Outre-mer - Érythrée et Madagascar
La perspective de la réouverture du canal de Suez donne une importance nouvelle à l’Ouest de l’océan Indien. Le jeu des influences qui s’exercent dans cette zone n’a pas beaucoup changé depuis un an (voir RDN, avril 1974, p. 173-176) mais l’évolution interne de plusieurs territoires, notamment parmi les États de la côte africaine, cause une instabilité qui peut favoriser une redistribution des cartes. Les événements les plus marquants ont été l’accession du Front de libération du Mozambique (FRELIMO) au gouvernement du Mozambique, l’installation d’un nouveau régime à Addis-Abéba, l’intensification de la rébellion érythréenne et la crise, à certains égards profonde, qui agite Madagascar. D’autres problèmes se profilent à l’horizon : le Kenya connaîtra sans doute une période d’instabilité quand se posera la succession de M. Jomo Kenyata, son président octogénaire ; la Communauté est-africaine (EAC) ne paraît pas être un regroupement viable, le Kenya, pour des motifs de sécurité, s’intéressant aux pays qui le bordent au Nord et la Tanzanie étant limitée dans son désir déjouer un rôle en Afrique australe par les structures laissées par l’administration britannique, structures qui, malgré des adaptations acquises non sans peine, favorisent encore Nairobi ; on peut signaler enfin que le gouvernement des Comores, devenu indépendant, se trouvera sans doute placé devant l’opposition de la population de Mayotte qui ne désire pas lui être soumise et devant un raidissement du Mouvement de Libération des Comores, installé en Tanzanie et bien introduit à l’Organisation de l’unité africaine (OUA), qui s’estime injustement éliminé du pouvoir et qui parle déjà d’engager la lutte contre un régime néocolonial.
Les accords signés par Lisbonne et le FRELIMO permettent à ce dernier de dominer le futur gouvernement du Mozambique indépendant. Le pays s’acheminera donc vers un régime unipartite dont il est difficile de discerner encore quelle sera la nuance politique. Armé par la Chine et l’URSS, ayant dissuadé la formation de groupements modérés, proche de la Tanzanie sans lui être inféodé et du Zimbabwe African National Union (ZANU) rhodésien qui ne paraît pas accepter de bonne grâce sa fusion dans le Congrès national africain (ANC) réformiste de Mgr Muzorowa, le FRELIMO n’est pas lui-même unifié sur le plan idéologique. La sagesse voudrait que ses dirigeants tiennent compte de la situation géographique de leur pays pour ne rien entreprendre qui puisse contrarier les relations économiques entretenues avec l’Afrique du Sud, par conséquent qu’ils contiennent les extrémistes. Pour obtenir ce résultat, l’influence de l’ancienne métropole ne sera pas négligeable ; elle dépendra en grande partie de la nature du pouvoir qui gouvernera le Portugal après les élections d’avril.
En Éthiopie, le régime militaire, à la suite de l’éviction de l’Empereur et de l’assassinat du général Andom, s’est engagé dans la voie socialiste, en éliminant de l’armée les cadres dont la modération permettait de contrebalancer l’extrémisme du Comité militaire provisoire (CMP) et de son organisme directeur, le DEURG [NDLR 2025 : DERG]. Le gouvernement est ainsi conduit à adopter, pour résoudre les problèmes intérieurs, des solutions radicales alors que l’intérêt du pays devrait l’inciter à plus de modération, ne serait-ce que pour obtenir de l’étranger, les aides financières, techniques et militaires dont il a besoin. Ainsi se trouve-t-il entraîné, par exemple, à vouloir triompher de la rébellion érythréenne sans avoir à négocier : il estime être le seul instrument légitime d’émancipation des peuples qui étaient placés sous la suzeraineté de l’ancien empereur et range les luttes sécessionnistes parmi les manifestations contre-révolutionnaires.
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