Défense dans le monde - États-Unis : choix d'une base pour le Trident- République fédérale d'Allemagne : problème des compensations en devises - Grèce : sécurité intérieure, l'agitation estudiantine - Amérique latine : la réunion du Conseil de sécurité
États-Unis : choix d’une base pour le Trident
Le 16 février 1973, le Secrétaire américain à la Marine, John W. Warner, a annoncé que le futur sous-marin du système Trident serait basé sur la côte Nord-Ouest des États-Unis, à Bangor, près de Keyport, dans l’État de Washington. Ce choix, qui marque une étape importante dans le programme de mise sur pied du système de missiles balistiques lancés de sous-marins, ramène l’attention sur le rôle dévolu à cette composante des forces stratégiques américaines à la fin de la décennie.
C’est en 1969 qu’ont été entreprises les études d’un nouveau système d’armes Undersea Long Range Missile System (ULMS), rebaptisé Trident, et conçu autour d’un sous-marin à très large autonomie, lanceur de fusées à longue portée. La phase de mise au point engineering development du missile ULMS 1-C4 Trident a commencé à la fin de 1971 et devrait se terminer en 1974 avec le premier essai en vol. L’intégration de l’engin balistique au stade opérationnel sur le sous-marin Poseidon transformé serait fixée à décembre 1977 et sur le nouveau sous-marin ULMS-Trident à la fin de 1978 au plus tôt.
Quelque 1 100 millions de dollars ont déjà été consacrés à l’ensemble du projet. En raison des limitations imposées par la convention provisoire SALT I et du coût unitaire du sous-marin – actuellement estimé à plus d’un milliard de dollars avec les missiles – le programme initial de vingt-cinq submersibles a été réduit à dix.
Chaque bâtiment Trident sera porteur de vingt à vingt-quatre missiles à dix ou quatorze têtes MIRV (Multiple Independently Targetable Re-entry Vehicle) au lieu des seize missiles à dix têtes MIRV du Poseidon. Mais surtout, avec le nouveau système, la portée des missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS) américains sera presque doublée : plus de 9 000 kilomètres contre 5 000 pour les missiles actuellement en service. Grâce à cette portée intercontinentale et à leur autonomie accrue, les sous-marins Trident pourront s’affranchir des bases outre-mer à partir desquelles opèrent encore actuellement les Polaris-Poseidon (1) ; leur localisation par l’adversaire sera rendue très difficile, l’étendue des secteurs à partir desquels il sera possible aux sous-marins nucléaire lanceurs d’engins (SNLE) américains d’atteindre les territoires adverses étant considérablement accrue.
Cet accroissement de la portée fait du Pacifique la zone d’action la plus favorable aux Trident. En effet, à partir de cet océan, tous les objectifs stratégiques potentiels des États-Unis se trouveront à distance de tir des futurs SNLE. Par ailleurs, le Pacifique, vaste et peu parcouru par les sous-marins nucléaires d’attaque soviétiques, présente de moindres risques de détection que l’Atlantique. Par la suite, la zone d’action des Trident s’élargissant à l’océan Indien, un seul sous-marin pourrait, du Nord de cet océan, atteindre n’importe quel point de l’URSS et de la Chine alors qu’actuellement il faudrait répartir sur la périphérie de l’Eurasie six Poseidon dont trois dans l’Arctique, gelé la majeure partie de l’année.
Le choix de la côte Ouest des États-Unis pour implanter la base des Trident n’a donc pas de quoi surprendre. Celui du site particulier de Bangor découle des avantages qu’il procure sur les plans géographique et budgétaire :
– en bordure du canal Hood, en face de Seattle, il permet par les eaux profondes du Puget Sound un accès protégé et facile à l’Océan Pacifique ;
– l’emplacement sur lequel s’étendra la base est en majeure partie la propriété du gouvernement et les frais d’acquisition de terrains seront ainsi très réduits.
Le coût total de la base est estimé à environ 550 M$. Dans le budget de l’année en cours, un crédit de 13 M est consacré aux études préliminaires, et dans celui de l’année prochaine 135,8 M sont prévus pour les travaux de Bangor. Selon les plans de la Marine, la base sera, à la fin de 1978, en état de soutenir le premier Trident dès sa mise en service. Elle assurera, une fois terminée, le soutien logistique, l’entretien des sous-marins ainsi que l’hébergement de leurs équipages et abritera 3 000 militaires et 3 000 employés civils.
Ainsi, le choix de la base de Bangor, rendu public peu après la parution du projet de budget pour l’année 1973-1974, dans lequel 1 700 M$ (2) sont demandés pour le système Trident, marque la volonté américaine de mener le projet à son terme.
Au moment où les Soviétiques accentuent leur effort militaire et procèdent notamment aux essais d’un nouveau SNLE, le Delta, dont les missiles SSN-8 auront une portée de 8 000 km, les États-Unis montrent ainsi qu’ils sont plus que jamais décidés à maintenir leur position de force pour aboutir à des résultats acceptables dans les grandes négociations en cours.
République fédérale d’Allemagne (RFA) : problème des compensations en devises
La mise en cause par les jeunes socialistes, lors de leur congrès des 10 et 11 mars 1973, des liens militaires de la RFA avec les États-Unis et notamment des accords de compensation en devises qui doivent être renouvelés à partir du 30 juin 1973, a suscité de vives répliques de la part du Chancelier Willy Brandt et du ministre de la Défense, M. Georg Leber. Leur réaction donne à penser que le gouvernement allemand finira par reconduire les accords, malgré les difficultés qui ne manqueront pas de surgir lors des négociations.
Depuis le 24 octobre 1961, la RFA s’est engagée à compenser les sorties de devises résultant pour les Américains du stationnement de leurs troupes en RFA par des achats d’armements ou par l’utilisation de prestations de services aux États-Unis.
Signé initialement pour une période de deux ans, cet engagement a été jusqu’ici régulièrement renouvelé. Le dernier accord en date, qui couvre la période du 1er juillet 1971 au 30 juin 1973, porte sur une somme globale de 6,65 Md de Deutsche Mark (DM) (1 DM = 1,60 FF) contre 6,08 Md pour le précédent. Plus précisément, il se répartit en trois grandes masses :
– 4 Md d’achats d’armement aux États-Unis,
– 2 Md d’achats de bons du Trésor à moyen terme par la Bundesbank,
– 600 M de paiements directs inscrits au budget fédéral et affectés à l’amélioration des installations américaines en RFA, le total devant couvrir environ 80 % des frais de stationnement.
Il faut noter que c’est là le premier accord où sont inscrits des paiements directs qui feront sans doute précédent. Par ailleurs, dans le total de 6,65 Md est incluse une somme de 1 Md DM déposée aux États-Unis au titre de l’accord de 1969 et qui n’avait pas été utilisée.
Les discussions en vue de renouveler l’accord de 1971 s’ouvrent dans des conditions bien plus difficiles qu’il y a deux ans. Du côté américain, en effet, le courant d’opinion qui, à la suite du sénateur démocrate Mike Mansfield, estime que le stationnement des forces américaines à l’étranger constitue une cause importante du déficit de la balance des paiements et que l’engagement militaire des États-Unis dans le monde devrait par conséquent être réduit de façon appréciable, met l’Administration Nixon dans une position délicate. En 1971, 14 Md$ ont été consacrés à l’Otan, soit 18 % du budget de défense et 1,3 % du PNB, auxquels s’ajoutent les effets de l’inflation qui, selon le sénateur Mansfield, auraient porté ces dépenses à près de 16 Md.
Opposées pour des raisons évidentes à tout retrait unilatéral en Europe, les autorités américaines devront donc montrer que les alliés de l’Otan font, de leur côté, l’effort qu’on doit attendre de pays économiquement forts. On peut alors prévoir des exigences américaines accrues lors des tractations pour le renouvellement des accords de compensation avec la RFA. Estimant que ses dépenses en Allemagne ont augmenté d’environ 20 % depuis 1971, Washington souhaiterait que le montant total des compensations pour la période de juin 1973 à juin 1975 s’établisse autour de 8 Md DM et que Bonn accroisse notamment ses achats d’armements aux États-Unis.
Du côté allemand, on estime que les ventes de matériels américains deviendront de plus en plus malaisées du fait de la coopération européenne croissante en ce domaine. Les importants projets en cours (Multiple Role Combat Aircraft (MRCA), Dassault Breguet/Dornier Alphajet, engin blindé de défense antiaérienne) ainsi que le programme de coopération de l’Eurogroup, couvrent en effet une part appréciable des besoins d’équipement futurs des forces armées allemandes. Le paiement total par la RFA des 175 McDonnell Douglas F-4F Phantom II, en partie réalisé au titre de l’accord précédent, ne couvrirait, dans la meilleure des hypothèses, que la moitié des exigences américaines.
Le développement des achats de bons du Trésor américains à moyen terme par la Bundesbank se heurtera sans doute à des réticences de la part des États-Unis, des bons de ce type venant déjà à échéance au titre des accords précédents.
Enfin la rénovation des installations américaines est une mesure qui offre l’inconvénient de grever directement le budget fédéral.
Compte tenu de cette situation, les discussions risquent d’être laborieuses. Dans son effort pour obtenir les conditions les meilleures, la RFA ne manquera certainement pas de rappeler que le soutien de la Bundesbank au dollar a été constant et se chiffre par milliards, mais elle n’est pas prête pour autant à dénoncer la solidarité qui la lie à Washington. À la vérité, le Chancelier Brandt est bien conscient que l’appui occidental et notamment la protection américaine ont été un élément primordial pour la réalisation sans risque de sa politique d’ouverture à l’Est. Aussi peut-on penser que la RFA finira par accéder aux demandes de Washington moyennant des accommodements inévitables.
Grèce : sécurité intérieure et agitation estudiantine
L’évacuation par la force le 20 mars 1973 de la faculté de droit d’Athènes est une indication du tour violent pris par l’agitation estudiantine en Grèce. Elle risque de mettre le gouvernement de ce pays en difficulté, but que recherchent, par un phénomène de convergence troublant, les organisations de la gauche internationale, l’opposition grecque ainsi que, semble-t-il, certains milieux américains.
L’agitation des étudiants grecs avait commencé de manière sensible au printemps 1972. Après une période d’accalmie, elle a repris de façon spectaculaire au début de cette année. Bien qu’elle soit encore le fait d’une minorité, elle tend à prendre des formes extrémistes marquées par une volonté d’« escalade de la violence ». Jusqu’à présent le gouvernement d’Athènes a réussi à limiter les mesures de rétorsion, comme le montre la modération des condamnations, d’ailleurs assorties du sursis, infligées aux meneurs des violentes manifestations du 13 février 1973. Il ne s’en trouve pas moins en position d’accusé devant l’opinion internationale. La menace d’une extension de l’agitation aux milieux ouvriers – qui, au demeurant, marquent peu de sympathie aux étudiants considérés comme des privilégiés – ajoutée à la prolongation des troubles dans l’université, pourrait cependant l’amener à durcir sensiblement sa position.
Le prétexte du trouble actuel réside dans le refus opposé aux étudiants de participer à l’élaboration d’une charte les concernant. Le mécontentement qui a pu en résulter a été aggravé par la résiliation des sursis d’incorporation d’un certain nombre d’entre eux, accusés de se livrer à l’agitation politique au lieu de poursuivre les études. Mais les causes véritables sont autres : elles résident dans le noyautage des milieux universitaires par les marxistes, auxquels les milieux de l’opposition prêtent une aide complaisante. Cette opération a été notablement facilitée par la dépolitisation que le régime grec a voulu imposer à l’université et par le peu de cas qu’il a toujours fait des questions idéologiques. Il a consenti un effort matériel considérable au profit de l’éducation (budget de 1973 en augmentation de 42 % sur celui de 1972 ; de 200 % sur celui de 1966) (3) mais n’a pas su préserver la jeunesse de la contamination marxiste et maoïste favorisée par la vente libre, et à bas prix, d’une abondante littérature révolutionnaire (Marx, Lénine, Mao Tsé-toung, Marcuse, etc.).
Dans ces conditions, les jeunes Grecs, notamment ceux de la bourgeoisie, libres de toute préoccupation d’ordre matériel, constituent un milieu extrêmement favorable à la contamination idéologique et à l’agitation révolutionnaire. Cette vulnérabilité apparaît dans les thèmes de revendication actuels, où les problèmes scolaires et universitaires cèdent progressivement la place aux slogans politiques : lutte contre la « dictature fasciste » et contre la « colonisation américaine ». On notera que le mouvement bénéficie d’un soutien de plus en plus marqué de toute la gauche européenne, notamment des partis communiste et socialiste italiens, du parti communiste français, et des mouvements parallèles tels qu’en France l’Unef-Renouveau et le Centre confédéral de la CGT pour la jeunesse. Ces organisations multiplient les appels pour la « libération des militants emprisonnés » et exigent du gouvernement militaire de Geórgios Papadópoulos « la réouverture des facultés, la suppression des mesures répressives et la levée des enrôlements forcés dans l’armée grecque ». Simultanément des organismes en principe apolitiques tels qu’Amnesty International et l’Association Internationale des Juristes Démocrates s’efforcent de développer une campagne de propagande stigmatisant les « atrocités » du régime grec.
Pour active qu’elle soit, sur le plan de l’agitation proprement dite comme sur celui de la propagande, l’action de la gauche internationale n’aurait pas une très grande portée si elle ne disposait aussi de « courroies de transmission » efficaces. Les principales en sont fournies par certains groupes de l’opposition grecque, même modérée, qui n’hésitent pas à s’allier aux communistes pour l’action, comme c’est le cas pour le groupe centriste du Professeur de l’université de droit d’Athènes Jean Pezmazoglou (4) et pour d’anciens militaires, destitués lors du coup d’État royaliste manqué de 1967. Cette opposition compte reprendre le pouvoir dans le pays grâce au renversement du régime des colonels. Le roi Constantin, pour sa part, suit les événements en cours avec beaucoup d’intérêt, espérant qu’ils lui permettront de remonter sur le trône. Enfin il semble qu’aux États-Unis même le lobby « anticolonels » ait gagné en influence ces temps derniers.
En effet au sein même de l’Administration, certains accusent le premier ministre grec de manquer de franchise et de complaisance. Ils verraient d’un œil favorable son remplacement par le général Odysseas Anghelis, réputé pro-américain et partisan de la restauration du roi et qui tiendrait pour « le retour des militaires à la caserne ». Les principaux griefs contre M. Papadopoulos sont dus à son attitude peu compréhensive à l’égard d’Israël et à sa prétention de vouloir faire limiter les activités des forces américaines en Grèce (6e Flotte et forces aériennes de passage) a des missions strictement Otan. De son côté, une part importante de l’opposition démocrate américaine a toujours été hostile au régime des colonels. Un de ses leaders, M. Benjamin Rosenthal, président d’une sous-commission des Affaires étrangères, aurait accepté, à la demande d’anciens politiciens grecs, d’œuvrer pour une condamnation du gouvernement d’Athènes par la Chambre des Représentants. Une telle manœuvre serait, d’après M. Rosenthal, facilitée par l’existence d’un climat trouble « donnant l’impression que le peuple grec est mécontent de son régime ». Son but serait d’isoler le gouvernement et de le contraindre à se démettre.
En elle-même l’agitation des étudiants n’est pas trop grave. Beaucoup plus inquiétante est la véritable conjuration internationale qu’elle révèle contre le régime grec. Quels que soient les torts de ce dernier sur le plan des institutions démocratiques, il a su donner au pays un essor économique notable tout en renforçant sa capacité de défense. Celle-ci pourrait se voir remise en cause, comme l’est actuellement celle de la Turquie, dans le cas où la stabilité interne se trouverait mise en péril.
Amérique latine : la réunion du Conseil de sécurité
La réunion du Conseil de Sécurité à Panama, du 15 au 21 mars 1973, a mis en évidence une fois de plus, au-delà de l’affaire du canal, le problème fondamental des relations interaméricaines : l’antagonisme, mais aussi la complémentarité, entre les intérêts essentiels des États-Unis et ceux de l’Amérique latine.
Les négociations sur le canal sont une illustration des rapports qui existent actuellement entre le Nord et le Sud du continent américain.
Panama retire incontestablement des bénéfices économiques de la présence nord-américaine dans la zone du canal. Une indemnité de 1,9 million de dollars est allouée annuellement par les États-Unis ; l’existence des bases militaires du Southern Command évite à la République de Panama des dépenses de défense ; la masse salariale des 20 000 Panaméens travaillant dans la zone représente 80 M de dollars dans un pays où le budget national est de 240 M$ ; 40 % des rentrées de devises de l’État proviennent de la zone ; enfin des prêts importants de l’Agence pour le développement international (AID) ont été accordés au gouvernement panaméen. Aussi, si l’on fait la part des outrances verbales et d’un nationalisme à usage interne, le général panaméen Omar Torrijos paraît moins intéressé par le rétablissement de la juridiction panaméenne sur la zone du canal que par une augmentation substantielle des indemnités accordées par les États-Unis qui bénéficient, eux, de 90 % des revenus directs tirés de l’exploitation du canal.
Pour Washington, l’importance économique et stratégique d’une voie d’eau qui unit l’Atlantique au Pacifique, et par laquelle transitent annuellement 16 000 navires transportant un fret qui est à 40 % nord-américain, est évidente. Cet intérêt est d’ailleurs concrétisé par la présence du Southern Command. De plus, la zone du canal est située dans les Caraïbes où passe l’essentiel des matières stratégiques d’origine latino-américaine à destination des États-Unis et où se trouvent toutes les bases nord-américaines en Amérique latine : Panama, Guantanamo, Porto-Rico, Trinidad. C’est pourquoi les États-Unis ne peuvent admettre qu’une artère aussi vitale dépende du seul gouvernement panaméen et des caprices d’une situation intérieure imprévisible.
Le veto mis par le représentant nord-américain au projet de résolution soutenant le Panama signifie, certes, qu’il s’agit là d’un problème bilatéral sur lequel le Conseil n’a pas à se prononcer. Mais il rappelle surtout au Panama, et à travers lui à toute l’Amérique latine, deux faits à la fois simples et déterminants : les relations des États-Unis avec le sous-continent sont celles d’un pays sur-développé avec une région sous-développée et divisée ; les Nord-Américains aménagent certains aspects mineurs de leur politique pour tenir compte de l’évolution récente de l’Amérique latine, mais ne varient pas sur la défense de leurs intérêts majeurs.
Cet enseignement de la réunion de Panama est significatif des relations qui, dans le monde entier, opposent les pays les plus industrialisés de l’hémisphère Nord aux régions en voie de développement.
En Amérique latine, depuis quelques années, on assiste à une évolution caractérisée : la montée du nationalisme et la volonté de promouvoir un développement économique indépendant conduisent à des revendications de plus en plus fréquentes adressées aux États-Unis. Ces derniers, étant donné leur impact politique et économique dans les pays de la région, sont souvent considérés comme la cause principale des difficultés rencontrées par le sous-continent. Les dirigeants latino-américains sont conscients que la puissance nord-américaine les a protégés jusqu’à présent de toute menace extérieure et leur a dispensé une aide importante. Ils restent prêts à perpétuer leur solidarité avec les États-Unis mais ils réclament de plus en plus d’égalité dans les relations inter-américaines, notamment sur le plan économique, et le droit à une véritable indépendance.
Les États-Unis sont conscients de cette évolution récente à laquelle ils répondent par l’application de la doctrine Nixon. Mais cette politique qui, au niveau des principes et sur le plan mondial, vise à remplacer le leadership des États-Unis par un partnership, subit dans les faits, en Amérique Latine, une double distorsion. Tout d’abord, entre la position officielle de Washington et celle effectivement adoptée face à un problème concret : quand leurs intérêts primordiaux sont en cause, les États-Unis décident unilatéralement. Ensuite, entre la politique de Washington qui, par une aide extrêmement importante, essaie d’aider au développement du sous-continent, et celle des groupes économiques privés qui, guidés par le seul critère du profit maximum, l’appauvrissent dans une certaine mesure.
La réunion de Panama a montré une fois de plus la complexité des relations entre les « centres sur-développés et dominateurs » et les « périphéries sous-développées » du monde. Bon gré mal gré, le devenir global des pays d’Amérique latine continue de dépendre de l’attitude de Washington à leur égard.
Mais le mécontentement grandissant du sous-continent et le sentiment de frustration qu’il engendre sont susceptibles, à terme, de conduire à l’adoption de solutions extrêmes qui ébranleraient la cohésion du système inter-américain. Ce risque peut conduire l’Administration à aller jusqu’au bout dans l’application d’une politique de coopération conçue pour répondre à certaines revendications légitimes de l’Amérique Latine. ♦
(1) Il s’agit des bases de Guam (Mariannes), Holy Loch (Écosse), Rota (Espagne).
(2) Cette somme est supérieure à la totalité des crédits dépensés depuis 1969 pour le projet (1 100 M$).
(3) Les Étudiants grecs bénéficient de la gratuité des études, des livres, de prêts, de la sécurité sociale, de tarifs réduits de transports et de restaurants etc.
(4) Le professeur Pezmazoglou a été arrêté le 20 mars 1973 puis relâché.