Institutions internationales - Le « Sommet » européen de La Haye - Un rééquilibrage méditerranéen de l'Europe ?
Les 29 et 30 novembre s’est tenue à La Haye une nouvelle réunion du Conseil européen, groupant les neuf chefs d’État ou de gouvernement et les ministres des Affaires étrangères. Quelques jours auparavant, dans son discours de Strasbourg, M. Giscard d’Estaing avait insisté sur la nécessité de sauvegarder l’acquis communautaire, et réclamé une politique européenne « qui ne doit être ni velléitaire ni équivoque ».
En fait, ce « sommet » de La Haye a été dominé par la peur. Les « tourments économiques et monétaires » dont parlait le Président de la République française ont contribué en effet à accuser les clivages entre les pays « sages » – République fédérale et Benelux – et ceux qui, selon l’expression du Premier ministre hollandais M. Joop Den Uyl, veulent « brûler la chandelle par les deux bouts », c’est-à-dire la Grande-Bretagne et l’Italie, la France se situant entre les deux groupes. Les premiers ont maîtrisé l’inflation, pas les autres. Aussi les Neuf ne vivent-ils pas tous à un rythme identique. Qu’il s’agisse des prix, du niveau de la production ou de l’emploi, les évolutions sont divergentes, ce qui rend difficile toute coordination des politiques économiques. Par ailleurs, avant de se retrouver à La Haye, les participants au « sommet » avaient pu prendre connaissance de l’aide-mémoire préparé par la Commission des Communautés sur les effets prévisibles d’un renchérissement du coût de l’énergie. 10 % de hausse du prix du pétrole se traduiraient par 1 % d’inflation supplémentaire et par quelques centaines de milliers de chômeurs en plus, alors que la Communauté compte déjà 5,5 millions de personnes en quête d’un emploi. Ils provoqueraient aussi une régression du niveau d’activité économique et une aggravation du déficit de la balance des paiements.
C’est à La Haye qu’il y a sept ans la Communauté européenne a pris un nouveau départ et acquis de nouvelles dimensions géographiques et politiques avec l’adhésion de la Grande-Bretagne. Elle achevait en même temps la première étape de sa construction, avec le règlement agricole et financier, portant en germe l’accroissement des pouvoirs du Parlement européen. Elle lançait enfin un ambitieux projet, celui de sa transformation en une union économique et monétaire. Les ambitions sont aujourd’hui plus modestes, parce que le ressort communautaire s’est détendu. L’Europe a connu de nombreuses crises : crises des institutions, crises agricoles, crises de l’énergie, crises monétaires, crises anglaises, crises franco-allemandes. Mais les premières ont débouché sur des accords : union tarifaire, Europe verte, élargissement. Aujourd’hui, elles débouchent sur des équivoques et sur l’ambiguïté : pétrole, éclatement des parités de change… Mais les Européens ont pris l’habitude de vivre ensemble, une zone commerciale européenne spécifique subsiste, les bases de plusieurs politiques communes ont été sauvegardées. Enfin, la Communauté en tant que telle existe, malaisément peut-être, mais suffisamment en tout cas pour que des pays d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique, soient soucieux de maintenir une association avec l’Europe, et que sur son flanc sud trois candidats à l’adhésion – Espagne, Grèce, Portugal – se fassent pressants.
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