Aéronautique - France : 1973, année d'un nouveau bond en avant pour l'Armée de l'air - États-Unis : les applications militaires du laser - Suède : l'entrée en service du Viggen
France : 1973, année d’un nouveau bond en avant pour l’Armée de l’air
L’année 1973 va voir la mise en service, dans les unités de combat, d’un nombre important de matériels nouveaux. Si cette arrivée massive ne bouleverse ni les missions ni les structures de l’Armée de l’air, elle n’en constitue pas moins une évolution majeure de sa capacité opérationnelle.
Sur le plan des matériels aériens, cette année sera celle de l’arrivée du Dassault Mirage F1 et du Sepecat Jaguar. Sur celui des armements, les mises en service les plus attendues concernent les missiles air-air Magic et air-sol AS-37 Martel, tandis que le Crotale commencera à équiper les unités organiques de défense antiaérienne.
Parallèlement à cet effort, deux nouveaux centres de détection. Lyon et Narbonne, seront connectés au réseau automatisé Strida dans le cadre du plan Vauban entrepris depuis quelques années.
Enfin, en 1973 aboutira également la réalisation de certains programmes ayant débuté en 1972. Il s’agit essentiellement de :
– la mise en place des armes nucléaires tactiques AN-52 qui équipent déjà ou équiperont bientôt des unités de Dassault Mirage III et de Jaguar ;
– la construction d’abris bétonnés destinés à assurer la protection passive contre les incursions aériennes ennemies des appareils placés en position d’alerte au sol.
De cette nouvelle et importante panoplie de matériels mise à la disposition de l’Armée de l’air, il convient surtout de retenir les deux vecteurs aériens que constituent le F1 et le Jaguar.
Le Dassault Mirage F1, pour lequel l’Armée de l’air a passé une commande de 105 unités dans le cadre du 3e plan militaire, est destiné à la défense aérienne. Il doit remplacer, à partir de mi-1973, les appareils anciens Dassault Super Mystère SMB-2 et SNCASO SO-4050 Vautour II N ; ultérieurement il viendra prendre la relève des Dassault Mirage III C.
Par rapport à ce dernier, le F1 présente un certain nombre d’avantages appréciables qui en font un excellent avion de supériorité aérienne : capacité de tir au canon en condition « aveugle » ; meilleure qualité de pilotage aux basses vitesses et particulièrement en approche pour l’atterrissage ; plus grande autonomie grâce à une capacité d’emport de carburant plus importante ; équipement plus évolué et, en particulier, existence d’un pilote automatique couplé avec l’Instrument Landing System (ILS) ; Système de dépannage automatique de piste (SDAP) permettant d’établir au sol le diagnostic des pannes éventuelles.
Le Jaguar, dans ses versions mono et biplace, doit équiper un certain nombre d’escadres tactiques actuellement dotées d’appareils également anciens comme le North American F-100 Super Sabre et le Dassault Mystère IV A. Dans un premier temps c’est la 7e escadre, dont les pilotes et le personnel d’entretien commencent leur transformation à Mont-de-Marsan, qui doit percevoir, dès cet été, les premiers appareils commandés à 120 exemplaires au cours de la réalisation du 3e plan.
Il s’agit d’un biréacteur dont les deux versions ne se différencient que par la pointe avant renfermant les postes de pilotage et les équipements opérationnels.
Parmi les nombreuses missions dont il est capable, il convient de retenir essentiellement :
– l’intervention feu directe sur les forces de surface ennemies avec une panoplie d’armement remarquable ;
– le combat air-air à basse et moyenne altitudes grâce essentiellement à l’emport du Magic, missile d’auto-défense en combat rapproché qui doit également équiper Mirage III et F1 à partir de 1973 ;
– la reconnaissance aérienne photographique avec la caméra Oméra 40 montée à demeure sur les monoplaces ;
– la pénétration à basse altitude et grande vitesse à l’issue de laquelle il peut, soit lancer l’engin nucléaire tactique AN-52, soit procéder à la neutralisation des radars ennemis. Pour cette dernière mission, le Jaguar est doté du missile Martel à autodirecteur électromagnétique passif qui assure la destruction des radars adverses après les avoir détectés en fréquence et en azimut ;
– l’intervention à très longue distance grâce à son aptitude au ravitaillement en vol qui lui permet de couvrir plusieurs milliers de kilomètres ;
– et enfin, l’entraînement des pilotes à l’aide de la version biplace qui conserve d’ailleurs toute la capacité d’armement de la version monoplace.
Finalement, ce rapide inventaire permet d’apprécier l’extrême cohérence de cet ensemble de réalisations qui concourent toutes, autour du Jaguar et du F1, à insuffler une vie nouvelle à nos forces aériennes de manœuvre et de défense.
États-Unis : les applications militaires du laser
Le budget des États-Unis pour l’année 1973 a vu les dépenses attribuées aux applications du laser augmenter d’environ 6 % par rapport au budget de 1972.
En dehors de l’Advanced Research Project Agency (ARPA) qui travaille la technologie des lasers de grande puissance et qui reçoit 26,4 millions de dollars en 1973 (contre 21 M en 1972 et 16,3 M en 1971), chaque armée poursuit son propre effort dans ce domaine. C’est ainsi qu’après avoir démontré la faisabilité des lasers thermiques, l’ARPA a laissé aux trois armées le soin de poursuivre le travail commencé.
Le programme le plus ambitieux sur les lasers à grande puissance est celui de l’Air Force. Indépendamment de ses propres travaux sur les systèmes d’armes avec laser, l’Air Force finance le développement et la fabrication de tels dispositifs à Avco Everett Research Laboratory et à United Aircraft Corporation.
Stimulées par les succès du guidage par laser, les trois armées continuent à améliorer les techniques du matériel déjà existant.
Un comité a été chargé par le Pentagone de coordonner les efforts. L’un des résultats obtenus est l’autodirecteur laser qui fonctionne sur le même code pour les trois armées.
La première application doit être montée sur le missile Maverick de l’US Air Force actuellement guidé par télévision.
Un autre missile aéroporté (Hellfire), utilisé par les trois armées, doit bénéficier des mêmes techniques. Ce système désigné sous le sigle ALLD (Airborne Laser Locator Designator) est conçu pour être monté sur l’hélicoptère Bell AH-1G Cobra. Ses principaux composants comprendront : la poursuite automatique de jour et de nuit, la stabilisation de la ligne de vue, la télémétrie et le pointage par laser. Le missile sera autonome.
L’Air Force continue de porter son effort sur les dispositions de guidage des bombes. Il faut noter que les techniques laser ont donné essor à un programme pour améliorer la technologie des avions cibles ; beaucoup de ces avions sans pilotes seront équipés de missiles et de bombes guidés par laser ; certains d’entre eux posséderont également des indicateurs de cible laser.
La Navy de son côté améliore les missiles par guidage laser ou électro-optique et continue les études de recherches et de développement pour l’acquisition de cible laser.
Devant cette multitude d’applications et d’efforts, on ne peut que constater la part grandissante prise par les technologies laser depuis 1970. Chaque année voit apparaître des nouveaux systèmes comportant des techniques laser. L’année 1972 a été l’année du bouleversement de la conception des systèmes de guidage, de détection et de télécommunication. L’année 1973 verra une refonte profonde des techniques passées et donnera naissance à des dispositifs extrêmement performants, généralisant l’emploi des moyens laser et électro-optiques.
Les études de plus grande envergure : mise au point de l’arme laser, création de plasma, bénéficieront d’une grande impulsion mais un aboutissement n’est pas prévisible avant les cinq années à venir.
Suède : l’entrée en service du Viggen
À l’époque où les nations industrielles fabriquent des avions de combat biplaces, biréacteurs, les Suédois renversent les paramètres et se lancent dans la construction en série d’un « chasseur » monoplace, monoréacteur et de surcroît biplan : le Viggen de Saab-Scania.
Le Saab 37 Viggen a effectué son premier vol il y a six ans, en février 1967. Depuis cette date onze appareils sont sortis d’usine, totalisant plus de 3 000 heures de vol, et sept prototypes ont participé au programme de lancement dont le coût s’élève à quatre cents millions de dollars.
Le Viggen est un avion de combat STOL de la génération Mach 2. D’un poids de 18 tonnes, c’est-à-dire un peu plus lourd que le F1 ou le Jaguar, il est équipé d’un réacteur Volvo Flygmotor RM8 double flux à postcombustion qui développe 26 000 livres de poussée. Les spécifications STOL ont conduit à un taux de motorisation important, doublé d’un système de réversibilité de poussée que le Viggen est pour l’instant seul à utiliser dans la gamme des avions de combat. Le RM8 est une adaptation du Pratt & Whitney JT8D1. Son taux de compression atteint 16,5 et sa température devant turbine est de 1 120 °C.
La fiche-programme du Viggen spécifie que l’appareil doit être d’un pilotage facile pour alléger les contraintes de l’entraînement et que l’automation la plus complète possible doit permettre de l’utiliser efficacement en version monoplace. Ceci s’est traduit par l’incorporation d’un calculateur digital central servant à la conduite et au contrôle de la navigation et du tir.
Le Viggen sera construit en quatre versions : assaut, entraînement (biplace) reconnaissance et interception. La mise au point des trois premières est terminée, et le premier avion de série a d’ailleurs été livré fin 1971, le premier escadron devant être opérationnel en 1973. L’expérimentation de l’intercepteur est en cours. Dans cette version l’avion est associé à un système de transmission de données automatiques, lui-même connecté par calculateur au réseau radar de détection lointaine.
La transformation des pilotes sur Viggen comprend 15 heures de simulateur et 30 heures de vol à l’exclusion des exercices de tir. Seuls les trois premiers vols s’effectuent en double commande. À l’entraînement, les vols à basse altitude sont exécutés à trois cents pieds minimum au-dessus du sol ou de l’eau, sur des itinéraires qui évitent soigneusement les réserves ornithologiques et les routes connues des grandes migrations. Les vols à très basse altitude se pratiquent au-dessus de l’eau dans un secteur limité au nord du pays. Pour simuler les conditions d’emploi opérationnelles, les points tournants sont affichés avant le décollage au calculateur de navigation et de tir qui ensuite, en vol. indique au pilote à travers un dispositif « tête haute » la distance à parcourir, l’avance ou le retard, le cap à suivre, la position instantanée et les coordonnées polaires des terrains de destination et de déroutement.
Les caractéristiques STOL du Viggen n’ont pas surpris les pilotes en cours de transformation qui ont particulièrement apprécié la stabilité de la vitesse d’approche. L’approche finale se fait en ILS automatique et les paramètres sont visualisés sur le dispositif « tête haute ». La vitesse d’approche finale est de 120 kt et l’utilisation des déviateurs de jet limite la course à l’atterrissage à 500 mètres.
L’Armée de l’air suédoise entend déployer ses Viggen, comme ses autres appareils, avec un support logistique extrêmement réduit sur la soixantaine de terrains dont elle dispose, certains d’entre eux étant tout simplement des portions de grandes routes nationales suffisamment longues et sans obstacles auprès desquelles est installée une superstructure rudimentaire. Parfois, les routes ont été spécialement aménagées avec des chemins de roulement adjacents et abris enterrés, ajoutant ainsi aux possibilités de dispersion et de survie de l’Armée de l’air suédoise. Il sera d’ailleurs procédé cet été à une évaluation tactique du Viggen sur ces terrains auxiliaires.
La complexité technique de l’appareil a tout de suite posé le problème de sa maintenance. Mais l’Armée de l’air suédoise a exigé que soit reconduit pour le Viggen, le système de maintenance déjà adopté précédemment, c’est-à-dire la participation d’une main-d’œuvre de spécialistes militaires très limitée et un soutien technique important de la part des personnels civils de l’industrie aéronautique nationale, la Forenade Fabriks Verken ou FFV. La FFV dispose en effet d’usines principales et de petits ateliers épars qui regroupent huit mille personnes et assurent la maintenance deuxième et quatrième échelons des matériels aériens, exception faite des équipements électroniques pour lesquels elle assure également l’entretien 1er échelon.
À propos de la fiabilité et de l’aptitude à la mise en œuvre et à la maintenance du Viggen, les chiffres avancés font état de 20 heures de travail au sol pour 1 heure de vol et de cinq vols en moyenne par avion et par jour.
Le programme d’essai, de développement et de mise en service du Viggen a été scrupuleusement respecté, mais la construction de 800 appareils prévue dans le plan initial sera probablement réduite de moitié et étalée jusqu’en 1985. Actuellement, alors que se poursuit la mise au point de l’intercepteur, les commandes fermes s’élèvent à 175 appareils pour un prix unitaire d’environ 20 MF au tarif 1968.
Le budget suédois de la défense s’élève cette année à 3,9 % du produit national brut soit un pourcentage sensiblement supérieur à celui de la France. L’objectif visé par un tel budget est une production d’armement suffisante pour alimenter un marché d’exportation. Le Viggen représente actuellement pour la Suède l’un des plus beaux fleurons susceptible d’intéresser les nations qui envisagent la rénovation de leur parc aérien militaire, telles les Pays-Bas, l’Australie, voire la Suisse. L’apparition de cet avion à configuration canard dans tous les meetings aériens internationaux témoigne de l’intention des Suédois de convaincre le reste du monde de leur capacité de production, dans le domaine aéronautique, d’un système d’armes pouvant soutenir la comparaison avec ses concurrents sur le marché international. ♦