Aéronautique - Le 30e Salon international de l'Aéronautique et de l'Espace - Perspectives de l'industrie aéronautique française en 1973 - Un concurrent pour l'Airbus A300B : le DC 10 Twin
Le 30e Salon international de l’aéronautique et de l’Espace. Participation française
Au moment où paraîtra cette chronique le 30e Salon international de l’aéronautique et de l’Espace (25 mai-3 juin 1973) battra son plein au Bourget. L’industrie aéronautique française y sera représentée par nos constructeurs nationaux de cellules de moteurs et d’équipements.
Il faut noter que la participation de la Société nationale industrielle aérospatiale (SNIAS) doit revêtir une importance exceptionnelle tant par le nombre des nouveaux matériels présentés que par leur diversité.
C’est ainsi que dans le domaine des avions, cette société doit placer en exposition statique les appareils suivants :
– Concorde 001, l’Airbus A300B, le biréacteur Corvette ;
– les hélicoptères Sud-Aviation (SA) 315 Lama, SA319 Alouette III Astazou, SA341 Gazelle, SA330 Puma, SA321 Super Frelon, Westland WG.13 Lynx et SA360 ;
– la gamme complète des avions légers Rallye.
Le domaine spatial sera représenté par le satellite Symphonie sous la forme de sa maquette d’essais thermiques, par la maquette réduite au 1/10e du lanceur L3S et par la structure de Rita 2, 2e étage de l’engin balistique MSBS (Missile mer-sol balistique stratégique) M2.
Notre société nationale présentera en vol les samedi 2 et dimanche 3 juin 1973, les appareils suivants :
– l’avion supersonique de présérie Concorde 02 ;
– l’Airbus européen A300B ;
– Corvette ;
– la famille complète des hélicoptères et la gamme Rallye.
La firme Dassault-Breguet Aviation présentera toutes ses réalisations en matière d’avion, que ce soit au sol, en vol, ou sous forme de maquette grandeur nature.
C’est ainsi que seront placés en exposition statique : l’avion de transport Mercure ; les biréacteurs de la série Mystère : le Mystère 30, le Mystère Falcon 20F, le Mystère Falcon 10 ; les appareils militaires : Mirage F1, Jaguar, Alphajet, Super-Étendard, Mirage 3 et Milan.
Tous ces appareils seront présentés en vol, à l’exception de l’Alphajet et du Super-Étendard. L’appareil à géométrie variable Mirage G8 se joindra à cette présentation.
En ce qui concerne les propulseurs avionnés, il faut mentionner les réalisations de la Snecma, le réacteur M53 monté sur banc d’essais Caravelle, le M45H qui équipe le Vereinigte Flugtechnische Werke (VFW) Fokker 614 et le moteur Turboméca Astafan 2B installé sur banc volant Aero Commander.
Enfin, cette liste ne comprend pas un certain nombre d’avions légers dont les versions actuelles seront également présentées par leurs constructeurs au Bourget. Les réalisations du domaine spatial seront visibles d’une part, au Pavillon du Centre national d’études spatiales (Cnes), et d’autre part, dans les stands des sociétés chargées de la réalisation de ces programmes.
Perspectives de l’industrie aéronautique française en 1973 (suite et fin) (1)
Dans le domaine des activités moteurs la Snecma poursuit le développement de ses programmes militaires et civils. Aux programmes militaires figurent le M53, le Larzac et l’Atar 8K50. Le M53 est un propulseur de 8 500 kg de poussée qui annonce une nouvelle génération de moteurs capables de vitesse de Mach 2,5 et au-delà ; successeur de l’Atar, ce réacteur double flux simple corps avec réchauffe est destiné à équiper notamment l’avion de combat futur de l’Armée de l’air.
Le Larzac est un réacteur double corps double flux de 1 350 kg de poussée, développé en collaboration entre Turboméca et Snecma à des fins civiles et militaires. La version militaire est destinée plus particulièrement à l’avion franco-allemand Alphajet ; la version civile pourra propulser les avions du type Falcon 10 ou Corvette.
Le Snecma Atar 8K50 qui développe 5 000 kg de poussée est la version sans réchauffe de l’Atar 9K50. Ses premiers essais au banc ont été réalisés en juin 1972. Il pourra équiper le Super-Étendard.
Les programmes civils en développement comprennent le CFM56, l’Olympus 593 et le M45H. Le CFM56 est un réacteur de la classe des 10 t de poussée destiné à l’équipement à partir des années 1977-1978 des avions de transport subsoniques d’une capacité de 150 à 200 places. Il doit se caractériser par des performances supérieures à celles des moteurs de la génération actuelle : rapport poids/poussée plus faible, consommation spécifique réduite ainsi que par une diminution des nuisances.
La réalisation de ce programme qui se fait en coopération avec General Electric reste suspendue pour l’instant à l’autorisation du pouvoir politique américain.
L’Olympus 593, issu d’une étroite collaboration entre la Snecma et Rolls-Royce, est un turboréacteur double corps simple flux dont le système d’éjection est développé en vue d’une parfaite adaptation au Concorde et l’ensemble du système est conçu pour obtenir les meilleurs résultats en évitant les nuisances.
Le M45H est un moteur civil double flux de 3 500 kg de poussée, à taux de dilution élevé, développé et construit en collaboration avec Rolls-Royce. Ce moteur est particulièrement bien adapté aux avions de transport court-courrier. Son faible niveau de bruit lui permettra de satisfaire aux nouvelles spécifications FAA (Federal Aviation Administration) et OACI (Organisation de l’aviation civile internationale). La production de série est en cours de lancement.
Dans le domaine de la production, la Snecma poursuit la fabrication des réacteurs de la famille Atar, Atar 9C des Mirage III et Mirage 5, Atar 9K50 des Mirage F1, Milan et du prototype G8.
Un accord de coproduction lie la société General Electric à la Snecma et à MTU (Motoren Turbinen Union) pour la fabrication en série des moteurs CF 6.50 destinés à l’Airbus A300B. La Snecma fabriquera des composants pour 22 % en valeur du moteur, MTU 10 % et General Electric 68 %. En outre, la Snecma réalisera l’assemblage général du moteur et ses essais de réception. Le premier moteur assemblé à la Snecma sera livré en juin 1973.
Enfin, la carrière du Tyne sera prolongée avec la nouvelle génération des Atlantic MK2. Ce turbopropulseur de 6 000 CV est aussi construit dans le cadre d’une coopération européenne associant la Snecma à Rolls-Royce, MTU en Allemagne et FN (Fabrique nationale Herstal) en Belgique.
Toujours dans le domaine des propulseurs, la société Turboméca poursuit la construction en série de l’Adour équipant le Jaguar et l’avion japonais XT-2, en collaboration avec Rolls-Royce.
Les fabrications de série continuent également pour le Marboré VI D propulsant l’engin cible CT 20, les Artouste III B et D des Alouette III et SA315 Lama, les Turmo III C7 du SA321 Super-Frelon, les Turmo IV B et IV C du programme franco-anglais SA330 Puma, l’Astazou II A de l’Alouette, l’Astazou III de la Gazelle et l’Astazou XIV de l’Alouette III.
À citer également la production des turbopropulseurs Bastan VI équipant les Nord 262 et Bastan VII équipant les Nord 262D Frégate, et la sortie des premiers moteurs de série Astazou XVI.
Enfin, la société Turboméca poursuivra, en 1973, le développement de l’Astafan II, de l’Astafan IV et de l’Astazou XX, réalisera le prototype Ariel, turbomoteur à turbine libre de 650 CV pour hélicoptère et mettra à l’étude un turbomoteur de 1 800 CV à turbine libre pour la revalorisation du Puma.
Dans le domaine de l’armement, la société Latécoère poursuivra la production en série des Malafon pour la Marine nationale et la société Matra de son côté continuera la mise au point du Super 530, missile air-air de défense aérienne destiné à l’armement du Mirage F1 et des intercepteurs futurs et dont les essais commenceront cette année. Les essais continueront aussi pour la mise au point du 550 Magic, missile air-air de supériorité dans un combat rapproché et tournoyant entre avions modernes.
Enfin, les productions en série des Matra 530, des Martel, missiles anti-radar air-sol, et des Crotales, missiles sol-air commandés par l’Armée de l’air française et plusieurs armées de l’air étrangères se poursuivront tout au long de l’année 1973.
Toujours chez Matra, la version surface longue portée du missile Otomat, construit en collaboration avec la firme italienne Oto Melara, deviendra opérationnelle en fin 1973 après les premiers essais entrepris avec succès sur cible en mer. D’autre part, ce même missile en version air-surface de très longue portée donne lieu à des études de faisabilité d’un missile tactique à guidage laser et une maquette a été réalisée en vue d’application de différents types.
Dans le domaine des équipements, les sociétés spécialisées ont, en 1972, continué à livrer les matériels de série correspondant aux programmes français et étrangers en cours et les études et développements ont été effectués en liaison étroite avec les avionneurs et les motoristes.
D’une manière générale, les plans de charge connaissent des révisions. Sans doute, une relève des programmes militaires par des activités civiles s’effectue, mais celle-ci est lente et sujette à des modifications qui pourraient intervenir dans les programmes envisagés.
Les firmes ont accentué leurs efforts dans le domaine de l’après-vente et ont entrepris une action soutenue auprès des compagnies aériennes mondiales qui s’est concrétisée par une plus large utilisation des équipements français.
Cette présence française à l’échelon mondial traduit une vocation internationale de l’industrie des équipements aérospatiaux français.
C’est ainsi que la profession s’est engagée dans la voie de la coopération avec les autres industries européennes pour assurer aux avionneurs la meilleure assistance possible dans le cadre des programmes proposés et une équitable répartition des charges financières et de travail.
De nombreux accords ont été conclus avec l’industrie allemande des équipements aéronautiques à l’occasion de la construction de l’Airbus et de l’Alpha Jet, avec les fabricants dans différents domaines (interprétation des normes de l’Air Transport Association of America ou ATA, approvisionnement initial Concorde, etc.) et aussi, avec les industries belge, italienne, espagnole, indienne. Diverses autres opérations sont en cours.
Les sociétés d’équipements ont, par ailleurs, poursuivi leurs efforts en vue d’un plus large accès de l’industrie française aux marchés internationaux et différentes actions ont été organisées.
Citons la participation aux Expositions de Buenos Aires, de Hanovre et de Turin ; la présentation de matériels en URSS et en Suède (Stockholm et Linköping). Des missions françaises se sont aussi rendues en Argentine, au Brésil, en Roumanie et en Inde.
Une mission polonaise a été accueillie en France. De plus, une étude de pénétration de marché a été réalisée sur le Japon en coopération avec le Centre français du commerce extérieur (CFCE), et le Bureau permanent des équipements français installé à Los Angeles (États-Unis) est entré dans sa phase de plein développement.
Rappelons que l’industrie française des équipements aéronautiques et spatiaux exporte déjà en moyenne plus de 37 % de ses fabrications.
À la coopération européenne se rattache l’action du Comité des équipements de l’Association internationale des constructeurs de matériel aérospatial (AICMA) qui s’est portée notamment sur l’étude de divers problèmes intéressant la profession en comparant la réglementation particulière à chaque pays et en confrontant les différents points de vue, dans un but de simplification et d’harmonisation.
En ce qui concerne plus particulièrement les conditions d’homologation des équipements, le groupe de travail intéressé a été scindé en deux : l’un s’occupant des conditions générales de réception, le second du problème TSO (Technical Standard Orders, certification).
Face à une concurrence étrangère traditionnelle mais dont l’agressivité s’est accentuée, l’industrie française des équipements aéronautiques et spatiaux entend poursuivre son développement et élargir ses débouchés.
Sur le plan intérieur, cela peut se traduire par des rapprochements entre sociétés, préludes à des alliances plus précises que les intéressés étudient avec toute l’attention que mérite une politique de restructuration visant à augmenter l’efficacité et la rentabilité d’une industrie dynamique sur un marché par ailleurs évolutif.
Sur le plan extérieur, la haute qualité de ses fabrications, la notion accrue de « service » qui la caractérise, la possibilité de répondre aux problèmes d’équipements et de systèmes pour la gamme entière des programmes, doivent assurer à la profession son maintien à un niveau très élevé.
Un concurrent pour l’Airbus : le DC-10 Twin
McDonnell Douglas étudie actuellement un avion biréacteur de grande capacité dont la dénomination est DC-10 Twin.
Cet appareil est directement dérivé du DC-10 trimoteur, duquel il reprend un grand nombre d’éléments. Les principales différences portent sur la suppression du moteur central, entraînant un nouveau dessin de dérive, et sur un raccourcissement du fuselage de 3 mètres de long en avant de l’aile. Les deux moteurs destinés à être montés sur cet appareil seront des réacteurs à double flux CF6-50C de 23 100 kg de poussée, moteurs identiques à ceux de l’Airbus A300B.
La fiche technique du DC-10 Twin donne les chiffres suivants : poids maximum au décollage 153 800 tonnes, nombre de sièges en version standard 239 (28 sièges en 1re classe et 211 en classe économique), longueur d’étape possible avec ce chargement : de l’ordre de 4 700 km. La charge marchande maximum serait de 36,5 t.
Comparé à l’Airbus A300B4, le DC-10 Twin apparaît très proche : moteurs identiques, poids maximum au décollage très voisin et charges marchandes en fret et passagers assez similaires sur les distances analogues.
McDonnell Douglas n’a pas encore pris de décision en ce qui concerne le lancement de ce programme. Il est vraisemblable qu’il le fera avant la fin du premier semestre 1973. Le constructeur semble attendre d’être certain d’avoir les possibilités de vente d’une cinquantaine d’appareils avant d’en lancer la production.
Dans la mesure où ce biréacteur américain devrait avoir 93 % d’éléments communs avec le triréacteur DC-10, série 10, 90 % d’éléments communs avec la série 30 et 76 % avec la série 40, la mise en production pourrait débuter très rapidement. C’est ainsi que, si le feu vert était donné avant juin 1973, l’assemblage du premier avion pourrait commencer en mai 1974, la sortie d’usine en février 1975, avec vol du prototype en mars, suivi du deuxième numéro en avril ou mai. La certification et la livraison du premier appareil pourraient intervenir en septembre 1975.
Le planning provisoire laisse entrevoir la livraison de 4 appareils aux compagnies aériennes avant la fin de l’année 1975, et de 21 au cours du premier semestre 1976.
Si ce calendrier était tenu, suite à une décision prise au plus tard en juin 1973, le DC-10 Twin devrait arriver sur le marché mondial, un an et demi après les premières livraisons de l’Airbus A300 version B2 prévues au printemps 1974, et un an après la version B4 qui doit sortir dans les tout premiers mois de l’année 1975.
Il est à peu près certain que le DC-10 Twin aura un prix de vente très voisin de celui de l’Airbus et qu’il risque de se présenter en concurrent direct de ce biréacteur à grande capacité court/moyen-courrier.
Le marché potentiel pour ce type d’appareil jusqu’à la fin de la prochaine décennie a été évalué à plus de 1 000 avions. Les spécialistes mondiaux estiment qu’il y a suffisamment de place pour deux constructeurs. Il faut constater qu’Airbus Industrie a surtout visé le marché européen, connaissant les difficultés d’implantation en Amérique et se doutant de l’arrivée d’un concurrent américain.
Si la décision de mise en construction du DC-10 Twin est prise cet été, il sera intéressant de connaître et de suivre l’attitude des grandes compagnies européennes face à ce concurrent d’outre-Atlantique. ♦
(1) Voir notre « Chronique aéronautique » dans le numéro de mai 1973, p. 171.