Aéronautique - L'industrie française des équipements aérospatiaux - Bientôt le Super Étendard - Le Falcon 10 sur piste en herbe - L'utilisation militaire du Boeing 747 - La simulation de combat en France
L’industrie française des équipements aérospatiaux
Le Groupe des équipements de l’Union syndicale des industries aéronautiques et spatiales (USIAS) réunit quelque 120 sociétés dont une vingtaine consacrent l’essentiel de leur activité au secteur aérospatial. Les effectifs qui se répartissent géographiquement entre 2/3 pour la région parisienne et 1/3 pour la province, sont de l’ordre de 23 000 personnes, ce qui représente à peu près le quart des effectifs globaux de l’industrie aéronautique. Le chiffre d’affaires de la profession s’est élevé en 1973 à 2,5 milliards de francs (Télécommunications non comprises).
Si l’on se reporte aux hypothèses envisagées, on espérait vers les années 1974-1975 un accroissement des fabrications civiles et l’on pensait voir diminuer l’activité du secteur militaire. Or, ces pronostics ont été bouleversés. Certes, des équipements civils ont été réalisés mais plutôt en prototypes qu’en série alors que les fabrications militaires ont été poursuivies.
Ainsi l’année 1973 a permis d’enregistrer d’importantes commandes pour l’étranger (près de 5,4 MdF), en majorité militaires, mais les opérations sont davantage ponctuelles que générales. Les fabricants d’équipements espèrent que des avions comme le F1, trouveront les débouchés que méritent leurs grandes qualités.
Malgré l’absence de données précises, une étude de prévisions portant sur cinq années (1973-1977) a été dernièrement menée à bien par le Groupe des équipements et il semble, en dépit de la diminution des cadences de fabrication d’avions civils qui devrait être compensée par les hélicoptères, les engins et les séries militaires, que la profession des équipements puisse conserver pendant cette période la même activité en heures productives et en personnel. C’est en cela que l’on peut parler de relative neutralité de la situation des équipements.
Il faut dire que cette stabilité est le fruit de bien des efforts. Ceux de l’État, tout d’abord, qui a permis aux équipements de se mettre en place dans les avions militaires français à près de 100 % et environ à 50 % sur l’Airbus, et le Concorde ; ceux du Groupe des équipements dont la Commission d’exportation depuis plusieurs années fait venir en France et envoie à l’étranger des missions diverses et nombreuses, avec l’appui de la Direction des affaires internationales de la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) [NDLR 2024 : DGA en 1977]. Ces actions n’ont pas toujours des conséquences immédiates, mais elles peuvent aboutir dans les prochains mois ou les prochaines années à des résultats en expansion.
Cette politique de promotion des équipements comprend également l’installation de bureaux permanents. Il en existe déjà un à Los Angeles et des démarches sont en cours pour l’établissement d’organismes similaires dans d’autres pays, en URSS notamment.
À ces divers éléments qui ont permis de maintenir l’activité de l’industrie des équipements, il faut ajouter que la profession bénéficie également de « rétrofits » qui n’existent ni pour la cellule ni pour les moteurs. Il s’agit d’une modernisation des équipements sur des appareils en service, comme l’installation de directeurs de vol français sur les Boeing 707 d’Air France, de pilotes automatiques modernes sur les Mirage III, etc.
Le 1er mai 1974 a été pour la profession une date très importante. Ce jour-là, l’Airbus est entré en service sur la ligne Paris-Londres et une phase fondamentale a débuté pour l’industrie française des équipements : celle de sa confrontation avec les problèmes de l’exploitation d’un avion civil moderne dont elle a fourni des systèmes majeurs. Caravelle, avec son faible pourcentage d’équipements français, n’avait pas eu le même impact. Il faut rappeler que l’Airbus, comme le Boeing 747, a pratiquement été lancé sans prototype. C’est dire que les délais ont été courts, notamment pour l’établissement de la documentation technique.
Sur le plan intérieur, le Groupe des équipements suit avec intérêt les démarches entreprises par l’USIAS auprès des pouvoirs publics, dans un cadre général.
D’autre part, l’attention du Gouvernement a également été attirée sur l’implantation des sociétés américaines en France. Certes, une collaboration est possible avec les Américains mais sur la base d’une coconception au départ et d’une coproduction par la suite. La profession souhaite par ailleurs obtenir des avantages à l’occasion d’achats d’avions américains. Certains pays, l’Angleterre par exemple, obtiennent déjà des compensations en matière d’équipements. Des conversations ont lieu avec le Secrétariat général à l’Aviation civile (SGAC) [NDLR 2024 : Direction générale de l’aviation civile (DGAC) en 1976] pour que, lors des prochains marchés, cette clause puisse être retenue.
En conclusion, la situation de l’industrie française des équipements aérospatiaux reste dans un état d’équilibre qui lui permet d’envisager le maintien de son activité dans les limites actuelles et, dans l’ensemble, en se basant sur des hypothèses raisonnables, on peut valablement parler de stabilité.
Bientôt le Super-Étendard
Deux monoplaces de combat Étendard sont en cours de modification dans l’usine des prototypes Dassault-Breguet Aviation à Saint-Cloud (Paris). Le premier de ces deux appareils à être transformé en Super-Étendard fera son premier vol à la fin de cette année.
Ces avions seront utilisés pour la définition de l’avion de série, livrable à partir de 1977, et pour la mise au point du système d’avions Super-Étendard que l’Aéronautique navale française désire utiliser dans quelques années. Parmi les principales modifications qui seront apportées, on peut citer : le montage du nouveau réacteur Snecma Atar 8K50, actuellement en essais à la Snecma ; l’adoption d’une voilure améliorée, le montage d’un radar multifonction Agave développé par Thomson CSF et Électronique Marcel Dassault ; l’adjonction d’une plateforme à inertie, l’utilisation d’un calculateur numérique. Le Super-Étendard pourra, en plus de son armement conventionnel, emporter un missile air-mer du type Exocet.
Le Falcon 10 sur piste en herbe
Le Dassault Falcon 10-03 vient de réaliser une série d’essais sur des terrains non préparés, destinés à permettre la certification de l’avion pour ce type d’utilisation. En accord avec le SGACC, un programme d’essais (agréés par la Federal Aviation Administration, FAA) a été établi, qui permettra désormais d’avoir les bases de références sérieuses pour ce type d’homologation appelée à être de plus en plus demandée pour les appareils d’affaires. Deux types de pistes ont été définies, une piste en herbe du type de celles utilisées par les avions d’aéro-club et de travail aérien, une piste en graviers de « quatre pouces (10 cm) de diamètre maximal », terrains que l’on rencontre un peu partout dans le monde (terrain de la Crau française par exemple). Les premiers essais réalisés par le Falcon 10 sont très encourageants. La clientèle des pays comme l’Alaska, l’Australie, l’Afrique du Sud, les États-Unis est très intéressée par l’aptitude du biréacteur français Falcon 10 à opérer sur des pistes non préparées.
L’utilisation militaire du Boeing 747
Dans le but d’améliorer les capacités de leurs moyens de transport aérien militaire, les États-Unis étudient une série de mesures parmi lesquelles deux retiennent particulièrement l’attention.
La première porte sur l’accroissement de l’allongement du fuselage du Lockheed C-141 Starlifter. Elle a déjà été mentionnée dans la chronique de mai dernier [Erratum 2024 : mai et non avril]. On sait en effet que Lockheed étudie l’amélioration des capacités d’emport de l’appareil par l’adjonction au fuselage de deux éléments cylindriques qui feront passer sa longueur de 44 à 51 mètres et augmenteront la charge marchande de plus de 30 %. Cette mesure permettrait de disposer d’une capacité de transport supplémentaire équivalente à celle de 90 C-141 (le Military Airlift Command, MAC, en compte 275 exemplaires) ; le coût de la transformation serait trois fois moins élevé que l’achat du même nombre d’appareils dans la version actuelle.
L’autre mesure concerne la modification d’avions gros-porteurs en service dans les compagnies aériennes et en particulier du Boeing 747. Il s’agirait de transformer une centaine de ces appareils par l’installation d’un nez pivotant et d’une grande porte cargo placée à l’arrière du fuselage. Le renforcement du pont supérieur de la cabine et la mise à bord d’un système évolué de centrage seraient également envisagés.
Outre l’utilisation de l’appareil en version « cargo », une capacité « tanker » serait prévue de façon à éliminer cette « dépendance du sol » mise en lumière à l’occasion de cet extraordinaire pont aérien réalisé entre les États-Unis et Israël au moment de la guerre du Kippour et au cours duquel les terrains des Açores avaient dû être utilisés pour accroître la charge transportée.
Le poids au décollage de l’appareil serait accru de 25 tonnes, voire de 50 t sous réserve d’une légère réduction de la marge de sécurité et de l’installation de nouvelles roues. La motorisation pourrait être confiée à des réacteurs General Electric CF6-50E ou à des Pratt & Whitney JT9D-70 disposant chacun d’une poussée de plus de 50 000 livres.
Dans la version « tanker », le 747 pourrait ravitailler un Lockheed C-5A Galaxy ou quatre C-141 modifiés et permettre ainsi à ces appareils de relier les États-Unis au Moyen-Orient sans escale avec la charge maximum.
Il serait capable de livrer 250 000 livres de carburant à 3 500 miles de sa base puis de rejoindre un terrain situé à 1 000 miles du point de ravitaillement, ce qui équivaut à des performances cinq fois supérieures à celles du KC-135.
Le déploiement d’un escadron complet d’avions de combat des États-Unis vers l’Europe pourrait être assuré en deux rotations seulement avec 8 Jumbojet modifiés en version cargo et tanker, au lieu de la quarantaine de cargos et ravitailleurs du type C-141 et C-135 normalement nécessaire.
Dans la version « transport de fret », le 747 aurait une charge offerte de 200 000 livres sur le trajet précité et serait capable de revenir aux États-Unis sans ravitaillement. La charge maximum pourrait être portée à 250 000 livres dans certaines conditions.
Les caractéristiques de cette nouvelle version de l’avion géant illustrent bien l’allonge remarquable qui pourrait être donnée au MAC.
Bien entendu, les modifications envisagées, qu’elles concernent le C-141 ou le Boeing 747, impliquent de lourds investissements financiers à une époque qui n’est pas particulièrement favorable. De plus, il faut ajouter au coût des modifications techniques les indemnités à verser aux compagnies pour couvrir l’immobilisation des appareils pendant la durée des travaux. Si donc le projet est séduisant à bien des égards, sa réalisation n’est pas sans poser des problèmes, et non des moindres.
La simulation de combat en France
Lancée à l’initiative de l’État-major de l’Armée de l’air et sous son égide, la simulation de combat se développe rapidement en France. Le premier simulateur de combat français vient d’être mis au point par le Centre électronique de l’armement (CELAR) à Bruz, à proximité de Rennes. Le but actuellement recherché est de permettre la mise au point de méthodes de combat adaptées aux avions qui seront en service dans les unités pendant les années à venir (Mirage III, Mirage V-F, Mirage F1, Jaguar) et équipés du missile autoguidé d’interception et de combat (Matra R550 Magic). La mise en service prochaine, en France comme aux États-Unis, de ce type de missile à très haute manœuvrabilité, capable de portées minimales très faibles, appelle en effet la révision de toute urgence des lactiques et des manœuvres empiriquement mises au point depuis la Seconde Guerre mondiale pour le combat aérien avec des appareils équipés d’un armement fixe (mitrailleuses puis canons) à tir axial. Les méthodes de combat avec les missiles de combat rapproché, dont le domaine de tir devra être en permanence estimé par le pilote, exigeront une mise au point longue et minutieuse, impossible à réaliser dans un cadre réel pour des raisons telles, pour ne citer que les principales, que le coût élevé des tirs d’engins, l’absence de cibles adaptées, la difficulté de la restitution précise, les délais pour accumuler un nombre d’essais significatif, etc. En permettant de figurer convenablement des cibles adverses de tous types et de simuler sous tous ses aspects le déroulement d’un combat aérien, de restituer et de reproduire à volonté les phases du combat, le simulateur doit apporter à l’Armée de l’air, en quelques séances, plus que des années de combats réels de Mirage entre eux. Il doit en résulter l’élaboration de manuels de combat adaptés à l’usage des équipages, grâce auxquels pourront être rationalisées les méthodes d’entraînement. Au-delà de l’optimisation des matériels en service, le simulateur du CELAR doit permettre une approche plus réaliste des spécifications à donner à des matériels nouveaux. L’installation de Bruz est du type simulation en temps réel. Deux pilotes placés dans des cabines de pilotage équipées évoluent à l’intérieur de sphères sur lesquelles sont projetés le ciel, la terre et l’image synthétique de l’adversaire. Chaque pilote manœuvre selon les caractéristiques de son appareil de façon à se placer dans le domaine de tir du missile dont il est équipé par rapport à sa cible.
Cette installation est animée par de très importants moyens de calcul et de communication temps réel et de nombreux servomécanismes, activés à partir d’un pupitre de commande à la disposition d’un directeur des vols. Celui-ci peut surveiller le déroulement des combats, choisir les conditions initiales de l’engagement et définir les différents modes de fonctionnement (contrôle, temps réel, play back, débriefing…).
L’exploitation des très nombreuses informations enregistrées est actuellement assurée par des équipes de spécialistes en vue du développement technique du missile et de son emploi tactique ainsi que de la mise au point des manœuvres élémentaires de combat.
En fonction des résultats obtenus au CELAR le simulateur d’études actuel pourra donner les bases pour la fabrication de simulateurs d’entraînement au combat à l’usage des unités de l’Armée de l’air. ♦