Marine - France : activité des plongeurs-démineurs de la Marine sur le canal de Suez - Pays-Bas : la Marine à l'horizon 1983 - Turquie : l'aspect aéronaval de l'affaire de Chypre - Japon : escale à Toulon de l'escadre d'instruction
France : activité des plongeurs-démineurs de la Marine sur le Canal de Suez
Nous avons mentionné dans notre précédente chronique qu’en réponse à une demande des autorités égyptiennes, notre Marine avait envoyé le dragueur Acanthe et le bâtiment base de plongeurs-démineurs Gardénia pour aider au dégagement du Canal de Suez.
Dès leur arrivée à Port Saïd, le 14 juin 1974, les plongeurs-démineurs ont rapidement commencé les opérations de recherche et de destruction dans la zone du Canal qui leur a été confiée, notamment entre le kilomètre 20 et le débouché du Canal dans le lac Timsah (kilomètre 65).
Ils ont découvert et procédé à la destruction d’un nombre considérable de mines antichars, de bombes et d’obus de toute nature, de roquettes, etc. C’est surtout dans la zone d’El Kantara que les engins découverts ont été les plus nombreux.
Nos plongeurs ne se sont pas contentés d’explorer et d’assainir la partie centrale du canal mais ils ont aussi déblayé les banquettes, tâche particulièrement délicate en raison de la présence de mines antipersonnel.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, les opérations continuent et le dragueur Acanthe a été remplacé par le dragueur Giroflée, arrivé le 16 août.
Pays-Bas : la marine à l’horizon 1983
Un programme militaire à long terme vient d’être approuvé, malgré certaines réticences, par le gouvernement néerlandais. Il s’agit avant tout d’un plan tenant à réduire le poids des dépenses militaires :
– diminution du temps de service et du nombre des unités actives dans l’armée de terre,
– réduction des bases et des escadrons Hawk et Nike dans l’armée de l’air.
Ce projet, en dépit des vives réactions qu’il a suscitées dans l’Otan, sera, en toute vraisemblance et pour l’essentiel du moins, ratifié par le Parlement.
Seule la marine, compte tenu de l’importance reconnue à ses missions, ne devrait pas sortir trop diminuée de cette réorganisation.
Les tableaux ci-après tiré de la revue Alle Hens de juillet 1974, récapitulent au point de vue matériel les trois principales étapes de son évolution durant la période 1974-1983.
Évolution de la Flotte
Catégories |
Types |
1974 |
1978 |
1983 |
Observations |
Croiseur |
De Zeven Provincien |
1 |
0 |
0 |
Retiré du service en 1977. |
Frégates |
Tromp |
0 |
2 |
2 |
En construction. |
Escorteurs > 2 800 t. |
Van Speijk |
6 |
6 |
6 |
Seront modernisés. |
Holland Friesland |
11 |
9 |
0 |
|
|
Standard |
|
2 |
9 |
12 sont prévus. |
|
Sous-marins |
Dolfin |
2 |
2 |
0 |
|
Potvis |
2 |
2 |
2 |
|
|
Zwaardvis |
2 |
2 |
2 |
|
|
Nouveau type |
|
|
2 ? |
La construction de ces sous-marins fait l’objet de discussions. |
|
Dragueurs (chasseurs de mines) |
- |
43 (4) |
36 (4) |
40 (8)* |
* Sur un total de 15 chasseurs de mines prévus. |
Grands BSL |
Poolster |
1 |
2 |
2 |
- |
Aéronautique navale
Aéronefs |
Types |
1974 |
1978 |
1983 |
Observations |
Patrouille maritime |
Atlantic |
8 |
8 |
8 |
|
Neptune |
15 |
0 |
0 |
|
|
À définir |
0 |
0 |
13 |
En remplacement des Neptune mis hors service en 1974. |
|
Hélicoptères |
Wasp |
12 |
12 |
12 |
Retirés du service après 1983. |
AB 204/206 |
7 |
0 |
0 |
Désarmés en 1976-1977. |
|
Nouveau |
0 |
6 |
24 |
WG.13 probablement. |
|
Total |
42 |
26 |
57 |
|
Ces tableaux font apparaître non seulement que la flotte ne diminuera pas d’importance mais qu’au point de vue qualitatif, elle serait même en fin de plan supérieure, les unités anciennes étant remplacées par des bâtiments individuellement plus forts. Les aéronefs de l’aéronavale seront aussi plus nombreux.
Des coupes sombres, par contre, vont intervenir dans le personnel puisque le total d’environ 16 700 aujourd’hui doit descendre à un peu plus de 13 650 en 1983. L’automatisation plus poussée des systèmes d’armes et des équipements ainsi que l’emploi généralisé de la turbine à gaz peut en partie justifier cette diminution du personnel prévue. Mais la cause principale réside dans le nombre des appelés qui sera amputé de plus de 60 %. Il en résultera pour la marine royale de nombreuses difficultés qu’elle va s’attacher à résoudre.
Le croiseur De Zeven Provincien, qui sera retiré du service dans trois ans est entré en service il y a un peu plus de vingt ans. Doté d’une puissante artillerie, il a été, il y a quelques années, aménagé en lance-missiles surface-air. Un sistership non modifié, le De Ruyter, a été au printemps 1973 acheté par la marine péruvienne dans laquelle il porte le nom d’Almirante Grau.
Le Tromp et le nouveau De Ruyter sont en achèvement à flot. Ils doivent en principe rallier la flotte en 1973. Ce sont de superbes frégates de 4 300 t propulsées par turbines à gaz, à vocation antiaérienne (1 système surface-air Tartar) et anti-sous-marine (1 hélicoptère WG.13).
Les escorteurs du type Standard (voir à ce sujet notre chronique de février 1974, p. 174) sont des bâtiments à vocation anti-surface et anti-sous-marine (ASM) de 3 600 t, également à propulsion par turbines à gaz. Quatre sur une série de 12 prévus ont été commandés début 1974 et sont maintenant sur cale. Le premier devrait commencer ses essais début 1978 et entrer en service au début d’octobre de la même année ; le deuxième suivra 9 mois plus tard et les deux autres à six mois d’intervalle. Ces quatre escorteurs seront donc en principe en service en juillet 1980. Il faudra donc que la marine commande prochainement les cinq unités suivantes si elle veut disposer des 9 escorteurs Standard prévus au plan pour 1983.
Turquie : l’aspect aéronaval de l’affaire de Chypre
La conquête par les Turcs de la partie septentrionale de l’île de Chypre a débuté, comme on sait, par l’établissement autour du port de Kyrenia d’une tête de pont à partir de laquelle ont par la suite été débarqués troupes et matériels nécessaires à la poursuite des opérations.
Chypre étant très loin de ses bases et la flotte hellénique ne pouvant de ce fait bénéficier d’aucun soutien aérien, la seule opposition à laquelle pouvait normalement s’attendre sur mer la force d’invasion était l’insignifiante marine chypriote.
Sur le papier, elle comprenait :
– 2 vieux dragueurs de 130 t ex-allemands ;
– 6 VLT du type P4 soviétique ;
– une dizaine de petits navires de pêches aménagés en garde-côtes ; armés par environ 350 hommes.
Le 19 juillet après-midi, une première vague d’assaut embarquée sur deux grands transports, une trentaine de bâtiments de débarquement appuyés par quatre destroyers, appareille de Mersin pour Chypre, tandis que d’autres forces ont, semble-t-il, eu pour mission d’effectuer des démonstrations en d’autres points de la côte, soit pour y débarquer des éléments, soit pour soutenir le moral des populations turques éparpillées dans les zones de l’île à prédominance chypriote grecque.
Le 20, à 04 00 h GMT, la force principale commence, sous la protection de l’artillerie des destroyers, à débarquer des troupes de part et d’autre de Kyrenia Durant cette opération, un patrouilleur chypriote aurait été coulé et un autre endommagé.
Le 21 après-midi, à la suite d’une erreur fâcheuse, l’armée de l’air turque attaque dans l’Ouest du port de Paphos une formation navale turque déployée sans doute dans cette zone pour s’opposer à une éventuelle intervention de la marine grecque. L’attaque est menée avec vigueur ; touché par une bombe, le destroyer Kocatepe coule. D’autres bâtiments sont endommagés mais parviennent à rallier les côtes sud d’Antatolie. Un cargo israélien, un cargo libanais et d’autres bâtiments recueillent quelques dizaines de rescapés de ce regrettable incident mais beaucoup de marins turcs sont portés disparus.
De pareilles méprises se sont quelquefois produites pendant la dernière guerre et elles sont, dans une certaine mesure, compréhensibles quand on considère la difficulté des opérations aéronavales lorsqu’elles associent deux armées différentes. En la circonstance, il est possible que ce bombardement soit dû à une erreur d’identification. Les flottes grecque et turque disposent chacune en effet de destroyers d’origine américaine absolument identiques. Le sachant, le commandement turc aurait dû redoubler de précautions. Dans cette affaire de Chypre, bien menée par ailleurs, le moins que l’on puisse dire est que la coopération entre l’armée de l’air et la marine turques laissait à désirer.
Le Kocatepe était l’un des cinq destroyers du type Gearing de l’US Navy, transférés à la Turquie de 1971 à 1973. Achevé fin 1945 mais très profondément modernisé comme tous ses sisterships, il y a une douzaine d’années, il présentait les caractéristiques suivantes :
– Déplacement : 3 600 tonnes pleine charge (tpc).
– Vitesse : 30 nœuds.
– Armement : 4/127 CA en 2 tourelles doubles ; 1 système ASROC (Anti Submarine Rocket) et 6 Tubes lance-torpilles (TLT) pour la lutte ASM ; 1 plateforme et hangar pour 1 hélicoptère.
– Équipage : 14 officiers + 260 officiers mariniers et marins.
Japon : escale à Toulon de l’escadre d’instruction
L’escadre d’instruction japonaise, forte du bâtiment-école Katori (4 100 t) et de l’escorteur Aokumo (2 150 t) et commandée par le vice-amiral Saito, a fait escale à Toulon du 19 au 23 août 1974. Sa croisière a commencé le 10 juin et finira le 12 novembre. L’escadre a déjà séjourné aux Hawaï, au Mexique, au Venezuela, en Grande-Bretagne et en Irlande. Après son passage à Toulon, elle visitera la Grèce, la Turquie, l’Italie, l’Espagne et ralliera le Japon en faisant escale dans des ports du Congo, de Madagascar et de la Malaisie.
Le séjour en France de cette escadre nous donne l’occasion de rappeler en quelques pages la situation présente de la flotte japonaise, notre dernière chronique à son sujet datant de plus de quatre ans [NDLR 2024 : en vérité, en mars 1973].
La « Force maritime de Défense », puisque tel est le nom officiel de la marine de guerre japonaise, relève du directeur général de l’« Agence de Défense » par l’intermédiaire du Chef d’état-major de la marine. Celui-ci est aidé dans sa tâche par un sous-chef d’état-major et par l’état-major de la marine dont le siège est à Tokyo.
Cette « Agence de Défense » est l’organe d’exécution de la politique militaire du pays, celle-ci étant élaborée par le Premier ministre après avis du Conseil de Défense. L’Agence de Défense est dirigée par un ministre qui porte le titre de directeur de l’agence et de qui relèvent des « directions intérieures » (civiles) et les chefs d’état-major de chacune des armées.
Relèvent du Chef d’état-major de la marine :
– les forces de combat ;
– les districts navals de Yokosuka, Hure, Sasebo, Maizuru et Ominato placés chacun sous l’autorité d’un officier général responsable des forces qui lui sont affectées ainsi que des bases et moyens appartenant au district ;
– l’escadre d’instruction ;
– les écoles et centre d’instruction ;
– les hôpitaux maritimes.
Les forces de combat sont articulées comme suit :
– une escadre appelée « force d’escorte » et une aviation navale ;
– deux divisions de vedettes lance-torpilles ;
– deux flottilles de dragueurs ;
– une escadrille de sous-marins.
Totalisant près de 160 000 t dont 120 000 de navires de combat, la « force d’escorte » comprend principalement :
– 2 frégates ASM de 4 700 tpc type Haruna (3 hélicoptères) ;
– 2 destroyers lance-missiles surface-air Tartar ;
– 40 escorteurs ASM de 1 300 à 4 000 t ;
– 20 escorteurs ASM côtiers ;
– 38 dragueurs et chasseurs de mines ;
– 4 mouilleurs de mines ;
– 18 sous-marins.
Quelques-uns de ces bâtiments inscrits au troisième plan quinquennal de défense (1968-1973) sont encore en construction ou en achèvement, notamment l’un des deux destroyers lance-missiles.
L’Aéronautique navale appartient en propre à la marine : elle comprend quelque 250 aéronefs tous construits au Japon, mais reproduisant pour la plupart des types de l’US Navy remaniés pour répondre aux desiderata et missions de la marine japonaise : patrouilleurs type P-2J (copie du Neptune américain), hélicoptères SH-3D Sea King ou autres de lutte ASM, de dragage, de sauvetage en mer. Elle compte aussi quelques hydravions ASM de conception nationale : PS-1.
Un quatrième plan de défense couvrant la période du 1er avril 1974 au 31 mars 1977 a été voté en 1972 par le parlement. Il prévoit la construction de :
– 2 frégates porte-hélicoptères de 5 200 t ;
– 2 frégates équipées l’une de missiles anti-surface, l’autre de missiles antiaériens ;
– 3 escorteurs de 2 500 t :
– 6 escorteurs de 1 450 à 1 500 t :
– 5 sous-marins dont 2 de 2 200 t et 3 de 1 800 t,
– 6 vedettes lance-missiles ou lance-torpilles ;
– 5 navires amphibies ;
– 3 navires auxiliaires,
– et l’acquisition de 122 aéronefs (dont 43 P-2J et 9 PS-1).
La réalisation de ce plan qui portera le tonnage de la flotte à 245 000 t se poursuit, avec toutefois des retards dus à l’augmentation considérable du coût de la construction navale militaire au Japon.
À ce propos, il faut noter que si les armes et équipements des navires sont de type américain mais construits sous licence, tous les navires nippons sont maintenant de conception nationale ; tous les navires prêtés à l’origine par l’US Navy ont été restitués.
Les effectifs se montent à environ à 41 000 hommes et femmes, y compris le personnel de l’aéronavale. Plus de 5 000 civils travaillent pour la marine. Le 4e plan de défense prévoit de porter les effectifs militaires à 46 000 personnes, chiffre à atteindre au début de 1977.
Les officiers de marine sont formés suivant la filière : quatre ans à l’Académie de Défense suivis d’une année passée à l’École des Aspirants et d’un séjour de neuf mois à l’École d’application. La nomination au premier grade d’officier intervient à la sortie de l’École des Aspirants.
La conscription n’existant pas au Japon, le recrutement se fait uniquement par engagements volontaires.
Pour terminer cet aperçu sur la marine japonaise, il convient de rappeler que figure à côté d’elle, à l’instar de ce qui existe aux États-Unis avec la Coast Guard, un Office de sécurité maritime. Ses missions sont très diverses : hydrographie, météorologie, police maritime, lutte contre la pollution, la surveillance des pêches, etc. Son potentiel se monte à 450 bâtiments allant de la petite vedette de quelques tonnes à l’aviso de 2 000 t ; elle possède aussi, quelques avions et hélicoptères. Bien qu’armés, ces bâtiments ne sont pas considérés comme navires de guerre et arborent seulement le pavillon national (disque rouge sur fond blanc) et non celui du Soleil Levant.
Armée par un personnel excellent, conçue et entraînée pour assurer, à l’abri du parapluie nucléaire américain, la protection du trafic côtier et des lignes de communications maritimes vitales pour la survie économique du pays, la flotte japonaise, quoiqu’en pleine expansion, est encore insuffisante.
Il ne semble pas toutefois, à moins de bouleversements politiques imprévisibles, que le Gouvernement et le Parlement japonais aient l’intention de lui faire dépasser le niveau qu’avec 250 000 t, elle atteindra en 1977. Mais il faut convenir que ce niveau lui permettrait éventuellement un rapide développement de la flotte si celui-ci était décidé. ♦