Défense en France - Le statut des médecins et des pharmaciens chimistes des armées - Le nouveau statut du contrôle général des armées : une seconde carrière originale dans la fonction publique - Voyage en Espagne du Centre des hautes études militaires
Le statut des médecins et des pharmaciens chimistes des Armées
Dans un message du 10 mai 1974, le ministre des Armées indique que le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) s’est récemment réuni en session exceptionnelle pour exprimer son avis sur les projets de textes relatifs au statut particulier des corps militaires des médecins et des pharmaciens chimistes des Armées.
Soulignant que la procédure d’urgence employée pour faire aboutir sans tarder les réformes envisagées témoignait du souci d’améliorer au plus tôt la situation des deux corps, le ministre précise ses objectifs essentiels :
– améliorer le début de carrière afin d’attirer les jeunes ;
– honorer de manière particulière les titres scientifiques acquis au sein des Armées ;
– donner aux meilleurs une fin de carrière satisfaisante afin de freiner la tendance au départ.
Un premier décret sera prochainement publié au Journal officiel. Conçu et élaboré en tenant compte de la situation créée par la loi du 31 juillet 1968 et des observations présentées pour y remédier, il offrira à l’ensemble des corps de santé des perspectives plus attrayantes.
Avant de présenter la nouvelle structure du corps des médecins ou celle du corps des pharmaciens chimistes, il semble nécessaire de souligner quelques-uns des principes adoptés au moment de la conception et de l’élaboration des dispositions statutaires.
1° Les médecins et pharmaciens des Armées doivent rester des officiers de carrière.
Les médecins et pharmaciens chimistes des Armées constituent deux corps d’officiers de carrière disposant désormais d’une hiérarchie particulière et d’un régime de rémunération mieux adapté à leur haut niveau de qualification et aux fonctions dont ils ont la charge. Leurs missions, en métropole ou hors de France, sont clairement affirmées. Le service de santé conserve une vocation militaire dominante et une efficacité qui repose largement sur son organisation hiérarchique et la discipline de ses membres. L’importance de la place spécifique qu’il occupe au sein des Armées sera soulignée par l’établissement de régies de déontologie propres aux médecins et aux pharmaciens.
2° Les médecins et pharmaciens chimistes doivent avoir une vue plus claire de leurs obligations et des possibilités nouvelles de quitter le service.
Les obligations imposées aux élèves des écoles de Lyon et Bordeaux et aux médecins en activité sont en outre clairement indiquées.
L’acte d’engagement spécial qu’auront à signer les jeunes gens ou les jeunes filles admis aux prochains concours précisera nettement qu’ils doivent rester un minimum de dix ans dans les Armées après l’acquisition de leur diplôme universitaire avant, éventuellement, de demander à quitter les Armées. Leur engagement pourra cependant être résilié pendant les deux premières années de scolarité.
Évolution de la carrière des médecins des armées et pharmaciens-chimistes des Armées
En outre, innovation fondamentale, le statut ouvre le droit au départ anticipé à un certain nombre de médecins ou pharmaciens chimistes avant d’avoir atteint vingt-cinq ans de service.
La proportion retenue tous les ans ne pourra être inférieure à 15 % du nombre des médecins ou pharmaciens chimistes nommés la même année au premier grade de leur corps. Cette disposition libérale instaure en fait une possibilité de carrière plus courte pour ceux qui désirent quitter le corps après l’expiration de leur obligation de 10 ans.
3° Le régime des écoles actuelles doit être aménagé :
Les deux écoles de formation de Lyon et de Bordeaux conservent une même mission de recrutement. Par contre, le principe de l’école d’application unique posé par la loi du 31 juillet 1968 est abandonné.
La spécialité de l’emploi au sein des forces terrestres, maritimes ou aériennes est en outre affirmée par le nouveau décret qui prévoit que les élèves médecins des écoles de Lyon et Bordeaux choisissent entre eux l’Armée dans laquelle ils sont appelés à servir au moment de leur nomination au premier grade.
Les écoles de spécialisation actuelles deviendront ainsi, en 1975, des écoles d’application pour l’Armée de terre, la Marine ou l’Armée de l’air. L’Institut de pathologie exotique (École du Pharo) poursuivra son rôle de préparation aux tâches de coopération Outre-Mer.
Comment se présente la nouvelle structure des corps de médecins et pharmaciens chimistes ?
Les grades :
Quatre grades caractérisent la nouvelle hiérarchie :
– médecin
– médecin principal
– médecin en chef
– médecin chef des services, ce dernier grade comportant deux classes.
Un important aménagement de la pyramide et des durées d’échelon rend désormais possible un avancement plus régulier et plus rapide (1).
La pyramide :
La répartition des effectifs sera la suivante :
– Médecins : 35 %.
– Médecins principaux : 25,96 %.
– Médecins en chef : 35,796 %.
– Médecins chefs des services : 4,396 %, à raison de deux tiers pour la classe normale et un tiers pour la hors classe.
Déroulement de carrière et obligations de durée de service
Les échelons indiciaires et les primes :
La durée des échelons indiciaires des trois premiers grades est fixée à deux ans, sauf pour les deux premiers échelons du grade de médecin dont la durée n’est que d’un an. Ceci intéresse en particulier les médecins et les médecins en chef, qui n’ont plus désormais à subir un changement de classe.
L’effort que feront les meilleurs pour acquérir une qualification de haut niveau sera également récompensé à la fois par l’attribution de primes et par un gain de temps d’échelon d’un an après acquisition du titre d’assistant et de spécialiste de toute discipline.
Le futur régime indemnitaire prévoit également une prime spéciale pour tous les médecins ou pharmaciens et une plus large possibilité d’accès à une prime plus élevée, après sélection, pour les médecins servant dans les forces. Le montant de ces primes suivra l’évolution des soldes.
Les indices hors échelles et le 4e grade :
Le nombre de médecins et pharmaciens chimistes en chef qui pourront accéder à l’échelon exceptionnel de leur grade (échelle-lettre A) sera plus que quadruplé par rapport au régime actuel. Mais c’est la structure du 4e grade qui présente la caractéristique la plus originale du nouveau statut :
Actuellement, 1,8 % du corps des médecins ont accès aux échelles-lettres B et au-dessus. Dans le nouveau corps ce pourcentage est porté à 4,3 %. Pour permettre aux médecins de parvenir à ces échelles-lettres sans cesser l’exercice de leur art et pour éviter une augmentation excessive du nombre des officiers généraux dans les Armées, le texte prévoit que seuls les médecins chefs des services désignés pour occuper des responsabilités de direction ou de commandement recevront application des dispositions relatives aux officiers généraux. Leur nombre, à l’intérieur du 4e grade, reste fixé à 1,8 % du corps.
Les médecins chefs des services ainsi désignés recevront rang et prérogatives de général de brigade avec appellation de médecin général, s’ils sont à la classe « normale » de leur grade (1,2 %), rang et prérogatives de général de division s’ils sont à la « hors classe » (0,6 %), avec appellation de médecin général inspecteur.
Les autres médecins chefs des services pourront ainsi se consacrer sans réserve aux postes de haute responsabilité technique (services hospitaliers, recherche, etc.) sans pour autant perdre le bénéfice de l’accès aux échelles-lettres B et au-dessus, rémunérations auxquelles leur fonction et leur qualification leur donnent légitimement droit.
Le corps des pharmaciens chimistes reçoit une nouvelle structure, analogue à celle du corps des médecins mais, pour tenir compte de la durée plus courte de leurs études et des postes fonctionnels de direction qui leur sont confiés, leur pyramide a été fixée à :
– pharmacien chimiste : 40 %
– pharmacien chimiste principal : 27 %
– pharmacien chimiste en chef : 29,7 %
– pharmacien chimiste chef des services : 3,3 %
Un tiers des pharmaciens chefs des services de classe « normale » pourra recevoir rang et prérogatives de général de brigade et, pour la première fois dans l’histoire de leur corps, un pharmacien chimiste recevra rang et prérogatives de général de division avec appellation de pharmacien chimiste général inspecteur.
Telles sont les grandes lignes du nouveau statut des médecins et pharmaciens chimistes des armées. Le décret qui l’établit sera suivi au cours des prochains mois des textes d’application nécessaires : textes relatifs au régime indemnitaire, à l’échelonnement indiciaire, aux écoles, etc. et les travaux budgétaires en cours pour la préparation du budget de 1975 devront en tenir compte.
La réforme sera donc réalisée progressivement à partir du 1er janvier 1975 et, sauf pour la totalité des classes du grade de médecins ou pharmaciens chefs des services qui demandera un plus long délai de réalisation compte tenu des conditions d’avancement, elle devrait avoir son plein effet en 2 ou 3 ans.
Une étape importante de la réforme en cours des statuts du personnel militaire est ainsi réalisée dans le cadre de la nouvelle loi portant statut général des militaires.
Le nouveau statut du contrôle général des Armées : une seconde carrière originale dans la fonction publique
Le Contrôle général des armées est une des plus anciennes institutions militaires. On en trouve les origines dès le XVIe siècle et c’est en 1882 et 1902 que furent respectivement organisés les corps de contrôle de l’administration de l’armée et de la Marine dont les membres, sous l’autorité directe du ministre, furent absolument indépendants de ceux qu’ils avaient à inspecter.
Les contrôleurs de la Marine et de l’Armée étaient recrutés par concours parmi les officiers expérimentés des armes et services, les ingénieurs, les médecins et pharmaciens militaires.
Ils constituaient des corps militaires ayant une hiérarchie propre ne comportant aucune assimilation avec les grades de l’Armée et de la Marine. Ils jouissaient du bénéfice de la loi du 19 mai 1834 sur l’état des officiers.
Une seconde carrière était ainsi offerte aux officiers qui acceptaient d’affronter un concours difficile pour être en mesure de renseigner impartialement le ministre sur la marche de son administration. Connaissant bien le monde militaire ou maritime, ses habitudes, ses servitudes, ses traditions, les contrôleurs avaient une autorité morale incontestée et leur efficacité discrète était appréciée du gouvernement et des parlementaires.
Dès sa création, le jeune et dynamique ministère de l’Air organise, en 1933, un corps de contrôle qui fut également ouvert aux fonctionnaires de l’administration centrale, officiers de réserve et spécialisés dans les questions de navigation aérienne.
En 1961, le ministre des armées mit sur pied une structure unitaire de son département et les trois corps militaires de contrôle durent s’y adapter : les dispositions des statuts furent d’abord harmonisées en décembre 1961, et la loi du 5 juillet 1966 créa le corps du Contrôle général des armées.
Le recrutement fut offert traditionnellement aux officiers des armes et services, aux ingénieurs militaires, mais également, et ce fut une innovation, aux membres des corps de la fonction publique recrutés par l’École nationale d’administration détenteurs d’un grade d’officier de réserve. Cette ouverture, logique au moment où les armées et l’administration collaborent davantage, fut toutefois limitée au cinquième des effectifs recrutés.
Cette nouvelle source de recrutement ne donna pas les résultats escomptés, peut-être parce qu’à trente-quatre ans et au-delà, la perspective de se présenter devant un jury où siègent des professeurs de droit et des contrôleurs généraux exige un certain courage, mais surtout parce que les intéressés n’étaient pas suffisamment informés des conditions d’admission et de l’intérêt de la carrière. Seul un administrateur civil des armées a franchi victorieusement l’obstacle du concours.
Quoi qu’il en soit, le nouveau statut (2) du Contrôle général des armées vient de supprimer la restriction quant au nombre de places offertes aux civils, parfois jugée comme étant ségrégative et d’autoriser également les membres des corps de la fonction publique recrutés par l’École Polytechnique à se présenter au concours. En outre la limite d’âge minimale exigée pour concourir a été abaissée de 34 à 32 ans et l’ancienneté de services fixée uniformément à huit ans.
Une plus large variété dans les origines des contrôleurs des armées, obtenue grâce à ces nouvelles dispositions, devrait faciliter l’exercice de leurs tâches, caractérisées par la diversité des domaines auxquels elles s’appliquent. C’est ainsi, par exemple, que les ingénieurs seront certainement attirés par l’inspection des établissements industriels ou par le rôle de commissaire du gouvernement auprès des industries dont le ministre des Armées exerce la tutelle ou assure le contrôle (aéronautique-électronique…).
De telles innovations, avouons-le, choquent certains esprits très traditionalistes, d’autant que rien n’empêche les femmes ingénieurs ou médecins militaires de se présenter au concours.
L’ensemble de ces réformes n’est révolutionnaire qu’en apparence. Il s’agit en réalité d’élargir les sources de recrutement d’un corps d’inspection générale dont la véritable originalité réside dans le fait qu’il constitue une seconde carrière, formule qui a largement fait ses preuves en alliant les connaissances théoriques à l’expérience pratique acquise dans l’action.
Voyage en Espagne du Centre des hautes études militaires (CHEM)
Le CHEM, dirigé par le général de corps d’armée Jean Callet, a rendu visite, du 16 au 20 avril, à son homologue espagnol, le CESEDEN (Centre supérieur d’études de la Défense nationale).
Accueillis par le général Diez Alegria, chef du Haut état-major, et l’amiral Martel, directeur du CESEDEN, les auditeurs du CHEM ont fait connaissance avec l’organisation et les méthodes de travail du CESEDEN.
Au cours de séances communes, ils ont étudié plusieurs cas stratégiques concrets concernant les problèmes de la Méditerranée.
Complété par des excursions vers de hauts lieux de l’Espagne : Tolède, l’Escorial, la vallée de Los Caidos, ce séjour a permis aux auditeurs des deux centres de mieux se connaître et s’apprécier. ♦
(1) Les dispositions concernant les pharmaciens sont analogues à celles des médecins.
(2) Décret du 16 mai 1974, publié au Journal officiel du 19 mai 1974.