Maritime - France : l'informatique « non spécifique » dans la Marine ; évolution du corps des officiers de marine ; l'aéronautique navale adopte l'AM 39 - Italie : les escorteurs du programme naval - URSS : les sous-marins stratégiques
France : l’informatique « non spécifique » dans la Marine
Parallèlement aux progrès importants et continus réalisés depuis la Seconde Guerre mondiale dans le domaine tactique maritime et face à la diversité et à la complexité sans cesse croissantes des problèmes logistiques et opérationnels à résoudre, la Marine nationale s’est engagée dans la voie de l’informatique dès l’apparition de cette technique en Europe, afin de maîtriser le flot massif des informations et d’en tirer des éléments de décision et d’action ; elle l’a fait à temps et progressivement, en consentant les efforts intellectuels et financiers nécessaires.
Cet article consacré à l’informatique « non spécifique » dans la Marine, se propose de situer le cadre dans lequel la Marine exerce son activité informatique puis de présenter la politique définie par le Chef d’état-major de la Marine (CEMM) : après quoi, seront examinées les structures existantes et évoquées enfin les perspectives de leur développement.
L’organisation informatique dans la Marine
La Marine nationale, comme les autres armées d’ailleurs, distingue, dans ses applications informatiques, deux grands domaines : l’informatique spécifique (ou tactique) et l’informatique non spécifique (ou générale), dont les développements sont respectivement coordonnés, au niveau du ministre des Armées, par la Commission des matériels informatiques spécifiques présidée par le Délégué ministériel pour l’armement (DMA) et par la Commission de l’Informatique présidée par le Secrétaire général pour l’administration (SGA).
L’informatique « tactique »
L’informatique « tactique », pilotée par la division Matériel de l’État-major de la Marine (EMM), regroupe les systèmes conçus sur des spécifications militaires et présentant de ce fait une singularité aux plans du Matériel (Hardware) et du Logiciel (Software).
Ces systèmes en temps réel répondent à un besoin militaire précis et imposent, en raison de leurs conditions de fonctionnement et de leurs caractéristiques d’exploitation très particulières, la réalisation de matériels « navalisés » et le recours à des technologies spéciales : ils peuvent être :
– soit intégrés à des systèmes d’armes évolués : on peut citer le système MSBS (mer-sol balistique stratégique) des Sous-marins nucléaires lance-engins (SNLE), les systèmes de lutte antiaérienne (AA) et anti-sous-marine (ASM) des bâtiments de surface,
– soit axés sur le traitement des données tactiques aux fins d’élaboration et de présentation de la situation instantanée, d’évaluation de la menace et de mise en œuvre des armes ; tel est le Senit (Système d’exploitation naval de l’information tactique).
– soit enfin, destinés à l’entraînement des équipages ou à l’élaboration des programmes d’application des systèmes tactiques embarqués.
L’informatique « générale »
L’informatique « générale », qui fait l’objet du présent article, relève, à l’EMM, de la compétence du bureau MTA (Méthodes et techniques d’action) de la division Plans, ce bureau œuvrant depuis plus de dix ans pour promouvoir l’utilisation des méthodes et des moyens scientifiques modernes (Organisation - Méthodes, Recherche opérationnelle et informatique « générale ») conçus pour permettre, en un monde changeant et de plus en plus complexe, de choisir des objectifs raisonnables et de les atteindre avec efficacité et économie.
Cette informatique « générale », qui met en œuvre des matériels de type « commercial » pouvant présenter une certaine spécificité au plan du logiciel, vise, d’une part à résoudre les problèmes de l’Administration engagée dans les activités logistiques, d’autre part à répondre aux besoins des chercheurs et des techniciens, et en outre, à apporter au Commandement, responsable des activités opérationnelles, les éléments des choix qu’impliquent les décisions : elle couvre trois secteurs principaux :
– l’informatique de gestion,
– l’informatique scientifique.
– l’informatique opérationnelle ou de commandement.
La politique informatique de la Marine
L’évolution passée de l’informatique « générale »
Comme la plupart des administrations civiles ou militaires, la Marine n’a pas défini à l’origine une politique informatique : l’informatique « générale » s’est implantée dès 1962 de façon spontanée et autonome, dans chaque branche d’activité, sous la pression des circonstances, en fonction de l’importance et de l’urgence des besoins à satisfaire mais aussi des motivations ou des réticences des divers organismes.
Les premières applications automatisées ont été développées progressivement sous l’impulsion de l’Administration. Les Directions et les Services centraux (Service central de l’Aéronautique navale [SC Aaéro], Direction centrale du Commissariat de la Marine [DCCM], Direction du personnel militaire de la Marine [DPMM]) saisirent d’emblée l’intérêt de l’accroissement spectaculaire de la puissance et de la rapidité du traitement informatique ; ils perçurent immédiatement la possibilité qui leur était ainsi offerte, de surmonter leurs difficultés en confiant à l’ordinateur les travaux de masse, routiniers et répétitifs, antérieurement traités en totalité ou en partie par la mécanographie classique : citons à titre d’exemples, les rémunérations et les gestions individuelles et collectives des personnels, la gestion des stocks de matériels et de rechanges.
Si l’Administration a pu, du fait même de la nature de ses attributions, définir rapidement ses problèmes propres et mettre en œuvre des solutions informatiques adaptées, il n’en a pas été de même pour le Commandement, confronté à des problèmes variés et complexes dont la formulation exigeait des études préalables longues et difficiles. Toutefois, à la suite des difficultés rencontrées dans l’exercice du commandement maritime au cours des grands exercices Otan et nationaux de l’année 1962, le CEMM décidait en 1963 de créer le Seidac Paris (Système électronique d’information et d’aide au commandement), cet organisme étant destiné à doter l’EMM du « traitement électronique de l’information pour accroître les moyens d’action du commandement dans la conduite et dans l’activité générale de la Marine ».
Cet aperçu rapide des premiers pas de l’informatique dans la Marine montre de toute évidence que la diffusion de cette technique ne s’est pas faite dans des conditions optimales et qu’il devenait impératif de définir une politique efficace et cohérente dans ce domaine.
La formulation de la politique d’informatique « générale » de la Marine
La politique informatique de la Marine a pris forme progressivement, tenant compte, d’une part, de l’approche autonome et pragmatique adoptée par l’Administration et par le Commandement et, d’autre part, de la nécessité impérative d’affirmer la prééminence du Commandement, visant à coordonner les actions des Directions et des Services et à définir une position doctrinale sur le développement global de l’informatique dans la Marine.
Ébauchée au cours d’études menées par un Comité d’étude et de modernisation, puis affinée au sein d’un Comité d’organisation-méthodes et d’informatique, cette politique a été nettement définie au mois de décembre 1970, à l’occasion de l’élaboration du premier plan quinquennal d’équipement informatique de la Marine ; elle a été ainsi formulée : « créer, par une approche évolutive et à partir des points forts du système existant, un réseau de centres de traitement de l’information plus ou moins intégrés dans lequel chaque centre contribue à l’élaboration et à la tenue à jour de bases de données destinées à être exploitées par l’EMM, les grands commandements, les Directions et les Services centraux, afin d’améliorer la préparation des décisions, le suivi de l’exécution et le contrôle des résultats ».
La notion de « réseau de centres plus ou moins intégrés » débouche sur une orientation nouvelle fondée sur deux principes directeurs :
– décentralisation fonctionnelle des responsabilités de réalisation et d’exploitation des systèmes partiels : à l’intérieur des délégations consenties, chaque direction ou service garde la libre disposition de ses moyens informatiques pour atteindre ses objectifs particuliers et peut donc choisir ses équipements, les faire évoluer en fonction de ses besoins et s’orienter dans son propre domaine vers une concentration ou une déconcentration géographique de ses centres de traitement ;
– planification et contrôle, par le CEMM, de l’évolution du système global pour lui conserver la cohérence indispensable et pour coordonner avec le maximum de souplesse l’ensemble des politiques décentralisées, le but étant de permettre au commandement de conduire son action avec efficacité en toutes circonstances.
Ces deux principes directeurs conduisent à imposer certaines contraintes au développement des systèmes partiels, ces contraintes pouvant être générales ou spécifiques et devant permettre de tirer parti des investissements déjà faits ou prévus et d’aboutir à des réalisations utiles et rentables : ce sont la stabilité, la standardisation, l’homogénéité, la sécurité, la souplesse et la « confidentialité » :
– Stabilité, car toute modification brutale et irréfléchie des structures et des équipements entraîne inévitablement un coût humain, technique et financier considérable.
– Standardisation des méthodes, des circuits, des programmes et si possible des matériels, en vue d’atteindre le niveau de compatibilité minimal permettant les échanges d’informations et de programmes de centre à centre.
– Homogénéité des systèmes partiels déconcentrés géographiquement, dans le but d’uniformiser les procédures d’exploitation entre les centres, d’éviter la duplication des programmes et de réduire les difficultés de maintenance du matériel et de formation du personnel.
– Sécurité maximale, fondée sur une grande fiabilité des matériels et sur une disponibilité obtenue par la recherche du soutien mutuel entre les centres de gestion pour les programmes jugés vitaux et, dans le système opérationnel, par la déconcentration géographique des centres et par l’introduction d’une redondance élevée des structures informatiques et des structures d’environnement (énergie, climatisation, réseaux).
– Souplesse, offrant une capacité d’extension et des possibilités d’absorption de pointes occasionnelles.
– Confidentialité enfin, impérative dans le système opérationnel et visant à contrôler l’accès aux données et à assurer la protection active et passive de l’information.
L’évolution future de l’informatique « générale »
L’évolution future de l’informatique « générale », telle qu’elle découle de la politique adoptée par le CEMM, implique la création et la tenue à jour de bases de données et le recours au télétraitement.
Les bases de données regrouperont toutes les informations disponibles, pour présentation, sous une forme cohérente et homogène, aux utilisateurs du système qui auront à en connaître.
Le télétraitement, complément indispensable de l’informatique et facteur important de décentralisation des décisions, est subordonné à l’existence de lignes de transmission nécessaires à l’établissement des liaisons entre ordinateurs et terminaux ; pour des raisons de rentabilité et d’efficacité, la Marine disposera d’un réseau de transmission de données unique, articulé autour de concentrateurs-commutateurs et permettant d’une part, les échanges de données entre ordinateurs et d’autre part, un accès multiple simultané et à distance aux bases de données, à partir de terminaux utilisés pour la saisie décentralisée des informations et pour la consultation, en mode conversationnel, des fichiers.
Les structures informatiques de la Marine
L’informatique « générale » de la Marine regroupe trois secteurs principaux :
– l’informatique de gestion,
– l’informatique scientifique,
– l’informatique opérationnelle ou de commandement.
L’informatique de gestion
Entrée dans la Marine par le biais de la mécanisation des tâches administratives et routinières, l’informatique de gestion aborde aujourd’hui les problèmes au niveau du contrôle, puis de la préparation de la décision.
Soucieuse d’efficacité, la Marine a retenu, pour l’informatique de gestion, une structure d’automatisation par grandes fonctions et a mis en place un système articulé en trois centres principaux de traitement de l’information, dépendant respectivement de la DPMM, de la DCCM et du SC Aaéro. Ces trois organismes, responsables de la gestion du personnel et de la gestion du matériel, doivent avoir la libre disposition des moyens nécessaires pour mener à bien leur action dans les domaines administratif, logistique et technique.
Introduite dès 1962, la gestion informatique du personnel est confiée aux centres de la DPMM et de la DCCM. L’automatisation généralisée a d’abord permis de décharger ces deux directions de nombreuses tâches de routine, d’obtenir une meilleure application de textes nombreux et complexes et d’améliorer la qualité du « service rendu » ; ensuite, elle a permis à l’administration et au commandement de disposer de documents de synthèse et de conduire les études d’ordre statistique qui leur sont nécessaires pour pouvoir élaborer de véritables politiques à long terme.
Les problèmes de gestion du matériel ont été aussi abordés très tôt dans les centres de la DCCM et du SC Aaéro. Dans ce domaine, l’ordinateur a favorisé la mise en œuvre des méthodes scientifiques de la recherche opérationnelle pour analyser les consommations passées et projeter ces analyses dans le futur, permettant ainsi de mieux apprécier les besoins, de mieux approvisionner, de mieux ravitailler les unités et d’accroître donc l’efficacité du potentiel militaire.
La DPMM a opté pour la stabilité en conservant un système centralisé, dont le centre unique, implanté à Paris, assure, outre la gestion numérique et nominative des effectifs, l’administration militaire individuelle du personnel officier et non officier ainsi que l’élaboration et l’exploitation de la statistique.
L’évolution actuellement prévue a pour but de développer l’automatisation de la gestion, d’étendre l’administration militaire à la totalité du personnel d’active relevant de la DPMM, d’intégrer la gestion du personnel des réserves actuellement confiée au centre mécanographique de Toulon et de mettre en œuvre les terminaux nécessaires à l’interrogation des fichiers et à la transmission de données, à partir des régions maritimes.
Contrairement à la DPMM, la DCCM s’est déterminée en faveur de la déconcentration géographique des moyens, conservant le centre principal de Paris responsable de la gestion centralisée, mais se dotant en 1973 des deux centres régionaux de Brest et de Toulon, chargés dans l’immédiat des traitements d’intérêt local. Dans un avenir un peu plus éloigné, lorsqu’aura été installé le réseau de transmission de données dont le CEMM vient de décider la création et auquel seront connectés les ordinateurs du Commissariat, le rôle des deux centres secondaires de Brest et de Toulon s’élargira, ces centres évoluant vers une décentralisation partielle, par la participation au traitement d’applications actuellement centralisées.
En raison des attributions propres à la DCCM, le centre principal de Paris exerce une double fonction, gestion financière intégrée du personnel militaire et gestion des matériels approvisionnés et délivrés aux unités par les services spécialisés relevant du Commissariat.
Son rôle est d’assurer le traitement des applications pour lesquelles la centralisation s’impose tant par des impératifs fonctionnels que par des contingences technologiques ; c’est le cas par exemple de la solde du personnel, de la gestion des stocks et aussi des travaux d’ordre statistique et prospectif pour les besoins de l’administration centrale en matière budgétaire, économique et logistique.
Les développements envisagés par la DCCM visent essentiellement à prendre en compte dans le traitement automatisé l’aspect financier des problèmes d’approvisionnement, à établir un système informatique de comptabilité et de gestion du matériel en service dans les unités et à faciliter la mise en œuvre des moyens que représentent les budgets de fonctionnement pour les forces et les budgets de gestion pour les services eux-mêmes.
L’importance de ses responsabilités administratives, logistiques et techniques a incité le SC Aéro à s’intéresser de bonne heure aux techniques modernes de gestion ; l’avènement de l’ordinateur lui a permis de passer en 1962, d’une gestion mécanisée dont il s’accommodait jusqu’alors, à une gestion, largement automatisée, du matériel spécial aérien.
À l’exemple de la DPMM, le SC Aéro a choisi de poursuivre ses activités informatiques dans la voie, initialement adoptée, de la centralisation des responsabilités et de la concentration des moyens. Toutefois, désireux d’utiliser au mieux les ressources nouvelles du télétraitement, le SC Aéro décidait de surcroît de s’engager délibérément dans la mise en service immédiate d’un réseau particulier de télétransmission, appelé à s’intégrer ultérieurement au réseau unique de la Marine ; cette transmission de données, déjà réalisée avec les trois entrepôts de stockage de Quimper (Finistère), Rochefort (Charente-Maritime) et Cuers (Var), sera étendue incessamment aux six grandes bases d’aéronautique navale opérationnelles, qui seront ainsi reliées dès 1974 au centre de traitement unique implanté à Toussus-le-Noble (Yvelines).
Les applications développées dans ce centre sont axées d’une part, sur les travaux à caractère technique concernant l’activité des aéronefs et les interventions sur les équipements, et d’autre part, sur les traitements de nature logistique relatifs à la gestion des stocks aériens du Service d’approvisionnement en matériel de l’aéronautique navale (Saman) et du Centre international de gestion du matériel Atlantic (Cigma) ; les résultats obtenus dans ce dernier secteur ont permis d’atteindre le niveau de synthèse qui, seul, offre la possibilité de fournir aux organismes responsables un « tableau de bord » de leur champ de responsabilités, de dresser des prévisions réalistes, de suivre l’exécution des actions entreprises et d’apprécier les écarts entre les états d’avancement réels de ces actions et les points d’avancement théoriquement prévus, d’alimenter enfin en informations valides les modèles mathématiques pouvant aider à la prise de décision.
Les perspectives de développement de l’informatique dans l’Aéronautique navale visent à réaliser, au cours des prochaines années, un « bond en avant », par une adaptation du système actuel aux techniques de la téléinformatique et aux concepts de bases de données, et ceci afin d’aboutir à une gestion totalement intégrée des aéronefs et de leurs composants, aux plans financier, technique et logistique : il s’agit là d’un développement ambitieux mais sain qui s’inscrit dans la recherche des objectifs permanents du SC Aéro : obtention d’une meilleure disponibilité des aéronefs, amélioration de la gestion des stocks, optimisation de l’emploi des personnels et réduction des coûts.
Au terme de cette première partie consacrée à l’informatique de gestion, il faut encore citer, pour mémoire, les activités informatiques menées, au profit de la Marine, par la Direction technique des constructions navales (DTCN) ; celle-ci dépend du DMA, mais aussi du CEMM pour ce qui concerne le soutien technique et logistique de la Flotte et, dans une certaine mesure, de l’Aéronautique navale.
La politique informatique de cette direction, fondée sur la coordination, au niveau central, des actions entreprises sous la responsabilité des organismes locaux, présente donc quelque analogie avec celle de l’EMM.
Déconcentrés dans les arsenaux des ports et dans les établissements industriels hors des ports, les centres de traitement de l’information de la DTCN assurent, au profit de l’EMM, de nombreux travaux intéressant l’entretien des matériels et la gestion des stocks.
L’informatique scientifique
L’informatique scientifique de la Marine ne couvre qu’un domaine relativement limité ; elle regroupe d’abord, faute d’une rubrique mieux adaptée, l’informatique d’enseignement, ensuite l’informatique scientifique proprement dite qui s’intéresse d’une part aux techniques de la recherche opérationnelle et d’autre part aux travaux relevant du Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM).
L’informatique d’enseignement, dont l’objectif est l’initiation des élèves et des stagiaires aux possibilités et aux méthodes de traitement de l’information, relève de la compétence de la DPMM. Elle comporte deux centres, l’un implanté depuis 1970 à l’École navale en 2e Région maritime, l’autre installé depuis 1972 au Centre d’instruction naval de Saint-Mandrier constitué par les diverses écoles de spécialités situées en 3e Région maritime.
La recherche opérationnelle qui s’est imposée, depuis la dernière guerre, comme une aide efficace à la prise de décisions, a été introduite en 1954 dans la Marine qui dispose de deux groupes de recherche opérationnelle, le GROT et le GROP, respectivement implantés à Toulon et à Paris.
La complexité et la diversité des données à prendre en considération dans une étude de RO impliquant très souvent un large recours aux moyens de l’informatique, la Marine a été conduite à doter le GROT d’un ordinateur, au cours de l’année 1965 ; cet équipement, relié au centre de calcul du Centre d’essais en Méditerranée, permet de dépouiller rapidement et complètement les analyses de recherche opérationnelle.
Le GROP ne dispose pas, quant à lui, d’un système autonome ; il utilise, pour ses travaux, un terminal connecté au Centre de calcul scientifique de l’armement d’Arcueil.
Les activités informatiques du SHOM ont trait essentiellement à la gestion des données océanographiques (bathythermie et hydrologie notamment) et à l’automatisation des opérations cartographiques, ces deux catégories d’applications étant traitées à Brest dans le centre de calcul et de documentation du SHOM.
Par ailleurs, le SHOM se propose d’installer, à bord des bâtiments océanographes et hydrographes, un système d’acquisition et de traitement automatique des données : il s’agit de faciliter la saisie des informations en mer, leur critique et leur rédaction. Un tel système, qui pourra traiter en temps réel le point à la mer et la sonde, doit alléger le travail des missions hydrographiques ou océanographiques, accroître la qualité et la quantité des informations recueillies et permettre enfin le contrôle global de la couverture assurée par les différents levés.
L’informatique opérationnelle ou de commandement
Aux deux domaines informatiques classiques évoqués jusqu’ici, s’ajoute un troisième domaine à caractère spécifique plus marqué : l’informatique opérationnelle, dont le but est de fournir au commandement, après une exploitation sélective et rapide des informations, les éléments de prise de décision pour la conduite des opérations maritimes.
Ce n’est qu’en 1966 que cette informatique a pris corps dans la Marine, avec la réalisation du Seidac Paris (Système électronique d’information et d’aide au commandement), outil de travail du CEMM : la création de cet organe avait été décidée à la suite des difficultés rencontrées dans la conduite opérationnelle des grands exercices de l’année 1962, au cours desquels deux aspects contradictoires du fonctionnement des Centres d’opérations maritimes (COM) avaient été soulignés : l’impossibilité d’exploiter et parfois même de prendre simplement connaissance de la masse de messages parvenant aux COM, la nécessité de fournir à ces mêmes centres des renseignements plus nombreux et plus complets.
Le Seidac Paris s’est développé initialement, d’une manière pragmatique et progressive, prenant en compte un certain nombre d’applications ponctuelles et indépendantes et apportant ainsi une aide aux seuls travaux de gestion des divers bureaux de l’EMM. Le bilan de ces activités est à ce jour largement positif, en particulier dans le domaine opérationnel de la mise en condition des forces : tenue à jour de la situation et de l’entretien des matériels, tenue à jour des activités et de l’entraînement des équipages.
Certes, cette approche prudente a été bénéfique au plan du service rendu, mais aussi, et ces avantages sont loin d’être négligeables, aux plans de l’expérience acquise et de l’effet de sensibilisation des diverses autorités aux techniques informatiques de commandement. Cependant, en l’absence de toute planification initiale rigoureuse, une telle démarche entraînait inévitablement un certain immobilisme ; de plus, la concentration des activités, sur les seules applications de gestion fondées sur l’exploitation du passé et orientées vers la préparation des forces, ne correspondaient pas entièrement à la vocation opérationnelle du Seidac, qui est de s’intéresser également à l’emploi des forces et pour cela de gérer le présent et de préparer le futur.
L’importance des responsabilités du CEMM et des Commandants en Chef en Atlantique et en Méditerranée (Ceclant et Cecmed), en temps de paix comme en temps de crise ou de conflit, impose à ces autorités de posséder des moyens de commandement permanents et efficaces ; ces moyens doivent leur permettre de résoudre les problèmes de complexité croissante qui leur sont posés, dans l’action, par la centralisation de certaines décisions à un niveau élevé et par l’augmentation continue du nombre de messages échangés, augmentation liée au développement des télécommunications et des besoins en renseignements, mais aussi par l’obligation de réduire les délais de réaction en raison de l’évolution rapide des situations et de la valeur souvent éphémère des informations. Il s’agit essentiellement d’améliorer la sûreté et la rapidité d’exploitation des messages dans le PC Télécommunications (PC Télec) et de maîtriser, en permanence et sans délai, le flot des informations parvenant au COM : le recours à l’ordinateur doit permettre l’automatisation des taches fonctionnelles à caractère répétitif du PC Télec et des multiples opérations de routine du COM ainsi que la présentation aux autorités d’une information cohérente et homogène, meilleure en qualité et en précision grâce à la base de données, accessible rapidement et facilement grâce au télétraitement.
C’est dans cette perspective que le CEMM, dans son premier plan quinquennal d’équipement informatique, a précisé la prédominance du système de commandement sur les systèmes scientifiques et de gestion et s’est orienté vers une conception nouvelle visant à réaliser, à la place du système actuel travaillant au seul profit du CEMM, un système opérationnel intégré, élargi aux hautes autorités maritimes régionales Ceclant et Cecmed et appelé à satisfaire deux besoins distincts mais complémentaires et étroitement liés : l’aide à la préparation des forces et l’aide à l’emploi des forces.
Il s’agit là du Système de commandement de la Marine (Sycom). Ce système, regroupant l’ensemble des moyens organisés pour aider les hautes autorités de la Marine dans l’exercice de leur commandement, s’appuierait sur une composante informatique, le Seidac Marine, articulé sur trois centres connectés au réseau télégraphique et au réseau de transmission de données de la Marine et appelés à assurer deux fonctions principales, une première fonction en temps différé orientée vers la préparation de l’action, l’exécution de travaux au profit des bureaux d’état-major et une deuxième fonction en temps réel orientée vers l’information et l’action, l’automatisation des fonctions dans les PC Télec et dans les COM.
Perspectives de développement
Avant d’exposer les perspectives de développement, il convient de s’interroger sur le niveau d’informatique auquel se situe la Marine aujourd’hui.
Niveau actuel
Dans le domaine de l’Informatique de gestion qui se prête à des comparaisons avec les systèmes d’autres administrations et entreprises, on peut assurer, en toute objectivité, que certains organismes animés d’un remarquable dynamisme, tels le SC Aéro en matière de gestion technique et logistique ou les DC du Personnel et du Commissariat de la Marine en matière de gestion administrative, militaire et financière, ont fait et continuent à faire figure de pionniers. De nombreuses entreprises abordent seulement une phase informatique dans laquelle la Marine est entrée, comme les autres Armées d’ailleurs, depuis un certain temps déjà ; les études de gestion scientifique, préalable nécessaire à la conception des systèmes, ont été effectuées et les applications correspondantes sont soit opérationnelles soit en cours de développement. Ainsi les systèmes de gestion mis en place dans la Marine apparaissent, dans la plupart des cas, comme des réalisations avancées.
En Informatique scientifique, le SHOM conduit des activités très spécifiques qui s’inscrivent dans la vocation technique du Service, qu’il s’agisse de saisie automatique de données à la mer ou de traitement cartographique à terre.
La Marine est la seule armée à s’être engagée, avec le projet Sycom, dans l’informatisation d’un Système de commandement opérationnel intégré, informatisation qui couvre un domaine à peine exploré à ce jour et qui ne peut bénéficier d’aucune expérience antérieure en France ou en Europe : il ne s’agit pas tellement, dans cette opération, de chercher à se placer dans le peloton de tête des marines « avancées », mais de développer, de manière efficace et cohérente, l’utilisation de l’informatique dans l’exercice du commandement opérationnel maritime. Ce sera une opération délicate à mener, compte tenu de l’ampleur, de la diversité et de la complexité des problèmes à résoudre et de son caractère original et spécifique ; elle devra s’appuyer, au stade de la conception sur des études préalables rigoureuses et au stade de la réalisation sur une approche prudente et progressive, par tranches successives, permettant de se prémunir contre les erreurs de conception toujours possibles et de profiter des enseignements tirés des étapes antérieures.
Avant de poursuivre plus avant, il est nécessaire de faire une brève digression pour réfuter d’éventuelles objections sur une prétendue similitude entre le projet Sycom de la Marine et le projet Sysci du Chef d’état-major des armées.
Le Syscic et le Sycom sont tous deux des systèmes de commandement de niveau élevé s’appuyant sur une composante informatique propre mais leurs analogies sont plus apparentes que réelles, chacun de ces projets étant spécifique, d’abord du niveau de commandement considéré qui fait intervenir des responsabilités et des besoins particuliers, et ensuite de la nature des opérations menées qui introduit des contraintes d’environnement auxquelles les structures doivent s’adapter. Le vocable « système de commandement » recouvre en fait de nombreux systèmes substantiellement différents dont les composantes informatiques ne présentent que de rares points communs.
Au terme de cette courte synthèse portant sur la situation actuelle, on peut affirmer que l’informatique est à présent une réalité dans la Marine : développée à ses débuts de façon autonome, spontanée et quelque peu « sauvage » par tous ceux qui ont cru d’emblée à son avenir, elle s’est maintenant assagie et poursuit sa progression posément, avec réflexion et en conformité avec la politique d’ensemble définie dans le premier plan quinquennal et fondée sur une coordination globale et une décentralisation fonctionnelle.
Perspectives d’évolution
Quelles sont donc les perspectives d’évolution de l’informatique dans la Marine ?
La période de forte croissance se normalise en informatique scientifique et en informatique de gestion. Des équipements nouveaux ont été mis en place ; ils verront leur puissance s’accroître, en particulier pour tenir compte de l’augmentation normale des charges des Directions et Services centraux et des exigences techniques découlant de la politique générale de la Marine, telles que la création de bases de données et le développement du télétraitement. Toutefois cette stabilisation relative des moyens ne doit pas déboucher sur une situation figée : elle s’accompagnera d’un regain d’activité dans les études et les recherches menées en vue d’améliorer les réalisations actuelles et d’accroître l’efficacité des systèmes.
Seule l’informatique opérationnelle est appelée à une évolution importante, caractérisée, dans l’immédiat, par l’extension du Seidac Paris dont les activités sont actuellement orientées vers la réalisation de deux opérations lancées depuis plusieurs années au profit de l’EMM, l’automatisation du PC Télec et du COM à Paris. À court terme, les études en cours devraient déboucher sur la mise en place des Seidac Brest et Toulon, composantes informatiques régionales du Sycom, auquel s’intégrerait ultérieurement le Seidac Paris.
On ne saurait trop souligner l’importance accordée, dans le plan informatique de la Marine, aux concepts de base de données et de transmission de données. La politique de décentralisation fonctionnelle et la notion de système opérationnel intégré, déconcentré géographiquement et alimenté en informations de synthèse par les systèmes scientifiques et de gestion, sont à la base de l’évolution inéluctable de la Marine vers les techniques de la téléinformatique ; la généralisation de celles-ci est subordonnée à la mise en service du réseau de transmissions de données de la Marine, auquel seront connectés, d’ici quelques années, tous les centres de l’informatique « générale ».
Conclusion
Au terme de cet exposé, qui n’avait d’autre but que de donner un éclairage suffisant à des réalisations et à des projets informatiques dont l’aboutissement devrait avoir un effet décisif sur la modernisation des méthodes et techniques d’action dans la Marine, il convient, en conclusion, de mettre l’accent sur deux traits dominants du développement des structures informatiques de la Marine.
La Marine nationale a opté, dès le début de son recours aux techniques du traitement de l’information, pour une évolution pragmatique et progressive qui a permis de préserver l’acquis et, tout en assurant la continuité du service rendu, de bénéficier des progrès considérables et rapides enregistrés dans le domaine de l’automatisation et d’aboutir à un système global dont la finalité est double :
– mettre à la disposition des Directions et des Services centraux les éléments d’information et de décision nécessaires à leur action,
– fournir au Commandement les informations élaborées provenant des systèmes scientifiques et de gestion et appelées à être intégrées aux traitements de synthèse du système opérationnel.
L’introduction de l’informatique dans la Marine résulte indiscutablement d’un acte de foi dans les possibilités de renouvellement que peut et doit apporter cette nouvelle technique : cet acte de foi est fondé sur les réussites des premières expériences et sur la perspective des applications nouvelles que suggèrent, en particulier, les bases de données et la téléinformatique.
Mais que peut apporter l’informatique à la Marine ?
Les avantages à mettre au crédit de l’automatisation diffèrent en fonction du domaine informatique considéré.
Dans l’informatique de gestion, ces avantages peuvent être partiellement chiffrables ; ils concernent des économies directes et immédiates, économies résultant de la diminution relativement limitée du coût des travaux administratifs mais surtout économies d’ordre financier plus importantes, la gestion automatique permettant de réduire de façon très significative le volume des réserves de personnel et des immobilisations des stocks de matériel.
Dans les autres domaines, l’apport de l’automatisation est généralement plus qualitatif que quantitatif. Les bénéfices attendus résultent de l’amélioration de l’information en qualité, rapidité et précision, et, en conséquence, de la qualité du service rendu et d’une meilleure préparation des décisions, gages d’efficacité en particulier pour l’informatique opérationnelle qui est confrontée à des situations de plus en plus complexes et de plus en plus évolutives : débarrassé d’une multitude de travaux routiniers et répétitifs, le Commandement peut se consacrer alors aux tâches plus nobles de la réflexion.
L’informatique, dont le développement est irréversible, est indispensable pour la réalisation des objectifs de la Marine et pour une évolution positive vers le progrès et l’efficacité : toutefois son succès, et certains ont tendance à l’oublier, dépend bien sûr de la compétence des spécialistes mais également, et pour une très large part, de la participation active de tous les responsables, de tous niveaux et de toutes disciplines.
Capitaine de vaisseau Valette
Chef du bureau Méthodes et Techniques d’action de l’EMM
Évolution du corps des officiers de Marine
En 1966, la Marine, cherchant à rendre ses officiers aussi polyvalents que possible quelles que soient leur origine et leurs aptitudes ou leurs préférences, avait notamment arrêté le recrutement des officiers énergie, machines ou aéro.
L’expérience de ces dernières années a montré que cette recherche de la polyvalence n’avait pas été finalement rentable. Elle répond mal, en effet, aux besoins réels de la Marine en ingénieurs qualifiés, elle ne satisfait pas tous les officiers qui se sont orientés vers les spécialités de l’Énergie et s’adapte mal, comme l’a dit récemment l’amiral de Joybert, CEMM, au besoin de compétences spécialisées et complémentaires qui caractérisent une marine moderne.
En principe, compétents en tout, les jeunes officiers issus des dernières promotions, tant de l’École navale que de l’École militaire de la Flotte, ne sont pas de véritables spécialistes, notamment dans les branches telles que la propulsion nucléaire, l’électronique ou l’informatique qui réclament de très grandes connaissances techniques ou scientifiques. Aussi la Marine a-t-elle décidé de réviser le point de vue qui était le sien en 1966.
Des commissions et groupes d’études ont été créés au sein de l’État-major et de la Direction du personnel militaire et le résultat de leurs recherches soumis en novembre dernier au Conseil supérieur de la Marine. Celui-ci a approuvé le principe d’une réforme répondant au schéma ci-après et a décidé de mettre en œuvre de nouvelles dispositions, dès la présente année, pour le concours d’admission et pour l’organisation des études à l’École navale.
Schéma de la réforme
La réforme qui a été approuvée se présente comme un assouplissement de la formule actuelle née de la fusion des ingénieurs de Marine en 1966 et de la création de l’École militaire de la Flotte et des Officiers techniciens en 1969.
Elle en conserve les principes essentiels, à savoir un corps unique d’officiers de Marine issus de l’École navale et de l’École militaire de la Flotte, complété par des officiers techniciens et par des Officiers de réserve servant en situation d’activité (Orsa).
Mais, à la différence de la formule de 1966, la polyvalence des officiers de Marine ne sera plus recherchée dès l’origine. Au contraire, les officiers de l’École navale et de l’École militaire de la Flotte seront répartis en début de carrière en deux branches spécialisées :
– la branche Opérations et techniques, qui rassemblera les officiers chargés essentiellement de la navigation, de la manœuvre des navires et de la mise en œuvre des systèmes d’armes. L’aptitude au quart à la mer et au quart opérations est indispensable pour ces officiers, avec des normes d’acuité visuelle plus rigoureuses :
– la branche Scientifique et technique qui comprendra les officiers chargés d’assurer des fonctions d’ingénieurs dans les techniques de la propulsion ainsi que du nucléaire, de l’électronique et de l’informatique.
Lorsqu’ils auront acquis, dans les premières années de carrière, leur expérience d’officier dans des emplois correspondant à leur branche d’origine, ces officiers auront la possibilité d’approfondir leurs connaissances dans une des spécialités de leur branche initiale, puis d’élargir leur domaine de compétence au moyen de stages sanctionnés par des certificats complémentaires.
À cette époque, les actuelles spécialités d’officiers de Marine auront été adaptées et réparties entre les deux branches. Le principe actuel de la responsabilité de tous les chefs de service vis-à-vis de leur matériel n’étant pas remis en cause, tous les officiers continueront à recevoir une formation technique dans les écoles de spécialité.
L’accès aux emplois d’officiers supérieurs sera ouvert à tous, le nombre des emplois banalisés ira en croissant à mesure qu’on s’élèvera dans la hiérarchie.
L’unicité du corps des officiers de Marine est absolument maintenue : tous les officiers concourront ensemble pour l’avancement qui sera équivalent quelle que soit la branche : toute distinction de branche disparaîtra au grade de capitaine de vaisseau.
L’Aéronautique navale adopte l’AM39
Une version air-mer AM39 du missile antinavires MM38 Exocet de l’Aérospatiale va être développée pour les besoins de l’Aéronautique navale.
Attendu depuis plusieurs mois, le choix de la Marine nationale a été récemment entériné par le ministre des Armées.
L’AM39 doit équiper les patrouilleurs Atlantic et les Dassault Super-Étendard et peut-être aussi les hélicoptères Sud-Aviation SA321 Super Frelon de lutte ASM. L’AM39 est une variante raccourcie et allégée du MM38 à laquelle des propulseurs à poudre d’une technologie plus récente permettront des portées d’environ 60 000 m contre 40 000 m pour le MM38.
L’aéronef porteur de l’AM39 pourra ainsi exploiter le plus grand éloignement de son horizon radar pour lancer son missile plus loin qu’un navire ami, sans entrer dans le volume dangereux de la DCA du navire attaqué.
Italie : les escorteurs du programme naval
Dans notre chronique d’avril dernier, nous avons indiqué à propos du Livre blanc sur la marine italienne que celle-ci projetait la construction de 8 escorteurs de 2 500 tonnes. Quatre de ces bâtiments viennent d’être commandés pour entrer en service entre 1977 et 1979, les quatre autres ne devant rallier la flotte qu’après 1980.
Ces escorteurs dont la mission principale sera la lutte anti-surface, présenteront les caractéristiques suivantes d’après la presse spécialisée italienne :
– déplacement : 2 500 t en pleine charge (tpc) ;
– dimensions : 106 x 11,98 x 3,66 m ;
– propulsion : 2 turbines à gaz de 25 000 CV pour la marche à grande vitesse - 2 diesels totalisant 7 000 CV pour la navigation en croisière ;
– vitesse : 35 nœuds sur les turbines à gaz ;
– Missiles : 8 anti-surface du type Otomat ; 1 système surface-air à courte portée Albatros ;
– Artillerie : 1 tourelle simple de 127 Oto Melara antiaérienne - 2 systèmes d’artillerie à très courte portée pour la défense antimissiles ;
– ASM : Torpilles à tête chercheuse.
L’Otomat est un missile de 750 kg avec une charge militaire de 210 kg dont la portée maximale est d’environ 45 000 m.
L’Albatros est un système de défense contre avions (DCA) à courte portée construit autour du missile américain Sea Sparrow, Ses principales caractéristiques sont : portée max. : 10 000 m : volume d’intervention en tir CA : 45 à 15 000 pieds.
Tous les systèmes d’armes équipant ces futurs escorteurs sont de conception et fabrication italiennes.
URSS : les sous-marins stratégiques
Dans le rapport qu’il a présenté au Congrès en même temps que son projet de budget pour l’exercice 1974-1975, M. Schlesinger, le secrétaire américain à la Défense, donne d’intéressantes précisions sur la flotte de sous-marins nucléaires stratégiques de l’URSS.
Celle-ci possède actuellement plus de 40 de ces bâtiments répartis en 3 classes : H, Y et D.
Les sous-marins de la classe H sont au nombre de 8. Ce sont des bâtiments d’environ 5 500 t en plongée qui sont entrés en service il y a une dizaine d’années. Ils sont chacun porteurs de 3 missiles balistiques du type SSN5 de 700 nautiques de portée : la puissance de leur ogive nucléaire est évaluée à 800 KT. Un 9e bâtiment du même type mais porteur de 5 missiles du type SSN5 existe également : il a été baptisé H2 (ou Hôtel 2) par l’Otan.
Le sous-marin Y est apparu pour la première fois en 1967 et depuis lors 33 bâtiments de ce type ont été construits, si l’on en croit M. Schlesinger.
Les Y qui ressemblent aux sous-marins stratégiques américains, britanniques et français déplacent 9 900 t en plongée et peuvent mettre en œuvre 16 missiles du type SSN6 capables d’atteindre un but situé à 1 300 nq.
Le fait le plus remarquable dans le domaine des missiles balistiques lancés par sous-marins a été l’an dernier l’essai en vol d’une nouvelle version du SSN6 équipé d’une ogive nucléaire à têtes multiples (MRV) permettant un bombardement nucléaire en grappe. La prochaine étape sera la mise en service à bord des missiles soviétiques d’une ogive contenant plusieurs têtes pouvant être chacune assignée à un but différent (ogives du type MIRV).
Il n’y a pas encore de certitude quant à l’installation d’ogives de ce type à bord des missiles SSN8 dont sont dotés les sous-marins du type D (ou Delta) qui ont pris maintenant la suite des Y sur les cales de construction des chantiers Severodvinsk près d’Arkangeslk en mer Blanche, ou de Kornsomolsk sur l’Amour en Extrême-Orient. Au moins 4 de ces sous-marins seraient déjà en essais, voire en service, et 14 ou 15 sur cale ou en achèvement à flot.
Les D sont des bâtiments d’environ 14 000 t en plongée équipés de 12 missiles du type SSN8 mais, selon M. Schlesinger, on aurait de bonnes raisons de penser qu’un « super D » doté d’un nombre supérieur de missiles serait en construction.
Ce SSN8 est un missile de 4 200 nq de portée : il est donc très comparable à ce point de vue au 1C4 qui doit équiper les gros SNLE américains du type Trident. Il est intéressant de noter que ce missile, comme ses prédécesseurs des types SSN5 et SSN6, est propulsé par propergol liquide, solution que les marines occidentales n’ont pas retenue pour des raisons de sécurité.
Quoi qu’il en soit et en faisant abstraction des unités des classes H et H2 qu’il considère comme périmées, M. Schlesinger, dans le rapport précité, estime que les Soviétiques, avec les Y en service et les D en service ou en construction, disposent d’un minimum de 744 missiles embarqués sur SNLE. Il semble donc, précise-t-il, que l’Union soviétique a l’intention d’aller au-delà du plafond de « 740 rampes de missiles balistiques sur ses sous-marins nucléaires » fixé par les accords SALT I signés à Moscou en 1972 (26-05).
L’accord intérimaire accorde en effet à l’URSS la possibilité de remplacer ses anciens systèmes terrestres SS7 et SS8 (209 lanceurs) par des rampes de lancement modernes à bord de sous-marins nucléaires récents (SSN6, SSN8 ou mieux) pour atteindre un total de 950 missiles stratégiques embarqués et 62 SNLE modernes (des classes Y, D et suivantes).
Cependant, il n’est pas nécessaire que les anciens systèmes soient techniquement dépassés avant que le sous-marin muni du 741e missile ne commence ses essais en mer, ce qui, selon le rapport de M. Schlesinger, devrait arriver au milieu de 1975. Au rythme actuel de production, 6 à 8 par an, l’URSS pourrait en conséquence disposer de 62 sous-marins stratégiques au milieu de l’année 1977.
Jean Labayle