Les flottes de combats 1976
Ce magnifique ouvrage bilingue (anglais et français) qui paraît tous les deux ans, rivalise, on le sait, avec le Jane’s britannique. Comme lui, il constitue la bible indispensable à tout marin et le Who’s Who des unités de combat. Il y a deux ans, Henri Le Masson, qui en avait assuré pendant trente ans la rédaction, a passé le flambeau à notre chroniqueur Jean Labayle.
Tout en continuant la tradition de son prédécesseur dans la présentation des flottes de combat de tous les pays – l’ouvrage n’en recense pas moins de 60, depuis les plus puissantes jusqu’à celle, lilliputienne, de Zanzibar qui compte en tout et pour tout 4 vedettes – Jean Labayle a développé cette année les paragraphes consacrés aux armes et équipements : les photos ont été renouvelées et multipliées, ainsi que les schémas légendes permettant de situer les divers systèmes d’armes et d’équipements d’un type de navire.
Dans son avant-propos, l’auteur souligne les traits essentiels des principales flottes et leur évolution en cours. Pour nous en tenir aux deux Grands, on y note que la marine américaine « a dépassé le creux de la vague » et que les arrivées de magnifiques unités nucléaires du type du porte-avions Nimitz, les croiseurs Carolina, les super-destroyers Spruance et leurs sisterships qui sont actuellement programmés, assureront sans peine la relève de la flotte de haute mer qui recevra en outre 56 Patrol frigates. Dans les années 1980, 10 sous-marins stratégiques (SNLE) de 18 000 t, porteurs du redoutable missile Trident, sillonneront les mers ainsi que 36 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).
Pour ce qui est des Soviétiques, Jean Labayle note que, sous l’impulsion du général Gorchkov, qu’il compare au célèbre Lord Fisher [NDLR 2020 : (1841-1920) 1er Lord de la Mer, instigateur du projet dreadnought], la marine soviétique, après avoir, il y a vingt ans, cherché, en matière de sous-marins, à compenser son infériorité technologique par la supériorité numérique, s’oriente aujourd’hui vers une production de qualité supérieure. On relève en effet que les SNA soviétiques disposent d’armes aussi sophistiquées que les missiles anti-surface lançables en plongée ou d’armes Anti-sous-marine (ASM) à changement de milieu analogues au Subroc américain. Deux porte-aéronefs de 35 000 t, le Kiev et le Minsk, vont en 1976 et 1977 entrer en service. Plusieurs grands croiseurs et destroyers lance-missiles sont en construction et les plus anciens voient leurs équipements systématiquement modernisés. Le développement des canons multitubes sur les navires soviétiques prouve que la menace que font peser sur eux les missiles antisurface est prise au sérieux.
Devant cet effort des Grands pour dominer les océans, que dire de notre Marine ? Le texte de Jean Labayle constate son vieillissement et traduit l’inquiétude des marins devant l’insuffisance des crédits et l’augmentation des coûts des matériels. Des programmes pourtant indispensables comme celui des corvettes à vocation antiaérienne sont reportés à des jours meilleurs. Mais, plus encore, il déplore l’indifférence ou l’ignorance du grand public qui ne semble pas encore avoir compris que c’est sur mer et dans les océans que se joue son avenir.
Si plus personne ne nous menace directement sur nos frontières terrestres, c’est en effet du libre usage de la mer que dépendra de plus en plus notre liberté. C’est bien pourquoi même les plus petits États veulent se doter d’une marine, et c’est, là encore, une raison de plus de développer notre industrie navale d’armement si nous voulons figurer en bonne place sur le marché mondial, d’autant que la qualité de nos ingénieurs et de nos industriels ne le cède en rien à celle des plus grands. ♦