Défense en France - Les débats parlementaires et l'examen du budget des armées pour 1974 - Bilan 1974 du troisième plan militaire - La commission de terminologie du ministère des Armées - Le colloque international sur la perception nouvelle des menaces - Attribution du prix Vauban au général Beaufre - L'Institut des hautes études de défense nationale en Sicile et en Tunisie
Les débats parlementaires et l’examen du budget des Armées pour 1974
Absents, ou à peu près, des préoccupations de la campagne électorale du début de l’année [NDLR 2023 : les élections législatives ont lieu les 4 et 11 mars 1973], les problèmes de défense sont venus depuis, à maintes reprises, au premier plan de l’actualité : aménagement de la loi sur le Service national à la suite des manifestations contre la suppression des sursis, controverse entre l’Armée et l’Église, mise en question des expérimentations nucléaires, grandes conférences internationales mettant en jeu la sécurité en Europe et la limitation des armements [CSCE, MBFR], coup d’État militaire au Chili (11 septembre 1973), guerre du Proche-Orient [Kippour], rarement en l’espace de six mois on n’a connu une telle densité d’événements de nature à rappeler aux Français que le monde d’aujourd’hui n’était pas près de connaître la paix, et qu’en tout cas on ne pouvait espérer l’acheter à bas prix et de façon définitive.
En raison de ce contexte tant national qu’international, la séance du 8 novembre 1973 de l’Assemblée nationale consacrée à l’examen des dépenses militaires inscrites à la loi de finances pour 1974 revêtait une particulière importance, d’autant que le ministre des Armées, M. Robert Galley, avait promis le 12 juin l’engagement d’un débat au fond sur le problème du Service national et sur celui de la défense dont il dépend étroitement. Aussi les parlementaires ont-ils été unanimes à déplorer que le temps officiellement imparti ne permit pas de traiter à la fois le budget et les questions de fond. Alors que les débats sur le budget de l’Agriculture venaient de durer vingt-cinq heures, il n’en était prévu que six pour celui de la Défense nationale. Il y a lieu de souligner à ce propos que la répartition du temps consacré aux débats n’est pas de la compétence du gouvernement mais de la conférence des présidents de l’Assemblée. M. Robert Galley, tout en regrettant autant que les députés la brièveté du temps alloué à l’examen de son budget, a d’emblée affirmé qu’il s’était préparé à aborder les problèmes de fond. Les développements importants qu’il a consacrés, dans son exposé, à la politique de défense de la France, au Service national et à la condition des cadres militaires en témoignent en effet.
La IIIe loi de programme sur les équipements militaires ayant défini les objectifs à atteindre au cours de la période 1971-1975 et fixé les montants des Autorisations de programme (AP) et des Crédits de paiement (CP) pour chacune des cinq années correspondantes, l’examen du titre V (équipement) ne devait donner lieu à aucune divergence majeure. Il ne devait pas en être de même du titre III, relatif aux dépenses de fonctionnement, dans lesquelles les rémunérations des personnels militaires entrent pour une part importante. On considérait comme un optimum dans les années 1960 de partager également les dépenses entre ces deux titres. Depuis quelques années, la part relative au titre III n’a cessé de croître. De 52,9 % en 1973, elle passe à 53,3 % en 1974 sans pour autant que l’exécution de la politique d’équipement ne soit compromise. Cet accroissement est conforme à l’évolution que l’on constate également à l’étranger et qui répond à la nécessité générale d’améliorer la condition des personnels militaires. L’effort fait à cet égard par le gouvernement a néanmoins été jugé insuffisant par les députés qui, en Commission de défense nationale et des forces armées, avaient adopté à l’unanimité moins une voix les conclusions du rapporteur pour avis, M. Jan-Paul Mourot, tendant à repousser les crédits du titre III tels qu’ils étaient présentés, Ils ne revinrent sur ce refus qu’au dernier moment, à la suite de l’engagement personnel pris par M. Robert Galley, d’introduire dans le budget de 1975 les mesures demandées par la quasi-totalité des rapporteurs et qui avaient dû être écartées par les arbitrages.
Rapporteur spécial au nom de la Commission des finances, M. Joël Le Theule reconnaît d’abord que le ministre a accordé aux membres de la Commission toutes facilités pour s’informer, même dans les domaines les plus délicats comme ceux de l’atome ou des vecteurs. Il tire ensuite les enseignements de la récente guerre du Proche-Orient qui révèle combien la guerre moderne est consommatrice de matériels et quel rôle considérable joue la défense antiaérienne. Il n’est pas question pour nos forces nationales de rechercher une parité avec celles auxquelles nous pourrions être confrontés. Le développement et la diversification de notre force de dissuasion s’imposent en priorité. L’orateur constate un léger décrochement dans l’effort consacré par la France à sa défense en 1974 : 17,03 % du budget au lieu de 17,33 % les années précédentes. Avec 3,1 % du Produit national brut (PNB) – pourcentage que ni le Gouvernement, ni le Parlement, ni l’opinion publique ne souhaitent augmenter – M. Joël Le Theule doute qu’il soit possible de continuer à mener tout à la fois l’effort appliqué à la force nucléaire et le maintien à niveau des forces de manœuvre, d’intervention et de défense opérationnelle du territoire. Compte tenu de l’évolution prévisible de l’armement nucléaire (charges kilotonniques et sub-kilotonniques, vecteurs à têtes décuplés), une modulation des priorités et une transformation des structures de nos armées ne s’imposent-elles pas ?
Le rapporteur exprime ensuite son inquiétude devant la dégradation des conditions de la fonction militaire et craint que les mesures catégorielles préconisées ne suffisent pas à l’enrayer et n’apparaissent décevantes. Pour ne prendre qu’un exemple, un capitaine de 28 ans, sortant de Saint-Cyr, marié, père de deux enfants, vivant en région parisienne, recevra seulement une majoration de solde mensuelle de 41 francs.
Le député fait également part des préoccupations de sa Commission quant à la situation de notre industrie aérospatiale. Il craint qu’en nous tenant à l’écart de l’Eurogroupe nous ne soyons progressivement évincés du marché des matériels aéronautiques et d’armement.
Pour M. Jacques Cressard, rapporteur spécial de la Commission des finances pour le titre III, le désintérêt de la nation vis-à-vis des problèmes de son armée est inquiétant. Il faut certes répondre aux attaques les plus violentes et les plus injustes, mais aussi donner à notre armée le moyen d’exercer pleinement sa mission. Or, les problèmes de la crise du recrutement sont particulièrement sensibles chez les sous-officiers dont le déficit s’accroît non plus seulement quantitativement mais aussi qualitativement, ce qui est particulièrement grave dans les emplois de spécialistes et de techniciens hautement qualifiés. Suivant les statistiques, 40 % des sous-officiers de l’Armée de terre, 25 % de ceux de l’Armée de l’air et 65 % de ceux de la Marine ne renouvellent pas leur premier contrat et quittent par conséquent le service à un moment où ils deviennent vraiment opérationnels.
« La paix, dit M. Jacques Cressard, ne sera jamais défendue par les contestataires de tous poils, mais, comme elle l’a toujours été, par une armée en symbiose avec la nation, ayant conscience d’être une certaine projection de notre jeunesse, de nos techniques et surtout de notre attachement à la République. Ceci pose le problème du Service national. » Or, si l’orateur note dans le budget un effort pour une participation accrue des appelés aux responsabilités (création de nouveaux postes d’aspirants et de sergents), il n’en déplore pas moins le caractère « dérisoire » du prêt qui passera à 2 F en juillet 1974 alors qu’il est actuellement de 7,30 F en Allemagne, de 8,25 F en Belgique et de 18 F en Hollande [Pays-Bas], de même qu’il constate que les conditions de logement de la troupe laissent le plus souvent à désirer. M. Max Lejeune, rapporteur pour avis de la Commission de défense nationale, aura l’occasion de faire la même remarque à propos de certains logements de la gendarmerie, vétustes et dépourvus du confort minimum.
M. J. Cressard conclut : « Il faut veiller à ce que l’armée soit respectée par la nation. Elle le sera si nous garantissons aux militaires des conditions de vie et de travail qui soient dignes de leurs responsabilités ».
M. J.-P. Mourot, rapporteur pour avis pour le titre III au nom de la Commission de défense nationale, abonde dans ce sens : « On peut certes obliger un jeune à effectuer un an de Service national ; en revanche on n’obligera jamais quiconque à s’engager ou à se réengager pour une raison fort simple : il n’est plus possible de demander à des militaires de carrière de contribuer à la protection, donc au maintien du niveau de vie de l’ensemble de la population, alors qu’ils ne bénéficient pas, ni leur famille, de ce même niveau de vie. La situation est grave et mérite toute notre attention ».
M. Pierre Noal, rapporteur pour avis pour les crédits forces terrestres de la Commission de défense nationale, situe d’abord leur importance et leur structure : 10 275 225 901 francs, soit 27 % du budget général de la défense, et sur ce total 6 125 225 901 F pour le titre III. Ainsi, cette armée, qui reçoit les trois quarts du contingent, a droit à moins d’un tiers des dépenses. Des « jeunes troublés, non motivés, qu’aucune formation physique convenable n’a préparés, l’armée doit les former en un an ». Aussi le député se dit-il opposé à une diminution de la durée du service militaire : « Un an ce n’est pas trop si l’on veut, et nous le voulons, que les jeunes Français participent réellement, dans des conditions efficaces, à la mise en œuvre opérationnelle des matériels techniques dont la nation se munit. Et voilà pourquoi nous demandons à la nation de doter ses armées de crédits de fonctionnement permettant de fournir aux appelés des cadres qui, sans surmenage anormal, et à terme impossible, soient en mesure d’être de véritables enseignants de l’art de la guerre et de fournir aux jeunes appelés les moyens d’être, pendant un an, les véritables défenseurs de leur nation et non des ouvriers non payés qui entretiennent les biens des armées ».
En ce qui concerne les matériels terrestres, M. Pierre Noal attire l’attention, comme le feront les rapporteurs des autres armées, sur les problèmes de défense antiaérienne que la guerre du Proche-Orient a remis en lumière. Les armées ont, dans un premier temps, opté pour la version temps clair de l’engin air-sol Roland. Il espère que cette décision sera révisée en faveur de l’achat du Roland tous temps.
Pour M. Jean-Jacques Beucler, rapporteur pour avis de la Commission de défense nationale pour la section air, qui ne méconnaît pas les contraintes qui pèsent sur le budget air, l’avenir de cette armée ne se profile pas sans quelques nuages à l’horizon : équilibre financier incertain que l’inflation risque de remettre en question, limitation des programmes actuels ; après l’Alphajet et l’Avion de combat futur ou ACF [NDLR 2023 : futur Dassault Rafale] – dont la construction du prototype vient seulement d’être décidée – rien n’est prévu au-delà de 1980 : les programmes en cours permettent tout juste le remplacement nombre pour nombre des avions encore en service mais périmés ou à bout de souffle ; l’effort de défense antiaérienne sol-air, limité au seul programme à courte portée (Crotale), est insuffisant. Mais, pour l’orateur, comme pour celui qui lui succède à la tribune, M. Roger Crespin, rapporteur pour avis de la Commission de défense nationale pour les crédits marine, le point faible reste le titre III, d’autant plus que pour l’une et l’autre de ces deux armées, le recrutement et la formation de spécialistes de haute qualité sont vitaux.
M. André Voilquin, président de la Commission de la défense nationale, fait le bilan et la synthèse des divers rapports présentés par sa commission. « Cette année, dit-il, l’exécution de la loi de programme ne pose pas de difficultés particulières. Il n’en sera peut-être pas de même l’an prochain. Certes, les AP du présent budget correspondent à la loi de programme révisée. Si donc nous voulons réaliser le contenu physique de la loi de programme, il faudra que l’an prochain les crédits de paiement du budget marquent une nette augmentation ».
Mais selon M. Voilquin, qui insiste sur la nécessaire augmentation du titre III « rien ne servirait de posséder des matériels ultra-modernes si nos personnels n’avaient la capacité et la volonté de s’en servir… Nous voulons, l’an prochain, que le respect de l’échéancier du contenu physique de la loi de programme s’accompagne de la parité du niveau de vie des personnels militaires et agents de l’État, tout en tenant compte des sujétions propres aux militaires ». Et l’orateur de conclure par une citation de Lénine : « L’histoire enseigne que les gouvernements qui n’attachent pas une importance primordiale aux questions militaires conduisent leur pays à leur propre perte ».
La parole est alors donnée à M. Robert Galley, ministre des Armées, qui va non seulement apporter les réponses aux questions qui lui ont été posées par les rapporteurs mais situer la discussion budgétaire dans le cadre du débat plus général sur la défense dont il a admis le principe.
L’élaboration de ce budget, dit le ministre, répond à quatre préoccupations :
– Mettre un terme à la déflation des effectifs. L’assurance est donnée qu’elle ne sera pas reprise.
– Amplifier l’effort déjà amorcé les années précédentes d’amélioration de la condition des personnels militaires d’active. Outre les mesures catégorielles générales intervenues en faveur de l’ensemble de la fonction publique, des mesures catégorielles spécifiques aux Armées ont pu être adoptées pour un montant de 183 MF : revalorisation de 14.8 % de l’indemnité pour charges militaires : création d’une prime de technicité de 10 % de la solde de base pour certains sous-officiers particulièrement qualifiés de la marine et de l’air et augmentation du pourcentage des sous-officiers de ces deux armées admis à l’échelle IV : création d’une indemnisation pour repas de service pour les officiers, sous-officiers et caporaux-chefs de l’Armée de terre : accroissement du taux de majoration de solde pour service à la mer (12,5 %) ; amélioration substantielle du régime d’habillement du personnel d’active non-officier de la gendarmerie.
– Assurer l’exécution de la 3e loi de programme. L’annuité prévue pour 1974 a été portée à 22 milliards de francs, en augmentation de 11 % par rapport aux prévisions de la loi votée en novembre 1970. Ce montant, réparti à peu près en trois tiers, sera consacré :
1) au développement continu des forces nucléaires stratégiques et tactiques (mise en service en 1974 du 3e Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), Le Foudroyant, et de la première unité opérationnelle de Pluton) ;
2) à la modernisation des forces conventionnelles (commande de 40 Sepecat Jaguar et livraison de 30 dont les marchés ont été passés antérieurement ; commande d’une corvette C70, de trois avisos et d’une première tranche de Super-Étendard ; Roland ; AMX-10 et Véhicules blindés de l’avant ou VAB) ;
3) aux études, à l’infrastructure et à la modernisation des casernements.
– Améliorer les conditions d’exécution du Service national : relèvement du prêt, augmentation importante de la masse d’entretien des personnels de l’Armée de terre : transformation de 1 185 emplois d’hommes du rang en emplois de sergents ou d’aspirants ; majoration des crédits du titre III pour accroître le nombre des séjours au camp et sorties hors garnison.
Avant que de traiter du Service national au fond, le ministre rappelle les lignes directrices de la politique de défense. Sa conception, basée sur la dissuasion, est un choix politique qui convient particulièrement bien à la volonté pacifique affirmée par la France. À cela, deux raisons, dit le ministre :
« La première est qu’elle est défensive dans son objectif même. J’insiste sur la différence, si mal perçue, entre les deux conceptions possibles de l’usage des armes nucléaires : une conception coercitive qui est, ou peut-être, aujourd’hui celle des deux Grands et une conception strictement dissuasive qui est la nôtre. Dans la première conception, les armes nucléaires en nombre considérable peuvent être employées en permanence pour faire pression sur les pays démunis de moyens atomiques et sont, par conséquent, l’instrument d’une politique de puissance. Dans la seconde, c’est-à-dire la conception dissuasive, l’existence des armes nucléaires ne se justifie que par rapport aux détenteurs de l’atome de coercition. La force de dissuasion a précisément pour but de neutraliser leur pouvoir excessif. Ce raisonnement me paraît encore renforcé par le fait que, en cas d’utilisation, seuls tes deux Grands pourraient exploiter leur succès nucléaire en le faisant suivre d’une occupation effective, éventualité qui, à l’évidence, n’a aucun sens en ce qui nous concerne.
La seconde raison pour laquelle la stratégie dissuasive convient à nos ambitions pacifiques, c’est que, pour la première fois dans l’histoire, elle rend possible une politique défensive. La France en 1914, l’Amérique en 1941 l’ont compris à leurs dépens, et des événements tout récents le confirment ; dans les guerres conventionnelles, l’avantage appartient toujours à l’assaillant, au moins dans le premier temps, surtout lorsqu’il peut bénéficier de l’effet de surprise. Ce dont aucune défensive de type classique n’est capable – garantir durablement la paix – la dissuasion, en revanche, le peut : par la crainte qu’elle fait peser sur l’agresseur éventuel, elle est de nature à décourager effectivement l’agression.
Si la dissuasion nucléaire garantit la paix, elle est aussi l’instrument nécessaire d’une politique fondée sur la volonté d’indépendance nationale. Elle nous confère en effet un poids politique propre très supérieur à celui qui devrait résulter normalement de la simple comparaison de nos ressources démographiques et économiques avec celles des plus grandes puissances. Elle accroît substantiellement notre capacité de définir librement nos options de politique étrangère et de choisir, en toute indépendance, les voies de notre destin national. Elle nous donne, si nécessaire, les moyens de décourager à l’avance les pressions politiques et militaires venues de l’extérieur et, par là même, intolérables.
Paix et indépendance : la dissuasion est la seule stratégie qui corresponde ainsi aux ambitions raisonnables de notre politique étrangère. Elle est aussi, par son caractère exclusivement défensif – et je suis désolé de devoir faire quelque peine à certains – la stratégie qui correspond le mieux à la politique militaire dont a toujours rêvé la gauche française.
Contrairement à ce qui a si souvent été affirmé, cette stratégie est aussi la seule qui soit véritablement adaptée à nos moyens. Je comprends assez bien qu’on ait pu à l’origine s’interroger sur la capacité de notre pays de réaliser dans ce domaine une force nucléaire dont seuls les États-Unis et l’Union soviétique avaient pu se doter d’une façon autonome. Je comprends aussi qu’on ait pu craindre que la réalisation d’un tel projet ne détourne des fins directement productrices une partie notable de notre potentiel d’innovations et d’investissements.
Je suis en revanche déconcerté – je l’avoue – lorsqu’aujourd’hui encore je vois certains, parfois les mêmes, soutenir ces idées qui ne résistent ni au raisonnement, ni aux faits.
Le raisonnement est simple. De toute évidence, pour être efficace, notre force nucléaire stratégique n’a nul besoin d’égaler la puissance des systèmes nucléaires possédés par les plus grands. Il suffit que sa capacité de destruction décourage toute agression parce que l’adversaire payerait un prix hors proportion avec l’enjeu. Les exemples abondent – et notre époque est à cet égard plus riche que beaucoup d’autres – de victoires dues non pas à la supériorité des forces militaires du vainqueur mais à l’emploi d’une stratégie et de moyens différents de ceux d’un adversaire plus puissant.
Contrairement à ce qu’on avait pu craindre avant 1950, la force nucléaire n’est pas l’instrument de la puissance des grands. Utilisée dans le cadre d’une stratégie dissuasive, elle est par excellence l’arme du plus faible contre le plus fort. »
Le ministre indique ensuite l’état d’avancement de la force nucléaire, du corps de bataille, de la force d’intervention extérieure. Parlant des forces de Défense opérationnelle du territoire (DOT), il en rappelle les trois missions en cas de crise extérieure : sauvegarder les cellules de décision, de transmission des ordres et l’outil même de la force nucléaire stratégique ; maintenir les structures de commandement, préserver la bonne marche de l’appareil de production et des services publics, protéger les populations contre les conséquences de la guerre moderne ; empêcher, sur l’ensemble du territoire national, un envahisseur éventuel de profiter de sa victoire, suscitant contre lui une résistance populaire qui rendrait l’occupation très coûteuse et difficile.
« On cherche périodiquement, dit M. Robert Galley, à créer une confusion entre le mode d’action des forces de défense opérationnelle du territoire et l’objet de leur action. Effectivement, la DOT intervient normalement à l’intérieur de nos frontières contre un adversaire qui, par situation même, ne peut exercer son effort que sur l’intérieur du territoire : mais la défense opérationnelle du territoire, non plus d’ailleurs que l’armée en général, n’intervient dans les affaires internes du pays ».
Le ministre en vient alors au problème du Service national. Il fait état des solutions diverses récemment suggérées par certains : suppression pure et simple de la conscription, raccourcissement de la durée du service, service différencié, service civique. Étudiées avec le plus grand soin, elles se sont révélées inacceptables :
« La suppression de la conscription conduirait inévitablement à l’armée de métier. Elle a ses partisans et, je dois le dire, quelques avocats dans les rangs mêmes de l’armée, ainsi que M. Noal l’a pertinemment souligné.
En faveur de cette formule, on fait valoir que l’armée nécessaire à la mise en œuvre de la force nucléaire n’aurait besoin que de spécialistes hautement qualifiés, soutenus par des unités d’élite peu nombreuses, les uns et les autres étant immédiatement disponibles. En revanche, la conscription nécessaire à la constitution d’une armée aux effectifs importants, par le mécanisme de la création de réserves mobilisées en cas de crise, n’aurait plus sa raison d’être dans la perspective de la guerre moderne.
Je récuse totalement cette thèse, et voici pourquoi.
Notre concept de dissuasion requiert, certes, des forces classiques moins importantes que naguère et trop peu nombreuses pour justifier une mobilisation générale, mais ces forces réclament en fait des effectifs beaucoup trop importants pour se contenter d’engagés.
Faut-il rappeler qu’à l’heure actuelle, la Marine compte 22 % d’appelés, l’Armée de l’air 30 % et que, dans les forces de manœuvre terrestres, l’effectif est composé de 80 % d’appelés ?
Nous avons calculé que, pour constituer une armée d’engagés ayant une capacité équivalente à l’armée actuelle, il faudrait, en régime de croisière, recruter chaque année près de 80 000 engagés, soit un sur quatre des jeunes physiquement aptes au Service national actuel. Comment peut-on espérer un tel volume d’engagements dans le contexte actuel du marché du travail français ? Il suffit, pour se convaincre d’une telle impossibilité, de citer un seul chiffre : en 1972, le nombre des engagés enregistrés a été de 20 000.
Si nous n’arrivons pas à pourvoir les postes dont nous disposons, c’est, dit-on, en raison de la faiblesse des rémunérations proposées. Je crois qu’à l’heure actuelle il ne suffit pas de payer pour recruter, l’exemple de la Grande-Bretagne est là pour prouver le contraire. Faute de recrutement, les armées britanniques ont vu, entre 1965 et 1973, leurs effectifs diminuer de 50 000 hommes, soit plus de 10 %. En toute hypothèse, la dépense budgétaire correspondant à une armée de métier de cette importance serait, et vous le savez, difficilement acceptée par le pays.
Mais les critiques les plus graves auxquelles donne lieu l’armée de métier tiennent à sa composition même. Je ne crois pas trop pour ma part au danger que constituerait dans un pays comme la France, une armée de métier, en ce qui touche le libre fonctionnement des institutions démocratiques. Mais il est des gens de bonne foi que cette éventualité a toujours inquiétés. Ce qui m’apparaît personnellement beaucoup plus important, c’est qu’une armée n’a de sens que si elle représente authentiquement la communauté qu’elle a la charge de défendre.
Dans le contexte dissuasif, cela est plus vrai que jamais. Dans un pays démocratique et libéral comme le nôtre, ou toutes les tendances politiques peuvent jouer librement, il est en outre indispensable, et c’est une idée dont Jaurès avait eu, dans l’Armée Nouvelle, la vive intuition, que l’armée soit en équilibre avec la nation. Certes, d’autres pays démocratiques qui n’ont pas les mêmes traditions que le nôtre ont à nouveau renoncé à l’armée de conscription. Je veux espérer pour eux qu’ils ne seront pas contraints, comme ils l’ont été plusieurs fois dans le passé récent, à revenir au système de la conscription.
Une autre solution vise à limiter à six mois la durée du service. C’est d’ailleurs celle du programme commun de la gauche.
Le principe de la conscription et certains des avantages qui en découlent seraient saufs dans ce système. Celui-ci présenterait en outre, nous dit-on, l’avantage d’être beaucoup moins coûteux que le système des douze mois, tout en permettant de donner aux appelés la même instruction, à peu de chose près, qu’actuellement, et conférerait au service une plénitude d’activité qu’on lui conteste aujourd’hui.
Ainsi présentée, la thèse est séduisante, mais qu’en est-il exactement ?
D’abord, elle repose sur la conception, aujourd’hui périmée, qu’on enseignait à l’école de guerre jusqu’en 1939, celle des troupes de couverture.
Dans la stratégie conventionnelle, en effet, le rôle de l’armée active est de supporter le premier choc adverse et tenir le temps suffisant pour permettre à la mobilisation du gros des forces, composées de réservistes, de s’effectuer normalement.
En revanche, la stratégie de dissuasion, qui est désormais la nôtre, ne souffre pas les lenteurs d’une mobilisation. Notre armée n’est plus une armée de réservistes constituée à partir d’un petit noyau permanent, c’est une armée de combattants constamment et immédiatement utilisables, qui reçoit l’appoint, certes indispensable mais limité, de réservistes.
L’exigence de disponibilité opérationnelle des forces est aujourd’hui absolue. Elle exclut la possibilité de limiter à six mois la durée du service : comment nos forces seraient-elles disponibles si les appelés, qui en constituent l’essentiel, étaient libérés au fur et à mesure qu’ils sont instruits, c’est-à-dire au fur et à mesure qu’ils deviennent utilisables ?
Mais il y a plus grave encore. Compte tenu du coin élevé de la formation des spécialistes et de la durée de cette formation, les emplois correspondants seront confiés à des militaires de carrière dont il faudra accroître le nombre. Les appelés n’occuperont plus alors que des fonctions de servitude, d’employés ou de valets d’armes. Le raccourcissement de la durée du service entraînerait inéluctablement la ségrégation au sein de l’armée et la « prolétarisation » – on a même osé dire la « clochardisation » – du contingent.
En définitive, le service court débouche sur l’armée de métier, dont j’ai dit les inconvénients politiques et techniques.
Pour remédier à ces difficultés, d’autres ont préconisé un service différencié. Dans cette forme de service, la conscription demeure, mais chaque appelé accomplit une durée de service différente selon l’emploi tenu. Sur un plan purement technique, cette formule comporte, à première vue, de grands avantages. Elle procurerait aux armées les spécialistes dont elles ont besoin, en amortissant leur formation sur une durée suffisamment longue pour qu’elle soit rentable. Elle n’immobiliserait pas plus longtemps que nécessaire ceux des appelés qui tiennent des postes de faible qualification.
Je récuse aussi cette formule qui n’est en fait qu’une variante de la précédente. Du point de vue de la disponibilité des forces, elle soulève, en fait, la même objection. Elle introduit également une ségrégation entre les emplois les plus nobles confiés aux appelés qui effectueront le service long et les emplois ordinaires tenus par ceux qui effectueront le service court. Enfin, à moins de revenir au tirage au sort cher au XIXe siècle, ou de poser un certain nombre de régies arbitraires, on voit mal sur la base de quels critères se ferait le choix entre ceux qui seraient appelés à accomplir un service long et ceux qui ne feraient qu’un temps de service limité. Instituez le service court : il tuera, je vous le prédis, le service long et on en reviendra, à travers le service de six mois, à l’armée de métier.
La dernière proposition vise à ne plus faire du service militaire la forme principale du Service national. Il existe, il est vrai, dès maintenant un service de la coopération et un service de l’aide technique. On peut très bien concevoir, et certains l’ont fait, qu’un certain nombre d’appelés fassent leur service militaire, les autres se consacrant à un service civique. Dans le cadre de ce service, qui serait exécuté auprès d’administrations civiles, les appelés participeraient à des tâches d’administration et d’intérêt général.
Le service civique ainsi conçu est, à mon sens, une fausse solution : il n’existe ni crédits, ni encadrement, il n’existe même pas de missions permettant d’employer pendant douze mois des effectifs se chiffrant par dizaines de milliers. En revanche, et j’y reviendrai tout à l’heure, je pense qu’il est bon que l’armée participe avec ses moyens, son encadrement et ses structures à des missions non militaires d’intérêt national. En outre, la solution du service civique ne résout pas mieux que les précédentes le problème de disponibilité des forces et le problème du partage entre les appelés effectuant le service militaire et ceux qui effectuent le service civique. Elle aussi conduit à l’armée de métier.
Messieurs, la conclusion s’impose. La seule solution possible est l’armée de conscription fondée sur le Service national universel à vocation essentiellement militaire. La durée de douze mois est actuellement un minimum au-dessous duquel on ne peut descendre sans modifier profondément la physionomie et la raison d’être de nos armées.
Cette solution présente, en outre, l’immense avantage de soumettre en permanence notre armée à la critique de tous les citoyens et, par-là, de lui éviter la tentation de l’isolement ou le piège de l’immobilisme. »
Le ministre annonce alors sa décision « d’innover profondément en ce qui concerne les modalités du service, selon un plan d’action qui sera expérimenté en 1974 et dont il espère que l’application pourra être généralisée en 1975. Ce plan visera à rendre le Service national plus juste en renforçant son caractère universel et égalitaire et à moderniser le système d’instruction militaire afin de l’axer davantage sur la préparation au combat dans des conditions aussi proches que possible de la réalité, telles que la vie en campagne et le travail en équipe ».
À l’occasion du service un effort sera fait pour développer auprès des jeunes l’information sur les problèmes généraux de la défense. Car « il est paradoxal de constater, note le ministre, que (sur ces problèmes) les appelés ne reçoivent pour l’instant aucune information de l’intérieur des armées ».
Le développement des actions d’intervention en cas de calamités (incendies de forêts), d’accidents (opération Route-Armée) sera poursuivi.
En ce qui concerne la formation non militaire, « l’Armée, précise M. Robert Galley, n’a pas à se substituer à l’école ou à l’université… Notre rôle est moins de former que d’informer et de faciliter, en liaison avec les départements ministériels compétents, l’insertion de l’appelé dans la vie professionnelle à l’issue de son service ».
Le plan d’action dont les grandes lignes ont été esquissées donnera lieu à un bilan qui sera dressé avant le début de la préparation du budget de 1975.
« Mais la clé de voûte de la réforme, affirme le ministre, ce sont les cadres ». Il en rappelle les sujétions et les conditions de vie parfois difficiles et méconnues. Ceci pose des problèmes immenses et qui ne pourront être résolus que par un effort progressif.
En ce qui concerne le déroulement des carrières, trois objectifs sont poursuivis :
– premier objectif : privilégier effectivement la mission opérationnelle des armées et la mission d’encadrement du contingent ;
– deuxième objectif : aménager les modalités de recrutement et de déroulement de carrière en tenant mieux compte des motivations réelles des officiers et sous-officiers au moment où ils entrent dans l’armée ;
– troisième objectif : favoriser l’institution d’un système de carrières courtes.
Enfin, il faut « changer le climat des rapports entre l’armée et le pays », ce qui est possible sous deux conditions : « adopter une attitude ferme à l’égard des fauteurs de campagnes de démoralisation et de diffamation » et mener une action d’information pour « que l’armée se fasse connaître telle qu’elle est et non telle que ses détracteurs voudraient qu’elle fût ».
M. Aymar Achille-Fould, secrétaire d’État, apporte ensuite des précisions sur trois points : l’amélioration des conditions de logement des cadres et l’application dans ce domaine d’une politique de justice sociale ; la « relance » de la Commission armée-jeunesse (CAJ) et enfin le développement du sport, qui peut devenir le meilleur des points de rencontre entre jeunes militaires et jeunes civils.
Concernant l’état d’esprit de la jeunesse à l’égard de son armée, le secrétaire d’État parle de la concertation qu’il a menée avec une quarantaine d’organisations et d’où il ressort que « pour l’immense majorité des jeunes ce n’est pas le principe de la conscription qui est mis en cause mais certaines de ses modalités » … « Le monde évolue, la société militaire change et doit changer avec son environnement… En cette affaire, être immuable signifierait être sclérosé. Il ne s’agit pas de défendre passivement une institution parce qu’elle existe… Si la notion de Service national n’était ni comprise ni admise – alors qu’elle l’est par l’immense majorité de notre jeunesse – ce serait notre défense qui serait mise en cause. Car après tout, qu’il s’agisse de militaires de carrière ou d’appelés, l’âme de nos armées n’est pas autre chose que celle de notre jeunesse sous l’uniforme ».
Parmi les réponses apportées avant le vote par M. Robert Galley aux interventions des députés, notons celles concernant la question de l’éventuelle participation de la France à l’Eurogroupe ou de l’utilisation du cadre offert par le Comité permanent des armements de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) pour développer la coopération en matière d’armements sur une base multilatérale, alors que jusqu’ici nous nous en sommes tenus à des accords bilatéraux. « Tout cela mérite réflexion, a dit le ministre. Je ne crois pas à la magie d’une formule ou à l’appartenance à une association pour aboutir à des coopérations, mais surtout à la qualité des programmes et au niveau de confiance entre partenaires. Il nous appartiendra donc, au cours des mois et des années à venir, de rechercher avec nos amis européens les procédures et les programmes susceptibles de renforcer toutes les formes de coopération ».
Les débats parlementaires ont révélé que notre défense prenait le départ d’une nouvelle et difficile étape. Le ministre des Armées, en effet, a pris des engagements formels concernant aussi bien la revalorisation de la condition des cadres d’active que les modalités du Service national. Ces engagements impliquent pour 1975 et les années suivantes un effort accru en matière de dépenses inscrites au titre III. Dans le même temps, M. Robert Galley a donné l’assurance que l’effort appliqué au perfectionnement de notre force nucléaire et à la modernisation de nos forces de manœuvre ne se relâcherait pas et qu’en particulier les CP correspondant aux AP engagées seraient accordés, ce qui impliquera aussi nécessairement une majoration du titre V. Si la part du PNB affectée à la défense se confine au plancher de 3 %, il est à craindre que la croissance ne suffise pas à procurer les ressources nécessaires : ne faudra-t-il pas alors en venir, comme certains députés, notamment M. Joël Le Theule, l’ont suggéré, à opérer une transformation des structures de nos forces armées ?
Bilan 1974 du 3e plan militaire
Comme il est tenu de le faire chaque année, le Gouvernement a remis au Parlement, avant le vote du budget, un document de synthèse qui fait le point sur le niveau d’exécution de la loi de programme. Ce bilan porte sur les deux aspects financier et matériel.
Sur le plan financier, on se souvient que les prévisions inscrites dans la loi de programme votée en 1970 ont dû être révisées dès 1972. En effet, la loi tablait sur une hausse générale des prix de l’ordre de 2,5 % par an, alors que le niveau de l’indice des prix de la PIB s’est élevé en réalité de 5,2 % en 1970, 4,8 % en 1971 et 5,6 % en 1972.
De ce fait, les AP inscrites dans la loi avaient dû être majorées de 1 348 MF dans le budget 1973. La réduction du taux de la TVA au 1er janvier 1973 a contribué à freiner la hausse des prix pendant plusieurs mois et à conserver le pouvoir d’achat du budget. Cependant, il a été nécessaire de prévoir au budget 1974 un supplément de 2 126 MF d’AP par rapport aux prévisions de la loi de programme de 1970. On constate donc une progression de 8 % d’une année sur l’autre, mais inégalement répartie selon les programmes et les armées.
– Pour les Forces nucléaires stratégiques (FNS), l’augmentation est essentiellement motivée par le développement des nouveaux missiles stratégiques M20 et S3, et tient compte d’économies réalisées sur d’autres postes.
– Pour l’Armée de terre, les économies entraînées par le retard du programme Roland ont permis, en plus de la poursuite de l’installation des régiments d’artillerie destinés à mettre en œuvre le système Pluton, de prévoir 80 MF pour l’amélioration des conditions d’exécution du service militaire.
– Pour la Marine, les augmentations d’AP sont dues, en grande partie, à la décision de choisir le Super-Étendard pour la modernisation de l’aviation embarquée.
– Pour l’Armée de l’air, de façon analogue, c’est le développement de l’Avion de combat futur (ACF) et du moteur M53, et par ailleurs la mise au standard français des Mirage V provenant de l’embargo sur les livraisons à Israël que couvrent ces augmentations d’AP.
La réalisation des objectifs du 3e plan militaire a dû également être révisée, ainsi que l’ont relevé divers rapporteurs du budget à l’Assemblée nationale, en raison notamment de certains retards dans les programmes. Pour chaque rubrique, le bilan traite des études, des fabrications et de l’infrastructure.
• FNS
Comme il a déjà été dit, les études portent sur l’amélioration des charges et de la portée des missiles stratégiques, en particulier le développement des MSBS de la 2e génération. Le domaine des réalisations comporte la mise en service en 1974 du 3e SNLM (Sous-marin nucléaire lance-missiles), Le Foudroyant, la poursuite de la construction du 4e, L’Indomptable, et les commandes d’approvisionnement concernant le 5e, Le Tonnant. Les travaux d’infrastructure concernent essentiellement l’environnement des SNLM à Brest (bassin de radoub et pyrotechnie).
Armement nucléaire tactique (ANT) : L’équipement en bombes de l’Armée de l’air, qui a commencé en octobre 1972, se poursuit. Pour l’Armée de terre, les essais de qualification du système Pluton sont en cours et la première unité sera opérationnelle en 1974.
• Armée de terre :
Les études en cours portent sur la revalorisation du char AMX-30 (canon de 105 avec conduite de tir automatique, nouvelle artillerie de 120 mm) et de nombreuses expérimentations :
– AMX-10 en version chenillée ou sur roues
– VAB
– canon automoteur 155 GCT (Grande cadence de tir) [NDLR 2023 : AU-F1]
– système Atila (Automatisation du tir de l’artillerie)
– missile Roland
– montage du missile HOT (Haut subsonique optiquement téléguidé) sur hélicoptère SA341 Gazelle.
Sur le plan des réalisations, on estime qu’en 1974, soit à la fin de la 4e année de la loi-programme, auront été livrés :
– 144 AMX-10
– 488 AMX-30
– 100 hélicoptères SA330 Puma et 59 Gazelle
– 7 635 véhicules tactiques (camions, camionnettes)
– plus de 200 engins divers pour le Génie.
Les travaux d’infrastructure couvrent la construction de quinze casernements neufs et la modernisation d’une cinquantaine de casernements anciens.
• Marine : Les domaines des études et des fabrications sont étroitement imbriqués étant donné l’étalement des réalisations. C’est ce qui a conduit à la programmation à long terme connue sous le nom de « plan Bleu ». Ainsi 1973 aura vu la mise en service de la corvette Aconit et du Colbert refondu, la mise à flot du Duguay-Trouin, la poursuite des essais du Tourville et la mise en chantier du pétrolier ravitailleur La Durance, de la 1re corvette C70 Georges-Leygues, des premiers avisos A69 et de deux patrouilleurs rapides pour l’outre-mer. L’aéronautique navale, pour sa part, a reçu 4 Super-Frelon et commandé 18 hélicoptères Lynx. En 1974, elle recevra 8 Alouette III et passera commande des 10 premiers Super-Étendard. Par ailleurs, seront mis en chantier : deux nouveaux patrouilleurs rapides, la 2e corvette C70 Montcalm et un bâtiment anti-mine, tandis que la 3e frégate F67 De Grasse sera mise à flot et que commencera la transformation de l’Achéron en bâtiment-atelier Jules-Verne. Les travaux d’infrastructure ont concerné Saint-Mandrier (Centre d’instruction naval et groupe des écoles de mécaniciens) et les cercles d’officiers mariniers de Lorient et Cherbourg.
• Armée de l’air :
Les études concernent essentiellement l’ACF, dont un prototype doit voler en 1976, l’Alphajet, qui vient de faire son premier vol, les matériels de guerre électronique de la troisième génération et les armements nouveaux. Les fabrications des Dassault Mirage F1 et des Jaguar atteignent leur rythme de croisière. En 1973, 34 Jaguar et 17 F1 ont été livrés. 64 Jaguar et 50 F1 le seront au cours de l’année 1974.
Au chapitre hélicoptères, 9 Puma ont été commandés et, à la fin de 1974, un total de 50 Alouette III devrait être livré. Un ensemble SACP Crotale a été livré en 1973.
Les travaux d’infrastructure importants concernent le transfert à Tours du commandement des écoles et le regroupement à Aix-lès-Milles de l’État-major et des directions et services de la 4e Région aérienne. Ces deux opérations seront achevées en 1974 tandis que se poursuivent l’aménagement des bases et leur adaptation aux nouveaux avions, le « Plan Vauban » (informatique) et la construction de la nouvelle école de Rochefort.
• Gendarmerie :
Le renforcement des mesures de sécurité routière a conduit à commander 6 avions légers au lieu d’un hélicoptère et, pour 1974, à remplacer par 742 véhicules de transport de personnel les 408 véhicules utilitaires initialement prévus. En 1974, 120 Véhicules blindés à roues (VBRG) devraient être livrés.
L’effort d’infrastructure a porté sur les casernements de gendarmerie mobile et d’organes de commandement puisque le casernement des brigades reçoit le soutien des collectivités locales. Ainsi en 1973 ont été financés quatre grands ensembles (région parisienne, Bordeaux, Dijon) et la construction ou l’aménagement de 21 casernements. Les crédits 1974 sont destinés à huit casernements importants et seize autres d’importance moindre.
En conclusion, l’exécution de la loi-programme se poursuit mais son respect exige, outre une recherche incessante d’économies possibles, un effort financier accru, par rapport aux prévisions de 1970, en raison de l’évolution rapide des conditions économiques.
La commission de terminologie du ministère des Armées
Le 20 novembre 1973, M. Achille-Fould, secrétaire d’État aux Armées, a procédé à l’installation officielle de la Commission de terminologie du ministère des Armées en présence des représentants des plus hautes autorités militaires, de la Commission du Dictionnaire de l’Académie française, du Haut comité de la langue française et du Conseil international de la langue française.
Pourquoi cette commission ? En fait, comme l’a souligné le Secrétaire d’État dans son allocution d’ouverture, il s’agit plutôt d’une réincarnation que d’une naissance. La Commission de terminologie nouvellement mise en place est en effet l’héritière de deux commissions spécialisées, l’une dans les termes de combat, l’autre dans le vocabulaire des constructions aéronautiques, qui fonctionnaient depuis 1970. Ces deux organismes ont pu établir une liste de 241 termes étrangers à remplacer ; cette liste fut soumise au Conseil international de la langue française qui approuva l’ensemble et en transmit une partie, pour avis, à l’Académie française. Cette haute instance devait approuver dix-sept des traductions qui lui étaient proposées.
La Commission de terminologie a pour double mission de relever les lacunes de vocabulaire ainsi que les impropriétés d’emploi et de proposer les termes nécessaires, soit pour désigner une réalité nouvelle, soit pour remplacer des mots étrangers. Notre langue en effet court le risque de se voir rapidement encombrée d’emprunts aux vocabulaires étrangers faisant rapidement prime pour la définition d’un concept ou d’un matériel nouveau. Par ailleurs, elle doit se défendre contre la prolifération de néologismes abscons, volontiers introduits par des spécialistes sans doute plus au fait des techniques de leur science que de sémantique ou d’étymologie, mais qu’on peut soupçonner d’avoir cédé à la tentation de créer un langage hermétique aux non-initiés, il s’agit là d’un phénomène ancien en ce qui concerne le « jargon » médical ou juridique mais qui a repris beaucoup d’actualité avec le développement des sciences économiques, aéronautiques et de l’informatique. C’est en particulier dans ces deux derniers domaines que le vocabulaire militaire pourrait être le plus sensiblement menacé.
Dans l’immédiat, le premier rôle de la Commission sera de classer les termes retenus par ses prédécesseurs en deux listes. La première fera l’objet d’un arrêté prescrivant l’emploi des mots retenus dans tous les documents officiels. La seconde liste comportera les expressions dont l’usage sera seulement recommandé pour les mettre, en quelque sorte, à l’épreuve.
La Commission de Terminologie comprend, en plus d’un rapporteur général et d’un membre désigné par le ministre, dix membres de droit représentant le Secrétaire général de la défense nationale (SGDN) et les grands subordonnés du ministre. Elle est présidée par M. Louis Saget, conseiller maître à la Cour des comptes, qui, après avoir remercié le Secrétaire d’État, a formulé la directive qui sera celle de la Commission : comprendre et faire comprendre.
Le colloque international sur la perception nouvelle des menaces
Du 29 novembre au 1er décembre 1973, la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN) organisait à Paris, dans les locaux de l’UNESCO, un colloque sur la perception nouvelle des menaces auquel de nombreux pays étrangers avaient accepté de participer. C’est ainsi que l’Argentine, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Chine, le Danemark, l’Égypte, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la Grande-Bretagne, l’Indonésie, Israël, l’Italie, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, la République fédérale d’Allemagne, la Roumanie, le Sénégal, la Suède, la Suisse, le Togo et la Yougoslavie étaient représentés, soit comme participants représentés par des spécialistes des questions traitées, soit comme observateurs par la présence de leur attaché militaire ou de membres de leur Ambassade.
Car le colloque débordait nettement le cadre de la menace purement militaire. Le thème retenu visait en effet à prendre conscience de la façon dont les individus percevaient toutes les menaces nouvelles et non pas seulement militaire, à en mesurer le caractère accidentel ou durable et en tirer les enseignements possibles pour y faire face. Réalisant que l’opinion semblait avoir tendance à craindre moins la guerre que des agressions quotidiennes ou occasionnelles et indirectes, la Fondation a estimé devoir élargir le champ de sa recherche en fixant le thème du colloque, et elle a demandé à l’Institut français d’opinion publique (Ifop) un sondage qui a été réalisé entre le 12 et le 26 octobre 1973. La prise en compte de ce sondage a servi d’ouverture au colloque et ses résultats ont été présentés par le général Buis, président de la Fondation, avant le déroulement des cinq séances de travail prévues.
Observé avec les réserves d’usage dans ce domaine – l’importance de l’échantillonnage n’est en effet pas précisée – ce sondage révèle deux points intéressants. Les personnes interrogées étaient invitées d’abord à classer les menaces par probabilité, par gravité et selon leur pouvoir mobilisateur. Parmi les menaces les plus probables viennent très nettement en tête : les accidents de la route, la fatigue ou les psychoses qu’entraîne le rythme de vie, avec plus de 80 %, puis la pollution et le terrorisme, enfin la criminalité et la crise sociale. Viennent très nettement en queue : l’échec de la construction européenne, la crainte d’un coup de force puis la guerre d’invasion et enfin le bombardement atomique que ne redoutent que 14 % des personnes sondées. Celles-ci, à plus de 90 %, considèrent comme les plus graves : la pollution, la dégradation de la qualité de la vie, les accidents de la route, la criminalité, le bombardement atomique et le chômage, tandis que l’afflux d’immigrants, la bureaucratie, la crise de la religion et l’érotisme ne sont considérés comme graves que par 50 % environ. Enfin, les menaces les plus mobilisatrices sont, par ordre décroissant, la crise de la famille, la pollution, les libertés publiques, la perte d’idéal, la dégradation de la qualité de la vie, les accidents de la route et la crise de la religion, pour des proportions variant de 55 % à 36 % des personnes interrogées. Mais 10 % seulement se sentent mobilisées par l’échec de la construction européenne et 7 % par la coupure du ravitaillement en pétrole. En fait, il y a donc bien perception des menaces et de leur gravité mais beaucoup moins sentiment de responsabilité pour y faire face.
Le classement par âge fait ressortir 65 % d’inquiets dans la tranche 15-19 ans et un pourcentage très régulièrement décroissant jusqu’à 52 % pour les personnes de 65 ans. Le classement par parti politique montre une légère décroissance, en partant du Parti communiste (PC) vers la Majorité (UDR et FNRI), de la probabilité des menaces : mais l’écart est faible (60 %-54 %). Il est faible également en ce qui concerne l’estimation de la gravité de l’ensemble des menaces, mais en sens inverse (PC 69 % - Majorité 77 %). Par contre, la distorsion est forte en ce qui concerne la gravité de la menace que représente la crise des valeurs (PC 34 % - PS 49 %, Réformateurs 58 %, Majorité 68 %). Ceci d’ailleurs ne saurait constituer une surprise.
Le deuxième aspect du sondage est particulièrement significatif. Les personnes interrogées devaient classer quatre éléments en fonction de leur importance en tant que facteurs pouvant contribuer à diminuer le risque de guerre. La peur des armements nucléaires vient en tête avec 41 %, puis le développement des liens entre États avec 32 %. Le nouvel état d’esprit des jeunes ne recueille que 14 % et les campagnes de désarmement nucléaire, 9 % seulement. Voilà qui réduit à sa juste proportion l’impact des manifestations que certains sont allés faire l’été dernier en Polynésie française. Dans le classement par âge, le premier argument est moins nettement perçu par les jeunes que par leurs aînés. C’est l’inverse, naturellement, pour l’argument numéro trois. Les deux autres obtiennent le même pourcentage avec une parfaite régularité quelle que soit la tranche d’âge interrogée. Le classement par parti politique est également instructif. Si l’ensemble des formations étudiées se retrouve dans une fourchette très étroite (41-44 %) pour mettre en tête la peur des armements nucléaires, l’écart se creuse pour l’argument numéro deux (PC 23 % ; Majorité 38 %) et la distorsion s’accentue pour les deux autres. Seulement 8 % des Réformateurs se prononcent pour les campagnes de désarmement mais 20 % (c’est le plus fort pourcentage des quatre partis) croient à l’efficacité pour la paix du nouvel état d’esprit des jeunes. Par contre 23 % des électeurs communistes croient aux campagnes de désarmement et 10 % seulement comptent sur les jeunes. Voilà des chiffres bien éloquents.
Les exigences de la mise sous presse nous obligent à limiter là notre propos, mais il ne fait pas de doute que la haute qualité des orateurs et le niveau des sujets évoqués imposent une étude approfondie pour dégager des travaux de cette réunion les enseignements intéressant la défense.
Attribution du prix Vauban au général Beaufre
Le Prix Vauban, récemment créé par l’Association des anciens cadres et auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) en vue de récompenser « une œuvre littéraire ayant contribué à la promotion, à l’illustration et au développement dans le pays de l’idée de défense », vient d’être attribué pour la première fois et a été décerné au général d’armée Beaufre pour son ouvrage Stratégie pour demain – Les problèmes de la guerre moderne (Éditions Plon, 1972 ; 203 pages).
Au cours d’une réception organisée à l’École militaire et à laquelle assistaient le général d’armée Simon, SGDN, le général de corps d’armée Jean Callet, directeur de l’IHEDN, le général de division de Favitski, commandant l’École supérieure de Guerre (ESG), M. Jacques Chabannes, président de l’Association des écrivains combattants, et de nombreuses personnalités, pour la plupart anciens auditeurs de l’Institut, le Prix a été remis au lauréat par M. Lowenbach, Président d’honneur de l’Association. Dans son allocution, M. Lowenbach a rappelé les mérites de l’œuvre du général Beaufre qui « fait découvrir au lecteur la dimension planétaire de la stratégie en réponse à la globalisation des problèmes de notre temps » et il a souligné que l’attribution du Prix ne visait pas seulement à récompenser le penseur et le stratège des temps nouveaux mais à rendre hommage aussi à l’homme d’action qui s’était illustré sur tous les champs de bataille et dans la Résistance.
Rappelons que l’Association des anciens cadres et auditeurs de l’IHEDN qui fêtait en 1973 son 25e anniversaire, comprend à ce jour 1 500 membres, dont un tiers d’officiers généraux, un tiers de hauts fonctionnaires et un tiers de personnalités du secteur économique et social. Elle s’est donnée récemment pour président M. Pierre Schwed, Président-directeur général de Finacor, et pour vice-présidents MM. le général d’armée aérienne Jean Thiry, Pierre Lenoir, Directeur des services administratifs et financiers du Premier ministre, et M. Guy Petibon, PDG des laboratoires Bouchard.
L’Institut des hautes études de défense nationale en Sicile et en Tunisie
Chaque année, l’HEDN entreprend un certain nombre de voyages en rapport avec son programme d’études. Celles-ci portent cette année, notamment, sur l’Afrique et ses problèmes politiques, économiques et stratégiques, trois dimensions essentielles de la défense.
Dans ce cadre, l’importance de la Méditerranée et de ses riverains ne saurait être trop soulignée. Aussi les 72 auditeurs de la 26e session, solennellement inaugurée le 8 octobre 1973 par le Premier ministre, ont-ils effectué leur premier voyage, du 5 au 17 novembre 1973, sous la conduite du général Callet, directeur de l’IHEDN et de l’Enseignement militaire supérieur (EMS), d’abord dans le Sud-Est de la France, puis en Sicile et en Tunisie.
Après avoir visité les installations de la composante terrestre de la FNS, avec les missiles du plateau d’Albion, le Centre nucléaire de Cadarache, la base aéronavale d’Hyères et le Centre d’essais de la Méditerranée, cadres et auditeurs de l’Institut s’envolèrent pour Palerme où il leur fut donné d’entendre un exposé du vice-amiral V. Savarese, commandant l’Institut de Guerre maritime de Rome, sur les problèmes de la stratégie aéronavale en Méditerranée. Tout en notant que c’est dans le cadre de l’Otan que doivent être résolus les problèmes de la défense en Méditerranée, le vice-amiral exprima la conviction de son pays quant à la nécessité d’une concertation entre pays riverains sur ces problèmes.
La dernière partie du voyage conduisit l’Institut en Tunisie où il eut le privilège d’être reçu par les plus hautes autorités qui présentèrent les aspects politiques, économiques et militaires de leur pays et répondirent très directement aux nombreuses questions que leur posèrent les auditeurs. Le général Essousi, Chef d’état-major de l’Armée de terre (Cémat), retraça les efforts déployés pour la mise sur pied de la jeune armée tunisienne et définit le rôle qu’elle était appelée à jouer en Méditerranée. M. Ayari, ministre de l’Économie, brossa magistralement un tableau clair, précis et réaliste de l’économie tunisienne et exprima la volonté du Gouvernement tunisien d’obtenir de ses partenaires de la Communauté européenne un contrat de développement. Il appartenait à M. Masmoudi, ministre des Affaires étrangères, de lancer un appel à l’Europe pour qu’elle s’affirme sur le théâtre méditerranéen, qu’elle y réchauffe et y conforte ses relations avec les États du Maghreb et qu’elle ne laisse pas les États-Unis et l’Union soviétique seuls, face à face, dans cette région qui est loin d’avoir trouvé l’équilibre et la paix souhaités par ses riverains.
La visite de Sousse et de Kairouan, par laquelle se termina le voyage, permit aux auditeurs de l’Institut de constater l’effort considérable entrepris par la Tunisie pour le développement du secteur du tourisme et de l’industrie hôtelière, créatrice d’emplois et de ressources sur laquelle les Tunisiens fondent de grands espoirs. Les visiteurs ont été impressionnés par la mesure et le bon goût des réalisations, dont on a pris soin qu’elles ne gâchent pas l’environnement mais qu’au contraire elles s’intègrent harmonieusement dans le cadre merveilleux de ces cités anciennes qui recèlent quelques-uns des plus purs trésors de l’art musulman. À tous égards, le bilan de ce voyage est largement positif.
Le prochain voyage de l’IHEDN doit le conduire en principe en Afrique médiane, dans la seconde quinzaine de février. ♦