World Armaments and Disarmament
L’annuaire de l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (SIPRI) paraît pour la quatrième fois. Il est devenu un instrument de travail précieux et presque indispensable pour tous ceux – hommes politiques, diplomates, militaires, ingénieurs – qui sont, de près ou de loin, concernés par l’évolution des armements dans le monde. La valeur objective de la documentation exploitée par l’Institut de Stockholm, non seulement pour l’établissement de l’annuaire, mais aussi, en cours d’année, pour la publication de brochures et de périodiques sur des sujets particuliers, semble maintenant universellement reconnue, malgré les quelques réticences qu’auraient pu faire naître à l’origine les buts ouvertement pacifistes de l’Institut.
Puisqu’il s’agit en dernière analyse d’un excellent outil de travail, nous avons estimé qu’il pouvait être utile d’informer nos lecteurs de la contexture générale de l’ouvrage et des services qu’il est susceptible de rendre. Il nous a également paru intéressant de résumer à leur intention quelques-unes des conclusions les plus frappantes des deux derniers volumes qui portent les dates de 1972 et 1973 (1).
Contexture de l’annuaire
Bien que le plan suivi ne soit pas toujours le même d’une année sur l’autre, les différents sujets traités peuvent commodément être répartis entre trois principales rubriques.
Une première rubrique concerne les armements nucléaires stratégiques : progrès techniques réalisés, évolution de la course aux armements nucléaires et état des négociations engagées pour leur limitation, c’est-à-dire, essentiellement, les SALT (2).
Une deuxième rubrique est à base de tableaux, de graphiques et de schémas. C’est une mise à jour très complète de la situation des armements dans le monde : dépenses qui leur sont consacrées par les différents pays, efforts faits dans le domaine de la recherche et du développement, forces et bases militaires déployées outre-mer, commerce d’armes avec les pays du Tiers-Monde et production propre de ces pays, conséquences sociales et économiques, etc.
Enfin, on peut grouper sous une troisième rubrique toutes les questions concernant les contrôles multilatéraux des armements et le désarmement : accords négociés ou signés, mise en application de ces accords, chronologie des événements susceptibles d’avoir une répercussion sur le contrôle et le désarmement, etc.
Quelques conclusions
La course aux armements nucléaires et les SALT
Au début de 1960, il n’existait qu’un seul sous-marin à propulsion atomique dans le monde et il portait 16 missiles Polaris. Aujourd’hui, près de 100 sous-marins nucléaires portent environ 1 400 missiles, dont certains peuvent avoir jusqu’à 14 têtes nucléaires.
Le 26 mai 1972, les États-Unis et l’Union soviétique ont signé le premier accord de limitation des armes stratégiques : SALT I. Mais la course aux armements ne s’arrêtera pas pour autant. Le perfectionnement qualitatif des armes nucléaires n’est en aucune façon interdit et leur augmentation quantitative n’est que partiellement limitée. Ainsi, depuis la signature de cet accord, le nombre de têtes nucléaires placées sur des armes stratégiques opérationnelles est passé de 5 890 à environ 7 040 pour les États-Unis et de 2 170 à plus de 2 260 pour l’Union soviétique. Le nombre total de têtes nucléaires pourra atteindre 20 000 en 1977.
Il est intéressant de noter que la plupart des informations relatives à cette course aux armements stratégiques proviennent de satellites de reconnaissance. Sur les 1 268 satellites lancés par les États-Unis et l’Union soviétique depuis 1957, 47 % ont été des satellites de reconnaissance.
Les dépenses militaires
Le total des dépenses militaires dans le monde est resté stable au cours des derniers 18 mois, mais il se maintient au niveau très élevé qu’il avait atteint au cours des années 1965 à 1969 par suite de la guerre au Vietnam. Malgré la fin du conflit, aucun signe ne permet d’estimer qu’une diminution de ces dépenses pourrait intervenir dans les prochaines années.
10 % environ de ces dépenses, qui représentent elles-mêmes près de 6 % des ressources mondiales, sont consacrés à la recherche et au développement. Ceux-ci aboutissent à des systèmes d’armements de plus en plus sophistiqués et coûteux. Ce sont les pays industrialisés qui se placent en tête. Quatre d’entre eux – les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni et la France – sont responsables de 95 % des dépenses de cette nature. Il faut s’attendre à ce que le Japon et la République fédérale d’Allemagne (RFA) rejoignent, au cours de la prochaine décennie, ce peloton de tête. Les autres pays industrialisés tels que l’Australie, la Tchécoslovaquie, l’Italie et la Suède se préoccupent plutôt de produire des armes conventionnelles de sorte que les sommes qu’ils consacrent à la recherche sont beaucoup moins importantes.
Les armements dans le Tiers-Monde
Le nombre de pays du Tiers-Monde – ou du moins supposés appartenir au Tiers-Monde – producteurs d’armements augmente d’année en année et a atteint une trentaine en 1972. Ils réussissent à améliorer constamment leur technologie, ce qui permet à certains d’entre eux de produire des armes aussi complexes que des missiles guidés, des avions supersoniques et l’avionique correspondante. C’est souvent à la suite d’un embargo sur tel ou tel type d’armements que ces pays ont eu recours à leur propre production. Ainsi de la Chine, de l’Inde, d’Israël et de l’Afrique du Sud, par exemple.
Cette indépendance par rapport aux fournisseurs extérieurs est cependant difficile à acquérir, de sorte que le commerce mondial des armes continue à s’accroître en volume d’environ 10 % par an. Un certain ralentissement est toutefois perceptible depuis 1971, en particulier pour ce qui concerne les fournitures à l’Extrême-Orient, à l’Asie du Sud et au Moyen-Orient.
Quoi qu’il en soit, on constate que 35 parmi les pays dits du Tiers-Monde possèdent actuellement des avions de combat supersoniques ou transsoniques.
Vulgarisation de la technologie nucléaire
Ce phénomène tient essentiellement au fait que les centrales nucléaires se révèlent comme le procédé le moins onéreux de production d’électricité. En 1971, 16 pays possédaient 128 réacteurs nucléaires opérationnels, d’une capacité globale de 35 000 mégawatts ; en 1977, 32 pays posséderont 325 réacteurs d’une capacité de 174 000 MW. Vers 1980, cette capacité excédera sans doute 350 000 MW. Le plutonium est un sous-produit des réacteurs : 13 tonnes ont été disponibles en 1972, il y en aura 65 en 1977 et 130 en 1980. À cette date 1/3 environ de ce plutonium appartiendra à des pays ne possédant pas d’armes nucléaires aujourd’hui. En supposant qu’ils en acquièrent la technologie, ceci devrait leur permettre de produire, par semaine, une centaine de têtes nucléaires de la puissance de celle de Hiroshima.
Ces quelques rapides exemples, choisis parmi la masse des données contenues dans ces deux volumes de quelque 500 pages chacun, disent assez la richesse de la documentation ainsi mise à notre disposition. ♦
(1) Parutions au mois de juin de chaque année.
(2) Entretiens sur la limitation des armes stratégiques.