Outre-mer - Le Sahara espagnol et ses voisins - Quelques réflexions sur l'évolution de l'Organisation africaine et mauricienne (Ocam)
Le Sahara espagnol et ses voisins
Contrairement au Portugal salazariste, l’Espagne franquiste, après quelques hésitations, mena en Afrique, depuis la guerre, une politique réaliste et relativement souple. Il est vrai qu’elle ne possédait pas, sur ce continent, de vastes territoires dont les richesses potentielles auraient pu justifier les sacrifices de la métropole. Dans le golfe de Guinée, les îles Fernando Po et Annobon, qui constituent, avec le Rio Muni, le territoire de l’actuelle Guinée équatoriale, acquirent leur indépendance en 1968 ; depuis lors, les crises politiques provoquées par l’instabilité du régime du président Macias n’empêchèrent pas la poursuite d’une coopération économique assortie d’une aide financière. Il ne reste plus du Maroc espagnol que la petite enclave de Ceuta, à l’entrée méditerranéenne du détroit de Gibraltar, que la partie orientale du cap des Trois-Fourches avec Melilla et que les îles Zafarines, acquises en 1847 et situées à proximité de la frontière algéro-marocaine. Sur la rive marocaine de l’Atlantique, Tarfaya, placée au nord du Sahara espagnol à la latitude des îles Canaries et occupée par l’Espagne depuis 1476, fut reprise par l’Armée de libération nationale marocaine en 1958 ; le territoire d’Ifni, un peu plus au nord, qui avait été délimité par un accord franco-espagnol de 1904, fut restitué officiellement au Maroc en 1969 après de longues négociations. Dans la zone du tropique du Cancer, l’Espagne ne possède plus que le « Sahara espagnol » dont le territoire comprend le protectorat de Seguiet el Hamra (à l’ouest de Tindouf) et la colonie du Rio de Oro, située au nord de Nouadibou (Port-Étienne). Contrairement à Ceuta, Melilla et les îles Canaries, le Sahara espagnol est peuplé en majorité d’Arabo-Berbères et d’Africains, apparentés aux populations marocaines, algériennes ou mauritaniennes voisines. Ses soixante mille habitants se composent de quatre grandes familles ethniques : parents des tribus marocaines de l’Oued Draa et des peuplades algériennes de la région de Tindouf, les Rguibat, nomades, et les Tekna, semi-nomades dont une branche est berbère, l’autre arabe, occupent le Seguiet el Hamra ; les Maures et les Haratines du Rio de Oro ont des affinités étroites avec ceux de Mauritanie.
Le Sahara espagnol et ses voisins
Cette complexité ethnique a favorisé le maintien de la souveraineté espagnole, d’autant plus que le territoire ne présentait naguère aucun intérêt économique et que les trois pays voisins estimaient avoir des droits sur ses populations. Malgré tout, Rabat, depuis l’indépendance du Maroc, a toujours fait valoir des prétentions historiques à l’annexion du Sahara espagnol et de la Mauritanie. En 1956, la signature des accords d’indépendance avec l’Espagne fut l’occasion de présenter officiellement les revendications chérifiennes qu’un discours du roi Mohamed V, en 1958, rendit plus percutantes. Le gouvernement marocain était poussé dans cette voie par l’Istiqlal d’Allal el Fassi qui, suivi par les autres partis politiques, faisait du regroupement des terres du Sahara atlantique son principal cheval de bataille. Mais une adroite politique arabe et méditerranéenne de Madrid permit de prolonger indéfiniment la discussion et d’éviter un affrontement direct avec le Maroc sur ce problème délicat. L’affaire traînant en longueur, la Mauritanie, et avec moins d’ambition l’Algérie, purent exprimer leurs propres revendications.
La thèse marocaine se fonde sur l’histoire plus que sur l’ethnologie : notamment elle met en avant l’influence que Marrakech aurait traditionnellement exercée sur les tribus maures. Madrid a reconnu, par le traité du 7 avril 1956, l’indépendance du Maroc et, selon Rabat, s’est engagé à garantir l’intégrité territoriale du nouvel État, par conséquent, dans l’interprétation du roi Hassan, à lui restituer le Sahara à terme. Cette opération ne saurait résulter que d’un accord bilatéral mais, pour se préserver des critiques de l’Algérie et de la Mauritanie, Rabat a proposé, en 1966, qu’elle fut couverte par un référendum : la population aurait à choisir entre rester sous la tutelle de l’Espagne ou réintégrer la « mère-patrie ». L’accord bilatéral pourrait alors porter seulement sur deux points : la prise en considération, par le Maroc, du rôle stratégique joué par les ports d’El-Aioun et de Villa Cisneros dans la défense des îles Canaries ; la sauvegarde des intérêts espagnols dans l’exploitation des ressources économiques du pays. Au cours de conversations discrètes, Rabat aurait proposé à Madrid de lui concéder, pour une période déterminée, des bases militaires dans les deux ports précités et d’associer l’Espagne au Maroc pour l’extraction et la commercialisation des ressources tirées non seulement du Sahara mais aussi de la plateforme continentale.
Les prétentions marocaines se heurtent, bien entendu, à celles de la Mauritanie qui, pour des raisons géographiques et ethniques, considère également le territoire sahraoui comme sien. Il est évident du reste, que la reconnaissance du gouvernement de Nouakchott par le Maroc obtenue en 1969, soit neuf ans après l’indépendance de la Mauritanie, grâce en partie aux bons offices du président Senghor, rend pour ainsi dire caduque l’argumentation historique de Rabat qui se fonde sur des données applicables aussi bien au territoire mauritanien qu’au Sahara espagnol. Sans aucun doute, le président Moktar Ould Daddah ne tient pas à ce que cette affaire classée soit indirectement remise en question. De son côté, l’Algérie, qui mène en Mauritanie une politique active d’amitié et de coopération, ne peut soutenir les revendications marocaines, bien que le gouvernement chérifien ait montré de la bonne volonté lors du règlement des litiges frontaliers qu’il avait avec elle. Estimant détenir autant de droits que le Maroc sur les populations du Seguiet el Hamra, Alger serait peut-être soucieuse de s’assurer une fenêtre sur l’Atlantique, ce qui lui permettrait d’acheminer vers la mer le fer des mines de Gara-Djebilet situées dans la région de Tindouf. Le gouvernement algérien, cependant, se borne pour l’instant à demander la « libération de la terre arabe sous domination espagnole », position réservée qui le rend à même de consentir, suivant l’opportunité, à n’importe quelle solution, depuis l’annexion pour le Maroc ou la Mauritanie, membre de la ligue arabe depuis 1973, jusqu’à la partition du territoire entre les voisins, qui sont tous des États arabes, ou, plus simplement encore, à la naissance d’une nouvelle entité nationale.
En septembre 1970 à Nouadibou, en mai 1973 à Nouakchott, en juillet 1973 à Agadir, des réunions « au sommet » ont tenté de rapprocher les positions du Maroc, de l’Algérie et de la Mauritanie pour que ceux-ci puissent présenter un front commun face à l’Espagne. Elles ont échoué, semble-t-il, puisque le gouvernement de Rabat, depuis juillet 1974, se lance à nouveau dans une campagne d’explication et reprend, sans les nuancer, tous les arguments historiques favorables à sa thèse d’annexion.
Pour quelles raisons, après dix-huit ans de négociations discrètes qui n’excluaient pas des relations de coopération entre l’Espagne et le Maroc (accord de pêche en 1969), le roi Hassan II a-t-il décidé tout à coup de faire de 1974 l’« année de la libération du Sahara » ? Il faut noter d’abord qu’en 1972 le Rio de Oro s’est révélé riche en ressources naturelles : découverte de mines de fer dont la teneur moyenne est de 65 % et surtout mise en chantier, avec la coopération de Krupp, du gisement de phosphates de Bukraa qui représente une réserve de plus d’un milliard de tonnes et pourrait avoir une capacité de production de 10 millions de tonnes par an. Or, premier producteur de phosphates d’Afrique, le Maroc s’efforce de jouer depuis 1973 un rôle de premier plan pour la valorisation de cette production de base ; il ne peut être que gêné par la concurrence d’une exploitation contrôlée exclusivement par des pays occidentaux. Il se trouve aussi qu’actuellement l’Espagne engage un processus de succession qui sera rendu difficile par la poussée des oppositions internes et l’exemple de l’évolution portugaise. Au Maroc même, où la « Koutlah al Wattania », regroupant les deux principaux partis d’opposition, Istiqlal et Union nationale des forces populaires (UNFP), tend à se reconstituer après la mort d’Allai el Fassi, l’attitude énergique du Roi sur le problème saharien pourrait favoriser un rapprochement entre le pouvoir et ses détracteurs. Déjà, il a été décidé que l’action diplomatique en cours serait menée conjointement, dans le monde, par des membres du gouvernement et des leaders de l’opposition, tels Me Boucetta, secrétaire général de l’Istiqlal, Me Bouabib, un des leaders de l’UNFP, et M. Yata, membre du Parti communiste marocain, parti qui reste pourtant interdit sous toutes ses appellations successives. La cause immédiate de l’agitation nerveuse de Rabat n’en est pas moins la décision prise par l’Espagne d’organiser un référendum, conformément aux vœux de l’ONU, afin d’accorder au peuple sahraoui une autonomie interne que Rabat qualifie déjà d’« État fantoche ». Sur le plan international, notamment en Afrique et au Proche Orient, les rivalités idéologiques, accentuées par la crise du pétrole, sont susceptibles de donner à la thèse marocaine des alliés inattendus.
Ce dernier point est important à souligner : si la crise se développe, elle peut avoir des conséquences non seulement sur les relations régionales, mais encore sur l’unité de la Ligue arabe et celle de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). L’organisation africaine estime dogmatiquement que l’on ne doit pas remettre en cause les frontières issues de la colonisation ; de manière officielle, elle ne peut donc être que favorable à la naissance du nouvel État indépendant que semble préparer l’administration espagnole. Toutefois, parmi les membres arabes, une certaine méfiance à l’égard de la politique étrangère algérienne pourrait inciter des gouvernements à s’aligner sur la thèse de Rabat. C’est ainsi que l’Égypte et le Soudan ont exprimé leur « soutien total et inconditionnel à la cause marocaine ». Ils paraissent être approuvés, dans la Ligue arabe, par les Émirats et l’Arabie séoudite, susceptibles d’exercer des pressions indirectes sur les pays africains. Pour une autre raison, à savoir l’équilibre de l’Afrique occidentale, Dakar rejoint ce clan : à un rapprochement algéro-mauritanien correspond une ouverture du Sénégal vers le Maroc. Le Nigeria, visité récemment par le président Moktar Ould Daddah, semble opter pour la décolonisation totale et immédiate, thèse traditionnelle de l’OUA.
Comme celle de la France au Territoire français des Afars et des Issas (TFAI) [NDLR 2024 : Future République de Djibouti en 1977], la présence discrète de l’Espagne au « Sahara occidental » est, pour l’instant, un gage de paix dans cette région. Chaque gouvernement intéressé héberge un mouvement de libération dont les objectifs sont différents : à Rabat, le « Mouvement du 21 août » milite en faveur du retour du « Sahara occupé à la nation marocaine » ; à Alger, le « Mouvement révolutionnaire des hommes bleus » (MOREHOB) rejette autant les revendications marocaines et mauritaniennes que la présence espagnole ; à Nouakchott, le mouvement de libération sahraoui est partisan d’un référendum sous le contrôle de l’ONU et du retour du Rio de Oro à la Mauritanie. Une indépendance sans contrôle créerait un État vulnérable qui pourrait être livré au conflit permanent de ces tendances.
Cependant, il n’est pas impossible que le souverain chérifien, pour des motifs de politique intérieure, soit poussé à dramatiser la situation. Devant les difficultés rencontrées pour faire valoir ses droits et mis en confiance par les encouragements que lui auront valu son action diplomatique, il pourrait amorcer une pression militaire. Déjà, le chef de la IIIe Région, qui englobe les provinces marocaines limitrophes du Sahara est investi de tous les pouvoirs. Une telle entreprise serait une dure épreuve pour la nation arabe et pour l’Afrique.
Quelques réflexions sur l’évolution de l’Ocam
En juillet 1974, s’est réunie à Bangui une conférence au « sommet » des chefs d’État de l’Organisation africaine et mauricienne, précédée par une séance de travail de leurs ministres des Affaires étrangères.
Créée, à l’époque où M. Chou En-Lai considérait l’Afrique comme étant mûre pour la Révolution, afin d’assurer la défense des pays modérés francophones contre les activités subversives de partis d’opposition que soutenaient certains États progressistes, tels le Ghana et la Guinée, l’Ocam a perdu peu à peu sa raison d’exister à mesure que la situation du continent se stabilisait. Sans être, à proprement parler, structurée, elle apparut bientôt, aux yeux des États qui n’en faisaient pas partie, comme un rempart des particularismes de la francophonie, voire une survivance du « colonialisme français » ; de leur côté, certains de ses membres reprochèrent au Sénégal et à la Côte d’Ivoire d’y jouer un trop grand rôle sans pour autant contribuer à aplanir leurs difficultés internes. La Mauritanie, la première, qui désirait mettre en parallèle ses politiques africaine et maghrébine, la quitta dès 1965 tout en continuant à participer aux organismes économiques annexes. De 1970 à 1972, toutefois, depuis l’admission du Zaïre, du Rwanda et de l’île Maurice, l’Ocam regroupa l’ensemble des pays africains francophones, à l’exception de la Mauritanie et du Burundi. Sa crise la plus grave commença en 1972 avec la démission du Congo et du Zaïre, lequel n’avait pu se tailler une position à sa mesure dans l’organisation. En 1973, les chefs d’État du Sénégal, du Gabon et de la République centrafricaine (RCA) assistaient seuls à la conférence au sommet. Puis, ce furent le départ du Cameroun, à vocation biculturelle, du Tchad et de la République malgache. Mais de nombreux États démissionnaires faisaient savoir que si l’Ocam devenait une institution plus technique, plus égalitaire et plus africaine, ils reviendraient sur leur décision : à l’intérieur même de l’organisation, le Gabon et le Togo laissaient entendre que, faute d’une réforme profonde, ils feraient aussi défection.
Le « Sommet » du 10 juillet tint donc compte de cet état de crise et des espoirs exprimés ; il chercha à éliminer les causes du malaise. Les présidents ivoirien Houphouët-Boigny et sénégalais Senghor s’efforcèrent de faire oublier l’importance relative de leurs États, en proposant une répartition plus équitable des responsabilités : le siège de l’Ocam est transféré de Yaoundé à Bangui (RCA), celui de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (ASECNA) de Dakar dans la capitale centrafricaine ; le Centre de formation des statisticiens économiques s’installe à Kigali (Rwanda) et l’Institut pour l’architecture et l’urbanisme à Lomé (Togo). Succédant aux Sénégalais Diakha Dieng et Falilou Kane, le Mauricien Régis Franchet devient secrétaire général de l’organisation et le général Juvenal Habyarimana, chef de l’État rwandais, prend la place de M. Senghor comme président en exercice.
De plus, pour répondre aux critiques des États les plus pauvres contre l’égoïsme des mieux nantis, le Conseil a décidé la création d’un fonds de solidarité et de garantie. Les auteurs du projet espèrent ainsi fonder la solidarité des États-membres sur une communauté d’intérêts à construire, plus que sur la volonté conservatrice de défendre leurs particularismes communs. Leur position trouve une justification dans les attaques venues du Nigeria, d’Algérie ou du Zaïre suivant lesquelles le regroupement des pays de l’Ocam n’aurait d’autre but que d’escamoter les phases économiques et culturelles de la décolonisation. Ces accusations sont un peu légères en ce qui concerne le premier point : Côte d’Ivoire, Sénégal, Togo et même Gabon se lancent, depuis plusieurs années, dans une politique d’acquisition progressive des ressources naturelles et d’africanisation des cadres qui, dans son principe, n’est pas très éloignée de celle menée par les pays africains se réclamant du socialisme. En revanche, la « décolonisation culturelle » reste à peine esquissée. L’attachement des pays francophones à leur langue, à leur système de pensée et à leurs traditions administratives peut paraître un anachronisme à l’heure où la notion d’« authenticité » tend à se substituer à celle de « négritude ». La première comporte un retour systématique aux sources africaines pour y découvrir les bases métaphysiques d’une pensée, d’une organisation et de méthodes de gouvernement originales, alors que la seconde implique l’assimilation par un peuple noir d’un système étranger unificateur et son adaptation judicieuse aux conditions et traditions locales. L’une procède du rejet et l’autre de l’osmose.
Les chefs des États-membres de l’Ocam, bien qu’ils soient pour la plupart conscients de l’efficacité de cette culture importée, ont voulu estomper le caractère francophone de l’organisation : une mission de bonne volonté sera envoyée dans plusieurs capitales africaines et s’efforcera d’obtenir l’adhésion de pays non-francophones.
On peut se demander alors autour de quelle idée-force le regroupement s’opérera. S’il ne s’agit que de réunir un certain nombre d’États autour d’un fonds de solidarité et de garantie avec une participation à des organismes économiques annexes, l’affaire n’ira pas loin, d’autant plus que la plupart de ces instituts, sociétés ou associations annexes n’ont de raison d’exister qu’à l’intérieur de la zone franc et que, par conséquent, ils peuvent être accusés, plus que l’organisation politique elle-même, d’être manipulés par la France. S’il s’agit de constituer, dans le cadre de l’OUA, une sorte de groupement parlementaire des États modérés, les pays démissionnaires et d’autres États progressistes, qui cherchent actuellement à se rapprocher de l’Ocam, s’en éloigneront à nouveau : d’ailleurs, l’évolution économique de la plupart des membres et leurs alliances internationales ne les rangent plus parmi les inconditionnels de la modération.
Il se peut également que les chefs d’État cherchent à étendre leur association à tous les pays signataires de la Convention de Yaoundé, afin de faire de l’Ocam un instrument politique de lutte en faveur d’une harmonisation des relations économiques entre l’Europe des « Neuf » et l’Afrique ; à l’heure où la Convention doit être renouvelée et étendue aux pays du Commonwealth, les 18 anciennes colonies belges, françaises ou italiennes, ainsi que Maurice, désirent conserver les avantages que leur procurait le système antérieur. Mais leur solidarité s’exprime déjà dans un cadre africain ou mondial et a pu se manifester lors de la conférence de Kingston. Le porte-parole des quarante-quatre pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), candidats à l’association avec la Communauté économique européenne (CEE), était M. Babacar Bia, ministre de l’Économie du Sénégal. Il ne paraît ni souhaitable ni nécessaire de donner à cette communauté d’intérêts, déjà bien défendue, des prolongements politiques. Soit dit en passant, les résultats de la Conférence de Kingston ont été assez positifs : la CEE accepte d’accorder une compensation aux pays associés dont les recettes à l’exportation diminueraient de manière sensible à la suite d’une mauvaise récolte ou d’une chute des cours, compensation calculée en fonction de la richesse du pays concerné, de l’importance occupée par le produit en cause dans son commerce extérieur et de l’évolution de sa balance des paiements ; les membres associés ne seront pas obligés d’accorder des contreparties commerciales au libre accès de leurs produits dans la Communauté. Trois dossiers restent en suspens : l’aide financière pour la période 1975-1979 demandée par les ACP est de 8 milliards d’unités de compte (44 Mds de francs) alors que la CEE propose de tripler les chiffres actuels, donc d’accorder 2,7 Mds (14,85 Mds F) : les propositions des ACP concernant la coopération industrielle seront étudiées par les Neuf à Bruxelles ; le cas particulier des importations du sucre produit par les ACP sera examiné quand la politique sucrière interne de la CEE aura été définie.
Si l’on tient compte du fait que les Seychelles, ces îles de l’océan Indien qui sont dotées déjà d’un gouvernement autonome et qui accéderont à l’indépendance en 1975, ont été seules à demander leur admission à l’Ocam depuis plusieurs années, et cela parce qu’elles ont vocation à se rapprocher de la francophonie, il ne semble pouvoir exister qu’un seul moteur de regroupement d’une Ocam rénovée : une façon d’aborder les problèmes, commune à tous les pays de langue française, voire aux peuples de culture gréco-latine, et une certaine logique de progrès contenue dans la tradition française. L’Ocam ne prendra vraiment toute son importance que si elle parvient à réunir l’ensemble des pays africains dotés de cet état d’esprit, sans négliger, bien entendu, l’Algérie et la Guinée qui pourraient lui donner un intéressant dynamisme : ainsi deviendrait-elle un pôle d’attraction pour les anciens territoires espagnols et portugais d’Afrique. Dans ce vaste ensemble, comprenant des États possesseurs de ressources naturelles recherchées, une solidarité communautaire en faveur des moins bien pourvus et une coopération rajeunie avec l’Europe pourraient favoriser le développement général. L’Ocam – ou son substitut – se présenterait alors comme étant à l’avant-garde de l’OUA. ♦