Défense dans le monde - États-Unis : le projet de budget de défense pour l'exercice 1973-1974 - Grande-Bretagne : le Livre blanc sur la Défense 1973-1974 - République fédérale d'Allemagne : Bundeswehr, perspectives pour 1973 - Sud-Est asiatique : politique de défense
États-Unis : le projet de budget de défense pour l’exercice 1973-1974
En présentant son projet pour l’année budgétaire 1973-1974, le Président Richard Nixon a invité le Congrès à voter cette année, en priorité, un budget limitant les dépenses au montant de 268,7 milliards de dollars soit une augmentation de 8 % par rapport à l’exercice précédent. Il l’a exhorté en même temps à contenir le déficit dans la limite de 12,7 Md, proposée dans ce budget, qui se caractérise à la fois par une réduction du rythme de progression des dépenses et par un programme important d’économies.
L’objectif principal de l’Administration américaine est de ramener le déficit budgétaire, fortement gonflé ces dernières années, à un niveau raisonnable. Pour y parvenir, le Président a décidé, entre autres mesures, de réduire considérablement dans son projet les programmes sociaux qu’il avait hérités de ses prédécesseurs démocrates et qui coûtaient chaque année plus de 3 Md au gouvernement. Il a également prévu de retrancher 2,7 Md aux demandes de crédits du Pentagone.
Les crédits demandés pour la Défense s’élèveront à 81,1 Md$. Ce montant représente une augmentation de plus de 4 Md par rapport au précédent budget mais son importance relative dans le budget général diminue de 30,6 % à 30,2 %. Par rapport au PNB, estimé cette année à 1 267 Md$, son pourcentage passe de 6,2 % à 6 %.
L’amélioration des relations avec l’URSS et la Chine populaire et la fin du conflit vietnamien ont créé pour les États-Unis une situation nouvelle. Mais dans son discours de présentation du budget au Congrès le président Nixon a bien précisé que les efforts faits en vue de la détente dans le monde ne pourraient l’être ni au détriment de la puissance militaire des États-Unis, ni au prix de l’abandon de leurs engagements. C’est dans cet esprit que l’Administration tend à poursuivre la modernisation des forces stratégiques et d’emploi général en maintenant notamment tous les programmes d’équipements majeurs.
Comme chaque année, l’étude de ce projet fournit de précieuses indications sur l’état des forces américaines.
Les effectifs militaires ne connaîtront qu’une faible réduction pour atteindre, au 1er juillet 1974, le niveau budgétaire de 2 233 000 hommes, ce qui se traduirait par une diminution de 90 000 h en deux ans. À l’issue de cette période, l’armée de l’air (– 8 %) et la marine (– 3,8 %) seront les plus affectées.
Les crédits demandés pour l’équipement s’élèvent à 18,8 Md$ en augmentation de 5,6 % par rapport à l’exercice 1972-1973.
Les forces stratégiques offensives et défensives seront maintenues à leur niveau actuel de 240 000 h et bénéficieront globalement de 7,4 Md. Les premières compteront comme précédemment 1 054 Système sol-sol balistique stratégique (SSBS) et 656 Missile mer-sol balistique stratégique (MSBS). Le nombre des escadrons de bombardiers est réduit à 28, deux de moins qu’en 1973. Les forces défensives conserveront huit escadrons d’intercepteurs et 21 batteries de défense aérienne MIM-14 Nike-Hercules.
Dans le domaine offensif, les efforts de modernisation viseront à poursuivre la conversion des missiles LGM-30 Minuteman de type III en vue de les doter de têtes nucléaires multiples [1] (768 millions $) et celle des UGM-27 Polaris de la première génération en UGM-73 Poseidon (252 M$), 236 M seront alloués à la Marine pour lui permettre de poursuivre simultanément la conversion de 5 sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) porteurs de Polaris en porteurs de Poseidon. Le SRAM [2] destiné à l’armement du B-52 et du futur B-1 et qui est entré dans la phase de production bénéficie de 139 M$.
Dans le domaine défensif, l’Administration a prévu l’achèvement du site de Grand Forks (401 M$) et bien qu’aucun crédit n’ait été demandé pour le site de Washington, les recherches seront poursuivies en vue de le doter des systèmes les plus évolués.
Les forces d’emploi général (2 000 000 h au 1er juillet 1972) qui avaient le plus pâti des effets de la guerre au Vietnam seront modernisées.
Dans la composante terrestre, l’effort essentiel portera sur l’acquisition de chars de combat M-60 A1 Patton pour lesquels 174,4 M$ sont demandés – 85 M sont prévus pour continuer la fabrication des missiles nucléaires tactiques sol-sol Lance. L’équipement des forces en engins anti-chars filoguidés requerront 191 M$, tandis que l’amélioration du système MIM-23 Hawk (139 M$) accroîtra l’efficacité des moyens de défense aérienne contre les attaques d’avions supersoniques à basse et moyenne altitude. Enfin l’essentiel des acquisitions de l’armée de terre en matériel aérien portera sur les hélicoptères.
Dans la composante navale, un important programme de constructions permettra de remplacer ou de moderniser les plus vieilles unités de la flotte : la construction du USS Carl Vinson (CVN-70) sera poussée (657 M$). Cinq sous-marins nucléaires d’attaque seront commandés (921 M$). Des programmes moins importants concerneront la refonte de destroyers et de frégates (en tout dix unités).
Pour la composante Air, les budgets les plus importants profiteront aux forces aériennes tactiques qui devraient être dotées de 24 McDonnell Douglas A-4M Skyhawk, 15 Grumman A-6E Intruder et 47 LTV A-7 Corsair II. Dans le même programme, la modernisation des escadres du corps des Marines s’achèvera par l’achat de 10 McDonnell Douglas F-4 Phantom II (chasseurs tactiques) et de 20 Vertical take-off and landing (VTOL) McDonnell Douglas AV-8 Harrier auxquels sont confiées les missions d’appui aérien rapproché. L’armée de l’air demande près d’un milliard de dollars pour s’équiper en chasseurs de supériorité aérienne McDonnell Douglas F-15 Eagle (77 appareils) et en McDonnell Douglas F-4 E Phantom II (24 appareils) tandis que la marine prévoit de dépenser 572 millions de dollars pour acheter 48 Grumman F-14 Tomcat, équipés chacun de six missiles air-air Phoenix (100 millions de dollars). Cette dernière verra ses possibilités en matière de lutte anti sous-marine améliorées par la mise en service de 45 Lockheed S-3A Viking (546 M de dollars) et de 12 Lockheed P-3C Orion (156 M de dollars).
Les demandes de crédits pour la recherche et de développement s’élèvent à environ 8,7 Md de dollars en augmentation de 7,5 % par rapport à l’exercice 1972-1973.
Pour les forces stratégiques, 473 M$ sont prévus au profit du bombardier Rockwell B-1 Lancer et 72 M au profit du leurre armé autopiloté SCAD, qui doit équiper le B-1 concurremment avec le SRAM. Le système d’armes Trident (nouveau SNLE à très long rayon d’action lanceur de missiles de portée intercontinentale) recevra plus d’un milliard de dollars pour le développement du seul bâtiment dont un exemplaire sera construit cette année et 536 M pour celui de son missile.
Les forces d’emploi général développeront en priorité leurs recherches en matériels nouveaux dans le domaine des hélicoptères. À ce titre, l’hélicoptère de transport tactique recevra 108 M$, l’hélicoptère lourd (HLH) UH-60 M Black Hawk et l’hélicoptère d’attaque 50 M. De plus 67 M seront consacrés aux études sur l’avion de transport tactique short takeoff and landing (STOL) (Advanced Medium STOL Transport, AMST), la compétition restant ouverte pour le choix d’un chasseur léger, dont deux prototypes, un chez Northrop et un chez General Dynamics, sont en cours d’évaluation. Enfin en matière de défense aérienne, 194 M$ iront au programme SAM-D de l’armée de terre.
En définitive, le projet de budget fédéral revêt une rigueur qui vise à contenir le déficit dans des limites qui ne compromettent pas l’expansion économique. Le président Nixon a certainement cherché ainsi à se réserver les meilleurs atouts à la veille des grandes négociations tarifaires qui doivent commencer en 1973.
Dans le domaine de la défense, la conjonction des contraintes politiques et financières du moment impose de doser au plus juste l’effort de défense et de concevoir un appareil militaire relativement réduit en volume mais d’un très haut degré de modernisme. Le budget de défense 1973-1974 répond à cette conception. Il doit permettre, selon l’Administration, d’une part de faire face aux aspects divers d’une menace potentielle bien réelle si l’on considère la croissance des moyens soviétiques et d’autre part de garantir la position de force des États-Unis dans les négociations en cours ou à venir.
Il convient de garder à l’esprit qu’il ne s’agit là que de propositions. Il faut s’attendre à ce que ce projet soit sévèrement discuté par le Congrès à majorité démocrate après les réductions opérées par le Président dans les programmes sociaux.
Grande-Bretagne : le Livre blanc sur la défense 1973-1974
Le gouvernement britannique a publié le 21 février 1973 son Livre blanc sur la défense pour l’exercice 1973-1974 [3]. D’une façon générale, ce document confirme les grandes options de politique extérieure et de défense de la Grande-Bretagne ; fidélité à l’Otan et participation au maintien de la stabilité hors d’Europe dans la mesure du possible.
Comme l’an dernier, c’est à partir d’une analyse de la menace qu’est définie la politique de défense. Le document rappelle l’accroissement continu du budget militaire de l’URSS, la modernisation rapide de ses forces et de celles des autres pays du pacte de Varsovie en même temps qu’il souligne le caractère mondial du déploiement naval et aérien soviétique.
Dans ces conditions, les Britanniques montrent un optimisme tout à fait relatif quant aux chances de parvenir, en Europe, à un accord satisfaisant sur la réduction des forces en présence. En raison des autres négociations en cours sur la sécurité (SALT, CSCE), l’année 1973 est annoncée comme une année cruciale pendant laquelle il conviendra de rester vigilant. Aussi la nécessité de renforcer la défense européenne est-elle fortement soulignée, l’Eurogroup étant présenté comme le forum naturel existant en complément des conversations bilatérales pour le développement d’une coopération européenne dans tous les domaines de la défense. Le Livre blanc fait ressortir par ailleurs « le rôle déterminant de la Grande-Bretagne pour la préservation de la paix et de la stabilité en Europe et dans le monde ».
Le budget de défense britannique s’élèvera au cours de l’exercice 1973-1974 à 3 385 Md de Livres (40 Md de francs), soit 5,75 % du PNB [4] ; il marque une augmentation réelle de 5,6 % sur celui de l’année précédente.
Les problèmes d’effectifs demeurent critiques en raison de difficultés de recrutement qui se prolongent encore sur quelques années. Le volume total des forces armées qui était de 371 000 h au 1er janvier 1973 ne sera plus que de 367 000 au 1er avril 1973 et de 353 000 au 1er avril 1974. Le gros de cette déflation est supporté par l’armée de terre qui, de 181 000 au 1er janvier dernier sera ramenée à 174 000 en avril 1974. Durant la même période, la Royal Navy passera de 82 000 à 77 900 personnels et la Royal Air Force (RAF) de 107 300 à 101 100.
En matière d’équipement, le Livre blanc souligne que les développements à venir s’inscrivent en priorité dans le cadre de l’Eurogroup. Il rappelle les réalisations de cet organisme et l’importance des projets prévus en coopération avec les autres pays membres [5]. En attendant, selon le document, la Grande-Bretagne consent un effort important en vue de moderniser ses forces.
Dans l’armée de terre, tous les régiments blindés seront dotés vers le milieu de l’année 1973 du char lourd FV4201 Chieftain et du missile anti-chars Swingfire alors que les unités de reconnaissance sont progressivement équipées depuis 1972 du véhicule de combat Scorpion. D’autre part, les négociations entreprises avec les États-Unis conjointement avec cinq pays de l’Eurogroup pour l’achat du missile sol-sol nucléaire tactique Lance [6]sont confirmées.
Dans la marine [7], le programme « Trough Deck Cruisers » sera réalisé, le porte-avions Hermes converti en transport de commandos entrera en service ainsi qu’un sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire (en remplacement d’un sous-marin conventionnel). D’ici à 1977, il est prévu d’acheter quatre autres sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, six destroyers porte-missiles et huit frégates.
Dans la Royal Air Force (RAF), les escadrons de combat sont d’ores et déjà équipés du McDonnell Douglas Phantom FGR2 et du Hawker Siddeley Harrier à décollage vertical, le nombre des chasseurs bombardiers Blackburn Buccaneer et celui des appareils de reconnaissance Hawker Siddeley Nimrod sera augmenté. Enfin, à long terme, le programme de rééquipement le plus important de la RAF sera celui de l’avion de combat MRCA (Multiple Role Combat Aircraft) mené en collaboration avec l’Allemagne fédérale [8].
Dans les forces stratégiques, les SNLE dotés de Polaris restent au nombre de quatre [9]. La construction d’un cinquième bâtiment n’est pas envisagée et il n’est fait aucune allusion à la modernisation de la force de SNLE par l’achat de Poseidon.
Le Livre blanc pour l’année 1973-1974 ne mentionne aucune modification notable de la politique militaire de la Grande-Bretagne. Mais il paraît intéressant de relever que le document met à nouveau l’accent sur l’idée d’une construction pragmatique de la défense européenne tandis qu’est soulignée la nécessité, dans le contexte actuel, de renforcer la cohésion et le potentiel de l’Otan. À ce propos, le document met aussi en avant l’importance de la participation militaire de la Grande-Bretagne ainsi que l’efficacité de l’Eurogroup, de plus en plus considéré, semble-t-il, comme un élément dynamique de la collaboration européenne en matière de défense.
République fédérale d’Allemagne (RFA) : perspectives pour la Bundeswehr en 1973
Au cours de sa déclaration d’investiture devant le Parlement fédéral en janvier dernier, le Chancelier Willy Brandt a insisté sur sa volonté de poursuivre le plan de modernisation et de réorganisation des forces armées annoncé par le Livre blanc 1972. La publication, début février, d’un programme-cadre apporte des précisions sur les objectifs que la RFA compte réaliser au cours de l’année 1973, notamment dans le domaine des personnels et de l’équipement. Sur ce dernier point, on peut s’attendre selon le Chancelier à un développement des activités de l’Eurogroup.
En ce qui concerne les personnels, le gouvernement va appliquer la nouvelle loi sur la conscription et les réserves, adoptée en septembre. Le service militaire de quinze mois, instauré à titre d’essai dans certaines unités de l’armée de terre, sera ainsi étendu à l’ensemble des trois armées. Cette décision prolonge en outre la limite supérieure de l’âge d’incorporation qui passe de vingt-cinq à vingt-huit ans et instaure une période de disponibilité de trois mois, dite renforcée, suivant immédiatement le service actif. Au cours de cette période, le réserviste conserve son affectation de l’active. D’autre part, les critères d’incorporation subissent des modifications importantes avec comme conséquence une augmentation de près de 25 % du nombre des appelés. De plus, la création d’un système de primes et de pécules favorisera les engagements à court et à moyen terme.
Autre disposition intéressant les personnels : l’ouverture à Hambourg, en octobre prochain, de la première école supérieure de la Bundeswehr. Ce genre d’établissement, d’une formule nouvelle, donnera aux officiers de carrière ou sous contrat de douze ans une formation de type universitaire dont les programmes et les examens seront approuvés par les Länder, ce qui entraînera l’équivalence avec les diplômes civils. Le but est d’une part de faciliter le recrutement de personnels de qualité et d’autre part de permettre notamment aux officiers effectuant une carrière courte de mieux s’insérer dans le secteur civil à l’issue de leur contrat. Les cycles d’études dureront trois ans, les matières enseignées offriront des options variées : économie de l’entreprise, pédagogie, électronique, informatique, etc.
La politique d’équipement portera l’effort sur l’accroissement de la mobilité et de la capacité opérationnelle d’ensemble des trois armées. Les responsables de la défense se plaisent à montrer qu’elle se situe ainsi dans la ligne des résolutions prises par l’Eurogroup et qui ont été concrétisées en décembre dernier.
L’armée de terre, pour augmenter son aéromobilité, sera dotée de l’hélicoptère de transport américain Sikorsky CH-53G Sea Stallion, fabriqué sous licence en RFA (un parc de 110 appareils est prévu). Elle achètera d’autre part le reliquat des 2 173 chars de combat Leopard prévus dans le plan d’équipement des forces. Enfin, selon le ministre de la Défense, une décision sera prise fin mars pour déterminer les conditions de la construction en série et le rythme de livraison du char de défense anti-aérienne, matériel qui faisait défaut jusqu’à maintenant. On sait d’autre part que l’Allemagne de l’Ouest est l’un des cinq pays de l’Eurogroup à avoir décidé l’achat aux États-Unis de l’engin nucléaire tactique « Lance ».
Pour l’armée de l’air, l’accent sera mis sur le remplacement des Lockheed F-104C Starfighter par les appareils McDonnell Douglas F-4F Phantom II, employés comme chasseurs bombardiers et chasseurs de supériorité aérienne. 175 appareils de ce type ont été commandés aux États-Unis et l’industrie allemande envisage dans l’immédiat la fabrication de pièces de rechange pour une valeur d’environ 800 millions de deutsche mark (DM). Les premiers appareils ont été livrés. La formation des pilotes et des navigateurs radaristes sera entreprise incessamment. D’autre part, le programme d’équipement en MRCA [10] est maintenu quoiqu’il ait été réduit. Alors que la commande initiale portait sur 420 appareils, elle a été ramenée à 325 par suite de réductions budgétaires. Le premier prototype devra avoir terminé ses essais en vol à la fin de 1973.
Quant à la marine, ses objectifs se limitent au renforcement de son potentiel en mer Baltique. Les nouveaux équipements pour 1973 comprennent un total de huit vedettes rapides lance-missiles, dont trois de fabrication française, quatre sous-marins de 450 tonnes, ainsi qu’un certain nombre d’hélicoptères de fabrication britannique Westland Sea King Mk-41. Parallèlement, et par suite de l’intérêt accru que porte le commandement allemand à la mer du Nord, les études techniques seront poursuivies en vue de remplacer certains bâtiments de surface conventionnels par des matériels plus modernes, notamment des frégates ou destroyers lance-missiles, dont la construction est envisagée par les années 1980.
En définitive, le programme de modernisation des forces de la RFA se poursuit malgré les indispensables aménagements. Sur le plan des personnels, on notera l’absence d’une réforme en profondeur des structures existantes, tandis qu’un effort d’équipement particulier est entrepris pour améliorer la capacité opérationnelle des forces. À ce propos, il est bon de souligner la convergence de vues ouest allemande et britannique sur le rôle de l’Eurogroup en ce qui concerne la collaboration des Européens dans le domaine des matériels.
Sud-Est asiatique : politique de défense
La première visite officielle de M. Lee Kwan-Yew à Bangkok du 8 au 15 janvier 1973 a permis de renforcer la coopération entre Singapour et la Thaïlande notamment dans le domaine militaire. Par contre, elle n’a pas été appréciée par la Malaisie qui, à cause de sa politique de non-alignement, paraît de plus en plus isolée au sein à l’ASEAN.
Singapour enverra prochainement vingt-cinq stagiaires de ses forces armées dans l’école thaïlandaise d’entraînement au combat de jungle et de contre-guérilla de Lopburi. Elle aidera la Thaïlande à créer une usine de munitions de petit calibre. Bangkok envisage, de son côté, d’acheter à Singapour « plusieurs » patrouilleurs rapides lance-missiles.
Cette visite a également donné l’occasion aux dirigeants de la Thaïlande et de Singapour d’exposer pratiquement leurs vues sur la situation politique en Asie du Sud-Est. Le Maréchal Thanom Kittikachorn a déclaré devant un groupe de journalistes que la Thaïlande avait donné son accord, il y a quelque temps déjà, au maintien de bases américaines sur son territoire après la conclusion d’un cessez-le-feu au Vietnam. M. Lee Kwan-Yew a apporté son appui à cette décision. Un départ trop rapide des Américains aurait créé, selon lui, un vide dangereux. Un retrait échelonné devrait, par contre, donner le temps aux pays de la zone de renforcer leur stabilité politique et de développer leur économie. Car, pour le Premier ministre singapourien, les nations du Sud-Est Asiatique ont plus à craindre la subversion que l’invasion. De plus « la survie et l’intégrité politique de chacun des pays de l’ASEAN ne peuvent manquer d’affecter la sécurité et peut-être même la survie des autres ».
La Malaisie, pays directement visé avec la Thaïlande par cette dernière déclaration, a fait connaître son désaccord, par la voie de la presse officielle, sur les prises de position de M. Lee Kwan-Yew qui ne sont qu’un « testament du passé, qu’une tentative de résurrection d’une vieille Asie qui avait toujours tendance à se cacher sous les jupes de quelqu’un d’autre ». Ces initiatives vont, en effet, à l’encontre de l’idée malaisienne de neutralisation du Sud-Est asiatique garantie par les grandes puissances.
Singapour, la Thaïlande et même l’Indonésie, qui pourtant entretient des relations étroites avec la Malaisie, considèrent qu’il s’agit là d’un objectif à long terme. D’ailleurs, la réunion à Jakarta, en décembre dernier, du Comité de hauts fonctionnaires chargés de définir le contenu et les implications de la déclaration de Kuala-Lumpur du 27 novembre 1971, n’a donné aucun résultat. D’autre part la position malaisienne, sur des sujets tels que le Vietnam et l’ouverture de relations diplomatiques avec la Chine, fera certainement l’objet de très grandes réserves de la part des autres membres de l’ASEAN. ♦
[1] MIRV : Multiple Independantly Targetable Re-entry Vehicle.
[2] SRAM : Short Range Attack Missile ; les premiers engins de ce type équipent déjà deux unités de Boeing B-52 Stratofortress.
[3] L’année budgétaire britannique commence le 1er avril et se termine le 31 mars.
[4] Rapporté à un PNB calculé suivant les normes françaises, ce pourcentage est supérieur à 4,8 %.
[5] L’Eurogroup comprend, outre la Grande-Bretagne, la RFA, les pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), la Norvège, l’Italie, la Grèce et la Turquie.
[6] Destiné à remplacer l’Honest John et le Sergeant.
[7] Voir en outre la chronique Marine de Jean Labayle.
[8] NDLR 2023 : futur Panavia Tornado.
[9] Le Resolution, le Repulse, le Renown et le Revenge.
[10] Multi Role Combat Aircraft : appareil polyvalent fabriqué en commun par la Grande-Bretagne, l’Italie et la RFA (NDLR : voir note 8).