Maritime - Marines du Proche-Orient : Iran ; Irak ; Arabie saoudite ; République arabe yéménite ; République démocratique du Yémen ; Émirats ; Somalie
En raison de ses ressources pétrolières et de sa situation géographique, le Proche-Orient occupe sur l’échiquier international une situation stratégique tout à fait exceptionnelle. Aussi nous a-t-il paru intéressant dans cette chronique de faire le point sur le potentiel aéronaval des pays riverains du golfe Persique, de la péninsule arabique et de la corne orientale d’Afrique. Sauf en ce qui concerne l’Iran qui, sous l’impulsion du Shah, prétend à des ambitions maritimes, l’importance des marines de ces pays est comme on le verra des plus modestes.
Iran
État le plus puissant du golfe Persique et le plus riche en pétrole, l’Iran a profité du désengagement des Britanniques à l’est de Suez pour asseoir sa suprématie maritime dans cette région, suprématie qu’il entend conserver pour contenir d’une part les visées arabes régionales et d’autre part éviter qu’un vide ne s’y crée, qui serait vite comblé par une grande puissance. C’est pourquoi le 30 novembre 1971, l’Iran a pris possession des îlots qui commandent le détroit d’Ormuz et donc l’entrée et la sortie du Golfe, opération que n’ont guère appréciée les autres pays riverains du Golfe. Mais l’Iran, semble-t-il, n’a pas seulement l’ambition de dominer le Golfe mais aussi, à partir de la mer d’Oman, d’étendre son influence maritime sur une partie de l’océan Indien, influence que pourrait faciliter une entente avec le Pakistan.
L’Iran possède 2 300 km de côtes dont 1 800 sur le Golfe et la mer d’Oman et 500 sur la mer Caspienne. Appartenant au bloc occidental par son adhésion au CENTO (Central Treaty Organization), il entretient cependant d’excellentes relations sur le plan économique et technique avec l’URSS. Sur le plan militaire, le Shah Mohammad Reza Pahlavi est le Commandant suprême des Forces armées. Il est secondé dans cette tâche par un État-major combiné qui coiffe les États-majors des trois armées. À la tête de la marine se trouve l’amiral commandant en chef dont l’État-major est installé à Téhéran. Il a sous ses ordres :
– le commandant de la Flotte impériale iranienne.
– les fusiliers marins et nageurs de combat,
– quatre régions maritimes :
• Région maritime du Nord (1re) dont le QG est à Rasht et qui couvre les côtes de la Caspienne ;
• Région maritime Ouest du golfe Persique (2e) dont la compétence s’étend sur le Chou el Arab et la bande côtière s’étendant de la frontière irakienne à la limite Est du Khonzistan ; QG à Khorramshar ;
• Région maritime centrale en golfe Persique (3e) ; PC à Bushire ;
• Région maritime orientale du golfe Persique et de la mer d’Oman (4e) ; QG à Bandar Abbas. Sa juridiction s’étend jusqu’à la frontière avec le Pakistan. Bandar Abbas est une nouvelle base en cours de développement où doit s’installer, si ce n’est déjà fait, le Commandement de la Flotte.
À base essentiellement de navires d’origine britannique et américaine, la Flotte se compose actuellement de :
– 1 destroyer de 3 360 tpc ex-britannique datant de 1946 transféré en 1967. Modernisé profondément, il représente un bon instrument de combat ;
– 2 destroyers américains de 3 320 tpc en instance de cession ;
– 4 escorteurs rapides de 1 350 t très modernes commandés en Grande-Bretagne et livrés en 1971-1972 ;
– 4 escorteurs de 1 135 tpc construits aux États-Unis entre 1963 et 1968 ;
– 7 patrouilleurs récents de construction américaine ;
– 6 dragueurs ;
– 4 petits bâtiments de débarquement ;
– 12 aéroglisseurs de construction anglaise ;
– une demi-douzaine de bâtiments auxiliaires ou logistiques dont 2 petits pétroliers.
L’aéronautique navale est forte de deux escadrilles d’hélicoptères Agusta-Bell AB 205 et 206 achetés en Italie et d’une flottille de 6 hélicoptères Sikorsky SH-3D Sea King anti-sous-marin (ASM) acquis en Grande-Bretagne. 6 patrouilleurs ASM du type Lockheed P-3 F Orion ont été commandés aux États-Unis. Le premier sera livré en juillet 1974.
Au cours des prochaines années la flotte va s’enrichir, en plus des avions P-3F, de 4 navires amphibies et 10 aéroglisseurs commandés en Grande-Bretagne, ainsi que de quelques vedettes et d’un bâtiment de soutien logistique en construction en Allemagne.
Pour ce qui concerne un avenir plus lointain, le Shah a récemment déclaré qu’il entendait d’ici à 1980 multiplier par dix le potentiel de sa marine et notamment la doter de sous-marins. Sans prendre au pied de la lettre cette déclaration, il est incontestable que les acquisitions récentes de bâtiments modernes et les travaux en cours à Bandar Abbas et Chabbanar (golfe Persique) sont l’indice d’une volonté délibérée de donner à la marine iranienne une grande importance dans le potentiel de défense du pays. Il apparaît toutefois qu’elle ne pourra atteindre son plein développement que lorsque la connaissance du matériel moderne actuel aura été complètement assimilée ce qui implique évidemment une politique de personnel adaptée : l’effort au cours des prochaines années sera donc axé sur l’instruction et la formation du personnel. La manière dont ont été conduites les opérations dans le détroit d’Ormuz montre que la marine iranienne a d’ores et déjà acquis une maîtrise certaine dans les opérations combinées de faible importance. Son personnel se monte à environ 13 000 hommes. Les officiers sont formés soit aux États-Unis, soit en Grande-Bretagne ou dans d’autres pays, ce qui nuit à leur homogénéité. Le corps des officiers mariniers, peu nombreux, s’adapte encore avec difficulté aux techniques de pointe. Les équipages sont formés d’engagés volontaires et de recrutés, ces derniers effectuant deux ans de service. Les écoles de spécialité ont été groupées à Bandar Pahlavi sur la Caspienne. Les fusiliers marins, soit 1 800 h environ, viennent pour la plupart de l’Armée de terre ; ils assurent la police des bases et n’embarquent jamais.
Irak
Jusqu’en 1958, date où la royauté fut renversée par un coup d’État militaire, l’Irak ne disposait que d’une petite force fluviale chargée de missions de sécurité sur l’Euphrate, le Tigre et leur cours commun le Chotl el Arab. Après la révolution de 1958, le gouvernement irakien décida de se doter d’une marine chargée de défendre ses côtes et de jouer un rôle indépendant dans les affaires du Golfe Persique.
Rattachée à l’origine directement à l’État-major de l’armée de terre, la marine est maintenant une force organiquement autonome. Elle est, comme l’ensemble des forces armées irakiennes, soumise au contrôle étroit du parti Baas.
La Flotte iraquienne ne se compose que de petits bâtiments :
– 4 vedettes lance-missiles type OSA (4 Styx) ;
– 3 vedettes lance-missiles type « Komar » (2 Styx) ;
– 20 patrouilleurs divers ;
– 12 vedettes lance-torpilles ;
– 2 dragueurs.
Tous ces bâtiments ont été livrés par l’URSS au cours des douze dernières années.
Bassorah sur le Chott el Arab, qui dispose d’un petit arsenal, est le port principal de la Flotte ; El Fao et Um Qasr sont plus proches de la mer. Um Qasr est appelé à devenir la future base de la Flotte ; les Soviétiques y ont réalisé un port tout à fait moderne.
Les effectifs actuels sont de l’ordre de 3 000 h dont un peu moins de 300 officiers. Des coopérants soviétiques participent à la formation de ce personnel qui, du fait de la constitution récente de la marine, manque encore de qualification.
Arabie saoudite
Créées en 1960, les forces navales saoudites sont scindées en deux organismes distincts : la marine et les garde-côtes qui dépendent organiquement de deux tutelles différentes : le ministre de la Défense pour la première, celui de l’Intérieur pour les seconds. Une coopération de la marine et des gardes-côtes est prévue en temps de guerre.
Un accord naval concernant le renforcement et le développement de la marine royale saoudite a été signé en 1972 avec les États-Unis. Il prévoit l’acquisition en dix ans de 19 bâtiments dont 6 patrouilleurs rapides, 2 patrouilleurs, 4 dragueurs, 4 engins de débarquement et 3 navires-écoles, mais pour l’instant la flotte ne comprend que 3 vedettes lance-torpilles de 170 t achetées en 1969 en Allemagne, 1 petit patrouilleur et 8 aéroglisseurs.
Le potentiel des gardes-côtes se monte à une trentaine de vedettes et embarcations diverses. Le personnel s’élève à 750 h dont 350 pour les gardes-côtes.
Les vedettes et les aéroglisseurs sont basés à Dahran, en face de Bahrein. Seuls, quelques gardes-côtes sont déployés en mer Rouge. La création de deux nouvelles bases est envisagée : l’une orientale à Al Jubayl sur le golfe Persique, l’autre à Djeddah en mer Rouge.
République arabe yéménite
Basée à Hodeida en mer Rouge, la minuscule marine nord-yéménite se composerait de 4 petits patrouilleurs, 4 vedettes théoriquement lance-torpilles et 2 petits engins amphibies d’origine soviétique.
République démocratique populaire du Yémen
Créées au lendemain de l’évacuation d’Aden par les Britanniques, les forces navales sud-yéménites sont à peine supérieures à celles de leur rivale du Nord puisque leur potentiel ne se monte qu’à 2 patrouilleurs, 2 vedettes lance-torpilles, 6 petits engins de débarquement cédés par l’URSS, 3 dragueurs d’estuaire ex-britanniques et une quinzaine de vedettes de surveillance côtière.
Émirats
Le Koweït dispose de 10 petits gardes-côtes de construction très récente achetés en Grande-Bretagne. Huit autres sont en construction à Singapour.
La Defence Force Sea Wing de l’État d’Abu Dhabi a pour mission la surveillance des côtes, îles et possessions pétrolières offshore de l’émirat. Elle est chargée également de missions hydrographiques et pour cela dispose d’une douzaine de petits patrouilleurs et vedettes de construction d’ailleurs récente.
Somalie
La marine somalienne a été créée officiellement en janvier 1965 lorsqu’elle reçut 2 vedettes gardes-côtes cédées par l’URSS. Depuis lors, 4 autres gardes-côtes et 12 vedettes lance-torpilles ont été cédées par ce pays. Ces petits bâtiments sont basés à Mogadiscio, capitale et principal port maintenant de la Somalie.
Le personnel, soit 400 h environ, est formé à bord même des bâtiments par des instructeurs appartenant à la mission militaire soviétique. La valeur de ce personnel qui a tout à apprendre, est de ce fait assez faible. ♦