Cinéma - Le festival international du film militaire de Versailles
Pour la septième fois, le Festival international du Film militaire s’est déroulé à Versailles dans le courant du mois de juillet. Cette manifestation créée en 1964 a suscité des imitations à Varsovie et à Leningrad, ces deux villes n’accueillant toutefois que les films présentés par les pays du Pacte de Varsovie. La ville de Versailles, elle, peut être fière de grouper les représentants de trente-six pays appartenant à toutes les familles politiques. Cette année, la participation a été particulièrement importante puisque 26 nations ont présenté des films. 16 se sont fait représenter par des photographies et 7 pays ont délégué des observateurs. Tout près de cent films ont été projetés qui représentaient les pays suivants : République démocratique allemande (RDA), République fédérale d’Allemagne (RFA), Belgique, Bulgarie, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Inde, Israël, Italie, Liban, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suisse, Tchécoslovaquie, URSS, Yougoslavie. Le jury international, présidé par le général Usureau, était composé de personnalités cinématographiques et militaires : Gabriel Axel (Danemark), Abed Bouhafa (Tunisie), colonel André-Charles Darret (France), Eugène Hambrouck (Belgique), Czeslaw Miszewski (Pologne), Serge de Poligny (France). Il a établi le palmarès de la manière suivante :
Catégorie A (films d’instruction) :
Soleil d’Or au film Les engins de combat incendiaires et la protection (Yougoslavie),
Soleil d’Argent à L’entraînement des parachutistes et la pratique de la chute libre (Allemagne fédérale).
Prix spécial du jury au film Conçu pour tuer (Grande-Bretagne).
Catégorie B (films d’information) :
Soleil d’Or à L’Effort du Soldat (Pologne).
Soleil d’Argent à Des ailes et des hommes (France).
Catégorie C (films de télévision) :
Soleil d’Or à Aventure aux USA (États-Unis).
Soleil d’Argent à trois « flashes » : Le Sergent-Major. L’Ingénieur-Mécanicien et Les Commandos de la Marine sous l’eau (Grande-Bretagne).
Médaille et mention spéciale à Sahel (Belgique).
Les palmarès des festivals de cinéma sont presque toujours salués par des mouvements divers, celui de Versailles fait exception à la règle, chacun s’étant rendu compte que le jury avait jugé les films en toute objectivité et impartialité. Le seul regret, évidemment, aussi bien du président du jury, qui l’a exprimé, que des spectateurs, c’est que certains films de grande qualité n’aient pas pu être distingués, une multiplication insolite des prix ne pouvant que desservir le prestige du festival. Avant de procéder à une étude rapide des œuvres primées et de celles qui auraient mérité de l’être, il est nécessaire de préciser que l’expérience acquise au cours des deux récents festivals a fait ressortir la certitude que la catégorie dite de télévision est à la fois superfétatoire et équivoque, les films de télévision appartenant forcément à l’une des deux autres catégories, une distinction aléatoire n’intervenant que dans le seul domaine technique. On peut considérer comme très probable la suppression à l’avenir de ce distinguo gênant.
Le film yougoslave d’Aleksandar Arandjelovitch, Les Engins de combat incendiaires et la protection, indique les principales propriétés et les caractéristiques de divers moyens incendiaires tout en traitant des mesures de protection. Un commentaire français rend le film parfaitement assimilable pour des spectateurs non yougoslaves. Signalons que la Yougoslavie a également présenté un film d’un tout autre genre. Le Chien de Garde, réalisé par Stefan Zagorjan, nous initiant à l’élevage des chiens de garde militaires. L’aspect humain du problème a été habilement souligné et l’on comprend toute la peine que ressent le soldat lorsqu’il doit se séparer de son fidèle compagnon. Une fois de plus, la sélection yougoslave s’est révélée de très grande qualité et a bien mérité une distinction collective. Réalisé avec beaucoup de virtuosité par Erich Kobler, le film allemand L’Entraînement des parachutistes et la pratique de la chute libre, composé de deux parties, tient exactement les promesses du titre, se consacrant à parts égales entre la théorie et la pratique. Le prix spécial du jury récompense un film britannique particulièrement utile. Designed to Kill (Conçu pour tuer) que l’on doit à Gérard Holdsworth. Nous assistons à plusieurs accidents provoqués par des causes diverses et le propos du réalisateur est de souligner le danger qui consiste à être trop familiarisé avec les armes et les explosifs, ce qui peut créer un sentiment de fausse sécurité. Non sans réalisme, le film cherche à inculquer aux militaires de tous rangs la nécessité absolue de respecter tous les règlements de sécurité lors du maniement des armes et des explosifs.
Passons maintenant à la catégorie des films d’information, toujours moins austères et forcément plus accessibles au grand public. L’Effort du Soldat, réalisé par Janusz Chodnikiewicz, aurait plutôt tendance, contrairement à son titre, à présenter un très large éventail du matériel moderne utilisé par l’armée polonaise. Il n’est pas étonnant que le chef du Bureau politique de l’Armée populaire de Pologne ait déjà décerné un prix à ce film lors du Festival de Cracovie en 1974. Il faut pourtant reconnaître que nous nous trouvons en présence d’une œuvre aux qualités cinématographiques indéniables, brossant un vaste panorama de l’armement moderne et de l’effort humain pour le maîtriser et l’utiliser à bon escient. Le film français Des ailes et des hommes de Marc Flament constitue une évocation plus poétique que rationnelle de l’utilité de l’aviation. Des scènes empruntées à la réalité quotidienne (notamment l’inspection du ciel) y voisinent avec des visions d’autant plus poétiques qu’elles accompagnent d’admirables textes d’Antoine de Saint-Exupéry, dits avec beaucoup de simplicité donc d’efficacité par Claude Brasseur. Ajoutons que la France présentait aussi un autre film d’information de très belle qualité. Les 300 derniers mètres, une réalisation de Rinaldo Bassi qui a peut-être souffert du voisinage avec le film polonais L’Effort du Soldat.
Aventure aux USA de Bruce Green est un reportage de télévision sur les différentes aventures que vivent un peu partout dans le monde les soldats américains. Le but avoué de ce film est d’attirer l’attention sur la vie mouvementée des soldats afin de favoriser le recrutement de militaires de carrière. Le même but est poursuivi avec des procédés totalement différents par les « flashes » destinés à la télévision britannique. Ces films-éclair ne dépassent jamais une minute de projection et pourtant leur impact semble vraiment devoir être décisif. Il s’agit d’inciter les jeunes qui viennent de quitter l’école à s’engager dans les branches les plus intéressantes parce que spécialisées de l’armée britannique. Dans Le Sergent-Major, on nous montre un ancien surpris par l’existence que mènent de nos jours les recrues de l’armée. L’ingénieur-mécanicien présente en un raccourci vertigineux le travail quotidien d’un mécanicien du corps des Royal Electrical and Mechanical Engeneers spécialisé dans la réparation des véhicules. Le troisième « flash » primé par le jury, Les Commandos de la marine sous l’eau, présente les plongeurs en pleine action. Les autres petits films n’ont pas retenu l’attention du jury, ils sont pourtant de la même veine et cet ensemble constitue une brillante réussite du cinéma militaire d’incitation.
La mention spéciale attribuée à Sahel, de Paul Gijssels, est largement méritée puisque ce reportage sur l’aide fournie par l’armée belge au Niger possède un caractère éminemment humain. Son double but consiste à montrer à la population belge l’action pacifique de son armée et sensibiliser l’opinion publique aux problèmes vitaux des pays frappés par le malheur et défavorisés. On ne peut toutefois pas s’empêcher de regretter qu’aucune distinction n’ait été accordée à un autre film belge, Gendarmerie de Bert Struys, qui illustre de façon magistrale les multiples missions dévolues au corps de gendarmerie en Belgique, depuis la poursuite des gangs et la lutte antidrogue jusqu’aux tâches plus pacifiques d’escorte royale. Il est certain que le jury ne pouvait pas prendre en considération tous les films de valeur présentés au cours de ce festival et que son choix a été finalement difficile à établir. Pour notre part, nous aimerions encore rappeler quelques œuvres sortant nettement de l’ordinaire et qui se haussent à un niveau supérieur : Le Double Rôle de Michel Brun qui met en lumière l’aspect militaire et civil des forces armées canadiennes, Le Bond de Gutierrez Ruiz (Espagne), film d’instruction sur l’effort individuel du combattant lancé à l’assaut des lignes ennemies, Napalm I, présenté par l’armée finlandaise et qui montre les mesures de protection à prendre contre les attaques au napalm, Je sers ma Patrie de Gabor Takacs (Hongrie), vaste reportage sur le rôle de l’armée dans la nation, Le Ruban, film polonais de Stanislas Mozdzenski illustrant d’une manière remarquablement convaincante la construction rapide d’un pont par les soldats du génie, La technique de la conduite du char par le gué et sous l’eau, film d’instruction de Traian Saiciuc (Roumanie) dont le titre se passe de commentaires, Parade Aérienne d’Ilan Eldad (Israël), brillant reportage sur la parade aérienne à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’indépendance de l’État d’Israël, Le Train (Suisse) dans lequel le réalisateur O.M. Nann présente avec astuce les formations du Train effectuant les transports les plus divers, enfin Avez-vous entendu ? de Mel Horace (États-Unis), une œuvre difficile mais fort utile destinée au personnel militaire et civil travaillant dans les zones où le bruit est intense afin de les éduquer sur les mesures préventives à prendre pour éviter la perte de l’ouïe.
La très grande variété des sujets traités et la qualité technique et artistique de la majorité des œuvres présentées ont assuré le succès de ce 7e Festival international du Film militaire de Versailles. Un nouveau rendez-vous a été pris pour 1977. ♦