Défense dans le monde - République fédérale d'Allemagne : déclaration gouvernementale sur les problèmes de défense et les relations avec les États-Unis - Grèce : accord au sujet de la VIe flotte - États-Unis : effectifs des forces armées - Le point de leur déploiement dans le monde - URSS : plan et budget pour 1973
République fédérale d’Allemagne : Déclaration gouvernementale sur les problèmes de défense et les relations avec les États-Unis
À l’occasion du nouvel an, M. Walter Scheel a tenu une conférence de presse sur les problèmes de politique extérieure et de défense de la RFA. Il a notamment apporté un certain nombre de précisions sur la position de son pays, vis-à-vis de la réduction mutuelle et équilibrée des forces (MBFR) en Europe, ainsi qu’à l’égard des relations avec les États-Unis.
Pour le chef de la diplomatie ouest-allemande, le but essentiel des négociations sur les MBFR consiste à mettre un terme à la confrontation qui entraîne pour tous les pays des dépenses militaires de plus en plus considérables. C’est en effet dans cet esprit qu’il faut voir les efforts déployés dans ce domaine par la République fédérale.
M. Scheel ne cache pas que les difficultés seront nombreuses. Il s’agit, en effet, de réduire le niveau des armements et des forces en Europe centrale sans mettre en cause la sécurité du pays. D’autre part, la réduction envisagée ne devra pas conduire à un renforcement des potentiels militaires d’autres régions, notamment sur les deux flancs de l’Europe. Les préoccupations allemandes sur ce point rejoignent celles des autres membres de l’Alliance. Elles résultent essentiellement de la situation dans la Méditerranée et sur le flanc Nord de l’Otan où la poussée soviétique s’est notablement accentuée au cours des trois dernières années. Une autre question qui inquiète les Allemands concerne le secteur d’application des réductions de forces. Selon eux il devrait être équilibré géographiquement et englober nécessairement à l’Ouest, outre la RFA, les pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) et à l’Est : la République démocratique allemande (RDA), la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie.
Quant à la question du lien à établir entre la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) et les MBFR, M. Scheel estime que celui-ci existe déjà et que la conférence sur la sécurité serait vide de sens, dès lors que l’on n’y évoquerait pas les problèmes militaires. D’autre part, pour les autorités ouest-allemandes, les discussions sur les MBFR peuvent apporter un certain nombre d’éléments de réponse d’ordre technique aux problèmes évoqués à Helsinki.
À propos des relations avec les États-Unis, le ministre a souligné que la coopération Bonn-Washington ne peut se limiter au domaine strictement militaire. Ces rapports englobent en effet un champ beaucoup plus vaste comprenant aussi bien les problèmes économiques et scientifiques que ceux de sécurité. Sur ce dernier plan notamment, le concours des États-Unis reste indispensable pour maintenir un équilibre avec l’URSS. Ce point est d’autant plus important que seul Washington possède actuellement les moyens de dissuasion suffisants face à l’Union soviétique.
D’autre part, la présence physique américaine sur le continent européen constitue un facteur de sécurité supplémentaire et l’une des conditions essentielles du bon fonctionnement de l’Alliance. Selon M. Scheel, celui-ci ne pourra être assuré à l’avenir sans l’établissement de rapports constructifs avec les États-Unis. Dans cette perspective, Bonn préconise d’institutionnaliser le dialogue avec Washington. La proposition du chef de la diplomatie ouest-allemande vient d’ailleurs d’être rappelée par M. Brandt, le 18 janvier dernier, dans sa déclaration d’investiture devant le Parlement. Le Chancelier a cependant ajouté que l’effort de la RFA tendait également à donner plus de poids aux membres européens de l’Alliance, notamment en accroissant l’importance de l’Eurogroup. Sur l’ensemble de ces points, la position du Gouvernement allemand est d’autant plus forte qu’il peut compter sur l’appui de l’opinion publique et de la presse dont les commentaires sont en général très favorables à la politique gouvernementale. C’est ainsi que le quotidien Die Welt publiait, récemment encore, un article dans lequel il mettait l’opinion publique en garde contre les risques d’un relâchement des liens avec les États-Unis.
En définitive, M. Scheel n’a rien apporté de nouveau sur les grandes options ouest-allemandes. En affirmant son adhésion au principe d’une réduction des forces, M. Scheel en a cependant souligné les difficultés et les dangers. Il a fortement rappelé la nécessité d’une étroite coopération avec les États-Unis.
Grèce : accord au sujet de la VIe Flotte
Au terme d’une année de négociations, les marines américaine et grecque ont signé, le 8 janvier 1973, un « accord technique » sur les facilités portuaires au profit de la VIe Flotte. Quatre jours après, le 12 janvier, le gouvernement grec a rendu publique sa décision de renoncer à l’aide militaire gratuite fournie jusqu’à présent par les États-Unis.
Sur le plan des principes, il ressort du récent accord que les Grecs ont réussi à faire prévaloir leurs vues en amenant les Américains à reconnaître leur pleine souveraineté nationale.
En effet, alors même que le texte récemment adopté n’est qu’une adaptation de l’accord bilatéral du 12 octobre 1953 portant déjà sur l’octroi de facilités à la VIe Flotte, il comporte, par rapport à ce dernier, des clauses restrictives notables. Les plus importantes ont trait aux mouvements des navires, qui doivent être notifiés un mois à l’avance à l’amirauté grecque, et aux possibilités de résiliation réservées aux Grecs dans le cas où les forces aéronavales américaines engageraient des opérations en dehors du cadre de l’Otan.
Sur le plan pratique, bien que l’accord technique ne concerne, pour l’instant, que six destroyers, il se confirme que sa portée réelle sera supérieure à celle dont les autorités américaines avaient fait état au début des négociations.
Lorsque les textes complémentaires concernant un porte-avions seront signés courant 1973, la VIe Flotte devrait disposer, non pas dans la zone du Pirée, trop encombrée, mais dans celle d’Éleusis et de Mégara, à l’Ouest d’Athènes, d’un véritable complexe américain. Sans doute ne s’agira-t-il pas d’une base aéronavale au sens propre du terme, mais tout de même d’un ensemble comprenant des zones de mouillage, des chantiers et des dépôts navals, un aérodrome (Éleusis) et une zone d’habitation. Il en résultera une amélioration notable du degré de « préparation opérationnelle » de la VIe Flotte en Méditerranée orientale.
L’accord intervenu montre que les États-Unis ont dû reconnaître à la Grèce la qualité d’État souverain après l’avoir traitée jusqu’à présent en État-client. Pour sa part, le gouvernement d’Athènes a su affirmer sa volonté d’indépendance et, par la même occasion, rassurer ses voisins balkaniques et les pays arabes. Il y a peut-être dans ces faits l’amorce d’un nouveau type de relations gréco-américaines. En tout état de cause, l’accord se traduit par un renforcement du flanc sud de l’Otan et, pour les Grecs, par la promesse de revenus supérieurs au montant de l’aide à laquelle ils ont renoncé (1).
États-Unis
Les effectifs des forces armées
Au moment où le désengagement des Forces armées américaines au Sud-Vietnam arrive à son terme, il est intéressant de faire le point de leurs effectifs et leur déploiement sur les différents théâtres extérieurs.
Les forces américaines comptent, au 31 octobre 1972, d’après les chiffres publiés par le Département de la Défense (DoD), 2 370 500 hommes, en augmentation d’environ 36 000 unités par rapport au niveau le plus bas atteint en juillet 1972. La stabilisation des effectifs entreprise par le DoD, politique que ce dernier entend poursuivre en 1973, n’a pratiquement pas concerné les forces stratégiques qui n’avaient que très peu souffert des compressions de personnels. Elle a principalement affecté les forces d’emploi général.
Sur ce plan, la composante terrestre (armée de terre et Corps des Marines) qui avait le plus souffert de la compression des personnels – de l’ordre de 45 % depuis 1969 – maintient sa capacité à seize divisions, dont trois pour l’USMC.
L’effort entrepris en vue d’accroître le nombre des engagements volontaires (2) qui devrait s’élever à 190 000 pour l’année 1973, commence à porter ses fruits et permettra à l’US Army d’atteindre l’objectif budgétaire de 860 000 h. Si des difficultés compromettaient cette réalisation, le DoD pourrait faire appel aux Réserves dont le rôle va être revalorisé en 1973.
La composante mer voit ses effectifs se maintenir à 590 000 h. Bien que l’US Navy considère ce chiffre comme insuffisant pour mener à bien ses missions, elle n’en demeure pas moins la plus puissante du monde et reste capable d’intervenir sur toutes les mers du globe.
La composante air s’est stabilisée au niveau de 715 000 h. Une aide non négligeable lui est apportée par les unités de la Garde nationale de l’air qui comprend 87 000 h bien entraînés et qui met en œuvre 1 500 avions pour la plupart d’un modèle récent.
Le point de leur déploiement dans le monde
En même temps que les efforts du DoD parvenaient à stabiliser le niveau général des effectifs, le président Nixon confirmait les objectifs de sa politique étrangère visant, tout en tenant les engagements pris vis-à-vis des alliés, à progresser dans les voies de la détente internationale.
Dans le cadre de cette politique, les forces américaines stationnées sur des théâtres extérieurs s’élèvent à 609 000 h, soit un militaire américain sur quatre. C’est depuis la Seconde Guerre mondiale le niveau le plus bas jamais atteint. Ces chiffres, publiés par le DoD, représentent en décembre 1972 une diminution de 20 % par rapport à 1971.
En Europe, où les forces sont les plus importantes (290 000 h), le niveau des effectifs n’a pas varié depuis 1971, à l’exception d’un retrait mineur de 10 000 h, n’affectant que les services. Ce retrait ne porte pas atteinte au potentiel américain, revalorisé par ailleurs par rapport de matériels nouveaux. De toute façon, les États-Unis sont impérativement engagés à l’égard des alliés européens jusqu’au 1er juillet 1973 (3), et M. Rogers, secrétaire d’État, parlant au nom du président Nixon à la dernière session ministérielle du Conseil de l’Atlantique, assurait les Européens du maintien du potentiel américain, à la condition que ceux-ci poursuivent leur effort de défense et aussi longtemps qu’une négociation sur la réduction mutuelle et équilibrée des forces en présence en Europe n’aurait pas abouti.
Sur l’ensemble du théâtre d’Asie, où sont stationnés 275 000 h, la politique des effectifs s’est traduite en 1972 par une déflation quasi générale portant sur 147 000 h. Au Sud-Est asiatique, l’attaque massive nord-vietnamienne contre le Sud-Vietnam le 31 mars 1972 a eu pour conséquences de ralentir le rapatriement des forces américaines des régions voisines et amener le commandement à renforcer la puissance de la VIIe Flotte. Les forces dans la zone comptaient encore en décembre 1972, 110 000 h, dont 39 000 marins. Les effectifs présents au Sud-Vietnam sont évalués à 25 000 h dont 10 300 aviateurs.
Une partie des troupes retirées du Sud-Vietnam ont été redéployées en Thaïlande, en même temps que des unités aériennes y étaient transférées. Ces mesures ont accru le potentiel américain dans ce pays de 13 000 h, le portant à 45 000.
Les différents contingents stationnés dans le Pacifique et en Extrême-Orient (Corée du Sud, Japon, Okinawa, Taïwan, Philippines et Guam) totalisent 138 000 h, ce qui représente une diminution de 17 000 h pour l’année 1972.
Dans le reste du monde, environ 40 000 militaires apportent leur soutien à la mise en œuvre des plans d’assistance militaire ou assurent la sécurité des points d’appui stratégiques. C’est ainsi, pour ne citer que les contingents les plus importants, que 10 000 h appartenant au Commandement de l’Amérique latine (SOUTHCOM) stationnent dans la zone du canal de Panama, tandis que 3 000 occupent la base cubaine de Guantanamo.
Ces effectifs permettent aux États-Unis de maintenir leur appareil militaire à un niveau suffisant pour garantir la sécurité du pays et assumer les engagements pris à l’égard de leurs alliés. Le déploiement de ces forces dans le monde répond à ce dernier souci, non seulement en Europe où toute réduction de la présence américaine ne pourrait se réaliser qu’en contrepartie d’un retrait simultané des forces soviétiques, mais aussi au Sud-Est asiatique où, en compensation du retrait de la composante terrestre, l’efficacité des forces aéromaritimes a été notoirement accrue.
URSS : Plan et budget pour 1973
Les rapports sur le plan et le budget 1973 ont été présentés au Plénum du Parti, le 18 décembre 1972, par le président du Gosplan (Comité d'État pour la planification), M. Balbakov, et le ministre des Finances, M. Garbouzov. Leurs propositions ont été approuvées dès le lendemain sans qu’y soient apparemment apportées de modifications sensibles.
Les renseignements chiffrés cités sont, plus que de coutume encore, fragmentaires et incomplets, parfois contradictoires et rendent difficile une appréciation exacte de l’évolution envisagée pour la politique économique. Une tendance à l’austérité semble cependant se faire jour. La mauvaise récolte de l’année 1972 comme les déficiences techniques ou de gestion maintes fois constatées au cours du deuxième semestre 1972 ont vraisemblablement incité les dirigeants soviétiques à beaucoup de prudence.
Sont à noter en première analyse :
– un ralentissement des taux de croissance : pour les recettes + 3,4 % au lieu de + 7,1 % en 1972 ; pour les dépenses, 3,6 % au lieu de + 5,1 % en 1972 ;
– le retour à la priorité de fait accordée aux biens de production : + 6,3 %, par rapport aux biens de consommation : + 4,5 %, alors que le XXIVe Congrès avait préconisé une harmonisation progressive des indices de progression ;
– la place que garde l’agriculture dans les préoccupations gouvernementales. Les prévisions des récoltes pour 1973 sont, d’ores et déjà, fixées à 197,4 millions de tonnes soit 30 M de plus que pour la récolte de 1972.
Mais en fait, et bien qu’ait été évoquée la perspective d’une « bascule » de 20 milliards de roubles, soit environ 11 % des recettes budgétaires, du secteur industriel au secteur agricole, la part de l’agriculture dans le financement général varie assez peu : 17,2 % en 1973 contre 16,2 % en 1972 (industrie : 51,3 % en 1972, 51,8 % en 1973). Une augmentation des livraisons d’engrais est certes prévue pour pallier par avance les aléas atmosphériques mais le pari ouvert reste dangereux, en particulier dans le domaine des cultures fourragères :
– les efforts de freinage des tendances inflationnistes – les dépenses de l’État n’augmenteront que de 4,6 % au lieu de 7,9 % en 1972 – tandis que sera ralentie l’augmentation des revenus individuels. Mais dans le même temps le niveau d’exonération d’impôts sera porté de 70 à 80 roubles/mois ;
– l’amélioration du niveau de vie par l’accélération de la construction de logements : 117,6 M de m2 prévus en 1973 ;
– l’augmentation de la productivité, facteur essentiel de l’augmentation de la production (elle doit, par exemple, contribuer à 88 % de l’augmentation générale de la production industrielle). ♦
(1) Le montant prévu de cette aide pour 1973 était de 15 M$. Les frais d’inscription des Américains s’élèveront au minimum à 13 M$. La location d’installations portuaires et autres rapportera à la Grèce plusieurs millions de dollars par an, auxquels s’ajouteront d’importantes rentrées invisibles ducs aux dépenses faites sur place par quelque dix mille personnes disposant d’une masse salariale supérieure à 50 M$ par an.
(2) Le recours à la conscription devait être abandonné le 1er juillet 1973 à l’exception des Réserves. Le président Nixon en a prématurément fixé la fin au 27 janvier 1973.
(3) En effet, les accords germano-américains de compensation arrivent à échéance le 30 juin 1973, mais ils seront très vraisemblablement reconduits pour deux ans.