Aéronautique - L'informatique dans l'Armée de l'air - Coupes et congrès dans l'aéronautique militaire - Le Xe Salon de Hanovre
L’informatique dans l’Armée de l’air
L’Armée de l’air s’est ouverte à l’ère de l’informatique par le programme Strida (Système de traitement et de représentation des informations de défense aérienne) qui fut et demeure encore de nos jours le plus vaste et le plus complexe que les armées n’aient jamais connu.
Dans ce système intégré, l’homme, l’ordinateur et ses organes périphériques, les radars et les avions, reliés par des moyens de transmissions puissants réagissent en parfaite synchronisation en vue de réaliser une surveillance étroite de l’espace aérien national ou d’exercer une riposte efficace s’il est violé.
Dans cet ensemble de moyens, la téléinformatique occupe une grande place. Elle intervient dans la transmission et le traitement de toutes les informations ; qu’elles soient relatives à la surveillance de l’espace, à l’alerte des intercepteurs, à la désignation de leurs objectifs, au choix des armes, au recueil des avions, une fois leur mission accomplie. Elle permet aussi les échanges d’informations avec les autres moyens de défense aérienne, nationaux ou amis.
Débordant le cadre de la défense, un tel système mettait l’Armée de l’air en posture d’exercer efficacement le contrôle de la circulation aérienne militaire ; cette mission lui a normalement été confiée. Au fur et à mesure que l’informatique progressait dans le domaine de la circulation aérienne civile, une plus étroite harmonisation devenait dès lors possible. Les liaisons Strida-Cautra ([système de] Coordination automatique du trafic aérien) se sont alors développées. En cas de crise l’Armée de l’air pouvait avec ses moyens propres exercer un contrôle efficace de la circulation générale sur l’ensemble du territoire national, elle l’a prouvé lors de l’opération Clément Marot.
La complexité de la mission explique que le Strida a été long à mettre en place, son développement actuel approche cependant de la phase terminale. L’échelonnement dans le temps associé aux rapides progrès de l’informatique fait que les dizaines d’ordinateurs qui en constituent la pièce maîtresse appartiennent aux trois générations. Les premiers ont été spécifiquement conçus pour ce besoin (CAPAC II et III), les stations de contrôle ont été ensuite dotées d’ordinateurs commerciaux IBM de la troisième génération, 360/30 et 40, plus récemment des 370 des types 135-145 et 158. Les organes de périphérie auxquels ils sont reliés sont nombreux et divers, la plupart de conception française. Ainsi, cette réalisation a servi de banc d’essai et a prouvé que les constructeurs français étaient aptes à entrer dans la compétition informatique et que les difficultés de compatibilité en matière de télétraitement étaient surmontables.
Parallèlement, au cours de ces dix dernières années, l’informatique s’est progressivement instaurée dans beaucoup d’autres domaines opérationnels :
Le réseau de transmissions Air 70 d’abord qui comporte en quatre de ses points nodaux des ordinateurs CII (9040) lesquels réalisent les fonctions de commutateurs de message. Initialement destiné au transfert des informations téléphoniques et télégraphiques, ce réseau sera utilisé dès 1975 pour la transmission de données, échanges de communications entre l’homme et l’ordinateur. Pour satisfaire à ces exigences nouvelles il a fallu développer un logiciel approprié pour diminuer les taux d’erreurs des lignes, réaliser un collecteur-diffuseur de données au Centre de traitement de l’information. Le téléphone également sera prochainement autocommuté ; les techniques employées font appel à la numérisation, les autocommutateurs à programmes enregistrés qui équiperont le réseau ne seront autres que des ordinateurs.
La maintenance des avions modernes de l’Armée de l’air s’appuie également sur l’informatique ; il s’agit là d’un domaine qui s’apparente au contrôle de processus industriel. L’Atec (Appareillage de test des équipements complexes) et le Sdap (Système de détection automatique de panne) équipent déjà les unités de Mirage F1. Le premier sert au diagnostic de panne des équipements mis en réparation, le second permet au retour du vol la vérification et la localisation des anomalies de fonctionnement. Les avions peuvent ainsi être remis en état dans un temps record.
Dans le domaine de la recherche du renseignement : les progrès techniques ont permis d’abord d’élargir le champ d’investigation de l’avion de reconnaissance, mais il fallait ensuite exploiter rapidement ces informations. L’informatique grâce à sa puissance de calcul a permis d’obtenir ce résultat. Patricia (Procédé automatique de traitement des informations caméra, infrarouge et antennes latérales), dont l’installation est en cours, comprend un nombre élevé de capteurs de divers types à bord de l’avion qui, de la caméra aux radars, permettent à l’appareil volant à basse altitude de couvrir une zone allant jusqu’à 6 x 30 kilomètres autour de sa trajectoire. Au sol, des consoles reliées à l’ordinateur permettent l’examen comparatif des informations accumulées pendant le vol, une sélection plus rapide des résultats et la constitution des dossiers d’objectifs. Dans le cadre de la guerre électronique, le système Sarigue [NDLR 2024 : avion de guerre électronique] fonctionnera prochainement suivant un principe analogue.
La force de dissuasion de l’Armée de l’air SSBS - S2 et S3, le système d’arme sol-air basse altitude tous temps Crotale pour ne citer que les plus importants, complètent la gamme des dispositifs opérationnels utilisant l’informatique.
Dans l’ensemble du domaine informatique opérationnel, l’Armée de l’air intervient en liaison avec la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) dans la conception de ces systèmes, l’examen des clauses techniques, la définition de la méthode et des outils de programmation. Elle assure ensuite, lorsque ces systèmes sont en service, la maintenance des programmes ainsi que celle des matériels informatiques.
Le domaine de la gestion a lui aussi fait l’objet d’une pénétration croissante de l’informatique, l’organisation militaire fortement centralisée constituait en effet un terrain propice.
À la fin des années 1950, la mécanographie, avait déjà fait son apparition dans l’Armée de l’air. Elle fournissait alors une aide appréciable dans le domaine de la prévention des accidents aériens par l’enregistrement des incidents de vol et des anomalies techniques décelées sur le matériel aéronautique.
Les études de plus grande envergure, entreprises de 1960 à 1965 sur la gestion des personnels et des matériels, allaient se concrétiser par le développement de multiples applications de l’informatique et fournir, d’abord dans le domaine du personnel une aide appréciable pour l’exécution des tâches de direction, ensuite un allégement sensible pour les échelons locaux trop souvent sollicités pour la fourniture de comptes rendus à l’administration centrale. Les situations établies par l’ordinateur permettaient en outre d’éliminer les disparités importantes que la gestion manuelle n’avait pu déceler. L’intendance dès lors pouvait suivre.
En 1968 fonctionnait, au Centre de traitement des informations de l’Armée de l’air (CTIAA), un système de gestion automatisée des personnels fondé sur la connaissance par l’ordinateur de la situation détaillée en droits et existants de chacune des unités. Il fournissait les situations comparatives nécessaires à l’administration du personnel. II permettait le calcul automatique des rémunérations, la centralisation de leur règlement.
À cette période un nouveau pas allait être franchi. Les études préalables sur la logistique des matériels, qui avaient duré plus de cinq ans, débouchaient sur la création d’un système de gestion globale (le plus sophistiqué de l’époque) et la mise sur pied, sur la base de Châteaudun, d’un nouveau centre informatique spécialisé pour cette tâche, le Centre de gestion des matériels techniques de l’Armée de l’air (CGMTAA). Celui-ci prit progressivement en compte la logistique de tous les composants aéronautiques (plus de 350 000), leur suivi technique ainsi que d’autres matériels : munitions, armement, véhicules, etc., et la comptabilisation des dépenses de carburant.
Parallèlement dans le domaine des finances, des effets d’habillement, des matériels de bureau, la Direction centrale du Commissariat mettait sur pied des applications de plus en plus nombreuses ; le Bureau organisation, méthodes, informatique et statistiques (Bomis) apportait aux bureaux de l’état-major et aux Grands commandements (Transports, Écoles, Transmissions) l’aide nécessaire au développement de leurs applications spécialisées.
Dès 1968 également, les progrès de la technologie informatique permettaient d’envisager l’emploi des ordinateurs commerciaux en télétraitement. Celle nouvelle méthode était alors développée dans le domaine de la gestion des personnels, le mieux exploré à cette époque. Des programmes d’interrogation furent réalisés permettant aux bureaux de la Direction des personnels dotés de consoles de visualisation de consulter l’ordinateur pour obtenir non seulement les caractéristiques détaillées de tel ou tel personnel en service, mais aussi de rechercher dans l’ensemble de la population les sous-ensembles d’individus répondant aux critères de sélection fixés par le demandeur.
La voie du télétraitement n’a cessé, depuis, de progresser. Cette année, les terminaux de visualisation dotés d’imprimantes, au nombre d’une trentaine, fourniront aux Régions aériennes, Grands commandements, Directions et État-major le moyen de mettre à jour et d’interroger les données relevant de leur domaine de compétence. L’ordinateur central devient ainsi un outil de décentralisation nécessaire pour réaliser une saine gestion.
Pour ce faire, l’Armée de l’air dispose d’un parc important de matériels de saisie de l’information d’une valeur supérieure à 14 millions de francs, elle dépense annuellement 16 M pour l’informatique de gestion (ce qui ne représente que 0,5 % du titre III). Le CTIAA et le CGMTAA sont équipés d’ordinateurs puissants : IBM 370/145 et CII Iris 80.
Pour le développement des études et la mise sur pied des réalisations, l’Armée de l’air dispose de chercheurs opérationnels, formés au Centre interarmées de recherche opérationnelle (CIRO), qui utilisent les moyens informatiques du CTIAA et du Centre de calcul scientifique des armées, et de deux cents informaticiens dont soixante-dix de haut niveau. Les uns suivent un stage interarmées sous l’égide du Secrétariat général pour l’administration, les autres sont pour la plupart formés par le CIRO. L’Armée de l’air forme elle-même au CTIAA ses programmeurs, opérateurs et spécialistes de la saisie de données.
Les informaticiens sont répartis dans les Centres et les groupes d’études des Directions et des États-majors. La plupart d’entre eux ne pratiquent l’informatique que pendant une durée limitée de leur carrière, ils rejoignent ensuite les affectations normales de leur corps d’appartenance. L’École de l’Air ouvrira dès cette année ses portes à un petit nombre d’officiers destinés à faire carrière dans l’informatique.
La politique informatique est décidée en Conseil supérieur de l’informatique présidé par le Chef d’État-major de l’Armée de l’air, la coordination des études, les plans d’évolution des matériels de gestion et d’emploi du personnel sont réalisés au Bureau organisation, méthodes, informatique et statistiques de l’État-Major.
Colonel A. Chapuis
Chef du Bureau organisation, méthodes, informatique et statistiques de l’Armée de l’air
Coupes et Congrès dans l’aéronautique militaire
Au cours de la dernière semaine du mois de mai 1974 s’est tenu sur la base aérienne de Cazaux le Congrès de l’aviation de chasse.
Cette manifestation qui se renouvelle tous les deux ans répond, entre autres buts, aux besoins d’échanges de vues et d’informations entre les officiers détenant des postes de commandement et de responsabilité dans l’aviation de chasse et de reconnaissance et ceux de l’administration centrale et des grands commandements d’emploi intéressés : la force aérienne tactique, responsable cette année de l’organisation du congrès, et le commandement air des forces de défense aérienne.
Au cours de ce congrès les principaux thèmes de réflexion et d’information ont porté sur les matériels nouveaux ou en développement dans l’Armée de l’air : engin air-air de combat rapproché Magic, missile de défense antiaérienne Crotale, avion de combat futur comparé aux programmes similaires des nations étrangères ; sur les perspectives à long terme, la 4e loi de programme militaire, le plan d’équipement des unités de combat, et enfin sur les enseignements à tirer du récent conflit du Moyen-Orient dans le domaine de la guerre électronique et dans celui des missiles pour les concepts d’emploi de l’aviation de combat.
Les exposés ont traité également de la mise en œuvre et de l’utilisation des matériels récemment mis en service depuis le précédent congrès : avion d’appui tactique Jaguar, intercepteur Mirage F1, missile anti-radar Martel, et aussi de la mise en condition opérationnelle et de l’entraînement des unités dotées de l’arme nucléaire tactique.
Pendant les travaux du congrès se sont déroulées, également sur la base aérienne de Cazaux, les épreuves de la coupe Comète. L’histoire de la coupe Comète remonte à la remise d’un trophée offert en 1953 par la société française Ford à l’Association nationale des officiers de réserve de l’Armée de l’air (ANORAA).
Ce trophée reçut à l’époque le nom de coupe Comète et fut mis à la disposition de l’Armée de l’air pour être disputé entre les escadrons de chasse suivant un règlement fixé par le commandement.
Ainsi, cette année, à l’occasion du congrès de la chasse, les escadrons de chasse et de reconnaissance se sont affrontés dans une compétition comprenant deux épreuves :
– une épreuve de navigation-assaut très compète, comportant reconnaissance et attaque d’objectifs à basse altitude grande vitesse et se terminant par une exécution de passes de tir sur cibles au sol ;
– une épreuve de voltige aérienne basse altitude.
À l’exception des escadrons de la 30e Escadre de chasse, récemment transformés sur Mirage F1 et qui n’ont pas participé à la totalité des épreuves, la coupe a opposé tous les escadrons de combat de la Force aérienne tactique (Fatac) et du Cafda (Commandement air des forces de défense aérienne). À l’issue des épreuves la coupe a été remise au commandant de l’escadron vainqueur, l’Escadron de chasse 1-4 « Dauphiné », au cours de la cérémonie de clôture du congrès présidée par le général Grigaut, Chef d’état-major de l’Armée de l’air (CÉMAA) et en présence du général Mitterrand, inspecteur général de l’Armée de l’air.
La veille, les généraux Grigaut et Mitterrand s’étaient rendus à la base de Chambéry pour assister à la séance de clôture du Congrès du transport aérien militaire.
La désignation de la base de Chambéry pour les assises du congrès du transport marque l’intérêt porté par le commandement du transport aérien militaire à la formation des pilotes d’hélicoptères. Le centre d’instruction des équipages, installé précisément sur cette base, a désormais en effet la mission de transformer certains équipages spécialistes de l’Armée de l’air sur hélicoptère lourd SA330 Puma dont elle a fait l’acquisition.
Les sujets d’intérêt qui ont été débattus au cours de ce congrès entre officiers d’état-major et commandants d’unités de transport ont concerné principalement :
– la formation des équipages d’avions à très long rayon d’action,
– les conditions d’emploi des hélicoptères et des avions en transport d’assaut,
– l’organisation de la maintenance.
À ces réunions-discussions sont venues s’ajouter des conférences d’information générale prononcées par les officiers de l’administration centrale et portant sur les matériels futurs, les équipements de guerre électronique et les enseignements à tirer des derniers conflits en matière d’emploi des flottes de transport.
Des épreuves aériennes et des épreuves techniques se sont juxtaposées à ces travaux en salle. Elles ont opposé entre eux d’une part les escadrons de Transall C-160 et de Nord 2501 Noratlas et, d’autre part, les escadrons d’hélicoptères SA316 Alouette III dans des exercices différenciés comprenant une navigation à basse altitude, un déroulement, un aérotransport ou un largage de précision et un atterrissage opérationnel.
La coupe des épreuves transport avion a été remportée par l’Escadron 2/62 « Anjou » stationné à Reims pour les Nord 2501 et par l’Escadron 2/61 « Franche-Comté » stationné à Orléans pour les Transall.
La coupe des épreuves hélicoptères est revenue à l’Escadron 2/68 « Valmy » stationné à Metz.
À signaler également au cours du mois de mai le déroulement des épreuves de la coupe Fantasia qui ont mis aux prises les escadrons des Forces aériennes stratégiques (FAS), Mirage IV d’une part et C-135 d’autre part, dans une série de missions comportant bombardement sur cibles de Cazaux et ravitaillements en vol dans des conditions d’exécution très proches des conditions d’emploi opérationnel.
Ce mois de mai, l’Armée de l’air regroupée par subdivision d’armes s’est donc retrouvée pour parfaire son information, réfléchir à ses conditions d’emploi et démontrer ses capacités opérationnelles.
Le Xe Salon de Hanovre
Le Salon aérospatial de Hanovre a eu lieu du 27 avril au 5 mai 1974. La grande exposition, organisée par l’association allemande des industries aérospatiales, qui ouvrait ses portes pour la dixième fois, a vu en seize années tripler sa surface et quintupler le nombre de ses visiteurs : elle est dorénavant considérée comme l’un des grands événements aéronautiques mondiaux. Regroupant cette année les efforts aérospatiaux de dix-sept nations, avec plus de 300 stands d’exposants et environ 150 appareils, elle a été inaugurée par le Dr Friderichs, ministre de l’Économie de la République fédérale d’Allemagne. Au cours de son allocution, le ministre a insisté sur la nécessité de la coopération, seule chance de survie de l’industrie aéronautique et spatiale.
Cette année encore, l’accent a porté sur l’aviation générale, les hélicoptères prenant une place prédominante à côté des avions légers de transport et d’affaires, des appareils de compétition sportive, de tourisme et d’école, ainsi que de vol à voile.
L’aviation militaire comptait en tout premier lieu les deux prototypes de l’Alphajet (avec la panoplie d’armement pour la version allemande) qui ont obtenu un grand succès au cours de leurs démonstrations en vol, et la maquette en vraie grandeur du Multi Role Combat Aircraft (MRCA) présentée sur le stand de la firme MBB (Messerschmitt-Bölkow-Blohm). Étaient également exposés ou présentés en vol le Fiat G.91, les SAAB Scania Viggen et 105, le Lockheed F-104 Starfighter et le McDonnell Douglas F-4F et RF-4E Phantom II de la Bundeswehr.
L’aviation de transport commercial comptait au premier rang le moyen-courrier européen Airbus A300, le biréacteur VFW Fokker 614 (RFA-Hollande), l’Antonov AN-30 et le Yakolev 40 (URSS), le Lockheed L.1011 Tristar et le McDonnell Douglas DC-10-30 (États-Unis).
Le Salon de Hanovre constitue la grande vitrine de l’industrie aérospatiale allemande qui emploie près de 55 000 personnes, et qui y présentait à elle seule 23 avions et hélicoptères, appareils de conception nationale ou construits en coopération internationale.
Victor Bréhat