Armée de terre - Le budget de l'Armée de terre en 1975
Les grandes lignes du budget de l’Armée de terre données ci-après ne sont pas encore définitives. En effet ce sont celles du projet de budget avant sa présentation au Parlement. Ce dernier peut donc leur apporter des modifications. Par ailleurs, il n’a pas été tenu compte des implications dans le titre V des prélèvements effectués sur ce titre au profit du titre III et décidés à la suite du Conseil de défense du 10 octobre 1974, la lettre rectificative ne nous étant pas encore parvenue.
L’utilisation des sommes transférées au titre III est connue : amélioration des mesures catégorielles et des conditions de vie des appelés. En revanche, on ignore encore quelles seront les conséquences du prélèvement sur le titre V, qui pour l’Armée de terre devrait être de l’ordre de 30 MF.
Caractéristiques générales du budget de l’Armée de terre
Ce budget s’inscrit dans le budget général qui est un budget d’austérité. La part du PNB consacrée à la défense nationale continuera à se situer en dessous de 3 %.
En 1975, le budget de l’Armée de terre s’élèvera à 11 627,5 MF en crédits de paiement pour l’ensemble des dépenses de fonctionnement (titre III) et des dépenses en capital (titre V), soit un accroissement de 13,2 % par rapport à 1974.
La part des crédits des forces terrestres dans le budget de la défense est de 26,57 %. Les proportions respectives des deux titres sont pratiquement identiques à celles de 1974 mais la tendance à l’accroissement des crédits du titre III au détriment de ceux du titre V se poursuit en 1975, notamment à la suite des récentes dispositions en faveur des personnels.
C’est ainsi que le titre III sera supérieur à 61,5 % du budget de l’Armée de terre en 1975 contre 60,5 % en 1974.
Dépenses de fonctionnement (titre III)
Les crédits alloués au titre des dépenses de fonctionnement s’élèvent à 7 148,04 MF (compte non tenu du récent transfert du titre V au titre III), soit un accroissement de 15,08 %, taux supérieur à celui du budget des armées.
Toutefois, si les augmentations sont importantes pour les rémunérations et les charges sociales, pour l’alimentation, pour l’entretien et les activités des forces terrestres, essentiellement pour ces dernières en raison de la prise en compte de l’augmentation des prix du carburant – ce qui ne signifie donc pas une augmentation de ces activités, au contraire – on constate que, dans les domaines du fonctionnement des services, des dépenses de soutien, de l’entretien des matériels et du domaine militaire, les taux d’augmentation sont très inférieurs à la hausse du coût de la vie. En fait, une fois assuré le maintien à niveau ainsi qu’une légère augmentation du pouvoir d’achat des rémunérations qui représentent 62 % du titre III de l’Armée de terre, les crédits restant sont insuffisants pour couvrir intégralement les hausses survenues. La seule amélioration obtenue est une augmentation des crédits accordés aux corps de troupe pour l’entretien des personnels.
L’analyse des possibilités offertes au titre III pour le budget 1975 conduit aux conclusions ci-après :
Un effort a été consenti pour relever la condition militaire (cadres et appelés) et pour améliorer les conditions d’exécution du service national dans les corps de troupe (vie courante), sans toutefois que cet effort soit jugé suffisant.
Les effectifs ne subissent aucun changement, ils sont maintenus au niveau de ceux de 1974 avec des mesures d’aménagements internes à volume constant, ce qui obligera à faire des réformes de structures et du système de commandement.
Par rapport aux possibilités offertes en 1974, des diminutions se font sentir sur tous les autres postes de dépenses, notamment en ce qui concerne l’entretien des immeubles et du matériel, à l’exception de l’informatique dont la tranche 1975 du plan d’équipement pourra être réalisée à 50 %.
Enfin l’Armée de terre subira une baisse sensible de ses activités (entre 15 et 20 %) imposée par les économies sur la consommation de carburant. C’est ainsi qu’au lieu de trois séjours au camp par an, les unités ne pourront guère en envisager plus de deux pour les forces de manœuvre et un seul pour les forces du territoire.
Parmi les mesures catégorielles qui ont été évoquées par ailleurs dans la chronique de défense en France du numéro de novembre, celle d’entre elles qui sont spécifiques à l’Armée de terre sont résumées ci-après :
– le nombre de repas de service alloués à certains cadres passera de 60 à 90 par an, uniquement pour les corps de métropole ;
– il est créé une indemnité de « service en campagne ». Cette prime est destinée aux personnels d’active exécutant hors de leur garnison, avec la troupe, dans le cadre de l’activité des unités, des sorties d’une durée de plus de 36 heures ; elle comportera un taux hiérarchisé et variable suivant la situation de famille ;
– le pourcentage des échelles IV passera de 38 à 40 % pour les sous-officiers masculins et de 30,5 à 36 % pour les sous-officiers féminins ;
– 800 primes de technicité (10 % de la solde de base), ouvertes déjà l’année dernière à l’armée de l’air et à la marine, seront attribuées aux sous-officiers de l’Armée de terre ;
– enfin 285 emplois de caporaux-chefs seront créés.
Dépenses d’équipement (titre V)
Pour les dépenses en capital, le montant des autorisations de programme : 5 526,1 MF (compte non tenu du récent transfert du titre V au titre III), soit une augmentation de 8,77 % par rapport à 1974, est inférieur de 25 % à celui qui aurait été indispensable pour réaliser l’intégralité du contenu physique de la loi-programme révisée et poursuivre l’effort de rénovation des conditions du service national.
Les crédits de paiement accordés à ce titre, qui s’élèvent à 4 481 MF (soit un taux d’accroissement de 10,36 %), sont calculés au plus juste pour assurer le règlement des échéances des commandes déjà lancées.
Par rapport aux besoins réels, la réduction des crédits a imposé des abattements qui ont porté plus particulièrement sur les fabrications d’armement, priorité étant donné à la poursuite du plan d’amélioration des casernements notamment, et dans une proportion de 70 %, pour l’installation du chauffage central.
La part des fabrications d’armement continue à décroître dans le titre V : de 72,9 % pour les autorisations de programme en 1970 elle n’était plus que de 66.3 % en 1974 ; elle ne sera plus que de 62.9 % en 1975.
Principaux programmes prévus pour 1975 (au sein du titre V)
Études
La réduction des crédits entraîne la limitation à la moitié des recherches à caractère général et le report de toute nouvelle étude de système, ce qui engage l’avenir pour la définition de matériels majeurs.
Les programmes maintenus, portant sur la poursuite d’études en cours, sont pour l’essentiel : l’amélioration des matériels blindés (familles AMX-30, AMX-10, VAB), des matériels de franchissement, d’artillerie (155 GCT), de télécommunications (RITA).
Fabrications d’habillement, de couchage, d’ameublement
Le renouvellement des effets en dotation sera poursuivi, le coût moyen de renouvellement annuel du paquetage est évalué à 1 153 F.
Les réalisations suivantes seront poursuivies : chemise de combat, sac de vie en campagne, filet de camouflage pour casque, équipement de toile, combinaison de travail. Certaines fabrications prévues en 1975 sont reportées : combinaison pour les équipages d’engins blindés, effets de grands froids, manteau 3/4, sacs de couchage opérationnel.
En matière d’ameublement, un effort sera fait pour l’amélioration du confort de la troupe et des sous-officiers célibataires.
Fabrications d’armement
Le programme des fabrications d’armement supporte l’essentiel de l’effort d’économie imposé. Toute nouvelle acquisition de véhicules de liaison et de camions est arrêtée, le stock de munitions est réduit, la réalisation de certains matériels est reportée d’une année : AMX-10RC, mortier de 120, AMX-30 poseur de pont.
Les opérations retenues sont les suivantes :
• matériels blindés :
– aucun financement nouveau n’est prévu en 1975 pour l’AMX-30, hormis la couverture des hausses économiques. En revanche, il sera commandé 20 chars AMX-30 de dépannage, 125 AMX-10P, et PC, 221 Véhicules de l’avant blindé (VAB).
• artillerie :
– commande de 20 postes de missiles sol-air à courte portée Roland et de 12 automoteurs 155 GCT ;
– valorisation des 12 batteries Hawk-HIP (HAWK Improvement Program) visant à augmenter leurs performances.
• électronique :
– les crédits ouverts permettront de poursuivre les commandes de postes modernes : postes des séries 13 et 213, stations radio MF (moyenne fréquence) à grande puissance, stations radiotéléimprimeurs BLU (Bande latérale unique) grande puissance et, si les études le permettent, de lancer certaines fabrications pour le système Rita (Réseau intégré de transmissions automatiques) base future du système de commandement des forces.
• engins :
– réalisation de roquettes d’instruction Pluton.
• armement léger :
– le programme LRAC de 89 mm est entièrement financé. Le système léger antichar Milan verra la sortie de 110 matériels tandis que seront réalisés 10 systèmes antichar HOT (Haut subsonique optiquement téléguidé) destinés en priorité à équiper des hélicoptères SA-341 Gazelle (voir chronique Armée de terre du mois de novembre).
En principe 30 000 armes modernes d’infanterie devraient être commandées. Cependant le choix entre plusieurs types de cet armement n’a pas encore été arrêté.
• génie :
Comme il a été dit plus haut, il ne sera pas commandé d’AMX-30 poseur de pont. En revanche le programme du Pont automoteur d’accompagnement (PAA) se poursuit normalement.
Infrastructure
Les postes de dépenses sont très nombreux et il serait trop long de les énumérer ici.
Il est simplement précisé que les opérations de construction de casernements neufs se poursuivent dans le cadre des échanges compensés ou des besoins nouveaux, en particulier en raison de la mise sur pied de régiments Pluton dans des camps.
L’effort consenti en matière de rénovation et d’amélioration est insuffisant eu égard aux besoins et au retard déjà pris : 44 % des casernements datent du XIXe siècle et 66 % ont été construits avant la Première Guerre mondiale.
Conclusion
Pour 1975 un choix a été fait à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire. Ce choix a eu pour objectif l’amélioration de la condition militaire. C’est un choix raisonnable qu’il était indispensable et urgent de faire. Mais ses incidences sur l’équipement des forces et l’infrastructure, dont les conséquences à terme peuvent être graves, font apparaître clairement qu’il est difficile de maintenir un système de défense adapté aux besoins de notre pays avec un budget inférieur à 3 % du PNB. ♦