,5 % |
Infrastructure | 289 | 325,3 | 6,2 % | + 12,6 % | 241 | 292 | 7,4 % | + 21,2 % |
Totaux | 4 643 | 5 222,5 | 100 | + 12,5 % | 3 737 | 3 937,9 | 100 | + 5,4% |
Par rapport au budget 1972 on remarque que la dotation en crédits de paiement augmente de 5,4 %. Ce taux de progression est inférieur au taux de progression des CP du titre V des Armées (+ 13,7 %). Par contre les dotations en autorisations de programme (AP) présentent un taux de croissance légèrement supérieur à celui des Armées (12,5 % contre 11,4 %).
Par rapport à la 3e loi de programme militaire, le budget 1973 tient compte, en raison de la hausse des prix, supérieure aux prévisions, de la réévaluation du montant de l’enveloppe financière nécessaire à l’exécution en volume de la loi de programme votée en 1970.
L’analyse des principaux chapitres appelle les remarques suivantes :
Études (chapitre 51.71)
Les crédits d’autorisations de programme se répartissent en :
– 155 MF consacrés à des travaux non spécifiques d’un programme donné : matériels communs à plusieurs programmes, dépenses d’équipements et d’installation d’essais,
– 139 MF concernant les télécommunications et particulièrement la détection,
– 682 MF portant sur les programmes spécifiques : moteurs Snecma M53 et Snecma-Turbomeca Larzac, avions Sepecat Jaguar, Dassault Mirage F1, Mirage G8 et Alphajet, et missiles Matra Super 530 et 550 Magic.
Investissements techniques et industriels (chapitre 52.71)
Les ressources sont en décroissance en raison d’une politique délibérée qui consiste à laisser progressivement aux industriels le financement des moyens d’essai nécessaires à la réalisation de leurs matériels.
Armement et munitions (chapitre 53.51)
La hausse substantielle des dotations de ce chapitre, qui n’est pas sans rapport avec la hausse des prix, a pour principale origine l’importance des AP consacrées aux « munitions d’entraînement pour aéronefs » dans le but de parfaire l’entraînement au tir air-air et air-sol des pilotes de combat.
Matériels sol (chapitre 53.52)
L’augmentation de ce chapitre est due notamment à l’arrivée de matériels spécialisés coûteux environnant les avions nouveaux, alors que les matériels acquis au titre de l’aide étrangère (PAM) sont en voie d’extinction.
Matériels des télécommunications (chapitre 53.71)
La plus grande partie des AP est destinée à la réalisation de grands programmes lancés depuis plusieurs années tels que le Strida et le réseau Air 70, auxquels s’ajoutent l’inscription d’un programme nouveau de liaisons tactiques pour la Force aérienne tactique (Fatac) et l’installation de nouveaux radars d’altimétrie.
Matériels aériens
Ces matériels absorbent près de 60 % des AP ; les ressources des réalisations s’élèvent à 1 791 MF et celles des rechanges à 884,70 MF.
Les fabrications concernent principalement le Mirage F1 (1 200 MF), tandis que 295 MF sont destinés au lancement de l’industrialisation de l’Alphajet, 152 MF au Jaguar, 110 MF au Mirage 5F.
D’autre part 32 MF permettront de compléter le premier escadron de missiles sol-air Crotale.
Infrastructure (chapitres 54.61 et 54.62)
Les principales opérations comprennent, outre les dépenses permanentes, la rénovation et l’agrandissement de quelques bases aériennes et des améliorations portant sur l’environnement opérationnel.
Il ressort de l’analyse du budget Air 1973 que, pour le « fonctionnement », les mesures catégorielles retenues apportent aux personnels des avantages non négligeables. Pour « l’équipement », l’augmentation des crédits en autorisations de programme par rapport au budget 1972 contribuera à l’accélération de la réalisation de la troisième loi de programme.
Premier vol de l’Airbus
Le premier exemplaire de l’Airbus A300B1, biréacteur à grande capacité court/moyen-courrier, a effectué son premier vol sur le terrain de Toulouse-Blagnac le 28 octobre 1972, un mois avant la date initialement prévue au programme. Exécuté dans de bonnes conditions, ce vol a été suivi d’un second durant 2 h 30, trois jours plus tard, le mardi 31 octobre. D’après une déclaration du constructeur, ces deux événements apportent d’encourageantes perspectives pour les essais et l’avenir de ce nouveau programme d’avion européen.
Rappelions que les constructeurs font partie d’un consortium « Airbus Industrie » dont le siège est situé à Paris et dont les membres associés sont : l’Aerospatiale pour la France, Deutsche Airbus pour l’Allemagne fédérale, Construcciones Aeronauticas pour l’Espagne, Hawker Siddeley Aviation pour la Grande-Bretagne et Fokker VFM pour les Pays-Bas, Airbus International dont le siège est également à Paris est une filiale d’Airbus Industrie, responsable des ventes.
Les travaux de développement préliminaire relatifs à un avion européen de type Airbus remontent aux années 1965-1966 et la conception actuelle de l’appareil a commencé à prendre forme en 1967. Le 29 mai 1969, les gouvernements français et allemand signèrent un accord pour financer le développement de l’Airbus européen et ce n’est qu’ultérieurement que le gouvernement des Pays-Bas et très récemment celui d’Espagne se joignirent au programme. Airbus Industrie a été créée en décembre 1970 pour superviser le programme, négocier les contrats et fournir une organisation centrale, appelée à traiter avec les gouvernements et les clients.
La version offerte dans la phase initiale des travaux de développement, le A300, équipé de réacteur Rolls Royce RB207, a été écartée en faveur des modèles A300B : le A300B1 équipé de réacteurs General Electric CF6.50A de 22 230 kg de poussée et les A300B2 et A300B4 tous deux équipés de moteurs CF6.50C de 23 130 kg de poussée.
En dehors des groupes motopropulseurs, ces différentes versions se distinguent les unes par rapport aux autres par un certain nombre de variantes techniques au niveau des cellules.
C’est ainsi que par rapport à la version de base B1, le B2 a un fuselage plus long de 2,65 m correspondant à un gain de trois rangées de sièges supplémentaires et de quatre conteneurs dans la soute. Son autonomie est sensiblement équivalente à celle de la version B1.
La version B4 est dotée du même fuselage allongé que le B2, mais des renforcements structuraux lui permettront une exploitation avec une masse plus élevée : 150 tonnes au lieu de 137 t pour la version B2.
Le nombre de sièges offerts est le suivant : pour le B1 : 239 en version mixte, 257 en version touriste et 302 en haute densité : pour les versions B2 et B4 : 263 en version mixte, 281 en touriste et 331 en haute densité.
La distance franchissable avec réserves de carburant et un chargement de 281 passagers est de l’ordre de 3 000 km pour le B2 et de 4 500 km pour le B4.
La sortie d’usine du premier prototype remonte au 31 juillet 1972. L’avion n° 2 devrait voler dès le début de 1973. La certification aux normes de la Federal Aviation Administration (FAA, États-Unis) et du SGAC (Secrétariat général à l’aviation civile, France) devrait être acquise pour la fin 1973 pour permettre les premières livraisons à la compagnie Air France qui sont prévues pour mars 1974.
À cette date, un total de 1 570 heures de vol aura été effectué sur les deux prototypes version B1 et sur deux appareils version B2. Parallèlement à ces essais en vol, les essais statiques se poursuivent au Centre d’essais aéronautiques de Toulouse (CEAT), où une cellule complète d’Airbus est actuellement installée dans le grand hangar des essais de Concorde, spécialement agrandi à cet effet. Le programme durera environ deux ans : au début de 1974, ces essais statiques devront être terminés pour la date de certification cependant que les essais de fatigue se seront déroulés en RFA.
La construction des huit premiers exemplaires de série a commencé en février et la production d’une deuxième série de huit appareils en octobre. Les travaux préliminaires au lancement d’une troisième série de huit avions sont en cours. La cadence de production initiale sera de 4 avions par mois sur deux chaînes (Toulouse et Hambourg). Le seuil de rentabilité a été calculé à 360 exemplaires.
Le marché pour les biréacteurs à grande capacité court/moyen-courriers est estimé à présent entre 850 et 1 000 unités. Airbus Industrie espère vendre 360 à 400 A300B hors du marché américain et peut-être jusqu’à 600 exemplaires sur le plan mondial. Le vrai problème qui est posé, pour l’avenir de cet avion, est de savoir si les exploitants européens sauront lui donner la préférence sur les productions américaines concurrentes. Fin novembre, le carnet de commandes se présentait ainsi :
Compagnie nationale Air France : 6 appareils type B2 dont 3 livrables au printemps 1974 et 3 en 1975. Cette commande est assortie d’une option sur 10 autres appareils livrables postérieurement à 1975 ;
Iberia : commande de 4 versions B4 livrables au début de 1975 et option sur 8 appareils ;
Sterling Airways : commande ferme de 3 appareils (version B4).
Nouvelle formule de leurre : le SCAD
Le Département américain de la Défense vient d’autoriser la firme Boeing à dévoiler en partie les caractéristiques du SCAD (Subsonic Cruise Armed Decoy), engin-leurre destiné à équiper les Boeing B-52 Stratofortress, puis dans l’avenir les Rockwell B-1 de l’US Air Force.
Cet engin, dont le prototype commencera ses essais en vol en 1974, se présente sous la forme d’un petit avion de 4 mètres de long et d’un poids total d’environ 500 kg. Équipé d’un turboréacteur de 200 kg de poussée, il peut franchir une distance de 1 600 km à vitesse subsonique rapide. Pendant son vol, il est guidé par un système inertiel et programmé de navigation qui le dirige, après largage du bombardier porteur, vers l’objectif qui a été assigné à ce dernier. Enfin, cet engin dispose d’équipements de contre-mesures électroniques.
Le repliement intégral de l’ensemble de la voilure du SCAD en réduit l’encombrement avant le lancement et augmente la capacité d’emport du bombardier – estimée à une vingtaine d’engins pour le B-52 et qui pourrait être portée à une trentaine pour le B-1.
En fait, l’originalité de ce nouvel engin réside essentiellement dans sa capacité d’emport d’une charge militaire, classique ou nucléaire (20 kt), qui le rend presqu’aussi dangereux que son largueur puisqu’un autodirecteur final lui permet d’atteindre le même objectif avec une précision acceptable.
Finalement, il ne s’agit plus d’un leurre mais d’un engin air-sol actif de longue portée dont l’utilisation ne peut que compliquer la tâche de la défense aérienne adverse par la menace qu’il représente à lui seul.
Sur le plan financier, on peut déjà estimer que le coût du développement du SCAD s’établira à environ 300 millions de dollars ; le tiers de cette somme a d’ailleurs été déjà attribué aux différentes firmes qui participent à la réalisation du programme.
Le Lockheed SR-71 Blackbird et son équipage
Le MiG-23, que les Occidentaux semblent vouloir désigner sous le vocable de Foxbat, passe pour l’avion le plus rapide du monde. Ses intrusions en territoire israélien ont en effet démontré que les meilleurs avions actuellement en service, tel le McDonnell Douglas F-4 Phantom II, sont incapables d’inquiéter le MiG-23.
Il existe cependant, dans l’US Air Force, un appareil construit en un nombre d’exemplaires limité qui peut avantageusement lui être comparé. Il s’agit du SR-71 Blackbird dérivé de l’avion expérimental Lockheed YF-12A et livré à l’US Air Force le 1er janvier 1966. Le fait que ce SR-71, qui équipe une seule escadre, soit chargé de la mission de reconnaissance stratégique n’est pas sans expliquer le peu de publicité qui est fait autour d’un appareil dont les performances exceptionnelles demeurent imparfaitement connues. La 9e Escadre de reconnaissance stratégique basée à Marysville (Californie) et ses SR-71 continuent d’accomplir leurs missions avec la plus grande discrétion, de rares informations filtrant de temps à autre telle la dernière annonçant qu’un SR-71 vient de parcourir 24 000 km à 2 300 km/h au-dessus du continent américain au cours d’un vol de 10 heures exigeant sans doute 5 à 6 ravitaillements en vol.
Le SR-71, extrêmement effilé (plus de 32 m de long), dispose de deux réacteurs logés en bout d’une aile delta installée tout à l’arrière du fuselage. Les deux réacteurs sont des Pratt & Whitney J58, fournissant une poussée de 15,8 t avec postcombustion et permettant un décollage à la masse maximale de 77 t. Bien que la structure soit en grande partie constituée par des alliages de titane pour résister aux échauffements dus aux vols prolongés à Mach 3, le SR-71, selon les pilotes, s’allongerait en vol de plusieurs centimètres. La partie interne de l’avion est une succession de réservoirs de carburant dont il faut, tout au long de la mission, répartir le remplissage afin d’amener le centre de gravité à la position optimale correspondant à la configuration et à la vitesse.
Les caméras et détecteurs électroniques sont logés dans la partie avant de l’aile : les entrées d’air jouent un rôle prépondérant. De section variable, elles sont contrôlées automatiquement pour que la première onde de choc se forme exactement en ce point. En haut supersonique, la majorité de l’air ne traverse pas les compresseurs grâce à une dérivation de l’air, les brûleurs étant au voisinage du ralenti ; l’entrée d’air fournit à elle seule la compression, transformant ainsi le réacteur en une sorte de pompe à air, initiatrice d’une importante poussée. Des commandes manuelles permettent d’actionner le système des entrées d’air afin de maintenir l’onde de choc en bonne position, condition indispensable à la sécurité de vol. Cette possibilité du « décrochage » des entrées d’air est la principale source des difficultés du vol à Mach 3. Toute anomalie de l’écoulement se traduit par une explosion brutale et une série de très violents mouvements qui ne peuvent être stoppés que par un réglage correct des entrées d’air. Bien qu’un système automatique de rétablissement ait été installé, l’équipage demeure extrêmement attentif afin de faire face à tout phénomène critique qui pourrait intervenir.
Les phases de vol à Mach 3 se déroulent totalement en pilotage automatique encore qu’il soit possible de piloter manuellement grâce à la stabilité de l’atmosphère au-dessus de 20 000 m. Cependant, la rapidité et la précision insuffisantes des réflexes humains rendent cette opération malaisée. Aux basses vitesses, l’avion se comporte de façon fort satisfaisante et est très comparable dans ses réactions au Northrop T-38 Talon qui est d’ailleurs utilisé pour l’entraînement.
La sélection des équipages est particulièrement minutieuse. Pour les pilotes, âge limite 35 ans, le dossier médical et professionnel des candidats est étudié longuement. Ceux qui sont retenus sont envoyés au centre de médecine aérospatiale de San Antonio où, au cours d’une dizaine de jours, ils subissent les tests mis au point pour la sélection des astronautes. De nombreuses inaptitudes physiques ou caractérielles sont décelées, que n’avaient pas fait apparaître les examens systématiques antérieurs.
Le commandant de l’escadre choisit enfin les candidats après une interview détaillée. Les critères de choix sont tels que les éliminations en cours de stage sont pratiquement nulles.
Il en est de même pour les navigateurs dont les responsabilités variées exigent les mêmes qualités physiques et professionnelles. La forme physique est indispensable ne serait-ce que pour mieux supporter la combinaison scaphandre indispensable pour les vols à haute altitude.
Le pilote type de la 9e Escadre se présente ainsi : âge voisin de 35 ans, une affectation sur chasseur à hautes performances suivie d’un passage dans le Strategic Air Command sur Convair B-58 Hustler, B-52 ou Lockheed U-2 Dargon Lady, 3 800 heures de vol et un état physique exemplaire. Depuis plusieurs années sur SR-71, il joue un rôle d’encadrement et est en général du grade de lieutenant-colonel. Les nouveaux candidats, âgés de 31 ans en moyenne, sont capitaines ou jeunes commandants, ont effectué 2 500 heures de vol et un tour d’opérations au Vietnam. Les navigateurs, d’une trentaine d’années, ont 2 500 heures de vol et viennent du SAC où ils étaient navigateurs radaristes sur B-52 ou B-58.
La formation des pilotes comprend 135 heures de cours au sol, 12 séances de simulateur, un entraînement sur T-38, 4 vols sur un SR-71 à doubles commandes suivi d’un test de lâcher autorisant des vols en équipage avec un navigateur. Après 5 vols, cet équipage est considéré comme capable d’entreprendre l’entraînement opérationnel au cours de missions fictives sur le territoire américain.
Les vols à grande vitesse et haute altitude sont encore mal connus et les possibilités d’une difficulté d’ordre quelconque demeurent non négligeables, aussi un T-38 est-il en permanence en alerte en vol ou au sol pour fournir une aide à un SR-71, chaque fois que l’un d’eux est en vol d’entraînement.
Le ravitaillement en vol est, selon les pilotes, relativement aisé. Le point de remplissage se trouvant à quelque 7 m en arrière du cockpit, le pilote se trouve sous la queue du KC-135 dans une position facile à tenir grâce à l’éclairage du ravitailleur, l’excès de puissance des réacteurs et la légèreté des commandes. Le principal système de navigation est inertiel avec recalage astronomique fournissant une poursuite automatique des étoiles même en plein jour. La mission étant totalement programmée dans le calculateur, le navigateur assume en plus un rôle de copilote, de mécanicien d’équipage et surtout d’opérateur des détecteurs électroniques, raison d’être de l’avion.
L’exécution des missions qui se déroulent à 25 000 m d’altitude et durent plusieurs heures demande une préparation minutieuse qui commence la veille et comprend en particulier la présentation d’un film couleur de 35 mm fournissant le déroulement de la mission, à la vitesse de croisière et précisant les lieux de rendez-vous, et tous les points importants de décision.
Un examen médical a lieu avant et après chaque vol. Un repas riche en protéines et faible en déchets est également imposé avant le vol. Le chef de piste fait une description de l’état de l’avion et expose les pannes et réparations antérieures.
L’habillement comprend des sous-vêtements particuliers et une combinaison étanche pesant 20 kg. Le casque permet de boire et même de manger la nourriture en tube mise au point pour les cosmonautes. Des bottes avec éperons complètent le harnachement. Les éperons sont reliés à des câbles qui, en cas d’évacuation en vol, bloquent les jambes contre le siège.
L’équipage, présent à l’avion 45 minutes avant le décollage, assiste à l’exécution des listes de vérifications par le personnel spécialiste au sol.
Puis, commence la mission où la discrétion est de rigueur… ♦