Défense en France - Premiers textes d'application du statut général des militaires - Attribution de l'inspecteur technique de l'entraînement physique et des sports - Organisation des états-majors - Le service militaire fractionné
Premiers textes d’application du statut général des militaires
Après la promulgation de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, certaines dispositions de cette loi sont entrées immédiatement en vigueur, d’autres, par contre, nécessitent l’intervention de textes complémentaires.
Tel est le cas par exemple :
– de l’exercice dans les armées du droit d’expression prévu par l’article 7 du statut, qui a fait l’objet d’une Instruction ministérielle d’application en date du 29 septembre 1972 en ce qui concerne l’exercice de ce droit sur les problèmes militaires ;
– de l’aide accordée aux militaires en cas de difficultés exceptionnelles de logement, qui fait l’objet d’un décret adopté en Conseil des ministres le 14 février 1973 et qui sera publié prochainement.
D’autres textes, notamment ceux qui concernent les statuts propres aux différents corps militaires composant les armées, sont en cours d’élaboration. Parmi eux, trois décrets paraîtront très prochainement au Journal officiel. Il s’agit des statuts particuliers concernant :
– les militaires féminins (1),
– les aspirants(2),
– les ingénieurs militaires des essences et les officiers du cadre technique des essences (3).
Le nouveau statut des militaires féminins
Le personnel militaire féminin était jusqu’à maintenant régi par le décret du 15 octobre 1951. Malgré les améliorations qu’apportait ce texte par rapport à la situation antérieure, il ne plaçait pas les militaires féminins sur le même plan que le personnel masculin et créait ainsi au détriment des intéressées une discrimination que le statut général des militaires a fait disparaître.
Le nouveau statut particulier des corps féminins des armées établit en conséquence une égalité aussi complète que possible entre les militaires féminins et les militaires masculins tant sur le plan des garanties statutaires que sur celui des perspectives de carrière.
Les personnels des classes, jusqu’à présent employés à titre contractuel, deviennent des officiers de carrière dont la hiérarchie est celle de la hiérarchie générale, limitée au premier grade d’officier général (les premiers lieutenants-colonels seront nommés prochainement) et dont l’avancement est soumis aux mêmes règles que celui des autres officiers.
Leur recrutement et leur formation ont été adaptés aux nouvelles perspectives de carrière :
– Le recrutement direct ou externe ne se fera plus sur titres mais sur concours ouvert aux titulaires d’un des diplômes exigés pour l’entrée à l’École nationale d’administration (ENA). Le recrutement interne s’effectuera parmi les sous-officiers féminins, sur concours et au choix.
– La formation des officiers féminins, prolongée de six mois actuellement à un an, doit leur permettre d’acquérir les connaissances militaires générales requises dans les postes qui leur sont désormais ouverts.
En outre, ces officiers ne sont plus répartis en spécialités d’emploi choisies définitivement en début de carrière, mais intégrés dans un corps unique qui englobe l’ensemble des spécialités à l’intérieur de chaque armée ou service commun.
Les sous-officiers féminins, après une période probatoire de six mois, serviront, comme les militaires masculins, sous le régime de l’engagement et pourront, de même, accéder à l’état de sous-officier de carrière, qui leur est reconnu par le statut général des militaires ; ils bénéficieront alors d’un régime comparable à celui des militaires masculins.
Enfin, un avantage spécial est accordé aux volontaires féminins du service national qui, désirant, à l’issue de leurs obligations, continuer à servir dans les armées, pourront être admis directement dans les corps féminins avec le grade de sergent sous certaines conditions de qualification.
En résumé, les dispositions de ce nouveau statut permettent d’accroître l’importance des fonctions tenues par le personnel féminin au sein des armées. Elles s’inscrivent dans la ligne de l’évolution générale qui tend à supprimer toute inégalité en fonction du sexe. Elles apportent toutes les garanties attachées à l’état militaire à une catégorie de personnels qui en était jusqu’ici privée.
Le grade d’aspirant
Le second décret fixe les conditions d’accès au grade d’aspirant et détermine les prérogatives et avantages qui lui sont attachés.
Ce grade, situé entre les grades d’officiers et ceux de sous-officiers, apparaît comme devant être essentiellement transitoire et traduire la vocation à devenir officier ; il est, en conséquence, reconnu aux élèves-officiers de carrière de recrutement direct et semi-direct et aux élèves-officiers de réserve.
Les aspirants bénéficient dans l’emploi et la vie courante des prérogatives des officiers en ce qui concerne notamment la discipline, le commandement et l’accès aux cercles et mess ; ils sont, par contre, assimilés à des sous-officiers pour les autres dispositions.
Le grade d’aspirant trouve ainsi dans ce texte une définition parfaitement claire et conforme au sens même du terme aspirant.
Les corps d’ingénieurs des essences et d’officiers du cadre technique des essences
Le troisième texte fixe le statut particulier du corps des ingénieurs militaires des essences et du corps des officiers du cadre technique des essences.
Le service des essences comportait plusieurs corps d’officiers dotés de statuts très différents dont notamment :
– un corps de direction composé d’ingénieurs militaires des essences, soumis, dans la plupart des cas au statut de l’officier de l’Armée de terre ;
– un corps technique composé d’ingénieurs de travaux des essences régi par le statut de l’ancien corps homologue du service des poudres et mis en voie d’extinction par le statut général des militaires.
Cette situation hétérogène, qui résultait des conditions dans lesquelles le service des essences avait été constitué, n’était pas satisfaisante. Il importait donc, tout en maintenant le corps des ingénieurs militaires des essences, de substituer au corps des ingénieurs de travaux un corps d’exécution ayant un statut calqué sur celui des corps correspondants de l’Armée de terre.
Le corps des ingénieurs militaires des essences, dont la hiérarchie va jusqu’au grade d’ingénieur général de 1re classe (général de division), se recrute, comme le corps des intendants, au grade de capitaine, par concours, sur épreuves ou sur titres, ainsi que dans la limite du dixième, parmi les ingénieurs en chef de travaux du corps en extinction. Les règles d’avancement sont inspirées de celles de l’Armée de terre.
Le corps des officiers du cadre technique, dont la hiérarchie est limitée au grade de lieutenant-colonel, se recrute essentiellement par concours ou au choix parmi les officiers de réserve servant en situation d’activité au service des essences des armées et les sous-officiers, notamment les agents techniques des essences.
Ces textes ont été élaborés à l’issue de nombreuses réunions au sein des états-majors. Soumis à l’avis du conseil supérieur de la fonction militaire lors de la séance du 13 décembre 1972, ces décrets ont été mis au point par le Secrétariat général pour l’administration (SGA) en liaison avec les départements des Finances et de la Fonction publique avant d’être examinés, au cours du mois de février 1973, par le Conseil d’État.
Attributions de l’Inspecteur technique de l’entraînement physique et des sports
Après les mesures d’organisation touchant aux attributions des inspecteurs généraux de l’Armée de terre, de la Marine et de l’Armée de l’air (décret 72-706 du 31 juillet 1972) (4) et la création d’une inspection des forces extérieures (décret 72-964 du 24 octobre 1972) (5), il nous paraît intéressant d’attirer l’attention de nos lecteurs sur l’arrêté ministériel du 23 décembre 1972 relatif aux attributions de l’Inspecteur technique de l’entraînement physique et des sports.
Tirant, dans ce domaine aussi, les conséquences de la répartition des missions entre le chef d’état-major des armées et les trois chefs d’état-major d’armée, telle que le décret du 10 décembre 1971 l’a définie en fixant les attributions de ces hautes autorités, cet arrêté supprime le service interarmées de l’entraînement physique et des sports.
Les chefs d’état-major de chaque armée sont responsables de la préparation des forces de leur armée et, par conséquent, de leur entraînement physique et sportif. Toutefois, les nécessités interarmées subsistent en ce qui concerne notamment la formation du personnel spécialisé, la préparation des équipes nationales militaires, l’organisation des compétitions sportives nationales ou internationales, ainsi que l’élaboration de la réglementation générale concernant l’entraînement physique, les sports et les associations ou les clubs sportifs des armées.
L’inspecteur technique, placé auprès du chef d’état-major des armées, reçoit donc les attributions qui correspondent à ces besoins. Il a autorité sur l’École interarmées des sports (EIS) de Fontainebleau et préside la Commission interarmées de l’entraînement physique et des sports.
En outre, l’inspecteur technique est le conseiller permanent des trois chefs d’état-major d’armée, ainsi que du directeur de la gendarmerie et de la justice militaire. Il joue à ce titre un rôle important dans le maintien d’une cohérence nécessaire des actions sportives menées par chaque armée et par la gendarmerie, sans empêcher pour autant le libre jeu des responsabilités propres à chaque armée dans le domaine du sport.
Organisation des états-majors
Trois arrêtés ministériels, en date du 6 février 1973, publiés au bulletin officiel des armées du 19 février (6), viennent de compléter la réforme de 1971 relative aux attributions des chefs d’état-major : il s’agit des arrêtés portant organisation de l’état-major, respectivement, de l’Armée de terre, de la Marine et de l’Armée de l’air. En outre, un arrêté de la même date et publié au même bulletin officiel organise la direction de la Gendarmerie et de la justice militaire.
On note dans ces divers textes le souci d’harmonisation qui, dans l’ensemble de la réforme, a déjà présidé à l’élaboration des dispositions concernant les chefs d’état-major et les inspecteurs généraux. C’est ainsi que, pour chaque armée, le rôle du major général est précisé dans des termes qui font de lui le remplaçant désigné du chef d’état-major en cas d’absence ou d’empêchement.
Les missions assurées par les états-majors sont regroupées en quatre ou cinq grandes fonctions dont la responsabilité est confiée à trois ou quatre sous-chefs, selon les armées. Sous l’autorité du directeur adjoint de la gendarmerie, une organisation comparable est mise en place avec deux sous-directions.
Chaque texte prévoit enfin les liaisons nécessaires entre les responsables de chaque fonction et les organismes relevant d’une autorité extérieure à l’armée considérée mais traitant des mêmes problèmes (notamment : état-major des armées et services dépendant du secrétariat général pour l’administration).
Il reste désormais à attendre les mesures définitives de réorganisation de l’état-major des armées qui seront prises à la suite de diverses expériences en cours.
Le service militaire fractionné
Le 1er février 1973 ont été incorporés les 151 premiers volontaires du service militaire fractionné. Cette forme particulière d’exécution du service, prévue à l’article L.72 du Code du service national vient de recevoir une nouvelle codification par un décret du 22 février 1973.
Il s’agit avant tout d’une expérience qui ne concerne que des volontaires et qui sera menée en tenant compte des besoins de la défense nationale. Le principe consiste à fractionner la durée légale du service actif en une période de formation et des périodes d’entretien, le tout étalé sur cinq années à compter de l’incorporation, c’est-à-dire sur une durée correspondant au service actif et à la disponibilité.
Lors de leur passage au centre de sélection, les jeunes gens y ayant manifesté leur volontariat pour cette forme de service, sont avisés de la date de leur incorporation et de celles auxquelles ils seront tenus d’effectuer leurs périodes d’entretien. Ils sont ainsi à même d’aménager leur calendrier professionnel.
Dans l’Armée de terre, la période de formation est de huit mois, complétée par deux périodes d’entretien de deux mois chacune effectuées globalement par convocation verticale. Deux unités ont été désignées pour conduire l’expérimentation. Le 41e Régiment d’infanterie (RI), implanté à la Lande d’Ouée (Ille-et-Vilaine), a procédé à l’incorporation de février. Les appelés concernés y reviendront effectuer leurs périodes d’entretien en juin-juillet 1975 puis en juillet-août 1977. Le 22e Régiment d’infanterie de Marine (Rima), en garnison à Albi (Tarn), procédera pour sa part à l’incorporation du 1er octobre 1973 et à l’organisation des périodes d’entretien d’avril-mai 1976 et de février-mars 1978. Les appelés sont regroupés au sein d’une même compagnie de combat, ce qui ne diminue en rien la capacité opérationnelle du régiment.
Pour des raisons qui lui sont propres, la Marine a fixé à trois mois la période de formation, les neuf mois restants pouvant être fractionnés en périodes d’entretien d’une durée minimale de trois mois.
Le service militaire fractionné n’est pas prévu pour l’Armée de l’air.
À la fin de l’année 1973 un premier bilan sera établi pour mesurer l’intérêt que suscite chez les volontaires cette forme de service et recueillir auprès des cadres les avis quant aux problèmes qu’elle soulève. Mais ce bilan sera forcément sommaire puisqu’on fait il faudra attendre 1975 et même 1977 pour constater, au cours des périodes d’entretien, si la période de formation a été positive et tirer ainsi les enseignements de cette expérience. Si celle-ci s’avérait satisfaisante, l’extension de ce système pourrait permettre soit d’incorporer davantage d’appelés dans une même année, soit de mettre sur pied davantage d’unités de réservistes. Il subsiste cependant un grave inconvénient qui, dans l’état actuel des crédits disponibles, s’oppose à sa généralisation : il entraîne un coût individuel de l’appelé supérieur à celui qui est le sien dans le service continu. ♦
[1] [NDLR 2023] Décret n° 73-339 du 23 mars 1973 portant statut particulier des corps féminins des armées.
[2] [NDLR 2023] Décret n° 73-1004 du 22 octobre 1973 pris pour l’application des dispositions de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, relatives au grade d’aspirant.
[3] [NDLR 2023] Décret n° 73-388 du 27 mars 1973 portant statut particulier du corps des ingénieurs militaires des essences et du corps des officiers du cadre technique des essences.
[4] Voir RDN, novembre 1972, chronique de Michel Dives.
[5] Voir RDN, décembre 1972, chronique de Michel Dives.
[6] Bulletin officiel Parties permanentes services communs, 19 février 1973, p. 174-179.