Maritime - États-Unis : lancement du Spruance et du Tarawa ; au sujet du porte-avions CVN-70 ; étude d'un nouveau combustible dérivé du charbon - Italie : constructions neuves - Pays-Bas : nouveaux escorteurs - Activité des forces navales américaines et soviétiques durant le dernier conflit israélo-arabe
États-Unis
Lancement du Spruance et du Tarawa
Le DD963 Spruance, premier d’une série de 30 grands escorteurs anti-sous-marins (ASM) dont 16 sont déjà en construction, commandés ou volés, a été lancé le 10 novembre 1973 aux chantiers Litton de Pascagoula (Missouri), chantiers d’ailleurs spécialement construits pour ce programme et celui des Landing Helicopter Assault (LHA) dont il sera parlé plus loin. Les destroyers de la classe Spruance présentent les caractéristiques suivantes :
• Déplacement : 7 600 tonnes ;
• Dimensions : 169 x 16 x 8,70 m (AV) ;
• Appareil propulsif : 4 turbines à gaz General Electric type LM2500 développant chacune 20 000 CV – 2 hélices ;
• Vitesse : 30 nœuds ;
• Distance franchissable : 6 000 N/20 nœuds :
• Armement :
– Missiles : 1 système surface-air à courte portée Sea Sparrow ;
– Artillerie : 2 tourelles simples de 127 CA – 4 systèmes Vulcan/Phalanx envisagé (artillerie de défense immédiate contre missiles surface-surface du genre Styx soviétique) ;
– ASM : 2 plateformes triples de tubes lance-torpilles pour torpilles MK46 – 2 tubes fixes pour torpilles filoguidées – 1 ASROC (Anti Submarine Rocket) – 2 hélicoptères.
Dans les chantiers Litton, la coque des Spruance est montée au moyen d’éléments fabriqués de 1 500 à 2 100 t (des « modules ») avec leur aménagement complet : appareils moteurs et auxiliaires, tuyautages, câblages. Ces éléments une fois assemblés (le bâtiment est alors achevé à 92 %) sont transférés sur un ponton de lancement qui est ensuite remorqué sur un plan d’eau et immergé pour la mise à l’eau. On procède ensuite à l’achèvement du bâtiment le long d’un quai. Il convient de rappeler à ce propos que ce sont les derniers travaux (mise au point des armes et équipements) qui, sur les navires de guerre, sont toujours les plus longs à achever.
Le LHA 1 Tarawa qui a été mis à l’eau le 1er décembre 1973 est le prototype d’une série de bâtiments amphibies d’un nouveau type qui devait à l’origine comporter 9 unités et qui finalement n’en comprendra que cinq, en raison de leur coût élevé : 210 millions de dollars l’unité ; les quatre autres portent les noms suivants : LHA 2 Saïpan et LHA 3 Philippine Sea (ils seront mis à l’eau cette année), LHA 4 Leyte Gulf (sur cale) et LHA 5 Khe-Sang qui sera mis en chantier incessamment. [NDLR 2023 : les 4 premiers portent le nom de batailles du Pacifique, tandis que le 5e est une bataille de la guerre du Vietnam. Les 3 derniers changeront de nom]
Le LHA combine à la fois les fonctions d’un porte-hélicoptères d’assaut type LPH, d’un transport d’assaut LKA et celles d’un transport de personnel et d’engins amphibies du type LPD. Il est donc muni d’un pont d’envol avec îlot à tribord et d’un radier dans lequel sont disposées 4 péniches de débarquement de 200 t du type LCU. Ses autres caractéristiques sont :
• Déplacement : 39 300 tpc ;
• Dimensions : 242,70 m x 32,30 m x 8,40 m ;
• Machines : 2 chaudières et 2 turbines à vapeur développant 140 000 CV – 2 hélices ; un propulseur auxiliaire situé juste derrière l’étrave permet au navire de maintenir sa position ou de se déplacer latéralement à faible vitesse lorsque le système de propulsion principal est désaccouplé pour permettre la mise à l’eau des LCU ;
• Vitesse max. : 24 nœuds ;
• Distance franchissable : 10 000 N/20 nœuds ;
• Système de ballastage permettant de ballaster 12 000 t d’eau de mer ;
• Armement :
– Missiles : 2 systèmes surface-air à courte portée Sea Sparrow ;
– Artillerie : 3/127 CA (I x 3) et 6 canons CA de 2C ;
– Hélicoptères : 30 d’assaut.
Le système de mise en œuvre des hélicoptères et des péniches de débarquement a été conçu pour mettre à terre une force d’assaut équilibrée et cela dans le temps le plus bref. Ce système complexe permet l’embarquement et le débarquement simultané de Marines, de camions, de véhicules blindés et autres équipements à l’aide des hélicoptères et des LCU. Les systèmes de transmissions tant à bord qu’avec les forces débarquées sont particulièrement développés.
L’habitabilité très soignée permet de loger dans d’excellentes conditions et pour de longs séjours, outre le personnel du bord, 1 672 Marines. Les installations hospitalières sont très importantes : en cas d’opérations les blessés seraient en effet ramenés à bord par hélicoptère.
Il est d’autre part prévu que pour certaines opérations, le LHA puisse mettre en œuvre des avions à décollage court ou vertical spécialisés dans l’appui des troupes au sol. Ces avions Adac/Adav pourraient aussi le cas échéant participer à la défense du bâtiment contre une attaque aérienne, sous-marine ou par raider équipé de missiles antisurface. Les LHA agiront en principe en liaison avec 2 transports de chars de 9 000 t du type Newport, LST très récents ayant une vitesse de route de 20 nœuds, pouvant transporter 450 soldats et 500 t de fret : 20 sont en service. Bien que les plans de déploiement de ces groupes n’aient pas été révélés, on estime qu’il y en aura au moins un dans le Pacifique occidental et un autre affecté à la VIe Flotte en Méditerranée.
Au sujet du porte-avions CVN70
Au cours d’une cérémonie, le Président Nixon a annoncé que le 4e porte-avions à propulsion nucléaire de l’US Navy porterait le nom de CVN70 Vinson en l’honneur de l’ancien président du Armed Services Commitee. Les fonds nécessaires aux approvisionnements à long terme ont été approuvés par le Congrès au titre de l’année fiscale 1972-1973 : ceux destinés à sa construction figurent dans la Fiscal Year 1973-1974. Les caractéristiques du Vinson seront identiques à celles de ses prédécesseurs CVN68 Dwight Nimitz qui doit prochainement prendre la mer et CVN69 Eisenhower sur cale :
• Déplacement : 91 400 tpc ;
• Dimensions : 326 x 76,80 (pont d’envol) x 11,30 m ;
• Machines : 2 réacteurs à eau pressurisée – 4 groupes turboréacteurs – 260 000 CV – Les cœurs des réacteurs sont prévus pour durer 13 années en utilisation normale et en parcourant de 800 000 à 1 million de nautiques – 4 hélices ;
• Vitesse : 33 nœuds ;
• Armement :
– Missiles : 3 systèmes surface-air à courte portée Sea Sparrow ;
– Avions : 105 dont 24 intercepteurs tout temps Grumman F-14A Tomcat – 48 avions d’attaque Grumman A-6 Intruder et LTV A-7 Corsair II – 10 avions ASM de type Lockheed S-3A Viking – 8 hélicoptères ASM SH3-D Sea King.
Étude d’un nouveau combustible dérivé du charbon
En cette période où la crise de l’énergie est à l’ordre du jour, la Marine américaine a révélé que depuis plus d’un an, elle collaborait avec l’Office of Coal Research » (organisme dépendant du ministère de l’Intérieur) à l’étude d’un nouveau carburant dérivé du charbon et dénommé « Sea Coal ». Le procédé consiste à pulvériser le charbon, puis à le décomposer sous l’action conjuguée de la chaleur, de pressions mécaniques et de catalyseurs. Certains des sous-produits obtenus sont ensuite traités à l’hydrogène, ce qui permet d’obtenir du pétrole synthétique ; le procédé permettrait d’obtenir un baril de pétrole à partir d’une tonne de charbon. L’opération permettrait également la production de 1 200 livres de briquettes et de 8 000 pieds cubiques de gaz.
Le coût de production de ce nouveau combustible, en supposant que la vente des briquettes et du gaz soit effective, pourrait atteindre 4,50 dollars le baril, alors que celui du mazout actuellement utilisé par l’US Navy revient à 5,25 $. On ne sait pas encore si les dépenses relatives à la construction des usines de conversion sont comprises dans le coût du nouveau combustible. On estime, toutefois, d’ores et déjà que chaque usine reviendrait entre un quart et un tiers de milliard de dollars : l’Office of Coal Research prévoit qu’une somme d’au minimum 5 Md $ sera nécessaire pour construire ces installations. Quoi qu’il en soit, le destroyer Johnston expérimente en ce moment le nouveau combustible. S’il donne satisfaction, il pourrait être adopté dès 1977 et la moitié des bâtiments de guerre américains l’utiliseraient en 1980.
Italie : constructions neuves
Au cours de la période 1974-1978, la marine italienne compte lancer la construction de : 4 escorteurs lance-missiles surface-surface de 2 300 t ; 1 navire auxiliaire de 7 000 t ; 4 hydroptères lance-missiles surface-surface de 240 t ; 4 hydroptères lance-missiles surface-surface de 62 t ; 2 remorqueurs de haute-mer de 700 t.
La marine espère obtenir en 1974, 30 Md de lires pour démarrer ce programme et poursuivre celui en cours, soit 2 sous-marins de 1 400 t et un navire hydrographe.
Les escorteurs dont le coût unitaire est évalué à 47 Md de lires seront construits par les CNTR (Cantieri Navali Del Tirreno e Riuniti à Riva Trigoso), Ils seront équipés du missile surface-surface Otomat, auront 1 pièce de 127 CA et la possibilité d’embarquer 1 hélicoptère ASM.
Propulsés par turbines à gaz, ils auront une vitesse de 35 nœuds. À peu de chose près, ils seront identiques aux quatre bâtiments commandés à ces mêmes chantiers par la marine péruvienne ; deux seront construits en Italie, les deux autres assemblés au Pérou avec l’aide des CNTR.
Pays-Bas : nouveaux escorteurs
Le gouvernement néerlandais a annoncé le 13 décembre 1973 lors de la discussion du budget de la Défense au Parlement, qu’il avait autorisé la construction des quatre escorteurs que demandait la marine depuis déjà longtemps pour remplacer les quatre destroyers de 2 765 tpc type Holland achevés entre 1954 et 1957.
Les nouveaux escorteurs seront construits par les chantiers De Schelde à Flessingue à partir du second trimestre 1974. Le premier bâtiment devrait commencer ses essais en janvier 1978 et être admis au service actif en octobre de la même année ; le deuxième suivrait neuf mois plus tard et les deux suivants à six mois d’intervalle. Leur prix évalué en florins 1974 sera de 208 M par unité, soit 345,3 M de nos francs actuels. Les caractéristiques de ces escorteurs seront les suivantes :
• Déplacement : 3 600 tpc ;
• Longueur : 121,80 m ;
• Largeur : 14,40 m ;
• Appareil propulsif : Système COGOG (Combined diesel or gas turbine) comprenant 2 turbines à gaz Rolls Royce Olympus de 27 000 CV pour la marche à grande vitesse et 2 turbines à gaz Tyne de 4 000 CV pour la navigation économique ;
• Vitesse max. : 30 nœuds sur les Olympus ;
• Armement : 8 missiles surface-surface, sans doute du type Harpoon américain – 1 système surface-air Sea Sparrow à courte portée – 1 tourelle simple de 76 CA du type Oto Melara italien (60 coups par minute) – 1 affût double de 35 CA – 2 Tubes lance-torpilles (TLT) triples pour torpilles ASM – 1 hélicoptère ASM qui sera peut-être le WG13 Lynx franco-britannique ;
• Équipage : 185 hommes.
Activité des forces navales américaines et soviétiques durant le dernier conflit israélo-arabe
Le 6 octobre 1973, lorsque débuta le 3e conflit israélo-arabe, la VIe Flotte, forte d’environ 25 bâtiments de combat, 9 navires amphibies et d’une douzaine de bâtiments de soutien logistique ou auxiliaires, était répartie en trois groupements.
L’un centré sur le porte-avions CVA42 F.D. Roosevelt était en escale en Espagne, l’autre autour du porte-avions CVA62 Independence stationnait à Athènes et dans les ports grecs, tandis que le groupe amphibie autour du porte-hélicoptères LPH 7 Guadalcanal était en visite en Turquie.
Ordre fut donné à la majorité de ces bâtiments de prendre aussitôt la mer et de gagner la Méditerranée orientale pour faire face à toute éventualité. D’autre part, le porte-hélicoptères d’assaut LPH 2 Iwo Jima, avec 1 800 Marines à bord, quittait Norfolk le 12 pour aller renforcer le groupe amphibie en Méditerranée où il arrivait le 24. Le porte-avions CVA67 J.F. Kennedy qui était en escale à Édimbourg après des manœuvres en mer de Norvège et en mer du Nord, quittait le 16 octobre ce port pour une zone entre les Açores et Gibraltar d’où il pouvait servir de base-relais pour les avions d’attaque A-4 Skyhawk que le Gouvernement américain décidait de céder à Israël en remplacement des appareils abattus au cours des premiers combats. Ce séjour dans cette zone a peut-être aussi été utilisé pour remplacer sur le Kennedy son groupe aérien spécialisé dans les opérations navales par un Marine group équipé pour l’appui des troupes au sol. Il est de fait qu’après son arrivée en Méditerranée, le 25, le Kennedy a aussitôt rallié au Sud de la Crète le groupe amphibie.
Grâce à ces renforts, le potentiel de la VIe Flotte au plus fort de la crise, c’est-à-dire au moment où les États-Unis mettaient en alerte toutes leurs forces dans le monde, s’élevait à 50 bâtiments environ. Le potentiel aérien embarqué sur les porte-avions Roosevelt, Independence et Kennedy se montait à plus de 300 appareils dont au moins 140 à capacité atomique tactique.
Alertée dès le début des hostilités, dix-huit jours avant la mise en alerte générale des forces armées américaines, la VIe Flotte a également été la dernière à revenir, le 19 novembre, à un stade d’activité normale et ce n’est qu’au tout début de décembre que le Kennedy et une partie du groupe amphibie autour du porte-hélicoptères d’assaut LPH 7 Guadalcanal arrivaient dans leurs bases de la côte Est des États-Unis.
Par ailleurs, un Task Group, comprenant le porte-avions CVA19 Hancock, 5 destroyers et un pétrolier détaché de la VIIe Flotte, gagnait la mer d’Oman afin de renforcer dans l’océan Indien occidental la petite formation navale que sous le nom de COMMIDEASTFORCE (Commander, Middle East Force), les États-Unis entretiennent dans la région. Ce Task Group a été ensuite relevé par un groupe d’importance similaire centré sur le porte-avions CVA34 Oriskany [NDLR 2023 : du nom d’une bataille de la guerre d'indépendance des États-Unis] et les Américains ont fait savoir qu’ils comptaient désormais maintenir une force relativement importante dans cette région pour faire face à l’accroissement de la présence navale soviétique (1).
Le déclenchement de la guerre au Moyen-Orient s’est également traduit par un net renforcement de la présence soviétique en Méditerranée qui, fin octobre, totalisait plus de 100 bâtiments, chiffre jamais atteint depuis les grandes manœuvres Okean d’avril 1970. Le 5 octobre, veille du déclenchement des opérations, l’escadre se composait d’une soixantaine d’unités. Deux semaines plus tard, elle doublait presque son potentiel.
Cet accroissement a été d’abord obtenu par l’ajournement de la relève semestrielle de la dizaine de sous-marins stationnés en Méditerranée et que l’arrivée début octobre d’un groupe équivalent de sous-marins en provenance de l’Arctique laissait prévoir. Il l’a été ensuite par de nombreux prélèvements effectués dans la flotte de surface de la mer Noire. C’est ainsi qu’on a noté entre le 10 et le 31 octobre le passage dans les détroits de 2 croiseurs, 7 destroyers, 2 patrouilleurs lance-missiles type Nanuchka dont c’était la première apparition en Méditerranée, plusieurs navires amphibies et auxiliaires. À l’apogée de la crise, le potentiel offensif de cette escadre, face aux 300 appareils des porte-avions américains, s’élevait à 28 missiles anti-surface, embarqués sur les croiseurs, destroyers et les 2 Nanuchka, et peut-être 8 ou 16 de plus si un ou des sous-marins nucléaires d’attaque du type Charlie figuraient dans ses forces sous-marines.
Les principales activités de la flotte soviétique ont été le marquage des unités de la VIe Flotte et la protection des bâtiments amphibies ayant assuré d’abord l’évacuation des ressortissants soviétiques puis le soutien logistique des Syriens à Lattaquié, où plusieurs unités sont venues débarquer du matériel, des missiles notamment. Ce soutien à la Syrie s’est également manifesté par la livraison de 4 vedettes lance-missiles surface-surface du type Osa I (200 t - 4 missiles Styx) venues renforcer juste avant et pendant les combats les 2 livrées à la fin de 1972. À noter que la moitié de ces 6 vedettes ont été coulées par les Israéliens (v. notre chronique de janvier 1974).
Il est intéressant de noter qu’il n’y a eu aucun incident entre les forces américaines et soviétiques bien qu’elles aient été parfois de très près en contact, ce qui dénote une très grande maîtrise chez les uns et les autres. ♦
(1) L’Oriskany va être remplacé par la frégate nucléaire W. Bainbridge.