Pour une économie du vouloir. Réponses au « libéralisme avancé »
Après Vive la société de consommation, Jean Saint-Geours s’attaque une nouvelle fois à notre système économique mais pour dénoncer cette fois les excès du « néo-libéralisme » et de l’« économie du laisser-faire » dans une époque d’« économie du savoir ». Il préconise une « économie du vouloir » qui repose sur l’intervention de la volonté dans le processus économique à tous les niveaux pour faire échec à la crise sociale et économique.
Après un bilan des défauts et des menaces qui pèsent sur notre société de production et de consommation de masse à dominante scientifique et technologique, l’auteur analyse les symptômes de la crise. L’inflation, le sous-emploi, la désorganisation du système monétaire international liée au problème des pétrodollars sont les maux les plus graves. Mais, selon Jean Saint-Geours, notre système économique a des « facultés de résistance et de récupération » qui doivent exclure un pessimisme absolu. L’Occident industriel a des atouts : équipements collectifs, installations industrielles, potentiel d’innovation scientifique et technique qui sont autant « d’instruments permettant d’imaginer les termes des nouveaux équilibres » entre individu et société, entre croissance et stabilisation, entre pays riches et pays pauvres.
Il faut donc renoncer à la gestion « libérale » du système monétaire international, abandonner les changes flottants ainsi que les doctrines « monétaristes » et l’idée que l’expansion est la cause majeure de l’inflation.
Il importe de choisir une politique économique plus sélective dans le cadre d’une stratégie industrielle globale. Ici, une responsabilité particulière incombe aux banques dont le laxisme actuel contribue à une augmentation excessive de la masse monétaire et aux chefs d’entreprise dont la politique empiriste s’accommode de plus en plus difficilement de l’instabilité monétaire et de l’incertitude.
« Convaincu que la généralisation d’un niveau élevé de moyens d’existence à l’ensemble de la population est un objectif prioritaire ». Jean Saint-Geours redéfinit les objectifs de la politique des gouvernements, excluant « le jeu trop libre des forces économiques ».
Il propose ainsi que la politique du crédit soit rendue plus efficace par l’amélioration de la prévision et la surveillance des marchés de l’emploi et des produits. Une plus grande justice fiscale faciliterait également la lutte contre les tendances inflationnistes tout comme la politique des revenus devrait mieux contribuer à « régulariser la croissance par une modification concertée ou consentie des comportements économiques ». Enfin la « restructuration planifiée de l’industrie », accompagnée d’un « redéploiement des budgets publics » (mieux alimentés en contributions directes), devrait permettre aux États de se ressaisir dans un cadre monétaire international basé sur l’existence d’un « étalon monétaire composite », une sorte de Gold Exchange Standard « convenablement aménagé et administré ». L’auteur propose un système d’« Étalon-Grandes-Monnaies » (EGM) fondé sur l’administration commune de dix à douze monnaies-clefs, convertibles entre elles mais non rattachées à l’or et gérées par une institution internationale.
Vu dans son ensemble, le système proposé par Jean Saint-Geours, ancien directeur du Crédit lyonnais, devrait aboutir à un nouveau modèle de société et de croissance. Le rythme de cette dernière serait ralenti mais non freiné grâce à une plus grande égalité des revenus tandis que la démocratisation du progrès contribuerait à « pacifier » la société de masse.
Mais tout est, reconnaît l’auteur, affaire d’état d’esprit et de volonté collective. Quel est sur celle-ci le poids de la volonté politique et publique ? Et comment la faire émerger ? Information, participation et décentralisation des décisions sont les instruments-clefs de son programme.
Ces termes ont déjà été maintes fois évoqués, par démagogie, par propagande. La lecture attentive de cette œuvre montre qu’elle dépasse en profondeur bon nombre de projets concernant ce sujet. La prise en considération de l’aspect financier international, sans la réforme duquel rien n’est possible sur le plan national, n’est pas le seul mérite de cette « réponse au libéralisme avancé ». Elle vaut qu’on s’y arrête même si en pratique sa réalisation pourrait, elle aussi, conduire à des déceptions. Certains éléments sont indiscutablement à retenir. ♦