Outre-mer - La réouverture du canal de Suez et l'ouest de l'océan Indien - Les Cubains en Guinée équatoriale
La réouverture du Canal de Suez et l’ouest de l’océan Indien
La réouverture du Canal de Suez, qui surviendra sans doute au cours de l’année 1974, va favoriser l’accès de l’Union soviétique « aux mers tropicales » ; par conséquent, elle risque d’accentuer la concurrence que se livrent, dans ce secteur, les Russes et les Chinois. Un renouveau d’instabilité des régimes en place et une réactivation des points chauds les moins bien éteints pourrait en résulter.
L’Ouest de l’océan Indien n’est pas une entité géographique comme le Sud-Est asiatique ou la Méditerranée orientale dont les pays ont été parfois regroupés sous l’influence de l’un d’entre eux. L’islam lui-même n’a jamais unifié totalement les territoires qui l’entourent. La grande étendue de cet océan, le faible nombre et l’aridité des îles qui le parsèment, en font une mer difficile, pratiquement vide d’escale. Le cabotage a pu favoriser quelques échanges, voire des glissements de populations : par exemple, les Arabes se sont infiltrés le long de la côte africaine jusqu’au tropique du Capricorne ; de leur côté, la Perse et les royaumes musulmans de la péninsule indienne ont essaimé dans diverses directions. Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle et la pénétration des pays européens pour qu’un pouvoir extérieur, bien implanté dans la zone, puisse développer les échanges humains, culturels et commerciaux. Présente aux Indes, dans la péninsule arabique, sur la côte orientale de l’Afrique et dans les îles, la Grande-Bretagne diffuse sa culture et favorise les migrations. D’importantes colonies indiennes s’établissent dans les pays africains ; elles y constituent, notamment au Kenya et en Tanzanie, la classe moyenne sur laquelle les grandes sociétés britanniques fondent leur emprise économique. L’industrie naissante des Indes trouve en Afrique des matières premières et un débouché.
Depuis 1869, en outre, l’Ouest de l’océan Indien est devenu une zone de passage entre la Méditerranée et l’Extrême-Orient ; il reste accessoirement le lien entre l’Atlantique Sud et l’Asie.
La fermeture du Canal de Suez, en 1967, transforme, de manière notable, les courants de navigation. Les liaisons de l’URSS avec l’Asie méridionale et orientale, et plus particulièrement avec le sous-continent indien, sont devenues plus difficiles, ainsi que celles de l’Europe avec le golfe Arabo-Persique, la côte orientale de l’Afrique et le Sud-Est asiatique. Les deux routes principales partent maintenant du détroit d’Ormuz. L’une rejoint l’Europe et les États-Unis par le Canal du Mozambique et Le Cap ; elle permet l’acheminement vers l’Occident de 350 millions de tonnes de pétrole. L’autre transporte en Extrême-Orient, surtout au Japon, par les détroits de la Sonde ou de Malacca, 250 M de tonnes de pétrole. Des routes secondaires, cheminant plus au Sud, utilisées par les minéraliers et les cargos, relient, par les détroits de Malacca, de la Sonde, de Lombok ou de Tasmanie, l’Australie, le Sud-Est asiatique et l’Extrême-Orient à l’Atlantique. Les voies aériennes en service ont en général une orientation Nord-Sud, mais il existe une ligne Johannesbourg-Sydney par Madagascar et Maurice, une ligne sino-éthiopienne Addis-Abeba–Karachi–Pékin et des projets pour relier l’Afrique du Sud au Japon et la Tanzanie à la Chine. L’aéroport de Port-Louis (Maurice) paraît devoir être, dans l’avenir, une plaque tournante importante.
Depuis la fin de la Pax britannica, un certain équilibre s’est instauré dans cette zone. Les nouvelles influences étrangères se répartissent en fonction des différends entre les États et pourraient ainsi donner, à une crise locale, la dimension d’un affrontement mondial.
Dans le golfe Arabo-Persique, un contentieux territorial permanent sépare l’Irak de l’Iran qui s’est emparé, en outre, des îles fermant le détroit d’Ormuz et qui, par conséquent, peut contrôler l’acheminement vers l’Occident et l’Extrême-Orient du pétrole produit par ses voisins. Le gouvernement de Bagdad, dominé par les Baathistes et les communistes, est doté d’un prosélytisme révolutionnaire qui n’est pas apprécié par les Émirats : les mouvements progressistes qu’il soutient s’efforcent de mettre fin aux structures féodales des théocraties arabes. Tout naturellement, l’Iran, l’Arabie séoudite et les Émirats se sont rapprochés, ont amorcé une coopération militaire qui s’est concrétisée, notamment, dans une aide au Sultanat d’Oman pour sa lutte contre les rebelles de sa province du Dhofar. L’URSS est bien installée en Irak avec lequel elle a signé un accord de coopération et d’amitié. Elle favorise le rapprochement de ce pays avec la Syrie voisine où son influence est certaine, et soutient les mouvements de libération qui reçoivent l’aide de Bagdad, notamment le FPLOGA (Front populaire de libération d’Oman et du golfe arabe). La Chine n’apparaît pas encore dans ce secteur dont les pays modérés restent sous l’influence de la Grande-Bretagne et des États-Unis. L’Iran, toutefois, entretient des relations de bon voisinage avec l’URSS.
Plus à l’Est, dans le sous-continent indien, la situation est dominée par les différends territoriaux et religieux dressant le Pakistan contre la République indienne et l’Afghanistan, ainsi que par l’opposition de la Chine et de l’Inde. L’URSS est bien installée en Afghanistan qui revendique le Pouchtounistan ; elle apporte une assistance de plus en plus importante au gouvernement indien, bien que celui-ci aspire à souligner davantage son « non-alignement ». De son côté, Pékin soutient le régime pakistanais qui, paradoxalement, cherche à se tourner vers les pays modérés du Moyen-Orient : une active coopération est mise en œuvre avec l’Iran, l’Arabie séoudite, Oman, le Koweït et Abu Dhabi. D’autre part, le Sri Lanka (Ceylan) est inquiet non seulement de la prépondérance soviétique en Inde mais aussi de l’importance que la Nouvelle Delhi a acquise en Asie méridionale depuis sa victoire sur le Pakistan et la création du Bengladesh. La puissante colonie tamoule que compte sa population la rend vulnérable en face de son gigantesque voisin. Son gouvernement s’est donc tourné résolument vers Pékin, sans abandonner toutefois l’aide soviétique ; il a pris également l’initiative d’une demande de neutralisation de l’océan Indien et a obtenu un vote favorable de la Commission du Désarmement de l’ONU. Dans cette région, où l’Occident conserve des intérêts économiques importants, la rivalité des deux puissances socialistes est en sommeil depuis la fin du conflit indo-pakistanais mais les manœuvres souterraines demeurent très actives.
Aux débouchés de la mer Rouge, dans les États voisins du détroit de Bab-el-Mandeb, la pression chinoise cherche à supplanter ou à déborder les positions acquises par l’URSS. La situation de cette zone est dominée par trois problèmes : l’opposition des deux Yémen, le contentieux frontalier existant entre la Somalie et tous ses voisins (Éthiopie, Territoire français des Afars et des Issas [TFAI] et Kenya), l’annexion de l’Érythrée par Addis-Abeba, annexion que n’accepte pas une partie des pays arabes. Moscou apporte une assistance exclusive à l’armée somalienne et appuie le régime, à dominante marxiste, du Sud-Yémen. La Somalie lui concède des installations permanentes dans le port de Berbera où ses bateaux de guerre font escale. Pékin soutient une des tendances du gouvernement d’Aden, ainsi que le FPLOGA qui mène des opérations subversives dans le Dhofar, province d’Oman : la Chine apporte une aide économique à la Somalie et s’emploie très activement à pénétrer en Éthiopie avec laquelle elle est reliée par voie aérienne depuis 1973. La position des pays occidentaux reste prépondérante à Addis-Abeba et au Kenya ; elle est importante en Somalie, pays associé à la CEE.
Sur la côte orientale du continent africain, le problème naît de la lutte engagée par les pays indépendants contre les régimes à domination blanche. La Tanzanie, État le plus soucieux de mener cette action à son terme, est la bénéficiaire d’une très importante aide chinoise mais ne repousse pas les assistances soviétiques et occidentales. Par le truchement du chemin de fer, qui a été construit pour désenclaver la Zambie, la Chine espère étendre son influence à ce pays. En revanche, l’URSS accorde son aide aux capitales qui ont un contentieux avec Dar es Salam, en particulier Kampala (Ouganda) et Bujumbura (Burundi). Cette région reste soumise à une forte influence européenne, américaine ou canadienne dans les domaines économique et culturel.
Les archipels et îles du large sont régis par des statuts politiques différents. Madagascar, Maurice, l’archipel des Maldives ont des gouvernements indépendants : la première cherche à diversifier ses aides extérieures et a négocié avec la France de nouveaux accords de coopération qui prévoient la suppression de la base maritime de Diego Suarez en 1976 ; la deuxième, tout en restant proche de la Grande-Bretagne et de la France, accorde des facilités d’escale à l’URSS et reçoit l’assistance chinoise pour l’extension de son aéroport ; les Maldives ont accepté le maintien, dans l’île de Gan, jusqu’en 1985, d’une base aérienne britannique. D’autres îles restent sous la souveraineté de pays occidentaux : la France conserve son département de La Réunion, son territoire d’outre-mer des Comores qui va accéder à l’indépendance dans quelques années, quelques îles dispersées au large de Madagascar et revendiquées par Tananarive : la Grande-Bretagne possède l’archipel des Seychelles auquel elle accorde une autonomie de plus en plus grande ; pour le maintien de sa présence dans cette zone, elle a constitué, d’ailleurs, à partir d’îles détachées de Maurice ou des Seychelles, les British Indian Ocean Territories placés sous son administration directe. Les BIOT comprennent en particulier l’archipel des Chagos où se trouve la base de Diego Garcia, confiée en 1966, pour 50 ans, aux forces armées américaines ; un nouvel accord américano-britannique, signé en janvier 1974, prévoit l’extension des installations portuaires et des mouillages de cette île qui sera donc appelée à contenir la base aérienne et maritime la plus importante de l’océan Indien. En dehors de l’intérêt qu’elles portent à Maurice, au soutien qu’elles accordent aux mouvements de libération des Comores et des Seychelles, l’URSS et la Chine ont peu d’activités dans les îles pour l’instant. La marine soviétique maintient toutefois, en permanence, dans la partie occidentale de l’océan Indien, quelques bâtiments de guerre.
La réouverture du Canal de Suez, qui apportera peu de changement aux courants pétroliers actuels, permettra néanmoins de rétablir les anciennes lignes de navigation du Moyen et de l’Extrême-Orient avec l’Europe. À ce titre, elle intéresse le Japon pour ses exportations vers la Méditerranée. L’URSS en tirera un avantage certain pour la circulation de ses navires de guerre des ports de la mer Noire vers l’Extrême-Orient et pour le développement de ses échanges, notamment avec l’Inde et le Sud-Est asiatique. La pression qu’elle exerce dans cette partie du monde s’en trouvera facilitée et intensifiée. La Chine, si elle est en mesure de réagir, cherchera à étendre son influence soit en aidant des régimes modérés afin d’essayer de pénétrer, en particulier, dans la péninsule arabe et sur la côte orientale de l’Afrique, soit en accentuant les clivages idéologiques des partis favorables à Moscou. La stabilité intérieure d’États comme le Sud-Yémen, Sri Lanka, l’Inde, l’Éthiopie, peut s’en trouver compromise. Les tensions dans la corne orientale de l’Afrique, dans le golfe Arabo-Persique, dans la vallée du Zambèze, seront, peut-être aussi, réactivées.
Dans l’Ouest de l’océan Indien, le maintien sous-jacent de la présence occidentale, qui réduit l’intensité de la rivalité sino-soviétique, est donc, sans conteste, un facteur de paix.
Les Cubains en Guinée équatoriale
Depuis son indépendance, la République de Guinée équatoriale entretenait avec Cuba des relations sans relief : un chargé d’affaires était en poste à Malabo, nouveau nom de Santa Isabel, et dépendait de la mission diplomatique de Conakry. Le 15 novembre 1973, un ambassadeur résident est accrédité et s’installe à proximité immédiate du palais présidentiel. Un accord de coopération est signé ; il porte sur la mise à la disposition de l’administration équato-guinéenne de trois cents techniciens et professeurs dont la plus grande partie arrive en décembre 1973 et le reste au début de l’année 1974. Ce chiffre, à l’échelle d’un pays qui ne compte que 280 000 habitants, est important. Il inquiète d’autant plus les pays voisins, comme le Cameroun, le Gabon, voire le Nigeria, que ceux-ci ont le sentiment qu’en dehors des professeurs, les techniciens déjà parvenus sont, pour la plupart, des conseillers politiques, des instructeurs militaires et même des spécialistes de l’endoctrinement.
Certes, il est naturel que le Président Macias Nguema recherche l’assistance d’un État hispanophone s’il veut contrebalancer l’influence du colonisateur espagnol. Mais les observateurs soulignent qu’en choisissant Cuba, il entend s’éloigner un peu plus de ses voisins francophones ou anglophones ; il veut placer, entre eux et lui, une barrière idéologique difficilement franchissable. En fait, il agit ainsi par méfiance à l’égard de Yaoundé, de Libreville et de Lagos plus que par choix politique. Cette méfiance provient sans doute de son impuissance à surmonter les difficultés économiques et politiques auxquelles il est confronté, ce qui l’incite à renforcer chaque jour davantage son emprise sur les populations équato-guinéennes et à les couper de l’extérieur.
Dans l’histoire de la décolonisation de l’Afrique, la Guinée équatoriale est un cas. Elle n’a acquis son indépendance que tardivement (1968) et dans des conditions de hâte que la situation intérieure du pays justifiait peu.
L’Espagne, obligée à vivre en autarcie depuis le régime franquiste et surtout durant la guerre, avait fait une exploitation systématique et poussée de ses territoires du golfe du Biafra : l’île Fernando Po située à une centaine de kilomètres à l’Ouest de Douala, l’île Annobon placée au large de Port-Gentil et le Rio Muni enclavé dans le Cameroun et le Gabon. Afin d’obtenir des devises étrangères, le gouvernement avait encouragé la culture intensive du café et du cacao par des planteurs espagnols qu’il subventionnait. La production était d’une qualité exceptionnelle et très recherchée sur le marché mondial : elle atteignait 40 000 tonnes. La principale richesse du pays se trouvait en bordure de mer, à Fernando Po. Dirigées par des Espagnols, les plantations étaient travaillées par des ouvriers et manœuvres recrutés à l’étranger, surtout au Nigeria. L’île, dont la race autochtone, les Bubis, ne dépasse pas 15 000 et où le nombre des métis, appelés Ferdinandos, est réduit (2 000), était peuplée en majorité d’Ibos, provenant des provinces de l’Est nigérian. Après la guerre, l’immigration fut réglementée pour limiter l’enracinement de ces étrangers : les travailleurs étaient liés par un contrat de 3 ans à l’issue duquel ils devaient rejoindre, dotés d’un pécule, leur pays d’origine ; le nombre en dépassait 50 000 sur une population totale de 90 000. Les étrangers étaient moins nombreux parmi les Fang du Rio Muni où l’exploitation des bois (350 000 tonnes par an) représentait la principale activité économique. L’administration était tenue par des officiers spécialisés qui accomplissaient dans leurs districts des séjours prolongés et connaissaient bien le pays.
À la fin des années 1950, la Guinée espagnole, dotée d’une économie artificielle, n’était pas prête à l’indépendance. La scolarisation, réduite dans les enseignements secondaire et supérieur, n’avait pas permis la formation d’une élite capable de prendre en main les destinées du pays. D’ailleurs, les Espagnols paraissaient vouloir accentuer l’intégration puisqu’ils avaient accordé, en 1959, à Fernando Po et au Rio Muni, le statut de province. La création, au Cameroun et au Gabon, de quelques mouvements équato-guinéens d’opposition et peut-être, davantage, la nécessité d’obtenir à l’ONU le soutien des États africains indépendants à l’occasion des débats sur Gibraltar amenèrent Madrid à changer brusquement de politique : l’autonomie interne fut accordée en 1963 et l’indépendance le 12 octobre 1968.
Le pays comptait alors trois partis principaux : l’Idée populaire de la Guinée équatoriale (IPGE) de M. Macias Nguema, le Mouvement d’union nationale de la Guinée équatoriale (MUNGE) de M. Ondo Edu, modéré, et le Mouvement national de libération de la Guinée équatoriale (MONALIGE) de M. Ndongo, réputé extrémiste. Les élections présidentielles se déroulèrent un mois avant l’indépendance, le gouvernement autonome de Guinée étant alors tenu par une coalition IPGE-MUNGE avec, comme Président, M. Ondo Edu et, comme vice-Président, M. Macias. Chaque chef de parti s’étant présenté isolément, ce dernier fut élu avec 65 % des suffrages. Auparavant, Espagnols et Africains avaient discuté de l’organisation du nouvel État : les premiers étaient favorables à une fédération de l’île principale et du Rio Muni ; M. Macias, qui voulait réduire l’autorité de Fernando Po, plus riche et plus hispanisée, sur le gouvernement, réussit à obtenir une constitution unitariste prévoyant que les deux tiers des ministres devaient être originaires du Rio Muni. Après son élection, le nouveau Président constitua un Cabinet d’union dans lequel les trois partis étaient représentés.
M. Macias, pour éviter une surenchère du MONALIGE extrémiste, son concurrent au Rio Muni, fut amené, dès la fin de l’année 1968, à prendre l’initiative d’une campagne violente qui aboutit à un double résultat : départ, début 1969, de la presque totalité des cadres, commerçants et planteurs espagnols (1), éviction des dirigeants des deux autres partis et instauration d’un régime unipartiste de fait. Sous l’influence de M. Diallo Telli, alors Secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le Président fit appel à la coopération des États africains ; des conseillers furent envoyés de Conakry. Il se rapprocha de l’URSS, qui lui fournit du matériel militaire, et de la Chine qui installa une mission de coopération technique comprenant une centaine de médecins, d’agriculteurs, de spécialistes des travaux publics ou des télécommunications. Actuellement, ces deux États ont un ambassadeur résidant à Malabo, ainsi que la France, le Nigeria, le Gabon et le Cameroun. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la RFA y sont représentés par leur ambassadeur en poste à Yaoundé.
Depuis l’indépendance, l’économie équato-guinéenne, par suite du repli des Espagnols et des défaillances de l’administration, s’est considérablement détériorée : les productions de cacao, de café et de bois qui représentaient respectivement 60 %, 20 % et 15 % des recettes à l’exportation, sont tombées, la première de 40 000 à 15 000 t, la deuxième de 6 500 à 3 000 t et la troisième de 350 000 à 70 000 t. Aucune ressource nouvelle n’a compensé ces pertes. La balance commerciale est maintenue excédentaire par une limitation draconienne des importations. La population vit sur ses propres ressources. Faute de travail, les deux tiers des Nigérians sont partis et les Fang du continent, ethnie de M. Macias, ont envahi les postes de l’administration, de l’armée, de la police. Ils sont également nombreux dans la « Jeunesse guinéenne », sorte de milice grâce à laquelle le régime survit.
Les Soviétiques ne voulant pas s’engager dans une coopération plus poussée, les Chinois n’apportant leur aide que pour des entreprises ponctuelles, les Espagnols s’en tenant à une assistance financière par l’achat du café et du cacao au-dessus du cours mondial, les conseillers guinéens ayant été éloignés en 1972 et les pays occidentaux restant sur la réserve en raison de l’attitude ambiguë de M. Macias, le gouvernement équato-guinéen ne pouvait trouver réponse à ses appels à l’aide qu’auprès d’une puissance marginale qui, depuis l’avènement de Castro, a toujours cherché à prendre pied en Afrique.
Sur la côte occidentale du continent, la poussée cubaine, encouragée peut-être par l’URSS qui répugne à placer des assistants soviétiques en milieu africain, n’a pas eu des résultats heureux jusqu’à présent. Puissants au Congo sous le régime de M. Massemba-Debat, les Cubains furent éliminés juste avant la chute de ce dernier ; ils cherchent aujourd’hui à revenir par le biais d’une aide technique à Siacongo, société sucrière nationalisée par le Président Ngouabi en 1971. Ils sont toujours présents en Guinée-Conakry où, notamment, ils instruisent et même encadrent les guérilleros du PAIGC ; c’est à leur présence parmi ces derniers que l’on attribue les succès récents obtenus par ce mouvement en Guinée-Bissau. Chose curieuse, ils n’ont pu pénétrer le MPLA opérant en Angola, sans doute parce qu’ils n’ont pas réussi à s’enraciner dans le territoire congolais voisin de la province portugaise.
Cet aspect de la coopération cubaine inquiète le Cameroun et le Gabon. Les Fang du Rio Muni sont apparentés aux Boulous du Cameroun méridional et aux Fang qui constituent un bon tiers de la population gabonaise et qui font plus ou moins figure d’opposants. Ils abritent encore certains maquisards de l’Union des populations du Cameroun dont les liens avec le MONALIGE sont connus. De plus, Libreville occupe, depuis 1973, des îles revendiquées par Malabo. Les deux pays francophones craignent qu’à l’occasion et par Cubains interposés, les pays socialistes ne reprennent leur soutien à des mouvements révolutionnaires dont les objectifs sont d’affaiblir, voire de renverser, les régimes africains en place et sont condamnés par l’OUA. Le Nigeria, de son côté, peut craindre une réactivation, télécommandée depuis l’île, du séparatisme des Ibos.
Toutes ces appréhensions sont loin d’être justifiées pour l’instant. Il paraît toutefois inquiétant que la Guinée équatoriale, en dépit de la volonté apparente du Président Macias de diversifier ses aides extérieures par un appel à l’Occident, demeure une chasse gardée de pays socialistes concurrents et qu’elle se ferme de plus en plus à l’influence de ses voisins. ♦
(1) La colonie espagnole qui comptait 7 500 personnes avant l’indépendance est actuellement réduite à moins de 300.