Défense en France - Dans sa conférence de presse du 24 octobre 1974, le président de la République donne d'importantes précisions sur la politique de défense et de dissuasion nucléaire - Le Ministre a la Xe Session du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) : les statuts des officiers et des sous-officiers, la condition militaire et la concertation au sein des armées - Le Chef d'état-major des armées (Céma) désire améliorer la circulation des idées et assurer le progrès de la pensée militaire - Le Centre de formation interarmées du Renseignement (CFIR)
Dans sa conférence de presse du 24 octobre 1974 le président de la République donne d’importantes précisions sur la politique de défense et de dissuasion nucléaire
En juillet 1974, M. Valéry Giscard d’Estaing avait annoncé son intention de « conduire un effort d’analyse et de réflexion » afin de « définir clairement les objectifs et les moyens de la défense ». Aussi attendait-on avec impatience le résultat des études auxquelles le président de la République s’était livré et des réunions ministérielles restreintes ainsi que des Conseils de défense qu’il avait présidés au cours des trois derniers mois. Le Conseil de défense du 10 octobre avait été suivi d’un communiqué affirmant l’attachement du gouvernement à la politique de dissuasion. On ne soupçonnait pas cependant à cette date les novations importantes que le chef de l’État se réservait d’annoncer au cours de sa conférence de presse du 24 octobre.
Il s’agit bien en effet de novations plutôt que de changements dans la continuité. Certes, il y a une volonté affirmée de continuité dans la création d’une force nucléaire efficace, comme en témoignent l’hommage rendu à l’œuvre déjà accomplie et la décision, prise le 10 octobre, de mettre en chantier le 6e Sous-marin nucléaire lance-engins (SNLE), mais il y a plus que changement dans la façon d’envisager l’usage éventuel de cette force nucléaire et des forces classiques et les liens entre l’une et les autres. Cette novation est par ailleurs importante car elle nous semble susceptible de réorienter de façon plus efficace une pensée militaire peut-être trop attachée jusqu’ici à des schémas abstraits et parfois assez éloignés de la réalité historique.
Mais reprenons plutôt les termes exacts du président de la République. Après avoir souligné que la réalisation de la force nucléaire et notamment de sa composante sous-marine représentait un exploit scientifique et technique, le Président a poursuivi :
« À quoi est-elle destinée ? Quelle est son hypothèse d’emploi ? C’est là-dessus que je voudrais répondre.
Jusqu’à présent, en effet, elle est présentée comme une force de dissuasion, mais il n’est pas indiqué dans quelles hypothèses, quelles circonstances, cette dissuasion devrait s’exercer. En ce qui me concerne – je ne peux parler que de l’exercice de mon propre mandat de président de la République – je considère que la dissuasion nucléaire française ne peut être utilisée que vis-à-vis de puissances elles-mêmes nucléaires ou de puissances – hypothèse, je vous dirai tout de suite, très peu vraisemblable, mais il faut couvrir toutes les hypothèses – qui menaceraient notre propre sol. L’objet de notre dissuasion nucléaire qui alors, en effet, devrait être utilisée, c’est de s’opposer à une menace nucléaire sur notre sol de la part d’une puissance nucléaire, ou à une menace d’invasion de notre sol.
Par contre, vis-à-vis de puissances non nucléaires, j’estime que la France ne doit faire ni l’usage, ni même la menace de l’usage, de nos moyens nucléaires, et je souhaite que cette attitude, progressivement, soit reprise par d’autres, afin que les moyens de dissuasion nucléaire soient des moyens qui soient conçus, envisagés, vis-à-vis des autres types de conflit. Si, d’ailleurs, cette conception était plus largement acceptée, les problèmes qui font l’objet, en 1975, d’un nouveau début de négociations sur la non-prolifération, seraient traités sans doute dans une optique différente, puisque les pays non nucléaires n’auraient sans doute pas la même préoccupation, ou pas le même intérêt à entrer dans l’ensemble nucléaire, s’il apparaissait que, restant en dehors, la dissuasion nucléaire ne s’exercerait pas contre eux.
…L’attitude … qui consiste à ne pas faire usage de nos moyens nucléaires vis-à-vis des puissances non nucléaires comme instrument de pression ou de manœuvre peut être une des lignes qui permettrait d’éviter la prolifération de ces armements nucléaires.
Ma dernière constatation concernant notre politique de défense, c’est qu’en dehors de la situation nucléaire stratégique, nos autres moyens nous laissent très peu préparés à faire face aux circonstances très imprévisibles, très indécises du monde contemporain. C’est ainsi, par exemple, que les derniers conflits qui se sont produits en Méditerranée ont été des conflits de type classique par les moyens employés, marine, aviation, parachutistes, etc., et que si la France a une force nucléaire stratégique, elle a beaucoup orienté son effort de défense dans ce sens, et pour le reste, par contre, elle a, à mes yeux, de manière insuffisante le statut d’une puissance du rang qui est le sien. Donc, concernant la conception des autres forces, leur mobilité, leur organisation je crois que nous devons disposer de moyens conventionnels qui soient adaptés au rang de notre pays. »
Il ne s’agit pas pour autant de juxtaposer une force nucléaire et une force classique, ce qui nécessiterait une augmentation de budget importante. Il faut revoir « l’ensemble de nos conceptions stratégiques et de nos moyens car – je prends la situation telle qu’elle est, je ne cherche pas ce qui a pu conduire, dans d’autres circonstances, à des conclusions différentes – nos moyens conventionnels qui existent… ont été conçus ou orientés uniquement comme un support, ou un adjuvant, des hypothèses d’emploi de notre force nucléaire stratégique. C’était en réalité un corps de soutien ou de support dans une guerre qui était nucléaire et orientée dans une certaine direction. Or, j’estime pour ma part que les hypothèses vraisemblables du monde actuel peuvent être des hypothèses d’une tout autre nature et qu’un pays comme la France doit avoir dans les différents domaines les moyens de sa dimension et de sa réalité. Et c’est donc plutôt dans la conception, la réorganisation de ces forces, leur mobilité, le type d’armement dont elles sont dotées, que cette solution devrait être recherchée.
Autrement dit, une force nucléaire stratégique visant la menace nucléaire ou la menace directe sur notre sol et, pour le reste, des moyens militaires adaptés au niveau de puissance qui est celui de la France actuelle. Ceci peut être fait, à l’heure actuelle, à l’intérieur des enveloppes prévisibles de notre budget militaire. »
La conception et la réorganisation de nos forces ainsi évoquées par le président de la République feront certainement l’objet du 4e Plan militaire à cinq ans qui doit être défini avant la fin de 1975 et donner lieu à une loi de programme pour ce qui est de son financement. C’est une affaire d’assez longue haleine qui ne saurait être traitée en quelques réunions d’état-major et conseils de défense. Bornons-nous donc pour l’instant à quelques brèves remarques concernant les propos du chef de l’État.
Il faut noter tout d’abord leur aspect éthique. En limitant l’usage de la menace et de l’emploi nucléaire et en excluant ces éventualités à rencontre d’une puissance non nucléaire – hormis le cas très improbable où elle se présenterait en envahisseur de notre sol – et en reliant cette limitation aux négociations sur la non-prolifération des armements nucléaires auxquelles il ne serait pas exclu de voir participer la France, le président de la République rend à la politique de défense de la France une perspective de morale internationale. Ceci est de nature à lever les scrupules de tous ceux que heurtaient les équivoques entretenues par les doctrinaires sans nuances de la stratégie anticités pour le cas où seraient mis en jeu nos « intérêts vitaux » – notion dont la limite devait nécessairement demeurer floue : cette incertitude, affirmait-on, devait placer l’adversaire potentiel devant la difficulté d’apprécier la marge de manœuvre dont il disposait et l’empêcher par conséquent d’entreprendre en toute quiétude une agression qui se situerait en dessous d’un seuil nucléaire préalablement déterminé. Sans doute ce principe n’est-il pas catégoriquement récusé aujourd’hui par les propos de M. Giscard d’Estaing, mais du moins la perspective de l’enchaînement nucléaire fatal est-elle dissociée des opérations qui pourraient opposer notre pays à une ou à des puissances non nucléaires dans des conflits dont notre sol ne serait pas l’enjeu.
En affirmant par ailleurs que de tels conflits doivent être résolus par l’intervention des forces conventionnelles et que celles-ci ne sont plus liées en permanence et de façon aussi exclusive que par le passé à la force nucléaire stratégique, non seulement on n’entame pas la crédibilité de cette force mais on la valorise en en restreignant l’emploi à des cas extrêmes, certes, mais où celui-ci devient réellement plausible et où l’unanimité nationale indispensable à cet engagement capital a le plus de chances de se réaliser.
De même la nécessité, reconnue, d’un effort pour mettre nos forces conventionnelles « au niveau de puissance qui est celui de la France actuelle » tend à la revalorisation de la crédibilité globale de notre système de défense. Le fait que le président de la République n’ait pas fait mention de l’Armement nucléaire tactique (ANT) ne signifie nullement qu’il l’exclue de nos forces de manœuvre. Tout au plus peut-on penser qu’après ses déclarations sur l’emploi des armes nucléaires, le président de la République entend garder le contrôle très étroit des missiles Pluton et des ANT de la Force aérienne tactique (Fatac).
En dissociant les forces nucléaires des forces conventionnelles et en ne faisant plus des secondes les servantes des premières mais en leur reconnaissant au contraire, dans la plupart des cas, une autonomie de manœuvre que nombre d’officiers appelaient (1) de leurs vœux, la conception d’une défense ainsi esquissée met à la disposition de notre politique un instrument d’intervention qui peut être précieux dans la conduite des crises, en Europe comme hors Europe. Or ces crises constituent, dans la perspective du monde actuel, les hypothèses à la fois plus probables et le moins facilement prévisibles. Il est donc indispensable que ce corps d’intervention soit doté de moyens lui conférant une mobilité aérienne et maritime qui devra être d’autant plus grande que ce corps sera nécessairement de volume limité.
On veut espérer, comme l’a affirmé M. Valéry Giscard d’Estaing, que cet effort de réorganisation et d’adaptation de nos forces conventionnelles pourra se réaliser dans les limites actuelles de notre budget sans qu’il soit porté atteinte à la capacité nucléaire de notre pays (2) et sans que soient différées la modernisation et l’amélioration des conditions d’exécution du service militaire dont l’urgence se fait sentir.
Le ministre à la Xe session du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) : les statuts des officiers et des sous-officiers, la condition militaire et la concertation au sein des armées
Le CSFM, dont le renouvellement partiel vient d’intervenir (3), a tenu sa Xe session le 21 octobre. Présidant personnellement la dernière séance, M. Jacques Soufflet a fait une communication importante concernant :
– les projets de statuts particuliers des officiers et des sous-officiers de carrière,
– le plan destiné à la revalorisation de la condition militaire,
– les relations à l’intérieur de la hiérarchie militaire et l’amélioration des conditions de la concertation au sein des Armées.
Le ministre a d’abord mis en garde contre les confusions qu’il convient d’éviter en matière de concertation et il a précisé : « …ce domaine ne peut en aucune façon englober les options de défense ou mener à la discussion des ordres reçus. Dans l’exécution du service, la plus stricte discipline est la règle qui conditionne l’efficacité de notre défense et nul ne saurait y faillir ». Par contre, estime-t-il, il est normal que le militaire, comme tout citoyen, se préoccupe de son état, de sa condition et de sa place dans la nation. Mais il convient pour cela que chacun soit mieux informé des travaux du CSFM et que le commandement et la collectivité militaire y soient associés. Le ministre a aussi abordé la question des relations entre le Conseil supérieur et le commandement. « Certains les mettent en opposition ou encore estiment que la nouvelle institution est superflue puisque chaque échelon de la hiérarchie établit un rapport sur le moral. Il n’en est rien : il s’agit pour moi de deux modes complémentaires et non concurrents, de deux moyens d’expression offerts aux militaires pour faire connaître leurs difficultés, leurs aspirations, leurs inquiétudes. Conseil supérieur et commandement poursuivent le même but, chacun suivant sa méthode propre, et la détermination des aménagements à apporter à la condition militaire ne peut que gagner à cette complémentarité ».
M. Soufflet constate que malgré les contacts que peuvent prendre individuellement les membres du CSFM, celui-ci reste trop éloigné pour que l’ensemble des militaires se sentent concernés par son activité. Il faut donc aller plus loin.
Le ministre a alors annoncé la publication d’une instruction (4) qui, par l’association du commandement à l’activité du Conseil supérieur, tend à améliorer l’information de la collectivité militaire et à permettre aux militaires de carrière ou sous contrat de participer à la détermination de l’ordre du jour des sessions. Chaque échelon de la hiérarchie sera responsable de la diffusion de l’information relative aux travaux du CSFM et veillera à ce que cette diffusion soit aussi rapide et aussi large que possible. Tout officier général dans son commandement pourra demander au secrétariat du Conseil supérieur que des conférences soient faites pour informer sur place les militaires et répondre à leurs questions. « J’entends aussi, a dit M. Soufflet, que tout militaire puisse participer à l’évolution de la condition militaire : chacun pourra présenter ses suggestions, non plus seulement aux membres du Conseil supérieur, parfois difficiles à toucher, mais directement au secrétariat du Conseil supérieur (5) qui en rendra compte… ».
Pour compléter ces initiatives individuelles et susciter une participation collective, des groupes de travail pourront être constitués, à l’initiative de tout officier général, dans son commandement, pour étudier certains aspects de la condition militaire. Il ne s’agit pas d’instaurer des institutions permanentes mais de réfléchir en commun afin de prendre conscience des problèmes et de rechercher des solutions raisonnables. Les suggestions émises seront transmises au commandement, aux membres du Conseil supérieur et au ministre lui-même.
Répondant aux questions posées par les membres du Conseil supérieur, le ministre a donné quelques indications quant aux grandes lignes des projets de statuts particuliers des officiers et des sous-officiers de carrière pour lesquels les dernières directives seront arrêtées par le président de la République au cours du Conseil de défense qui se réunira courant décembre.
Pour ce qui est des officiers, il s’agit à la fois :
– d’améliorer leur situation matérielle par diverses mesures destinées d’une part à assurer un déroulement de carrière plus régulier et plus rapide qu’auparavant et d’autre part à modifier, à certains niveaux de cette carrière, les indices actuels ;
– de réduire dans une carrière d’officiers le nombre des franchissements de grade au choix pour obtenir dans chaque groupe de grades une progression d’échelons indiciaires plus constante qu’actuellement.
En contrepartie, la sélection pour les avancements au choix devra permettre à des officiers jeunes de tenir plus tôt qu’actuellement des emplois élevés correspondant à leurs capacités. Un procédé que le jargon administratif appelle le « tuilage » – c’est-à-dire que les échelons indiciaires de grade à grade se recouvrent – offre, pour les autres officiers, une rémunération satisfaisante sans changer de grade pour autant.
Quant aux sous-officiers – dont la condition a fait par ailleurs l’objet de mesures catégorielles inscrites au budget de 1975 – le projet de statut les concernant vise deux objectifs :
– assurer un développement de carrière plus rapide (la carrière indiciaire qui s’étale actuellement sur 24 ans pourrait être sensiblement accélérée grâce à une réduction de la durée de passage dans chacun des échelons) ;
– inciter les sous-officiers à rester en service en leur procurant une amélioration indiciaire sensible au-delà de 18 à 20 ans.
Le ministre compte également proposer l’amélioration des conditions d’accession dans le corps des officiers techniciens et faire examiner les conditions de leur passage dans les corps normaux au grade de capitaine ou celui de commandant.
En bref, ces statuts assureront une ascension plus régulière et plus rapide des échelons de solde et ils feront en sorte que la progression de la rémunération ne soit pas irrémédiablement liée à la promotion au grade supérieur. Il en résultera un développement plus harmonieux des carrières et une revalorisation de l’ensemble des rémunérations.
Le ministre a indiqué, à propos de ces projets, que lorsque leur mise au point sera terminée, c’est-à-dire après la réunion du Conseil de défense prévue courant décembre, ils seront soumis à l’examen de groupes de travail constitués dans chaque région militaire, aérienne ou maritime, ainsi qu’aux Forces françaises en Allemagne (FFA), de façon que les officiers et les sous-officiers de tous grades puissent faire connaître leurs avis et leurs suggestions. Ces travaux serviront ensuite de fondement au Conseil supérieur pour procéder à l’étude des projets, en les replaçant dans le cadre interarmées. Ainsi jouera la procédure visant, selon la volonté de M. Soufflet, à développer la concertation au sein des Armées et l’association de l’ensemble de la collectivité militaire aux grandes décisions concernant son avenir. Bien entendu, ces statuts feront aussi l’objet d’un avis du Conseil d’État. Compte tenu de ce calendrier, leur aboutissement pourrait se situer vers la fin du 1er trimestre 1975.
Le Chef d’état-major des Armées désire améliorer la circulation des idées et assurer le progrès de la pensée militaire
Le principe de la liberté d’expression des militaires est inscrit dans la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires (art. 7). Toutefois, l’exercice de ce droit est soumis à deux obligations, celle de respecter le devoir de réserve qui s’impose à tous les fonctionnaires et celle de veiller aux exigences du secret. Par ailleurs, une instruction ministérielle (6) a maintenu le régime de l’autorisation préalable dans un petit nombre de cas, notamment lorsque l’évocation publique de questions politiques met en cause une puissance étrangère ou une organisation internationale.
Ces dispositions relativement libérales – suppression de l’autorisation préalable hormis les cas mentionnés ci-dessus – n’ont cependant pas suffi, à notre avis, à assurer comme on l’aurait souhaité la reviviscence de la pensée militaire. Nombre d’officiers hésitent à écrire ou se retranchent derrière une obligation à laquelle la plupart du temps ils ne sont plus tenus, tandis que d’autres, soit par ignorance, soit par interprétation abusive de ces dispositions, commettent des articles dont les excès ou les erreurs manifestes sont plus préjudiciables qu’utiles aux thèses qu’ils veulent défendre. Plutôt que de chercher à stopper par une sévérité excessive un mouvement balbutiant et qui s’ébauche parfois avec maladresse, c’est à le faciliter tout en le préservant des débordements, que s’attachent le ministre de la Défense et le Céma dans un esprit libéral.
Le ministre lui-même a donné le signal de ce mouvement par son allocution au CSFM le 21 octobre dernier et par son instruction du même jour (7) visant à promouvoir une meilleure information des militaires de carrière ou sous contrat concernant les travaux de ce Conseil et à les y associer de façon plus large, plus directe et plus fructueuse.
C’est dans ce sens qu’agit le Céma qui vient, conformément aux directives du ministre, de signer une note (8), relative à la circulation des idées, à laquelle il entend donner la plus large diffusion. Dans ce document, le général Maurin prescrit la formation d’un Comité de lecture qui aura pour mission d’aider les officiers désireux d’exprimer publiquement leur opinion sur les problèmes intéressant la Défense et les armées.
Formé à la diligence du général directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) – actuellement le général de corps d’armée Jean-Paul Etcheverry – ce Comité accueillera les projets d’articles ou d’études émanant de ces officiers, ou éventuellement des personnalités civiles intéressées par ces problèmes, et qui souhaitent, avant publication, recevoir des avis et des conseils, leur permettant ainsi de « confirmer la justesse de leurs thèses et d’étayer leur argumentation ».
La note souligne que le Comité de lecture ne constituera en aucune façon un échelon de censure. Il s’agira essentiellement d’un organe de conseil et d’aide aux auteurs qui voudront bien avoir recours à lui. Ils connaîtront ainsi, le cas échéant, les déficiences que pourraient présenter leurs textes et y remédier. Cette procédure sera directe et aura un caractère purement facultatif. Ses avis n’auront aucun caractère autoritaire. La composition du Comité, hors de toute hiérarchie (cadres de l’enseignement militaire supérieur et personnalités civiles ou militaires choisies en fonction du sujet traité) assurera à ses correspondants une absolue discrétion ainsi que les meilleures conditions d’impartialité et d’objectivité.
Ces nouvelles dispositions devraient concourir au progrès de la pensée militaire et permettre à ceux qui veulent y prendre une part active de le faire tout en se gardant des excès cl des erreurs qui guettent parfois une pensée débridée. Tout dépendra de l’esprit dans lequel elles seront appliquées. Elles permettront en tout cas non seulement de faire connaître les idées nouvelles émises par les cadres militaires de tous grades mais aussi de provoquer un dialogue avec ceux qui, au sein de l’enseignement militaire supérieur, ont pour tâche de projeter dans l’avenir les problèmes posés par l’évolution de notre défense nationale.
Le Centre de formation interarmées du renseignement (CFIR)
Le 1er juillet 1974, le ministre de la Défense a signé un arrêté portant création du Centre de formation interarmées du renseignement (CFIR). Ce centre a pour objet de :
– donner une formation militaire supérieure commune aux officiers appelés à exercer des activités de renseignement interarmées portant sur la défense des pays étrangers,
– servir d’organisme de réflexion et d’étude pour cette discipline,
– contribuer à l’information de l’ensemble des officiers sur le renseignement interarmées.
Le CFIR est placé sous les ordres du Céma qui fixe son organisation et les conditions de son fonctionnement. Depuis le 1er septembre, il accueille à l’École militaire, dans des stages de divers degrés, les officiers appelés à servir dans des fonctions de renseignement aux échelons du Secrétariat général de la défense nationale (SGDN), des armées et des grands commandements. Il interviendra également dans la formation interarmées de renseignement dispensée dans les écoles militaires, en particulier au niveau de l’enseignement militaire supérieur. Le ministre de la Défense dispose donc maintenant d’un organisme qui, outre son rôle de formation, doit devenir le creuset des études concernant la recherche du renseignement militaire à l’étranger par les échelons les plus élevés. ♦
(1) Cf. l’article du lieutenant-colonel Ledoyer : « Pour une révision du concept d’emploi des forces », RDN, janvier 1973.
(2) Au moment où nous terminons cette chronique le chef de l’État s’apprête à passer une journée à bord du Terrible. Ce geste manifeste son désir d’établir un contact très direct avec les exécutants de la composante nucléaire sous-marine et de se rendre compte des conditions dans lesquelles ils opèrent ; il marque aussi la volonté du président de la République de faire en sorte que la France demeure à son rang de puissance nucléaire.
(3) Renouvelé le 10 septembre 1974, le CSFM, qui a pour président le ministre de la Défense, comprend 35 membres officiers et sous-officiers : 9 de l’Armée de terre, 7 de la Marine, 7 de l’Armée de l’air, 4 de la Gendarmerie, 2 de l’Armement, 3 des Services communs, 3 Personnels militaires féminins. Le tirage au sort des nouveaux membres s’opère à partir de listes regroupant tous les militaires pourvus d’un emploi dans les cadres, servant à titre français, liés au service actif pour 3 ans au moins et nommés ou promus en 1973. Le secrétaire général du CSFM est le contrôleur des armées Ducos.
(4) Instruction n° 034602/DF/CC du 21 octobre 1974 relative à l’information des militaires de carrière et sous contrat sur l’activité du CSFM et à la participation de ces militaires à la détermination de l’ordre du jour des sessions.
(5) Secrétariat du CSFM 71, rue Saint-Dominique, 75700 Paris.
(6) Instruction n° 50475/DN/CC du 29 septembre 1972 relative à l’exercice dans les années du droit d’expression sur les problèmes militaires.
(7) Instruction n° 034602/DF/CC du 21 octobre. Cf. notre article dans la présente chronique sur le CSFM.
(8) Note n° 114/DEF/EMA/CM du 21 octobre 1974.