Aéronautique - L'exercice Datex 1974 - L'Airbus A300 est certifié - Mise en service d'un simulateur pour l'avion Mercure - Le Multirole combat aircraft (MRCA) - Le programme « chasseur léger » de l'US Air Force
L’exercice Datex 1974
Datex 74 est un exercice majeur de défense aérienne qui s’est déroulé les 24, 25 et 26 avril 1974 et qui a mis en jeu des forces nationales et étrangères.
En dehors de tout schéma politique ou stratégique, cet exercice avait pour but d’évaluer le niveau d’entraînement des unités participant à la défense aérienne du territoire tant en couverture générale qu’en défense ponctuelle et d’approfondir les modes de réactions possibles des forces aériennes stratégiques en fonction des renseignements concernant la menace diffusés par la défense aérienne.
Les forces défensives étaient constituées des moyens organiques du Commandement air des forces de défense aérienne (Cafda) comprenant principalement le Centre d’opérations de la défense aérienne à Taverny (Coda), les secteurs de défense aérienne, les centres de détection et de contrôle qui mettent en œuvre et exploitent les radars de la défense aérienne assurant la surveillance du ciel et le contrôle des interceptions des mouvements hostiles ou non identifiés, les escadres de défense aérienne équipées de Mirage F1, de Mirage IIIC et de Supermystére.
À ces moyens organiques du Cafda s’ajoutaient des escadres de Mirage IIIE des Forces aériennes tactiques (Fatac), des flottilles de Vought F-8 Crusader de l’aéronavale ainsi qu’une participation de plusieurs escadrons de Mystère IV du Commandement des écoles.
Dans le cadre de l’exercice, une partie de ces unités aériennes avait été déployée au préalable sur un grand nombre de bases pour pouvoir assurer une meilleure couverture du territoire.
Les radars de recueil des bases aériennes, les forces terrestres de défense aérienne avec leurs canons et leurs missiles sol-air, la mise sur pied d’une chaîne de guet à vue reliée aux centres de détection et de contrôle et échelonnée sur environ mille kilomètres de frontière, les sémaphores et les bâtiments à la mer complétaient l’ensemble du dispositif défensif.
Les moyens offensifs pénétrant à haute et basse altitude sur le territoire national étaient constitués de Mirage IIIE, de Jaguar, de Mirage 5F, de F-100 et de Mirage IIIR des forces aériennes tactiques, des Vautour des forces aériennes stratégiques et des Étendard de l’aéronavale sans oublier la participation de moyens aériens étrangers : Belgique, États-Unis, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Italie et République fédérale d’Allemagne (RFA), représentés par des unités de F-104 Starfighter, de Mirage 5, de Phantom et de Fiat G91.
Les Mirage IV et les C-135 associés ont joué dans un premier temps la manœuvre de réaction devant la menace et ont ensuite été utilisés au retour comme force assaillante en pénétration supersonique ou à basse altitude.
L’activité aérienne correspondante s’est élevée à 1 800 sorties dont environ 700 exécutées par les forces aériennes alliées.
Cet exercice s’est traduit notamment par un accent particulier sur la technique et les procédures de défense aérienne à basse altitude, par une utilisation intensive des contre-mesures dans le but d’entraîner les pilotes et les contrôleurs à la défense aérienne en ambiance de guerre électronique et par le transfert des centres d’opérations des forces aériennes stratégiques et de la défense aérienne de Taverny vers les centres d’opérations secondaires.
Comme après tout exercice d’envergure, il reste maintenant aux différents états-majors à en tirer les enseignements.
L’Airbus A300 est certifié
Le 15 mars 1974, l’Airbus a reçu les certificats de navigabilité français et allemand y compris pour l’approche et l’atterrissage automatiques de catégorie II. Cette étape a été franchie avec deux semaines d’avance sur la date fixée lors du lancement du programme.
La prochaine étape reste la certification en catégorie IIIA. Celle-ci devra offrir la possibilité pour l’appareil de se poser sur un aéroport avec les conditions météorologiques rencontrées lors d’un brouillard épais. Si cette nouvelle certification est obtenue, l’appareil sera autorisé à se poser en exploitation régulière avec une visibilité verticale pratiquement nulle et une visibilité horizontale de 200 mètres. Les conditions requises pour délivrer cette certification reposent essentiellement sur l’aspect sécurité de l’avion dont les systèmes de pilotage doivent être suffisamment redondants pour permettre l’approche et l’atterrissage de l’appareil même en cas de défaillance de certains éléments du système.
Rappelons que huit Airbus de série voleront en 1974, la cadence moyenne de fabrication d’un avion par mois étant atteinte à la fin de l’année.
Actuellement, l’appareil n° 5, exemplaire tête de série de la version B, et destiné à la compagnie Air France, est en phase d’essai. Il devrait être livré dans très peu de temps et être suivi de l’appareil n° 6 à la fin mai et de l’avion n° 7 fin juillet.
Succès pour le Larzac
Le réacteur Larzac vient d’atteindre au banc, à Bordes le 3 avril 1974, la puissance de 1 344 kgp, représentant la puissance contractuelle demandée. On sait que le programme de ce propulseur, fruit d’une coopération entre la Snecma et Turboméca, a été réalisé par étapes. En effet, dans un premier temps, la qualification fut acquise pour une puissance de 1 200 kgp ; en second lieu, cette puissance fut portée à 1 275 kgp.
Aujourd’hui, la troisième étape se trouve abordée par cet essai, concluant au banc, qui doit être suivi dans l’immédiat d’un essai d’endurance de 50 heures en vue de la qualification pour le vol. Rappelons que ce réacteur qui, en première utilisation, équipe les prototypes de l’avion d’entraînement franco-allemand (Dassault-Breguet–Dornier) Alpha Jet, est également en essais sur banc volant Falcon 10. Sur le premier Alpha Jet, l’un des réacteurs Larzac, déposé après avoir utilisé son potentiel initial de 50 heures, a été examiné et relivré, sans intervention notable, à l’avionneur pour remontage sur l’avion.
Mise en service d’un simulateur pour l’avion Mercure
Le simulateur d’entraînement de l’avion Mercure, réalisé par la Division Simulateurs et Systèmes électroniques de LMT (Le Matériel téléphonique), a été mis en service le 5 avril 1974 au Centre d’instruction de la société « Les Avions Marcel Dassault Breguet-Aviation » à Vélizy-Villacoublay.
Ce simulateur a été réalisé pendant la mise au point et la certification de l’avion lui-même et a été livré selon le planning prévu pour être opérationnel avant la mise en service des premiers avions par Air Inter. Il sera utilisé pour la formation et pour les contrôles périodiques de qualification des équipages des compagnies aériennes.
Le simulateur comporte principalement une cabine de pilotage identique à celle de l’avion, fixée sur une plate-forme mobile à six degrés de liberté, un poste de l’instructeur très élaboré utilisant les techniques de présentation d’informations sur écran cathodique et un ensemble de calcul numérique relié à une mémoire à disques de grande capacité. Il sera couplé dès la fin de ce mois à un système de visualisation couleur par télévision en circuit fermé.
Le Multirole combat Aircraft (MRCA)
Construit en coopération, dans le cadre du projet Panavia, par la Grande-Bretagne, la République fédérale d’Allemagne (RFA) et l’Italie, l’avion polyvalent à géométrie variable MRCA doit effectuer son premier vol à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin. Il effectue actuellement des essais de roulement et de fonctionnement au sol sur le terrain d’essai de Manching, près de Munich (RFA). Le premier prototype, d’abord équipé de deux réacteurs Rolls-Royce/Turbo-Union RB199 standard, doit recevoir avant son premier vol des réacteurs du même type mais profondément modifiés. Le RB199 doit délivrer une poussée de 9 000 livres (4 t) à sec et de 16 000 livres (7,25 tonnes) avec postcombustion.
Le MRCA est un appareil mesurant environ 18 m de longueur et entre 9 m et 14 m d’envergure, dont le poids doit approcher 18 tonnes au décollage. Sa vitesse maximale doit avoisiner Mach 2,2. Polyvalent, il est prévu pour effectuer des missions de pénétration à basse altitude et des missions d’interception.
Dans l’attente des premiers vols, les pilotes d’essai (ils sont six en tout, soit deux par nation coopérante) s’entraînent activement sur des simulateurs de vol tout en conservant leur aptitude au vol à hautes performances en volant sur des appareils tels que le English Electric Lightning, le Lockheed F-104 Starfighter et le Fiat G.91 : la demande formulée auprès du Département de la Défense US d’autoriser les six pilotes à voler en place arrière du chasseur bombardier General Dynamics F-111 Aardvark à géométrie variable, n’a pas été acceptée, ni celle d’utiliser le simulateur F-111 de l’USAF basé en Angleterre. Ces refus ont donné une importance accrue au programme d’entraînement sur simulateur.
Le MRCA doit en principe entrer en service dès 1977 et être produit à près de 800 exemplaires dont près de 400 pour la RAF, 320 pour l’armée de l’air allemande et 100 pour l’armée de l’air italienne. Pour autant que le nombre d’appareils reste conforme à celui prévu à l’origine, son prix pourrait selon certaines estimations dépasser 85 millions de francs.
Le programme « chasseur léger » de l’US Air Force
En avril 1972, l’US Air Force a chargé General Dynamics et Northrop de la réalisation d’un chasseur léger (Light Weight Fighter) dont le prix serait très inférieur à celui du Grumman F-14 Tomcat ou du McDonnell Douglas F-15 Eagle.
Les deux firmes ont maintenant présenté leurs projets respectifs, le YF-16 pour General Dynamics et le YF-17 pour Northrop.
Concurrents entre eux, les deux appareils sont avant tout l’expression d’une politique de recherche d’appareils économiques et légers mais présentant grâce à des procédés techniques d’avant-garde des performances hors du commun. L’ensemble de ces avantages doit en définitive être utilisé pour une « vaste opération d’exportation » visant à surclasser sur les marchés étrangers les Dassault Mirage III, Mirage V et Mirage F1. Sorti d’usine le 13 décembre 1973, le YF-16 n° 1 a effectué son premier vol en février 1974. Il totalisait 24 h de vol à la fin du mois de mars et avait atteint Mach 2 à 40 000 pieds. Le prototype n° 2 a commencé ses essais fin mars. Les caractéristiques essentielles de cet avion sont ses petites dimensions (envergure 9,15 m. longueur 14,33 m) et son poids réduit (8 à 12 t au décollage) comparées à sa puissante motorisation due au réacteur Pratt & Whitney F100 PW100 (6,5 t à sec, 11 t avec réchauffe) autorisant l’emport de 4 t de charges extérieures tout en conservant des distances de décollage réduites (700 m) et pouvant lui donner un rapport poussée/poids parfois supérieur à un. Le YF-16 se caractérise en outre par une entrée d’air ventrale à géométrie fixe, donc à très faible rendement aux nombres de Mach élevés, et qui pourrait être ultérieurement remplacée par un système à géométrie variable.
Enfin le YF-16 se distingue de tous les autres prototypes connus par l’adoption de commandes de vol à transmission entièrement électrique qui contribuent à l’allégement de l’appareil et à sa simplicité.
Le prototype du YF-17, chasseur léger construit par Northrop, a été présenté au sol le 4 mars. Il doit effectuer son premier vol d’essai au début du mois de mai. D’un poids au décollage de 11 t, il a une envergure de 10,7 m et une longueur de 16,9 m. C’est un biréacteur propulsé par des moteurs General Electric YJ101 de 6 800 kg de poussée unitaire, lui donnant un rapport poussée poids très élevé. Les commandes de vol sont actionnées par un système mécanique/hydraulique classique. Il est largement fait appel pour la structure de l’appareil à des matériaux composites à base de fibres de carbone plus légères que les pièces en alliage léger.
L’évaluation parallèle de ces deux chasseurs légers par l’USAF sera riche en enseignements à tirer des nombreuses innovations technologiques qu’ils comportent. On retiendra cependant qu’aucun de ces appareils n’est actuellement prévu pour faire l’objet de commandes de série de la part de l’USAF ou de l’US Navy, dont les ressources respectives sont largement affectées aux programmes F-15 et F-14 aux coûts unitaires extrêmement élevés : 60 MF pour le F-15 et 80 MF pour le F-14. Le Light Weight Fighter dont le prix prévu ne doit pas dépasser 25 MF trouve donc sa justification à la fois dans les perspectives d’exportation et dans la possibilité qu’il offrirait d’équiper les forces américaines à la fois de nombreux chasseurs relativement bon marché (parce que n’ayant pas la capacité tous temps) mais ayant cependant des performances extrêmement élevées, et de chasseurs tous temps très élaborés et très coûteux existant en nombre limité.
À titre de comparaison en matière de coûts, on retiendra qu’en réponse à des questions posées par des journalistes, le général Grigaut, Chef d’état-major de l’Armée de l’air, a donné comme ordre d’idée du prix unitaire en vol moyen en 1980-1985 de l’Avion de combat futur (ACF) [NDLR 2024 : Futur Dassault Rafale] la somme de 50 MF. Le prix 1973 d’un Mirage IIIE serait de 12,7 MF, celui d’un Jaguar de l’ordre de 18 MF et celui d’un F1 d’environ 21 MF. ♦